Je suis le roi des zombies, étrange non ?! Comment un humain comme moi peut-être le roi de ces prédateurs ? Je ne sais pas moi-même. En tout cas une chose est sûre, je suis en constante guerre avec le clan des Survivants, l'autre moitié du monde. Pourtant je ne veux pas de ça, je ne l’ai jamais demandé, j’ai déclenché cette situation, mais j’ai aussi contribué à sa pause depuis quelques années déjà. Je marche dans les rues de Tokyo presque désertes, des cadavres jonchent le sol, tandis que d'autres traînent la patte au milieu de la route accidentée. Le ciel est bleu, le soleil brille, mais l’obscure mort qui naît des rues rend cet endroit paradoxalement sombre et froid. Ces créatures que j’ai engendrées, j’en avais peur au début, mais aujourd’hui tout est différent. J’ai appris à connaître ces êtres. Ils n’ont aucun souvenir de leur passé de vivant, ils n’ont d’yeux que pour moi, je suis comme un père pour eux.
Alors que je marche tête baissée, l’un d’eux apparaît à mes yeux, je le regarde. Il s’agit d’un homme d’à peu près la trentaine. Comme la plupart des zombies, il ne présente plus de pupille, son teint est pâle, ses cheveux grisâtres sont presque tous tombés et chez lui, c’est dans le cou, au bras gauche et à la jambe droite qu’on l’avait mordu. Il s’est arrêté devant moi. Même s’il est censé être mort, son souffle de râle est chaud. Je viens poser une main sur son crâne, le caresse lentement en lui disant avec le sourire :
« - Aujourd’hui encore, il fait chaud. Passe une bonne journée. »
Comme pour acquiescer, il baisse un peu la tête et repart errer. Ça peut paraître absurde, mais j’essaie de les faire revivre normalement, comme avant, sans grand progrès. Ils m’écoutent aux doigts et à l’œil, mais je ne leur demande rien en particulier. Qu’est-ce que je pourrais leur demander ? Je m’en sors bien seul. Ils n’ont aucune conscience propre, ils n’existent plus en tant que personne, ils bouffaient sans hésiter leur précédent semblable. Je peux dire que je les déteste d’un côté, mais d’un autre, chaque fois que je m’approche d’eux, que je veux leur apprendre quelque chose, il y a cet étrange sentiment qui m’envahit, une faible chaleur dans ce monde mort. Pourtant, le temps s’est pour moi arrêté lorsque tout cela a commencé, plus rien n’avait de sens, tout avait été perdu : la vie, l’espoir, le temps.
A moins que… … il y a bien une chose que je n’ai pas perdu. Je préfère en parler à mon endroit favori. Il s’agit d’une terrasse de restaurant, elle se trouve en haut d’un bâtiment de trentes étages. Tokyo est grand, mais je ne m’éloigne jamais trop de cet endroit qui est un peu devenu une maison, pour moi.
Je m’accoude à la barrière en bois marron foncé, endommagé par le temps et le vieux sang. D’ici on peut observer toute la ville, le matin, un lever de soleil tendant sa chaleur matinale pousse à commencer la journée du bon pied, et le soir, le coucher de soleil transporte l’esprit dans un profond sommeil, où tout rêve puisse naître sans pouvoir réellement se réaliser à ce jour. Au vu du soleil, je dirais qu’il doit être 14 heures, à la louche.
Je disais donc, qu’il y avait une chose que je n’avais pas perdue : l’amour. Plutôt celle qui le représente, mais on ne peut pas dire que nous avons surpassé cette catastrophe, notre amour existe, mais ne vie pas. C’est incompréhensible non ?! Eh bien dites lui en face, à celle que j’aime, qui m’est promise, mais que j’ai trahit, dont j’ai arrêté le temps et qui reste à mes côtés malgré tout.
Je dis cela, car elle approche. En me retournant je l’admire. Vêtu de sa robe blanche soyeuse aux dentelles de même couleur virevoltante au vent, sa longue chevelure sombre comme la nuit, portant dans les mains un bouquet de fleurs noires. La réalité serait magnifique, si elle n’avait pas un teint aussi pâle que la mort et des yeux aux pupilles aussi blanches qu’une feuille de papier vierge. Pour être plus claire, elle est l’une des leurs, néanmoins…
« - Jim, je suis rentrée. »
Oui, elle parle, elle se souvient de moi, elle a des sentiments comme avant, bien qu’elle ne sente plus la douleur, le plaisir, le chaud, le froid, qu’elle n’ai plus de goût, que sa force dépasse l’entendement, elle est à la fois zombie et à la fois, Léa, celle que j’aime, mais dont les yeux me rappelle ce lointain sentiment de lui avoir ôté son identité, celle de Léa Tina. C’est malgré tout cela qu’il faut que l’on m’explique… pourquoi je trouve la Léa actuelle, plus belle qu’avant ?!
« - Jim, ne reste pas trop dehors, tu vas attraper froid.
- Oui, je vais faire attention.
- Et tiens, c’est pour toi. Me dit-elle en me tendant le bouquet.
- Merci… c’est pourquoi déjà ?
- Souviens-toi, ça fais deux ans que c’est arrivé. Jour pour jour.
- C’est vrai, ça passe si vite. J’ai l’impression que c’était hier. Je me dis que j’ai de la chance de pouvoir continuer à trouver de quoi me nourrir tout les jours, à croire qu’on est en train m’aider.
- Tu as beaucoup de chance, tu n’as pas tort.
- Oui. »
Oui, c’est vrai, la chance a peut-être quelque chose à voir là-dedans. Devrais-je vous raconter ce qu’il s’est passé afin d’y voir plus claire sur ce qui nous est arrivé, ce qui est arrivé à ce monde ?!
‘‘Deux ans auparavant, en plein été 2015, le soleil était brûlant ce jour-là. Nous étions cinq à être partie en voyage pour Tokyo, nous avions décidé de visiter des villes auxquelles nous tenions tous. Celle qui était devenu ma femme quelque mois avant, tenait absolument à venir à Tokyo durant cette semaine. Si excitée d’être venue ici, elle en avait vite oubliée notre présence, alors avec mes trois amis, nous avons tracés notre propre chemin, nous avons visité ce que nous voulions jusqu’à en perdre de vue Léa. Le soir arriva vite et nous désespérions de ne plus la retrouver. Qui aurait cru que c’est elle qui nous retrouverait ? Juste devant un bâtiment d’une trentaine d’étages, nous nous étions retrouvés les gars et moi, elle était sortie de nulle part, avec à la main des dangos, ces desserts faits avec de la pâte de riz gluant et de l’eau. Elle nous avait traînés à l’intérieur du bâtiment afin de monter tout en haut, dans ce fameux restaurant à la terrasse qui offrait le même spectacle, avec de la présence humaine en plus. Cet endroit s’appelait le ‘‘Hankei’’, cela signifie ‘‘rayon’’ d’après Léa, sûrement pour faire référence à leur vue sur le soleil si éblouissant, qu’on pouvait voir jusqu’au dernier rayon.
Nous étions restés manger ici jusqu’au couché de soleil, un petit bonus qu’offrait le restaurant pour un prix acceptable. Léa me demanda de me tourner vers elle à ce moment. M’apparaissant au couleur écarlate du soleil couchant, elle me tandis un pendentif, celui que je porte aujourd’hui. Un cadeau qu’elle avait décidé de m’offrir une fois ici, sur cette terrasse, voulant me dire :
« - Jim, c’est vrai que tu es un garçon très original dans ton genre. Tu n’es pas vraiment le genre de personne que les gens aimeraient comme une célébrité, et tu as tes mauvaises manies. Je dois avouer, que je n’y croyais pas trop, de pouvoir tomber amoureuse de toi. Mais tu m’as montré une autre partie de toi, tu es une personne très gentille, pleine de compassion, tu es plus fragile qu’on ne le pense et à la fois très fort, assez pour m’avoir permis de venir ici, en vie. Peu importe ce qui arrivera désormais, je t’aime Jim, pour toujours. »
Léa était maladroite, elle aurait pu mieux choisir son début de déclaration, mais je ne pouvais pas m’empêcher de penser que malgré tout, elle avait raison et que c’était tout cela qui nous avais réunis, maladresse ou réfléchis à l’avance, peu importe. Je suis sûr qu’après m’avoir passé le collier au cou, notre baiser se dessinait au travers des rayons écarlate à l’horizon de la ville. Sans prévenir, Len Kyo, mon meilleur ami dans le groupe, aux cheveux blonds avec cette mèche qui venait cacher son œil droit, ne montrant que son œil gauche vert, venait de prendre une photo. Immortalisant cet instant. Ça, c’était avant le cauchemar.
Je contractais depuis mon enfance des crises, elles causaient chez moi une envie folle de mordre n’importe quoi, je n’avais fais de mal à personne depuis que j’ai ce problème, en général on me donnait mon médicament avant, il fallait me le donner dans les cinq minutes qui suivaient le début de la crise.
Il avait fallut qu’une crise arrive à ce moment. Léa me donna comme prévue mon médicament, dans les temps, mais même après cinq minutes ça ne s’arrêtait pas, je divaguais de plus en plus. Inquiète, Léa m’enlaça comme pour me calmer, mais tout ce qu’il arriva fut l’impensable. Mes dents vinrent se planter dans le cou de ma femme, je la mordis jusqu’à qu’elle en perdre trop de sang, elle s’effondra, morte. Pour ma part, j’étais en train de crier de souffrance, la fin de la crise venait d’arriver, laissant le désespoir s’emparer de ma conscience, après avoir tué ma compagne. Néanmoins, elle se releva.
Se dirigeant fatalement vers Len, elle le mordit à son tour lui faisant subir le même sort funeste. Ce fut seulement après, qu’elle se tourna vers moi son regard ne m’était pas visible, elle vint tomber dans mes bras, alors que je croyais qu’elle allait me dévorer, je ressentis ses gémissements et elle versa les dernières larmes qu’elle pouvait produire dans cette fin de vie, me glissant à l’oreille :
« - Pardon… je suis désolé, je suis morte, j’ai tué Len. Désolé, Jim, désolé.
- Imbécile, arrête de t’excuser, c’est de ma faute, seulement de ma faute ! Pourquoi ça arrive ? Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui se passe bon sang !? Qu'est-ce qui se passe !? Criais-je »
Enfermés dans notre bulle nous n’entendions pas les cris des victimes de Len, devenu un zombie à part entière. Ce cauchemar prit des proportions gigantesques, avant qu’on ne le réalise, tout Tokyo était en proie à ces monstres que j’avais crée. Comment était-ce possible ?! Je n’en avais aucune idée. Tout cela paraissait trop… fantaisiste.
Deux jours passèrent, j’avais bien remarqué que j’étais le seul humain à ne pas être visé par les zombies. En définitif, cet avantage nous avait poussé avec Léa, à vouloir arrêter les zombies. Notre mission n’avançait pas énormément. Nous étions sur un quai, à l’extérieur de Tokyo. Un bateau partait au loin en direction de l’Europe, j’avais vu un zombie monter à bord, mais il était trop tard. Australie, Amérique et Asie était déjà atteint par la catastrophe, si ce bateau arrivait à bon port avec tous ces zombies, ce sera la fin. Jusqu’à ce qu’un bourdonnement parvienne à mes oreilles, je me retournai et vit un avion aux moteurs fumant, descendre. Il piquait en plein vers la mer. Son point de chute final, fut en plein sur le bateau infecté. Cela m’aurait étonné qu’il y ait eu des survivants, mais en tout cas, on avait évité un drame bien pire.
Nous allions rebrousser chemin, mais nous fîmes face à Len, désormais zombie accompagné de nos deux autres amis dans le même état. Je n’ai même pas ressentit le moindre picotement au cœur, comme si je savais déjà que ça allait arriver. Néanmoins, ce qui me fit mal au cœur, vint juste après.
Un groupe de quatre survivants, ayant perdu la raison face au chaos, décapitaient tout ce qui était mort-vivant. Ils nous virent et dans leur élan de folie, allaient s’attaquer à nous. Ce fut alors que Len et mes deux autres amis se dressèrent face à eux, faisant barrage devant nous, comme pour nous protéger :
« - Len ?! Balbutiai-je »
Quatre contre trois, Len et les autres étaient lent, mais leur force les aidait, deux survivants furent bloqués par mes deux amis, tandis que Len s’approchait des deux autres. Ses chances de gagner étaient nulles. Il alla attaquer l’un des deux, mais l’autre lui balança un coup de batte en plein ventre, il finissait à terre, quelque mètre devant moi. On allait lui assainir le coup de grâce, mais je criais :
« - Non, arrête ! Crève ordure ! »
Dés cet instant, quelqu’un attrapa la batte de l’exécuteur, c’était un zombie parmi une dizaine qui arrivait vers les survivants. Len s’en tira en se relevant et prenant part au massacre. Mes deux autres amis n’avaient pas eu la même chance que Len, leur tête fut transpercé et éclaté. Livré à eux-mêmes, les quatre vivants furent confrontés à une dizaine de zombies, leur espérance de vie fut de dix secondes. Léa s’approcha de mon oreille et me chuchota tout en m’enlaçant :
« - Jim, je comprends… je comprends ce qu’ils ressentent. Les zombies se comprennent entre eux, ils ont tout oublié de ce qu’ils étaient, la seule chose qu’ils savent, c’est que tu es leur créateur. Tu es leur père. Un être cher pour eux, celui qui leur a permis de devenir ce qu’ils sont, sans regret. J’en suis aussi coupable et je prendrais sur moi autant de malheur qu’il le faudra, mais en attendant, tu dois prendre une décision Jim. Tu peux leur donner un ordre. Tu dois te décider, manger les humains n’est pas une nécessité, ils veulent juste agrandir la famille, t’aider à ne pas te sentir seul. Choisis, Jim. »
Il ne fallait pas me le dire deux fois. Dans la soirée, nous étions arrivés au restaurant préféré de Léa, le Hankei. De là, sur cette terrasse, je regardais au loin et allait lancer mon ordre aux morts de ce monde :
« - Arrêtez-vous ! Je l’ordonne à tous les zombies de ce monde ! Laissez les humains en paix, et rester ainsi, jusqu’à que je trouve un moyen de vous redonner une vie normal ! Attaquez-les, seulement si vous êtes en danger, faite preuve uniquement de légitime défense ! S'il vous plaît, arrêtez-vous ! »
Je me tournais vers Léa, me demandant si mes ordres avait bien était entendu, puis j’ai pu entrevoir derrière elle, Len agenouillé, la tête baissé les mains au sol, comme pour m’obéir comme un valet face à un maître. Ma surprise fut général lorsque je remarquais toutes les rues visibles remplies de zombies dans la même posture que Len. Ils m’avaient obéit. Mon statut de roi des zombies était désormais imposé et réel.’’
Voilà tout ce qu’il y avait à savoir. C’est en me remémorant cela, qu’une question me traverse l’esprit, je la pose à Léa qui est concernée :
« - Dis-moi Léa. Pourquoi tu étais si calme ce jour-là ? Comment as-tu deviné ce que j’étais capable de faire ?
- Les zombies ont leur propre façon de communiquer. Je les ai écouté tout le temps, j’ai appris à les connaître, à ressentir ce qu’ils souhaitaient. J’ai accepté le fait d’être morte et leur motivation. Je ne sais pas si le choix que tu as pris était le bon, mais je suis heureuse, le fait d’être avec toi me rend tout simplement heureuse. »
Ces paroles me réchauffent le cœur, néanmoins, ce qu’il me faudrait aujourd’hui, ce serait des preuves scientifiques, concrètes. Qu’est-ce qui déclenchaient mes crises ? D’ailleurs, pourquoi celles-ci ont cessé juste après la catastrophe ? Pourquoi se sont-ils transformés en zombies parce que j’ai mordu Léa, créant une réaction en chaîne ? Pourquoi Léa seulement est-elle encore capable de raisonner comme un humain ? Pourquoi les zombies ne pourrissent pas ? Je voudrais bien l’aide du clan des Survivants, mais ils savent déjà qui je suis et ce que j’ai fais. Mon sort ne sera pas très gai si je me rends à eux. Ce ne serait pas étonnant d’en voir débarquer ici. Je ne sais pas ce qu’il va arriver à l’avenir, mais une chose est sûr, ce ne sera pas de tout repos.
Peu importe, j’aime ma vie actuelle.
Le lendemain, je suis encore assis au bord du quai de la gare. J’attends Len, je lui ai dit de venir tôt ici, dans ces environs du matin. Une main se pose sur mon épaule, en me tournant je découvre qu’il ne s’agit pas de Len. Il me semble que c’est une femme, au vu de sa poitrine, très peu présente, elle porte une combinaison toute noire qui la recouvre des pieds à la tête et son visage est couvert d’un masque à gaz. Sans prendre le temps de me poser de question, cette personne parle :
« - Salut »
Qui est-elle ?
''Même si le temps s'arrête, la vie continue.''