Chapitre 1 - Une fille

« Qu’est-ce qu’il fait frais dehors ! J’ai décidé d’aller marcher un peu, mais j’ignorais que l’atmosphère serait aussi frigorifique à l’extérieur ».

Le soir de mon départ, j’avais dormi dehors à la terrasse d’un restaurant sous une pluie torrentielle. En me rappelant bien, je sais que les douleurs dues aux courbatures et à la fièvre que j’avais attrapée m’avaient poursuivies tout le reste de la semaine.

 

Ce jour-là, c’était un mercredi. Et, généralement, le mercredi soir à HoldTown, c’est comme un jour de carnaval - bruyant et bondé - Ce qui est d’autant plus étrange, c’est que ce mercredi soir était d’un calme consternant. On sentait bien qu’on était en plein milieu de la semaine, contrairement à l’accoutumé. J’avais tellement froid que je m’étais rendu chez un boutiquier du coin pour me prendre un bâton de cigarette et le tirer vite fait bien fait afin de recouvrir une température plus régulière, plus agréable.

                    

- Salut Saul. Tu peux m’avoir une Lite ?

- Hey ! Jeune homme, ça fait longtemps que je ne t’avais pas vu. Tu deviens quoi ?

- C’est vrai que je n’ai pas mis les pieds ici depuis un bon bout de temps. J’étais très occupé et disons, qu’aujourd’hui, je le suis nettement moins.

- Je vois.            

- Mais, à part ça, rien de bien… spécial… n’a changé.

- Ok !

- Alors, tu as de la Lite ?

- Ah oui ! Mais… tu fumes maintenant ?

- Oui !

- Et, depuis quand ?

- C’est une longue histoire.

Une longue histoire qui a commencé à peine cette matinée.

 

En fait, la première fois que j’avais essayé de fumer une cigarette, j’avais ressenti une étreinte monstre au niveau de la gorge et de la poitrine. Ce fut la première, la seule et unique fois que j’en avais pris. Je n’étais âgé que de 10 ans et, après avoir eu la peur de ma vie, je m’étais promis de ne plus jamais y retoucher. Ladite cigarette appartenait à un de mes cousins et je dois aussi avouer que mon choix d’arrêt était peut-être influencé par ses menaces de me trahir aux parents ainsi que par la sacrée raclée qu’il m’avait foutu, ce jour-là. Après ce vilain épisode, j’ai quand-même tenu pendant quinze ans avant de retenter l’expérience.

Et, ce, à l’un des pires instants de mon existence.

 

- Je ne t’ai jamais vu en prendre auparavant et je ne m’en suis jamais douté. Pourtant, je m’y connais plutôt bien dans le « métier ».

- Oui, beh…

- Tu sais, si tu n’es pas habitué à fumer, il vaut mieux ne même pas le tenter. Trop de gens essaie de lutter contre ça et finissent quand-même par y laisser leur peau. Si ce n’est pas encore un vice pour toi, je te conseillerai vraiment de ne même plus y toucher.

- Ah d’accord ! C’est bon !

- Toi, tu as encore de la chance, mais regarde-moi. Je prends des NICORETTES chaque jour pour faire passer l’envi de fumer. Petit, mon alimentation principale est un chewing-gum de sevrage au tabac. Ce n’est pas une vie d’ange ! Ni d’humain, d’ailleurs.

- Je t’ai dit que j’ai compris. Je… je n’en prendrais plus. Ça te va ?

- Je le dis pour ton bien.

- D’accord. Bon ! J’y vais. Bonsoir.

Depuis quand est-il aussi bavard, lui ?

 

Ce soir-là, Kain, le boutiquier m’avait bien emmerdé. Bien qu’étant une connaissance d’antan plutôt très sympathique, il m’avait remonté au plus haut point. C’est peu dire, d’ailleurs. Il m’avait même tellement énervé qu’il m’avait fait passer l’envie de fumer, si vous voyez ce que je veux dire. Ajouté à ce que m’avait impérativement conseillé ma grande sœur un peu plus tôt dans la journée, après avoir rincé mes vêtements et y avoir trouvé un mégot, l’envie de fumer était à deux doigts d’être définitivement exorcisée de ma vilaine gueule.

 

Toujours ennuyé, je rôdais alors dans les rues de HoldTown en attendant le moment où l’ennui m’aurait suffisamment assailli pour pouvoir retourner dans mon nid. Je songeais à me prendre un verre, mais j’étais fauché comme un blé. Je n’avais que quelques centimes sur moi, à peine de quoi me prendre un bâton de cigarette. Mais, je crois que je n’ai plus vraiment à expliquer pourquoi cette hypothèse n’était plus envisageable.

Comme je n’avais cessé de m’ennuyer à déambuler dans cette rue bien trop familière, j’avais décidé de repousser un peu plus loin mes horizons et d’aller voir ce qui se cachait derrière le brouillard. Ainsi, je passais devant une épicerie en face de la station-service où quelqu’un qui semblait me reconnaître m’avait interpellé.

 

- Hé toi ! Mais… tu portes un short, ce soir. Alors, finalement, tu es un fou où tu n’en es pas un ?

- Pardon ? Dis-je, à moitié étonné par la courtoisie de l’homme qui m’avait interpellé.

- Hi… hier… tu te pavanais torse et pieds nus par ici. Tu avais les larmes aux yeux et tu déblatérais des regrets et des jurons. J’ai bien cru que tu étais un aliéné. Mais, là, je me rends compte que tu étais juste un type qui avait perdu son chemin et qui avait le mal du pays. Alors, ça y est ? Tu t’es retrouvé ?

- …?

- Sinon, ça arrive régulièrement de se faire raquetter dans le coin. C’est un quartier quand-même assez dangereux. Fais attention à ne plus tomber sur des voyous la prochaine fois.

Sans prendre la peine de porter davantage mon regard sur le monsieur, je retournais mes yeux en direction de la voix que je suivais. J’étais à la fois touché par la véracité de ce que cet homme avait dit et, un chouia, gêné. À vrai dire, j’étais surtout ennuyé par cette soirée maussade et mon choix n’allait évidemment pas être qu’elle le soit davantage. Il fallait donc que je cherche vite autre chose à faire avant de littéralement mourir d’ennui. Et, même si cet homme indiscret était loin de raconter des balivernes à ce moment-là, je n’étais néanmoins pas disposé à concéder quoique ce soit à qui que ce soit.

J’étais sous mon plus mauvais jour… ma plus mauvaise nuit.

 

Vous vous demandez sans doute pourquoi j’étais débraillé la nuit où cet homme m’a vu pour la première fois. Bah ! Tout simplement parce que j’avais l’intention de mourir, ce soir-là.

Ce n’est pas bien compliqué à piger, quand-même ?!

 

En voyant de plus en plus de visages familiers sur le chemin que je poursuivais, j’avais décidé de faire un demi-tour avant d’être embarrassé davantage. En étant reconnu pour mes scènes de folie par un groupe de personnes, par exemple.

Je savais bien qu’il fallait que je mette le pied dehors, un jour. Mais, ce soir-là, je n’étais vraisemblablement pas encore prêt à « enfiler une nouvelle chemise ».

 

En rebroussant mon chemin, j’avais décidé de traverser la route, me rendant ainsi en direction de la station-service… J’avais le regard arraché autour de mon chemin parce que je continuais d’inspecter les alentours en quête d’un potentiel ex-spectateur d’Ethan Le Fou. Comme je boitais un peu et que j’avais l’orteil à peine nettoyé – la veille, j’avais rentré le pied dans une pierre en marchant pieds nus. Résultat : j’avais l’orteil entièrement humecté de sang – je sentis une horrible douleur lorsque mon pied heurta à nouveau quelque chose…

Du moins, c’est ce que je pensais avant de me retourner et de m’apercevoir que ce quelque chose était, en fait, une personne… une… une fille ?

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Le Diable
Posté le 26/08/2024
Il a décidément bien du mal à mourir - ou à vivre, selon la perspective qu'on prend - ce pauvre narrateur..... Les phrases en italique rajoutent du piment blasé au texte.
ABChristLéandre
Posté le 27/08/2024
C'est fait pour ! Merci pour votre appréciation. Je suis ravi que ce chapitre vous plaise et je vous souhaite bonne lecture pour la suite !
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