Chapitre 10

68.

 

Des plumes, déclinées dans de multiples nuances de rouges et de verts, bruissent doucement au souffle d’un vent onirique, et juste devant la porte, des clous rouillés retiennent de longues chevelures tressées. Le contact froid du pistolet dans la poche intérieure de sa veste gêne Griffon. Hésitant, il s’arrête sur le seuil du Deck.

Mon Deck.

Des fantômes s’y précipitent par dizaines et se bousculent pour entrer, les éléments colorés font un contraste saisissant avec le panaché de gris qui compose les ectoplasmes, ainsi que l’extérieur.

Les rêveurs effectuent tous un même rituel qui n’a pas de sens pour Georges : ils se déchaussent à l’entrée du Deck, font tinter une cloche accrochée à la droite de la porte du plat de la paume, puis joignent leurs mains en une prière muette.

Perplexe, Georges les regarde faire jusqu’à ce qu’une petite voix le sorte de sa torpeur :

— Ne voulez-vous pas entrer ?

Une fillette est debout devant la porte, ses cheveux forment une longue cascade de boucles claires. Georges écarquille les yeux : la ressemblance avec Bebbe est si frappante qu’il ne doute pas une seule seconde qu’il s’agit bien d’elle. Ses lèvres ainsi que le contour de ses yeux sont teintés de rose, ses cheveux et ses cils sont blond vénitien et elle porte une robe couverte de couleurs chatoyantes.

Elle est comme Grenade : pas vraiment une rêveuse, mais pas non plus une voyageuse.

— Quel est cet endroit ? Il semble... singulier. Pourquoi est-il coloré alors que le monde du rêve est monochrome ?

Le double de Bebbe l’observe de ses grands yeux.

— Parce que c’est un vrai temple : sa réalité est ici, dans Limbo. C’est le Deck de l’oiseau-esprit, le temple du rêve.

Elle hésite et ajoute :

— Comme c’est étrange… Tu ressembles un peu à mon frère. Es-tu un Ver de rêves, toi aussi ?

La gorge nouée, Georges répond d’un ton crispé :

— C’est parfois comme cela qu’on m’appelle.

— Veux-tu entrer ? Tu pourras le rencontrer, car il est la divinité de ce temple, mais il faut que tu enlèves tes chaussures d’abord.

Griffon se déchausse et elle s’écarte de la porte pour le laisser passer. Il avance d’un pas hésitant. Au milieu du Deck se trouve un grand bassin d’eau, dont s’échappent de longs panaches de vapeur bouillante et une autre enfant, semblable à la première, verse des louches de liquide sur des pierres brûlantes. L’endroit ressemble à une étuve, envahie d’odeurs florales.

Assis sur des serviettes éponges, les rêveurs se sont délestés de la plupart de leurs vêtements et semblent attendre que quelque chose se passe, dans un état second, tandis que l’humidité ambiante dépose des milliers de gouttelettes sur leur peau.

Au milieu de ces créatures fantomatiques se déplacent en silence des fillettes, portant bassines, serviettes ou encore verres d’eau. Tout au fond de la salle, l’une d’entre elles coupe avec soin les longs cheveux d’une rêveuse à peine plus âgée qu’elle. Toutes ces fillettes arborent le même uniforme et présentent le même visage ; il en compte dix et son cœur se met à battre plus fort.

Dix clones, nés dans la version alpha de leur univers, celui où leur mère avait tué leur père pour avoir joué avec l’identité de leur fille ; dix clones avec lesquels son autre lui a fui, il y a des millénaires, pour se réfugier corps et âme dans un monde onirique qui lui ferait perdre la tête ; dix clones, enfin, prisonniers pour toujours, qui ne vieilliraient pas, ne changeraient pas, jusqu’à se fondre dans l’essence même du rêve. Tout comme Grenade à bord du Machina...

Le pistolet pèse plus lourd que jamais dans sa poche. Il se sent perdu. Finalement, il se trouve seul face à tout ça : il ne peut faire confiance ni à son père mourant, ni à la Famille, ni à ces Piliers dont il ne sait rien, mais il ne peut pas laisser cette situation continuer pour l’éternité.

Il s’approche du bassin d’eau brûlante où, assise sur la margelle, un des clones est en train d’essuyer la vapeur qui coule sur le front d’un rêveur. La fillette finit par lever les yeux vers lui.

— Qui es-tu ? Tu ressembles drôlement à mon frère.

— Je sais, dis-moi où je peux le trouver.

Elle jette un regard furtif vers un escalier creusé dans le sol du Deck.

— Il est en bas. Il doit s’occuper des bêtes, les créatures de Limbo qui se sont perdues…

— Des cauchemars ?

— Oui et non. Nous avons des cauchemars, mais pas seulement. Il y a d’autres sortes de bêtes.

— Des rêveurs ?

— Non, les rêveurs finissent toujours par se réveiller, mais nous avons des voyageurs comme toi, parfois. Je ne peux rien dire d’autre sur les bêtes, c’est secret. Mais tu peux descendre voir mon frère si tu veux et tu pourras les voir.

Georges accepte l’invitation et emprunte l’escalier étroit qui descend dans les entrailles du rêve. Des bougies sont posées sur les marches et diffusent des ombres effrayantes à son passage. L’escalier n’est pas très profond, il débouche sur un maigre couloir qui se termine par une grille, où l’a accompagné l’une des dix fillettes. Elle le fixe de ses yeux délavés tout en fumant une longue pipe à la fumée odorante et déverrouille lentement la porte.

— Tu peux entrer, mais sois prudent.

Derrière le battant de métal, des formes grouillent dans un océan de noir ; Georges avale sa salive et dépasse la porte qui se referme en grinçant. Il sent la sueur mouiller son dos tandis que tout autour de lui résonnent une multitude de petits bruits bizarres et angoissants.

Il ne sait pas quel genre de bêtes se trouvent dans ces sous-sols, mais tout serait préférable à ce noir. Au loin, il aperçoit une lueur et plisse les yeux. D’un pas mal assuré, il avance doucement tandis que sa main se glisse dans sa poche de poitrine ; ses doigts se referment sur la crosse du pistolet. Il trébuche sur un corps froid et visqueux qui pousse un sifflement de colère. Les bêtes s’écartent en silence, mais Georges sent leur souffle sur ses vêtements. La lueur se fait plus forte tandis qu’il s’approche.

Assis sur un siège en pierre, vêtu de sa redingote râpée et le cou ceint de sa fraise poussiéreuse, le Griffon l’attend. Georges ne peut s’empêcher d’imaginer son père installé sur son propre trône, avec sa tête de Cerf, mais il n’est pas le problème, pour une fois.

Ce truc là-bas, il s’agit de moi.

Les yeux du perroquet le contemplent, très fixes, comme ceux de Bebbe. Georges tend le pistolet devant lui, le cœur battant à tout rompre et aussitôt, un long murmure parcourt l’assemblé, mais le Griffon ne bouge pas. À peine secoue-t-il la tête.

La bouche sèche, Georges se rapproche à pas lents. Il se sent gauche et imbécile, il aurait dû sortir l’arme et tirer ! Maintenant, ce n’est plus qu’une question de secondes avant qu’une de ces créatures ne lui tombe dessus. D’un doigt peu sûr, il désactive la sécurité et vise son cauchemar plus soigneusement.

— Tout ceci me consterne, mais c’est pour Grenade et Bebbe.

Il ne reconnaît pas sa voix, étrangement aiguë et peu assurée, et tire au même moment que le cri retentit :

— NOOONN !

La balle part se loger dans le plafond tandis qu’un petit corps s’accroche de toutes ses forces au bras de Georges qui perçoit les boucles d’une des enfants. Aussitôt, un intense remue-ménage éclate autour d’eux.

Avant qu’il ait eu le temps de faire quoi que ce soit, Georges sent des centaines de choses pointues s’enfoncer dans sa jambe gauche et il pousse un glapissement d’effroi.

Des dents !

Le pistolet lui échappe des mains et disparaît dans les ténèbres. La souffrance est atroce. Bebbe le lâche, elle tient une torche et l’abat sur le crâne de la créature qui abandonne la jambe de Georges et s’enfuit en feulant. D’un grand geste circulaire, l’enfant fait reculer les autres bêtes qui renoncent à leur proie.

— Arrière !

Le regard voilé, Georges la regarde faire, et à peine aperçoit-il une foule de pattes, de tentacules, de poils et d’écailles tandis que la douleur remonte le long de son mollet ; il doit serrer les dents pour ne pas crier une nouvelle fois.

Le Griffon se lève et les bêtes reculent d’un même mouvement instinctif. À la lueur des torches, Georges parvient à distinguer leurs hautes silhouettes, parfois animales, parfois humanoïdes ainsi que leur chef qui s’approche.

— Tu ne dois pas lui faire de mal, supplie Bebbe en parlant à Georges. Tu ne sais pas à quel point sa présence ici est indispensable.

— Que dois-je faire alors ? Cette situation ne peut pas durer éternellement !

« Non, elle ne le peut pas. »

Ce n’est pas Bebbe qui vient de parler. La voix est très rauque et éraillée et pourtant Georges reconnaît les inflexions de son propre timbre dedans : c’est la voix du Griffon.

Il est encore capable de parler !

Cependant, il ne s’agit pas d’une vraie voix, plutôt d'une résonance à l’intérieur de son crâne. La créature s’arrête juste devant lui : sa silhouette le dépasse de plusieurs têtes, et son haleine lourde parvient jusqu’aux narines de Georges. Les yeux de la bête se posent sur Bebbe.

« Tu n’as pas le droit de franchir la grille, Numéro 7. »

L’enfant baisse les yeux.

— Je sais. Pardon, je ne voulais pas qu’il arrive malheur.

Quelque chose coule le long de la jambe de Georges ; sans doute du sang. Les mains du Griffon se lèvent — pour peu qu’on puisse appeler mains ces pattes de lion — et se posent de chaque côté de la tête de Georges ; bien que les griffes soient rétractées, il peut en sentir les pointes contre sa peau. Le regard mécanique de l’oiseau se plonge dans ses prunelles.

« Je te cherche depuis si longtemps. Nous devions parler, mais tu me fuis… et quand enfin tu viens à moi, c’est dans le but de me tuer. »

— Pour Bebbe et Grenade...

« J’ai besoin de mes sœurs. Elles sont indispensables à cet endroit et sans ce Deck, ce monde deviendrait un endroit beaucoup trop dangereux. Elles le savent et l’acceptent. »

— Et Grenade ?

« Je ne peux plus l’approcher ni la sauver. Cela fait beaucoup trop longtemps qu’elle est dans le rêve, mais tu peux faire quelque chose pour elle et pour moi. C’est pour ça que je te cherchais. »

Georges déglutit, car il pressent ce que la bête va lui demander.

— Je ne peux pas la tuer.

« Libère-la, avant qu’elle ne puisse plus maintenir une personnalité cohérente : c’est la seule chose à faire. Déjà, elle vacille. J’essayerai de t’en empêcher, mais il faudra le faire malgré moi... »

— Je ne peux pas…

« Tu ne veux pas. »

Georges ne sent presque plus sa jambe gauche et des vertiges lui font perdre l’équilibre. Autour, les cauchemars grognent, mais aucun n’ose s’approcher du Griffon qui conclut en se tournant vers Numéro 7 :

« Fais-le sortir maintenant, il n’a plus rien à faire ici. »

L’enfant agrippe Georges par la taille et le force à effectuer des pas hésitants jusqu’à la sortie. Une fois la porte à barreaux derrière eux, Georges se laisse tomber sur les marches et la petite fille grimpe l’escalier à toute vitesse avant de revenir avec une bassine d’eau et une serviette chaude.

— Il faut que je regarde tes blessures.

Elle retrousse l’ourlet du pantalon poisseux de sang et nettoie soigneusement les multiples marques de morsure. L’homme la fixe avec attention avant de demander :

— Cela te convient-il vraiment ? Je veux dire, de demeurer ici…

Bebbe lève les yeux vers lui et son expression est grave. Il fixe les prunelles grises : ce ne sont pas les prunelles d’une enfant, elles semblent plus présentes que celles de la Grenade du bateau.

— C’est comme ça, Georges. C’est ma vie.

Il frémit : il ne lui a pas dit son nom. Elle sourit.

— Je voulais te poser une question : dans cet autre monde, là-bas, est-ce que notre vœu a été exaucé ?

Georges pense à Honorine, à tout ce que Cerf lui a révélé et a un petit rire nerveux, malgré la douleur de ses morsures.

— Tout dépend du vœu…

— Est-ce que nous sommes devenues grandes ?

— Oui.

— Nous avons eu des enfants ?

— Oui, énormément.

Les yeux de l’enfant éternelle brillent dans le noir.

— Nous sommes heureuses ?

Griffon lui fait un sourire triste.

— Je ne crois pas.

Bebbe se rembrunit.

— Oh. Bon... je n’ai peut-être pas fait le bon vœu alors.

— C’est bon, ce n’est pas de ta… de leur faute si elles ne sont pas heureuses ; mon monde n’est pas un monde facile à vivre de manière générale.

Elle ne répond pas et observe le mollet de Georges qui se teinte doucement d’une teinte violette.

— Tu dois partir. Je ne peux pas soigner ta jambe, il faut que quelqu’un s’en occupe en dehors de Limbo.

Georges ne la sent presque plus et essaye de la bouger mollement.

— Très bien... je vais me réveiller.

Avant de partir, il entend une dernière fois la voix de Bebbe :

— Dis-leur d’être courageuses, Georges. L’avantage du monde des vivants, c’est que l’on peut toujours mourir, si ça devient trop dur...

Et puis elle disparaît.

 

69.

 

Rhinocéros joint ses mains épaisses sous son menton et contemple cette femme installée devant lui qu’il ne reconnaît plus. Elle s’est assise sans le regarder, a remonté sa robe sur sa cuisse malgré son ventre énorme et achève de resserrer les sangles qui retiennent sa jambe artificielle. La Bebbe qui lui est familière porte bien le même genre de tenues sombres et métalliques ; elle est également coiffée du même chignon complexe dont pas une boucle ne dépasse, mais il ne reconnaît plus l’expression. Derrière l’habituel masque indifférent, il y a une froideur étrangère.

— Regardez-moi, je vous prie.

Bebbe lève vers lui ses yeux et Rhinocéros se sent glacé d’y deviner de l’insolence. Elle lâche les sangles de sa jambe et s’abandonne dans le fauteuil en retenant un soupir.

— Eh bien ? De quoi s’agit-il ?

— Je trouve que vous négligez vos devoirs de mère, Bebbe. Cela fait trois jours que mon fils vous réclame et que vous n’avez pas daigné lui rendre visite.

Elle ne dit rien ; ses yeux dérivent sur le mur et elle cherche ses mots en se grignotant la lèvre. Quand elle parle enfin, c’est d’une voix morose :

— Je suis fatiguée, il ne reste plus que quelques semaines avant mon terme et j’ai beaucoup de travail.

— Je n’avais jamais remarqué ce genre de choses lors de vos précédentes grossesses.

— Je suis plus vieille.

— Et c’est tout ?

Elle hésite.

— Oui, c’est tout...

Bebbe ne désire pas faire de peine à Rhinocéros, il l’a toujours traitée avec ce qui ressemblait à du respect... mais peut-être que cela n’est pas suffisant ? Que doit-elle lui dire ? Qu’elle ne ressent rien pour Ocelot ? Aucun amour maternel pour cet enfant porté, mais pas conçu, et à qui elle n’a le droit de donner que quelques démonstrations d’affection épisodiques, sans pouvoir prendre en main son éducation ?

Alors Rhinocéros lui dirait que cela n’a pas d’importance, que son amour à elle est négligeable, tant qu’Ocelot ne se rend compte de rien.

Et Bebbe ne pourrait pas lui répondre que ces quelques miettes d’attention ne vaudraient pas grand-chose, puisqu’elle va partir, puisqu'elle porte une fille qu'elle va devoir mettre au monde quelque part, loin de la Machine.

— Est-ce que c’est tout ?

Rhinocéros réfléchit longtemps derrière son masque de porcelaine, avant de répondre :

— Comment va votre diabète ?

— Il est stable.

— Bien. Alors oui Madame, c’est tout.

 

70.

 

L’air était frais et vif.

Un doux ronronnement se fit entendre, brisant la quiétude de la nuit ; c’était le bruit de la lampe torche de Loup, qu’il actionnait régulièrement en tournant la manivelle. Son masque de porcelaine était installé sur le petit toit près de lui et il avait seize ans.

Ses yeux parcoururent les caractères noirs du livre posé devant lui. L’ouvrage sentait la poussière et l’humidité. Ce n’était pas étonnant, après avoir passé autant de temps dans les réserves les plus enfouies de la Machine. Les livres n’avaient jamais eu trop la cote dans la Ville Noire.

Loup aimait bien lire. D’un geste automatique, il remonta ses lunettes sur le haut de son nez. Derrière lui, un bruit le fit sursauter. Il se retourna pour voir Chien ouvrir la fenêtre de sa chambre afin de le rejoindre sur le petit toit qui dominait la ville. Le garçon lui jeta un sourire étincelant :

— Je savais que je te trouverais là !

Il portait son tout nouveau costume, celui qui lui donnait l’air d’un type classe et guindé. La découpe du vêtement le gênait tandis qu’il ait d’escalader le rebord de la fenêtre. Il finit par retirer la veste, qu’il jeta d’un geste désinvolte sur le lit de Loup :

— Putain, je déteste ce truc !

Puis, il se débarrassa du bout des orteils de ses mocassins vernis, retroussa sa chemise blanche aux coudes et sauta lestement sur le toit pour rejoindre Loup. Il s’immobilisa derrière son ami :

— Tu lis quoi ?

Loup lui jeta un vague coup d’œil :

— Un truc que j’ai trouvé en furetant. C’est pas terrible.

Il retourna le livre et contempla la couverture qui représentait une demoiselle éperdue dans les bras d’un bellâtre aux fesses rebondies. D’un air dubitatif, il lut :

— « L’irrésistible brigand ».

— Ça cause de quoi ?

— Boarf... L’héroïne, Belinda, est une riche héritière qui vient de perdre sa famille dans un incendie. Elle est capturée par un brigand sexy et mal rasé qui se révèle être un ami de son père. Il essaie en réalité de la sauver d’une terrible machination…

— Ce n’était pas déjà le résumé du livre que tu lisais il y a trois semaines ?

Loup haussa les épaules :

— Ces livres-là se ressemblent tous. Mais j’en ai trouvé toute une caisse !

— Tu me fais une place ?

Loup se décala sur le côté pour que Chien puisse s’asseoir. Le garçon se colla à lui et posa son menton sur son épaule pour pouvoir profiter de la lumière. Il lut en prenant soin de gonfler sa voix :

— « Belinda ! Je ne peux vous laisser aux mains de ces rustres qui fomentent votre perte ! Je ne supporterais pas qu’ils vous blessent ! »

Aussitôt, Loup riposta en prenant une voix haut perchée :

— « Rendez-moi ma liberté Armand ! Je n’en puis plus ! Je sais que seule ma fortune vous intéresse ! »

Chien éclata de rire au son suraigu de la voix de Loup. C’était un jeu habituel entre eux. Il surenchérit :

— « Comment osez-vous me dire cela, après que je vous ai secourue de ces manants ! Je dépose ma sincérité à vos pieds ! »

— « Taisez-vous Armand, vous me faites vivre un supplice pire que la mort ! Ne comprenez-vous pas qu’après tant de trahisons, je ne peux plus faire confiance à personne ! Bien que mon cœur ait envie de céder, je ne le puis au risque de me briser en deux… »

Chien agrippa Loup et lui postillonna au visage dans une totale absence de romantisme :

— « Mais Belinda, je vous aime ! »

Loup éclata de rire avant d’ouvrir très grand les yeux :

— Oh ! Il lui roule une pelle, le scélérat !

Chien se mordit la lèvre et le fixa d’un air volontairement lubrique. Loup recula instinctivement :

— Je n’aime pas ce regard, mon vieux.

Mais à peine avait-il prononcé ces mots que Chien se jeta sur lui la bouche en cul-de-poule. Loup essaya de fuir en vociférant de nombreux « Beurk ! ». Alors que les lèvres de l’autre se cognaient maladroitement contre son cou, le brun dérapa sur le toit et roula contre le bord. Il poussa un glapissement tandis que Chien le retenait, en l’attrapant par la manche.

Le cœur battant, Loup sentit sa tête osciller dans le vide ; mais sa chute a été arrêtée. Au-dessus de lui, la silhouette de Chien se pencha sur son visage et lui colla un énorme baiser baveux au coin des lèvres avant de l’aider à se relever.

Son cœur battit très fort.

— Putain, t’es con !

Chien glissa ses mains dans ses poches, à l’arrière de son pantalon :

— Du calme, Belinda, c’était juste pour rire.

Loup ne dit rien. L’autre se détachait sur l’encre de la nuit, avec sa silhouette admirablement proportionnée, ses yeux très bleus et ses canines très blanches. Les néons de la Ville Noire faisaient ressortir son indolence. Il sentit que ça le picotait, là où les lèvres de Chien s'étaient posées sur sa peau.

 

*

Loup ouvre grand les yeux. L’air est encore poisseux de son sommeil et de la sueur qui lui trempe le dos. Berry dort paisiblement dans le lit à côté du sien — qu’il occupe depuis que Grenade a choisi le canapé —, le drap enroulé autour des jambes et le nez enfoncé dans l’oreiller. Le cœur battant, Isonima se redresse et enfouit son visage entre ses mains. Il a rêvé de choses du passé qui ne reviendront plus. Tout ça à cause de ce livre stupide !

Ce n’est plus un mystère maintenant : une infinité d’objets présents dans les cagibis de la Machine se trouvent également dans le refuge de Gyfu. Rien d’autre que des choses lui ayant appartenu qui avaient été dupliquées dans la deuxième occurrence.

La main de Loup tâtonne sur le sol et finit par dénicher la lampe torche qu’elle cherche. Il la coince à moitié sous son menton avant de récupérer un des nombreux livres qui traînent sous son sommier. Ce n’est pas « Le séduisant corsaire » — ou il ne sait plus quelle bêtise —, mais ce n’est pas mieux. Tous ces livres racontent la même histoire débile.

En parcourant du halo de lumière les vieilles pages tachées d’humidité, il sent son cœur devenir lourd comme une pierre. Dans son sommeil, Berry se tourne et grommelle quelque chose d’incompréhensible en rigolant un peu. Loup sourit vaguement avant de ramener son attention sur le livre.

Juste en remuant les lèvres, il s’amuse à reprendre chaque dialogue, surtout s’ils sont stupides. Et puis quand il faut donner la réplique à Lysander, il suffit d’imaginer la voix de Tony. Il continue sans savoir s’il doit rire ou pleurer.

Finalement, Loup décide de reposer le livre sur le sol puis sursaute en remarquant deux yeux grands ouverts qui le contemplent en silence.

— Wow !

Les deux paupières d’Andiberry clignent rapidement sur ses iris bruns. Isonima bredouille, se sentant très idiot d’avoir été pris en flagrant délit de lecture nulle :

— Je suis désolé, désolé, désolé, je ne voulais pas te réveiller ! J’éteins tout de suite !

Mais Berry ne l’écoute pas, il se redresse et se lève pour s’asseoir sur le lit d’Isonima.

— Par Juniper ! s’exclame l’ingénieur.

Isonima recule instinctivement : est-ce que son compagnon de chambrée le prend pour un malade parce qu’il remue des lèvres tout seul en pleine nuit ? Mais la vérité semble complètement lui échapper quand Andiberry s’empare de la lampe torche et lui ordonne fermement :

— Ouvre la bouche.

Les yeux ronds comme des billes, Isonima reste stupide un instant, mais devant l’air très sérieux de son interlocuteur, il obtempère.

Les sourcils froncés, Berry se penche sur lui et incline le faisceau de la torche afin de voir l’intérieur de la bouche de Loup. Celui-ci roule des yeux :

— Hon heu a'oir heu ' eu hu ' ais ?

— Bordel de Juniper. On t’avait déjà dit que tu avais trop de dents ?

—  Houa ?

— Tu as plus de huit canines, mec, ça fait flipper. Et en plus, tu es tout translucide à l’intérieur.

—  Houa ? répète bêtement Loup.

Il ne peut s’empêcher de fermer la bouche et riposte :

— C’est quoi ces histoires ?

— Je te jure que c’est vrai. Attends là, je vais te chercher un miroir. Non ! Deux miroirs !

D’un bond leste, Berry saute à pieds joints dans ses chaussons et file en caleçon dans le couloir. Inquiet, Loup le laisse partir. Son index cherche le chemin de ses lèvres et il tâte ses dents. Effectivement, il y a une deuxième paire de canines pointues derrière les autres. Il n’a jamais vraiment fait attention à ça. Ou du moins, il n’a jamais pensé que c’était anormal. C’est toujours Radje qui était chargé de veiller sur sa dentition et il ne lui a jamais rien dit.

Perplexe, il se recroqueville sous sa couverture en attendant le retour de Berry. Celui-ci ne s’éternise pas, mais il revient accompagné d’une Grenade grincheuse nageant dans un pyjama trop grand ainsi que d’une Gyfu obligée de se plier en quatre pour ne pas se cogner. Le visage de cette dernière présente une expression contrariée et Loup se sent mal à l’aise. Jamais il ne lui a vu une expression si fermée !

Mais Berry semble ignorer toute la maussaderie qu’il traîne derrière lui. Très excité, il brandit deux miroirs de taille moyenne.

— Regarde, tu vas voir !

L’exercice n’est pas aisé, mais en tordant la tête vers l’arrière pendant que Berry éclaire les deux miroirs, il comprend ce que celui-ci veut dire : l’intérieur de sa bouche est composé d’une chair transparente qui laisse apparaître les vaisseaux sanguins et les nerfs. Alors qu’Andiberry incline davantage la surface réfléchissante, il aperçoit son crâne en dessous du palais.

Bouleversé, Loup se dégage :

— Qu’est-ce que ça veut dire ? C'est quoi le problème ?

— Tu ne t'étais jamais rendu compte que ce n'était pas normal d'être transparent ?

— Parce que tu crois que c'est facile d'observer l'intérieur de la bouche des autres, quand on porte des masques ?

Berry se grignote la lèvre et jette un regard derrière lui. Les bras croisés et les yeux baissés, Grenade les ignore. Une boule de colère se noue dans ses entrailles. Mais Gyfu ne le lâche pas de ses prunelles noires et finit par murmurer d’une voix sombre :

— Ça n’est pas étonnant, je ne connais qu’une seule autre personne qui possède ces iris mauves...

La bouche de Loup devient complètement sèche.

— De qui elle parle ? demande Berry.

— Radje, dit Grenade. L’autre sylphe.

— Non, réplique Loup. Non ! Non ! Non ! Je suis un humain !

— En partie, réplique Gyfu.

Il lui lance un regard désespéré :

— Mais les sylphes et les humains ne font pas partie de la même espèce ! Ils ne peuvent même pas se reproduire !

Gyfu secoue la tête :

— À ma connaissance, personne n’a jamais essayé. Cela ne veut pas dire que ce n’est pas possible.

— Mais alors qu’est-ce que je suis ?

— Quelque chose d’autre.

— Et Radje est mon père ?

— On ne peut pas en être sûrs… Mais c'est probable.

Les épaules de Loup s’affaissent :

— Il a toujours été complètement indifférent à mon sujet. Il est même le seul qui n’a pas essayé de m’empêcher de quitter la Machine. Il était trop heureux de se débarrasser de moi.

Gyfu a un sourire froid :

— Les sylphes n’ont pas d’intérêt particulier pour leur progéniture. Mais ils ne leur souhaitent pas de mal non plus. Peut-être qu’il pensait sincèrement que tu avais besoin de t’éloigner pour te sentir mieux.

Tenant toujours les miroirs, les mains d’Isonima retombent mollement sur la couverture. Il jette un regard furieux à Grenade :

— Tu le savais ?

La jeune fille se renfrogne et croise ses bras sur sa poitrine en s’enfonçant davantage dans la zone d’ombre.

— Non...

— Menteuse.

— Je ne savais pas que Radje était derrière tout ça...

— Tout ça quoi ?

Berry agite les mains devant lui :

— Oulah, on se calme. Ça suffit pour cette nuit ! Tout le monde devrait réfléchir calmement et retourner se coucher. On en reparlera demain matin.

D’un geste impératif, il pousse les deux femmes dehors. Grenade jette un dernier coup d’œil par-dessus son épaule et croise les prunelles mauves et accusatrices de Loup. Elle rougit de gêne. Une fois en dehors du couloir, Gyfu se tourne vers Berry. Grenade ne lui a jamais vu un regard si vipérin. La sylphide susurre :

— Ne crois pas que j’ignore que tu l’as fait exprès.

Le visage de l’ingénieur se ferme et sans se démonter, il riposte à voix basse :

— Il a le droit de savoir, tu vois ?

— Il ne doit pas résoudre le mystère de sa naissance, cela met en danger nos vies à tous.

Grenade se détourne et elle les abandonne pour aller se rouler sur le canapé, là où dormait Sunna, avant. Mais il n’est toujours pas réapparu. Très troublée, elle enfonce sa tête dans l’oreiller en essayant de ne pas penser à ce jour-là...

 

 

— 3 semaines plus tôt... —

 

Loup remonte à l’étage et s’installe devant la table de la salle à manger. Il doit encore dormir à moitié, car il ignore combien de temps s’écoule avant que Grenade émerge dans la cuisine. Sa tête est couverte d’un énorme turban d’aluminium dans lequel ses cheveux trempent dans du décolorant. Elle tient le grand Rebrousseur dans l’une de ses mains.

— Tu veux rester ? Je vais bientôt m’y mettre.

— Tu comptes enfiler le masque avec cette tête-là ? Ça t’a pris plusieurs heures quand tu as regardé les souvenirs de Berry. Si tu dois regarder ceux de Gyfu longtemps, tu vas ressortir blonde.

— Tant pis, ce n’est qu’un essai, on me recolorera les cheveux par-dessus.

Olween et Gyfu émergent à leur tour. La sylphide semble sereine. Elle s’installe gracieusement sur une banquette et tourne son visage étrange vers Grenade :

— Puis-je continuer à discuter pendant que tu m’observeras ?

— Pas de problème. Il ne faut juste pas que tu te déplaces trop, sinon je perdrais mon point de fixation et tout serait à recommencer.

Grenade s’installe sur le canapé. Ses bras sont couverts de chair de poule, alors Loup lui prête sa robe de chambre. Elle l’enfile avant de placer lentement le masque sur son visage.

Immédiatement, tout son corps semble se ramollir, puis devenir blême, comme si un zombie se cachait derrière ce faciès grimaçant à la coiffure d’aluminium. Face au regard braqué sur elle, Gyfu reste très digne. Loup croque dans sa tartine, ce qui fait des tas de petits bruits de mastication qui perturbent le silence. Finalement, c’est Andiberry qui redonne un peu d’ambiance à la pièce en débarquant torse nu et encore tout fripé de sa nuit.

— Coucou ! Qu’est-ce que vous faites ? Pourquoi Grenade est déguisée ?

— Chut... Grenade est en train de rebrousser Gyfu.

— Mais c’est dégueulasse !

— C’est ton esprit tordu qui est dégueulasse.

Berry se marre avant d’aller casser des carrés de chocolat dans du lait d’avoine, sur la cuisinière.

— Vous pensez trouver quoi dans la tête de Gyfu ?

Olween fronce les sourcils, mais c’est Loup qui répond :

— Rien de précis, mais objectivement, ça me paraît un excellent moyen de vérifier qu'on peut lui faire confiance. Après tout, elle peut bien nous raconter les histoires qu'elle veut ou transformer des choses qui seraient à son désavantage. J’ai décidé d’accepter que Grenade observe les souvenirs de ma première occurrence à condition que Gyfu passe la première. Un de ces quatre, ce sera pour toi, Mawow : on sait que tu faisais des tas de choses intéressantes dans une autre vie, avec la fameuse « F.T. ».

Cela semble réjouir Andiberry :

— Oh chic, je veux savoir à quoi ressemblait l’endroit où je travaillais avant de partir étudier Gyfu et Radje ! Même dans mes souvenirs, tu avais l’air d’être chiant, Olween ! Tout comme maintenant. Comme quoi, rien n’a changé !

Pour unique réponse, Olween lui fait admirer son majeur. Berry lui fait des yeux suppliants :

— Fais ça pour nous ! Tant que nous ne sommes pas prêts, Graounade et Zozo ne peuvent pas sortir d’ici et il leur faut une distraction, pour oublier qu’on n’a pas revu Sunna depuis trois jours !

Grenade remue et cela interpelle Isonima :

— Elle réagit. Elle ne bougeait pas du tout la dernière fois.

Un maigre sourire vient se poser sur la bouche de Gyfu. Elle secoue la tête :

— Ça ne va pas marcher.

Grenade semble retomber dans sa torpeur tandis qu’Isonima et Berry finissent tranquillement leur petit déjeuner. Mais finalement, la jeune fille enlève le masque de son visage pour le poser sur ses genoux.

— Je ne peux pas faire ça ! grogne-t-elle. C’est insupportable !

Les humains présents dans la pièce se lancent des regards éberlués :

— Qu’est-ce qui se passe ?

— Je remonte l’ensemble du temps. Je remonte chaque seconde que Gyfu a vécue. Je viens de perdre une heure de ma vie à m’observer de dos alors qu’on me rase le crâne et pas moyen d’accélérer.

Isonima tourne sa tête vers Gyfu. Elle se justifie en haussant les épaules :

— Je m’en doutais. Les sylphes n’ont pas la même vision du temps que les humains. Nous avons une excellente mémoire et nous ne favorisons pas certains souvenirs en fonction de leur importance. Grenade ne peut pas revenir dans ma mémoire la plus primaire, car cela la tuerait. Même si elle trouvait le moyen de dormir et de se nourrir en gardant son masque, elle mourrait de vieillesse avant d’arriver au quart de mon existence.

— Comment pouviez-vous le savoir ?

— J’ai déjà été confrontée à ce type de masques, créés au sein de Limbo, dans le passé. Mais ce n’est plus le sujet à présent : j’ai accepté de me soumettre à ton épreuve, mais maintenant c’est à toi d’être vu à travers le Rebrousseur, Isonima.

— Mais on n’a rien appris sur vous !

— Ce n’est pas ma requête qui a été réalisée, mais la tienne. Ne voulais-tu pas te donner du courage ?

Il ne répond pas. Elle dit encore :

— Tu vas attraper froid comme ça. Tu devrais aller chercher un pull avant que nous ne commencions.

Après une hésitation, Loup se lève et quitte la pièce. Il semble très stressé. Les sourcils froncés, Grenade regarde le Rebrousseur fixement. C’est la première fois qu’il lui fait défaut. Elle veut dire quelque chose, mais Dame Gyfu se rapproche d’elle, très près.

— Écoute-moi bien : c’est très important. Tu ne dois en aucun cas répéter à Loup ce que tu vas voir au travers du masque.

Grenade écarquille les yeux. Se pourrait-il que Loup ait raison de ne pas faire confiance à la sylphide ?

— Quoi ? Mais pourquoi ?

— C’est de la plus haute importance. Tu comprendras toute seule.

Grenade balaye la pièce du regard, cherchant un appui chez Andiberry et Olween : le premier vient de détourner la tête pour ne pas la voir et le deuxième a ses prunelles brunes fixées durement sur elle.

Ils savent quelque chose. Quelque chose que je saurai bientôt, si je regarde dans le Rebrousseur.

— Je ne veux pas lui mentir…

Gyfu pose un doigt sur sa bouche. Grenade essaie de répliquer, mais Isonima réapparaît dans l’encadrement de l’escalier, à moitié engoncé dans un sweat-shirt trop court.

— C’est bon, je suis prêt.

Il s’installe devant Grenade et elle voit qu’il tremble. Que faire ? La solution la plus éthique est de laisser tomber, mais d’un autre côté, comment savoir ce qu’il faut faire si elle ignore ce qu’on leur cache ? Elle pince les lèvres et pose le masque sur son visage.

 

71.

 

— Tu as l’air exsangue. Tu n’es pas souffrant, au moins ?

Chien ne répond pas à la remarque de Serpent. Souffrant ? C’est peu dire : il ressemble à un cadavre. Un ricanement étire ses lèvres et résonne à l’intérieur de son masque :

— Donne-moi une raison pour que ça aille ! Loup est banni ! Les révoltes ont repris encore plus fort depuis les dernières mesures. Les recrues les plus récentes ont été littéralement arrachées des bras de leurs parents devenus dingues. On compte dix-sept morts dans nos rangs et cinquante chez les civils. Bientôt, nous ne pourrons plus manger et Cerf va partir sans nous avoir donné les accès de S.I.T.A.R. parce que cet empoté de Griffon n’arrête pas de l’ignorer. Nous assistons à la fin du monde ! Qu’est-ce qui pourrait justifier un teint de rose et un sommeil paisible ?

— Puis-je procéder à quoi que ce soit pour te soutenir ? Que cela puisse te faire plaisir.

Chien fixe d’un air étonné le visage atypique du sylphe : ça ne lui ressemble pas. Mais comme celui-ci sourit paisiblement, Tony finit par répondre d’une voix hésitante :

— Merci. Tu ne peux pas m’aider, mais c’est aimable de ta part. La chose qui me ferait plaisir... Je ne crois pas... Enfin, comment dire...

Radje incline le visage sur le côté avec une expression d’interrogation muette : il laisse le temps à Chien de trouver ses mots. Celui-ci s’arrête au milieu du couloir. Quand le sylphe se tourne vers lui, Tony ressemble à un chiot dans un costume parfaitement ajusté. Il bégaie :

— Loup me manque, c’est horrible. Je le déteste tellement et il me manque si fort. Il est prisonnier quelque part et il doit souffrir et je ne peux rien faire... Je ne sais pas comment me débrouiller avec ça.

Puis Chien semble se reprendre et jette un regard farouche à Serpent :

— Je n’aurais pas dû dire ça, tu n’y peux rien de toute façon.

— Je suis sincèrement triste pour toi.

— J’aurais vraiment dû me taire.

— Ne dis pas ça, ça devait sortir.

Chien enfonce ses mains dans ses poches, le regard sombre, et se remet à marcher en direction de son appartement. Alors qu’il tend les doigts vers la poignée, Serpent l’arrête d’un geste :

— Je pense que Loup ressurgira d’ici peu.

Chien tourne brutalement sa tête vers lui :

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Il semble en vie après tout ce temps. S’il a été persécuté pour des informations, il a déjà dû passer aux confidences. Je ne pense pas qu’ils s’acharnent à lui extraire ses ongles depuis six mois, donc s’ils le conservent avec eux, c’est qu’il y a une justification. Pour négocier sa libération, peut-être, mais plus vraisemblablement pour être adressé comme émissaire de leurs exigences, puisqu’à leur connaissance, seul Loup dans leur cercle peut s’inviter dans la Machine.

— Mais les identifiants de Loup sont bloqués.

— Je suis responsable de la cellule de reconnaissance de visage. Il m’est possible de modifier les consignes de l’ascenseur pour qu’il puisse descendre dans la résidence, mais il lui sera impossible de se déplacer dans la Machine.

— N’est-ce pas une trahison envers Cerf ?

— Non, je lui ai déjà soumis ce dossier et il l’autorise. L’ascenseur procédera comme un piège et Loup restera coincé entre le vestibule et la sortie, au cas où il ne serait pas seul.

— ...

— Assure la surveillance de l’entrée, et surtout avise-moi le plus vite possible si tu vois quoi que ce soit. J’irai le chercher dans cet ascenseur moi-même si jamais tu es immobilisé au Mur.

— D’accord, souffle Chien.

— Somme toute, peut-être bien que j’avais la possibilité de te soulager, sourit le sylphe.

Le cœur bizarrement ragaillardi, Chien ouvre la porte de son appartement avant de la refermer derrière lui. Il n’a pas le temps d’allumer qu’il entend un gémissement. Il se retourne et découvre sur son canapé la silhouette de Griffon qui grimace en comprimant sa jambe ensanglantée avec sa chemise.

— Bordel ! Qu’est-ce qui se passe ici ? jure Chien en se précipitant à ses côtés. Qu’est-ce qui t’est arrivé ?

Griffon a du mal à trouver la force de lui répondre ; la sueur coule le long de son front et il indique d’un geste mou sa blessure.

— Seigneur cauchemar... Il m’a bien eu, on dirait...

— Ne bouge pas. Je vais aller chercher Lièvre.

— Non... Ce n’est pas la peine. L’hémorragie s’est arrêtée, j’ai juste besoin d’aide pour désinfecter. Est-ce que tu as des ciseaux ? Ou bien, peux-tu aller chercher un couteau ? Il va falloir découper mon pantalon.

— Tu es sûr que tu n’as pas besoin de notre médecin-chef ?

— Oui. C’est bon, ça va aller. Je suis désolé, mais je n’ai pas trop envie de répondre à des questions maintenant. Je le verrai demain.

 

72.

 

Numéro 2 comprend confusément que quelque chose est en train de se passer, mais ne pas savoir quoi la rend nerveuse. Pour la deuxième fois en trois semaines, Lièvre l’a fait monter dans la salle opératoire et Numéro 7 est là, comme lors de la dernière rencontre. Numéro 2 se souvient de la douche chaude qu’on lui a donnée — la première depuis des années dans une véritable cabine ! Puis ils ont observé sa jambe, amputée en dessous du genou, et ont pris des mesures. L’autre clone a retiré sa prothèse de bois et l’a aidée à l’enfiler.

— Essaie de marcher avec.

Numéro 2 a esquissé quelques pas puis est tombée, trop faible pour aller plus loin. Lièvre l’a aidée à se relever et Numéro 7 n’a rien dit. Ils l’ont simplement raccompagnée à sa cellule. Et la voilà qui se retrouve de nouveau assise sur la table d’opération, hagarde et perdue.

Elle a eu à nouveau l’occasion de se laver et de porter des vêtements propres, des vêtements qui appartiennent à l’autre : celle qui est bien habillée et bien nourrie.

Numéro 2 flotte dans le cuir sombre.

— Elle est trop maigre, constate Lièvre.

— À partir de maintenant, je vais lui donner ma nourriture, dit Bebbe. Je prendrai sa part à elle. Ça n’a pas d’importance, je rejette presque tout à présent.

Numéro 7 tend une assiette copieusement remplie à Numéro 2 :

— Mange, prends ton temps. Nous discuterons après.

D’un geste hésitant, Numéro 2 saisit la fourchette et avale lentement le premier morceau qu’elle porte à sa bouche. Elle ignore le nom de ce qu’elle mange : elle a oublié le goût et le nom des aliments depuis qu’on l’a enfermée.

Elle ne se souvient même plus vraiment de cette période, celle où Numéro 5 s’était rebellée contre l’autorité de Cerf en essayant de les faire fuir. Depuis ce jour, la seule d’entre elles à pouvoir sortir était celle qui avait enfanté le plus de garçons. Au début, leurs conditions de détention étaient acceptables, mais il y avait eu 8 et 10 qui s’étaient donné la mort ensemble et ça avait posé un nouveau problème... surtout que Numéro 3 commençait à dérailler aussi.

Alors il y avait eu les cellules capitonnées, comme à l’hôpital psychiatrique : pas d’objets, juste un trou pour faire ses besoins et un rouleau de papier toilette.

Une deuxième bouchée. Petit à petit, ça devient plus facile. Elle déglutit doucement, incapable de manger plus vite, observant Numéro 7, assise sur une chaise, ses mains soutenant avec une tendresse évidente son ventre gonflé comme une outre. Accroupi devant elle, Lièvre l’aide à soulever sa cuisse pour y attacher une nouvelle prothèse, nettement moins belle.

Numéro 2 ne comprend vraiment rien à ce qui est en train de se passer. Il lui faut au moins une vingtaine de minutes pour finir son repas, mais l’homme et la femme se montrent patients. Une fois sa dernière bouchée enfournée, Numéro 7 récupère l’assiette.

— C’est bien. Est-ce que tu peux parler ?

— Ou... oui...

— D’accord. Essaie de me répondre quand tu peux, pour te réhabituer.

— ...

— Tu dois te poser beaucoup de questions.

— Ou... oui.

— Comme tu peux le voir, je suis enceinte et proche du terme... Je vais donner naissance à une petite fille.

Numéro 2 s’humecte les lèvres :

— U... Une fille ?

— Oui, et les règles n’ont pas changé. Je vais devoir m’enfuir d’ici une fois que l’enfant sera née. Pour le moment, tout le monde croit que ce sera un garçon, mais la supercherie ne durera pas longtemps, et c’est pour ça que j’ai besoin de toi.

— Pour quoi faire ?

— Tu vas prendre ma place. Ça ne sera pas grand-chose, mais ça me donnera quelques jours de répit en attendant que je trouve un endroit pour me cacher. Lièvre vient avec moi, il utilisera un prétexte pour quitter la Machine quelques jours. Cela arrive régulièrement quand il a besoin de dénicher certains médicaments.

Numéro 2 jette un regard à l’homme qui attend silencieusement derrière, se tordant les mains nerveusement. Elle peut sentir sa peur jusqu’ici, une odeur qu’elle connaît bien. Les yeux du clone reviennent vers Numéro 7 :

— Et moi ? Qu’est-ce qu’il va m’arriver ?

— C’est à toi de choisir. Pour la première fois, tu auras le pouvoir en main. Si tu veux m’aider à survivre, dénonce-moi après quelques jours, ce sera suffisant. Cependant, rien ne t’empêchera de me dénoncer tout de suite si tu me hais assez pour cela, mais Cerf aura alors gardé tout son pouvoir sur nous, encore une fois. Peut-être auras-tu plus de courage que moi, et essayeras-tu de toutes nous sauver. Je ne sais pas, je sais que je dois fuir et te confie mon identité. J’espère que tu m’aideras, mais il s’agit de ta décision.

Numéro 2 ignore encore ce qu’elle pense de tout ça.

— Pourquoi moi ?

— À cause de ta jambe.

Elle baisse les yeux. Ah ça ! La même amputation au même endroit, à cause de la jambe que le diabète leur a prise à toutes les deux. Elle comprend mieux : elle est donc la seule à pouvoir le faire.

— Acceptes-tu ? demande Numéro 7.

Numéro 2 ouvre la bouche et s’entend répondre :

— Bien sûr.

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Dan Administratrice
Posté le 18/12/2016
COUCOU !
<br />
« Chut... Grenade est en train de rebrousser Gyfu.
     -Mais c’est dégueulasse ! »
XDD
<br />
Et sinon : MOUHAHAHAHAHAHA je le savaiiiiis ! Je suis pas peu fière parce que pour une fois que mes élucubrations à base de couleur d'yeux portent leurs fruits, hein… x'D
Serpent, Serpent, donc… C'est effectivement très très intriguant (surtout qu'avec les petits trucs que j'ai involontairement glanés hier soir… :P) Par contre j'ai eu un peu de mal avec la scène où Berry fait semblant de le découvrir, dans la chambre ; en fait j'ai mis du temps à comprendre que c'était la lampe qui montrait quelque chose d'inhabituel. Et d'ailleurs, j'ai eu un peu de mal à croire que Loup ait jamais rien remarqué tout seul ; y'a jamais eu d'autres occasions où il a vu qu'il était un peu transparent ? Et pour les huit canines, il a jamais eu l'occasion de voir dans la bouche de quelqu'un d'autre pour constater qu'il était le seul dans ce cas ? Tu dis que c'est Serpent qui s'occupait des examens et qu'il a jamais rien souligné comme étant anormal, mais je me dis que Loup lui-même aurait pu/dû poser des questions, parce qu'il a quand même pu se comparer à d'autres, non ? Après, libre à Serpent de lui mentir pour ne pas révéler d'où ses bizarreries venaient effectivement
<br />
« Je vais devoir m'enfuir d'ici une fois que l'enfant sera née. » Pourquoi Bebbe ne fuirait pas AVANT la naissance ? C'est quand même moins risqué de pas se montrer avec un bébé sans bistouquette dans les bras, non ? Et puis c'est pas un peu gros que Lièvre disparaisse pile au même moment, comme par hasard à la fin de la grossesse ? Pourquoi ils différeraient pas un peu leur départ, au moins pour essayer d'être un tout petit peu plus discrets ?
<br />
Bon voilà j'ai fini de chipoter xD Sur le reste j'ai vraiment adoré ce chapitre ; ce qu'on découvre de la relation Chien/Loup est vraiment trop mignon (même si ça doit pas aider Loup à faire le point sur ce qu'il préfère entre les concombres et les abricots). Et puis cette scène dans le Deck, je l'ai trouvée vraiment fascinante. Le décor, l'ambiance, et les petites Bebbe qui sont aussi flippantes que touchantes (le fait qu'un enfant dise que le monde des vivants a l'avantage de te permettre de mourir, c'est vraiment fort), et les cauchemars… nan franchement, super-efficace ce passage !
<br />
D'un autre côté je ne sais pas si je saisis bien ce que Gyfu, Grenade et compagnie cherchent à faire précisément (pourquoi couper et teindre les cheveux de Grenade ?), si ça a un rapport direct avec Lou ou pas, ou plutôt avec les révoltes dans la Ville ; désolée, j'ai peut-être oublié des trucs en cours de route et du coup je sais pas si le flou que je ressens est voulu ou pas (donc je te le dis, comme ça si jamais on est censés savoir très précisément quel est leur plan d'attaque, ça vaudrait peut-être le coup de glisser des indices de temps en temps parce qu'il y a beaucoup d'intrigues entrecroisées et que certains pauvres lecteurs perdent le fil v.v)
<br />
À bientôt pour la suiiiiite! ♥
GueuleDeLoup
Posté le 18/12/2016
COUCOU !
<br />
« Chut... Grenade est en train de rebrousser Gyfu.
     -Mais c’est dégueulasse ! »
XDD
Ben quoi ? :p
Serpent, Serpent, donc… C'est effectivement très très intriguant (surtout qu'avec les petits trucs que j'ai involontairement glanés hier soir… :P) Par contre j'ai eu un peu de mal avec la scène où Berry fait semblant de le découvrir, dans la chambre ; en fait j'ai mis du temps à comprendre que c'était la lampe qui montrait quelque chose d'inhabituel. Et d'ailleurs, j'ai eu un peu de mal à croire que Loup ait jamais rien remarqué tout seul ; y'a jamais eu d'autres occasions où il a vu qu'il était un peu transparent ? Et pour les huit canines, il a jamais eu l'occasion de voir dans la bouche de quelqu'un d'autre pour constater qu'il était le seul dans ce cas ? Tu dis que c'est Serpent qui s'occupait des examens et qu'il a jamais rien souligné comme étant anormal, mais je me dis que Loup lui-même aurait pu/dû poser des questions, parce qu'il a quand même pu se comparer à d'autres, non ? Après, libre à Serpent de lui mentir pour ne pas révéler d'où ses bizarreries venaient effectivement
Hum... Tu parle de quelqu'un qui a grandit avec un masque sur la tête là, tu sais? avec plein de gens avec des masques sur la tête et assez peu d'autres vrais gens. Donc même s'il avait remarqué que son nombre de dents était un peu différent, il y a aussi des différences entre autres humains parfois (dents de sagesse tout ça) donc ça ne l'a jamais fait vriller. Pour le palais transparent c'est plus chaud, mais l'ambiance dans la machine est très sombre et glauque donc tu n'as jamais de lumière franche. Et pareil, même en voyant un peu chien sans son masque, ça restait des exceptions. Mais je pense que je peux le préciser mieux. Ou même dire que Loup sait que son palais est transparent mais qu'il croyait que c'était normal.
<br />
« Je vais devoir m'enfuir d'ici une fois que l'enfant sera née. » Pourquoi Bebbe ne fuirait pas AVANT la naissance ? C'est quand même moins risqué de pas se montrer avec un bébé sans bistouquette dans les bras, non ? Et puis c'est pas un peu gros que Lièvre disparaisse pile au même moment, comme par hasard à la fin de la grossesse ? Pourquoi ils différeraient pas un peu leur départ, au moins pour essayer d'être un tout petit peu plus discrets ?
ah bah j'ai peut-être écrit une bêtise mais c'est bien prévu de partir avant l'accouchement. Par contre il faut attendre de remplumer numéro 2.<br />
Bon voilà j'ai fini de chipoter xD Sur le reste j'ai vraiment adoré ce chapitre ; ce qu'on découvre de la relation Chien/Loup est vraiment trop mignon (même si ça doit pas aider Loup à faire le point sur ce qu'il préfère entre les concombres et les abricots). Et puis cette scène dans le Deck, je l'ai trouvée vraiment fascinante. Le décor, l'ambiance, et les petites Bebbe qui sont aussi flippantes que touchantes (le fait qu'un enfant dise que le monde des vivants a l'avantage de te permettre de mourir, c'est vraiment fort), et les cauchemars… nan franchement, super-efficace ce passage !
Abricot.
*meurt*
Oui c'est constructif XD.
<br />À bientôt pour la suiiiiite! ♥
Elka
Posté le 12/11/2016
COUCOU.
 
Avant toute chose, est-ce voulu que ceci se trouve toujours dans le texte ? "Et là, Loup jette le livre par terre pour montrer son mécontentement.(Cette phrase est un clin d’œil pour Alive qui a tendance à jeter ses affaires et ne sera pas dans la version officielle)"
Je me disais que c'était peut-être une note de bas de page qui s'est retrouvée là, au cas où je te la signale (personnellement c'est le genre de chose qui me sort du texte, c'est dommage)
J'embraye en commentant cette scène, du coup <3 Quand tu me disais qu'ils se lisaient des romans arlequins je voyais vraiment ça en anecdote un peu stupide, en fait elle est très forte cette scène. Déjà parce que c'est la première fois qu'on les voit complices tous les deux, à ce point-là, et c'est hyper touchant (et puis ça fait écho avec le moment où Chien avoue que Loup lui manque, comme s'il avait aussi rêvé de leur passé).
Et puis, pour Loup, ça en dit long sur ses crushs, son amour de la lecture, son côté isolé...
Je constate que les seules lectures de la Ville Noire sont des romans arlequin. Magnifique xD Est-ce que Loup et Chien ont aussi essayé d'en écrire ? A force d'en lire, ils avaient le cannevas de ces romans en tête !
Et du coup... Loup est un demi-sylphe ! Apprendre que Radje est ton père, bonjour le choc... Je trouvais Berry gonflé de faire tout un cirque de "aaah t'as les gencives transparentes !" en réveillant tout le monde pour finalement être celui qui sort "ouais mais là tout le monde va se coucher"
En fait tu l'as fait exprès, petit filou. Je n'arrive pas à savoir à quel point c'est une bonne chose... Déjà parce que Gyfu n'avait peut-être pas de mauvaises raisons de lui cacher ça. Ensuite parce que vu le choc de l'annonce, et la façon dont c'est ammené, Loup aurait toutes les raisons d'être un peu catatoniques dans les jours suivants...
Berry, allons, tu aurais pu être plus prévenant avec le type que t'aime è_é (et plus prudent envers Gyfu, je veux pas qu'elle le blesse pour exprimer son mécontentement ç_ç)
J'espère que Bebbe et Lièvre pourront s'enfuir sans risque >< J'ai 0 confiance en Radje, qui doit déjà avoir deviné qu'ils prévoyaient ça, et la clone aurait malgré tout ses raisons pour décider au dernier moment de ne pas leur laisser d'avance.
Ils vont s'enfuir après la naissance ? Parce que Bebbe sera pas discrète, enceinte comme elle est, et l'autre aura du mal à simuler une femme enceinte maigre comme elle doit être. Mais s'ils attendent la naissance, ils auront un bébé braillard sur les bras et c'est pas forcément plus discret.
Hmmm qui lira saura, je suppose !
 
GueuleDeLoup
Posté le 12/11/2016
COUCOU!
Ah oui oups, j'ai oublié d'enlever cette phrase; à la base c'était juste pour Lilly vu qu'on a quasi monté cette scène ensemble :).
La scène des livres n'était pas du tout prévue initialement et objectivement, elle n'est pas nécessaire à l'intrique, mais  je trouve ça cool de rentrer un peu plus dans leur intimité.Surtout si ça rend Chien attachant aussi.
Mais je ne crois pas qu'ils aient écrit de romans; dans l'ensemble, ils étaient plutôt bien occupé à cette époque. Leurs "grands frère" leur enseignaient aps mal de trucs.
Et oui, Loup est un hybride de sylphe ^^. 
Et je ne crois aps que Berry réveille tout le monde de façon volontaire mais comme Grenade dort dans le salon, il y a eu une bouette. Je peux rajouter une phrase pour justifier ça. Et pour les secrets, tu verras bien si ce sont de bonnes ou de mauvaises raisons (de mon point de vue, ça se discute). après gyfu n'a aucune intention de blesser qui que ce soit tant qu'il n'y a pas de vrai conflict ^^.
Et à priori ils prévoient plutôt de s'enfuir avant la naissance. ce n'est pas pratique pour une femme enceinte de se déplacer mais je pense que après la naissance ce sera pire.
Voilà voilà! :D Merci beaucoup pour ton commentaire.
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