Chapitre 11

73.

 

Carpe n’aime pas le calme.

Par-dessus tout, il exècre tous les petits bruits, les chuchotis et les frottements. Et depuis quelques semaines, la Machine ne semble pleine que de ça.

Carpe descend au salon et le trouve vide. À l’instant, il a croisé Bebbe et Lièvre dans le hall et ceux-ci ont continué à se parler à voix basse, sans même tourner les yeux vers lui. Ensuite, il est allé dans la cuisine où autrefois, il était sûr de trouver son fils sirotant une boisson quelconque avec de petits bruits gutturaux. La pièce résonne encore de toutes ces menues succions désagréables. Morse était lâche... il suait la lâcheté par tous ses pores et cela répugnait Carpe.

Par où fuir ? Aller dans la chambre du père pour supporter les tonalités répétitives des moniteurs ? Poursuivre Chien et sa rage colmatée de mauvaises manières méprisantes ? Radje et ses mouvements reptiliens ? Le seul endroit qui résonne encore de bruits et de rires est la nursery où Ocelot joue avec toute l’innocence de l’enfance.

Carpe n’aime pas Ocelot, car il est le fils de Rhinocéros et Carpe déteste encore plus Rhinocéros que le silence et les chuchotis réunis. Tout aurait pu être différent pourtant, leurs enfances surtout.

De quelques années son aîné, Rhinocéros aurait pu être moins brillant, moins conforme à l’image que Cerf avait d’un héritier, après le fiasco qu’avait représenté Griffon.

Carpe, né trois ans plus tard, était un enfant brutal, avec une violence difficile à canaliser et ne présentant aucune facilité ni pour les sciences ni pour les lettres. Il se souvient de sa jeunesse comme d’une longue humiliation, coincé entre le regard indifférent de ses frères, le mépris de son père et la pitié de sa mère.

Son seul réconfort, il l’a trouvé dans son travail : son lignage lui a toujours assuré une place de choix. Carpe aime bien dominer les autres. Pour autant, il n’est pas un homme cruel, mais c’est une façon pour lui de maîtriser la situation, ce dont il n’a pas la possibilité dans d'autres domaines. Il lui a fallu de longues années de travail acharné avant de pouvoir prétendre aux clefs de l’intendance familiale.

Et puis Lièvre est né, quelques années plus tard... Enfant fragile et cérébral qui acheva de monopoliser l’attention de Numéro 5.

Carpe se sent profondément seul. Il se demande confusément pourquoi il lui est un jour passé par l’esprit qu’avoir un héritier comblerait ce trou en lui. Après l’échec consécutif de deux fillettes, un garçon a fini par naître. Morse avait un caractère semblable au sien, mais pour autant le père et le fils ne s’entendaient pas : Carpe avait créé une copie de lui-même sans la désirer, et voilà un nouveau fantôme revêche arpentant les couloirs de la Machine, dans la même solitude !

L’homme prend alors fortement conscience de la sensation de vide qui l’habite. Alors qu’il décide de rentrer dans ses quartiers, il croise Griffon. Son grand frère n’est pas seul et parle avec un de ses employés de la police du Rêve. Il est rare que l’un de ses tas de gras sorte de leur antre — de toute façon, ils n’ont droit à aucun accès sans qu’on les accompagne.

Carpe détaille l’étranger avec méfiance : l’homme a une petite quarantaine d’années et présente une épaisse tignasse d’un blond cendré, séparée avec soin par une impeccable raie au milieu, ainsi que des yeux verts profondément enfoncés dans sa peau maladivement pâle. Il porte un collier de petits tubes colorés sur son uniforme gris rapiécé de carrés de patchwork multicolores.

Carpe se demande vaguement qui est cet homme : comment Griffon sélectionne-t-il ses subalternes ? Sonde-t-il leurs rêves préalablement pour définir s’ils sont aptes pour le poste ? L’obèse tourne la tête et son regard perçant rencontre celui de Carpe qui s’empresse nerveusement de continuer son chemin.

— Il me regardait, dit le voyageur.

— Je te demande pardon ?

— Votre frère, il nous observait, il écoutait peut-être.

— Ça n’a pas de conséquence, Anton. On ne disait rien de particulier et nous devrions rentrer maintenant que tu as trouvé le livre que tu cherchais.

— Oui, je vous remercie.

Griffon s’écarte pour laisser passer son collègue, lui permettant de choisir le rythme de son pas étrangement chaloupé. Son poids le ralentit et Griffon entend souffler l’obèse.

Georges se demande à quoi peuvent ressembler ses voyages dans l’onirisme. D’ailleurs, à quoi peuvent ressembler les rêves de tous ses suppléants ?

La dernière fois qu’Anton est venu lui sauver la mise, il semblait étonnamment véloce. Passe-t-il son temps à parcourir Limbo en faisant fi des désagréments de la gravité du monde réel ? Bondissant dans l’onirisme comme un cosmonaute à la surface d’une lune ?

Griffon raccompagne Anton jusqu’à la banquette où il a l’habitude de rêver. L’homme se rallonge péniblement pendant que les autres sont en train de se sustenter à des assiettes copieusement remplies. Georges lui tend un plat déjà installé sur la table centrale :

— Mange quelque chose, nous repartirons dans Limbo juste après et nous y resterons au moins dix heures. Il faut que tu tiennes le coup.

L’homme acquiesce pendant que ses collègues commencent à saucer leurs assiettes et Griffon se sent pris d’une bouffée de tendresse pour chacun d’entre eux. Anton, Merry, Irnée, Alma, Firgon et Ouna sont avec lui depuis que la police du Rêve a été créée.

Il les a trouvés tous ensemble, incapables de subvenir à leurs besoins, seuls et croupissants dans un hôpital n’ayant pas les moyens de traiter leurs troubles. Rejetés par le système en cours, inadaptés à la réalité, nul n’est plus apte à travailler à ses côtés qu’eux.

C’est une tâche cruelle certes, mais il est heureux de transformer ses collègues en bibendum de nuages flottants entre les brumes de Limbo plutôt que de les voir se morfondre dans leurs lits. Anton avale une bouchée de son plat et se penche vers lui :

— Au fait, je voulais vous demander quelque chose depuis un moment maintenant.

— Oui ?

— Je m’interrogeais à propos de Limbo et de la photo que vous avez amenée, il y a plusieurs mois...

— Hum ?

— Ce n’était jamais arrivé avant. Vous avez sorti un objet tangible du monde des rêves, ça n’est pas bizarre ? Limbo est censé être un univers onirique, non ? On se balade dans la tête des gens, alors tout ça, ces images et ces sons, toutes ces informations… devraient juste être un ensemble d’ondes cérébrales, auxquelles nous pourrions nous connecter, pas vrai chef ?

— Je sais, j’y ai déjà songé.

Encore plus quand il a compris que dans la première occurrence de l’univers, il s’est réfugié lui-même dans Limbo avec Grenade et Bebbe. Des humains qui se volatilisent du monde réel pour se fondre dans les rêves et des photographies oniriques qui deviennent palpables... Il secoue la tête : il n’a pas la réponse à ces questions.

Anton continue d’une voix monocorde :

— Et puis, si l’on s’éloigne un peu des rêveurs de Vérone, on se met à rencontrer des tas de créatures du Multivers et parfois d'autres voyageurs. Pourquoi, malgré le nombre de dimensions du Multivers, n’y a-t-il qu’un seul Limbo pour tout le monde ?

Griffon hausse les épaules en débarrassant l’assiette.

— Je ne sais pas quoi te dire... tu as raison, mais je n’en sais pas plus que toi. J’ai beau avoir... ce pouvoir... cette possibilité d’accéder à Limbo, de vous y emmener... je n’ai aucune certitude et j’ignore tant de choses...

Il jette un coup d’œil à Anton qui le contemple, et entre ses traits bouffis brille son regard vert, luisant d’intelligence.

— Je vais vous dire ce que je pense, moi, si vous le permettez. Ce monde, Limbo, je ne crois pas qu’il s’agisse vraiment de rêves.

 

74.

 

Mante est perplexe. Songeur, il tourne une énième fois la deuxième borne mémoire entre ses doigts. Il y a un véritable mystère là-dessous : l’un des membres de la Machine lui fait parvenir d’anciens souvenirs cachés dans des caisses de matériel de rechange. Mais qui ? Et pourquoi ?

De plus, pourquoi le faire incognito ? Mante a essayé de se mêler un peu plus aux autres membres de la Famille afin de mener sa petite enquête, mais personne n’a changé d’attitude envers lui. Il finit par reporter son attention sur la borne, ouvre sa trappe céphalique en tâtonnant et la branche sur un port.

C’est un souvenir d'un jour d'été, dans les camps où vivait la première Famille, après que Lù s'est réincarnée pour la première fois, des dizaines d'années après son départ avec Andiberry.

C'est un souvenir humiliant.

*

Lùshka était de dos, debout dans la lumière que diffusait un carreau crasseux dans l’atelier et sa robe d’été jurait avec l’établi où étaient alignés tout un tas d’outils.

— Enlève ton pantalon, s’il te plaît...

Taïriss ne sut pas très bien quoi dire :

— Déjà ?

— Ah bah oui, il va falloir que j’aie une idée de l’espace que j’ai.

L’androïde regarda à droite, puis à gauche, et commença à déboutonner son pantalon. Des tas de questions existentielles se baladaient dans sa mémoire vive : devait-il ou non garder son tee-shirt ? Plus important, devait-il garder ses chaussettes ? C’était très mal vu par les humains de se balader fesses nues en tee-shirt et chaussettes, non ?

Lù tapota son menton pensivement tout en brandissant une énorme cisaille.

— Hum... Non, ça n’ira pas.

Elle se retourna, fixa l’automate d’un air interdit avant d’éclater de rire. Taïriss s’imagina rougir, mais il savait que ça ne se passait que dans son amas de connexions et que son épiderme plastifié restait impeccablement rose. Il se sentit idiot, tout nu avec la chaussette qu’il n’avait pas eu le temps d’enlever, mais ça lui faisait plaisir d’entendre Lù rire. Elle se calma et lui indiqua d’un doigt l’escabeau :

— Grimpe là-dessus, que je puisse mieux voir.

Hésitant, Taïriss obéit, Lù se rapprocha et observa son aine d’un air extrêmement concentré, un mètre ruban en main. L’androïde sentit que ça surchauffait dans sa mémoire vive.

— Vous êtes sûre que c’est une situation correcte, Mademoiselle ? Que dirait Madame votre sœur si elle rentrait ?

— Patie ? Avec sa cataracte, elle n’y voit goutte ! Elle croirait que je te donne un coup de peinture !

— Et le petit Tony ?

— Ça le ferait bien marrer !

Lùshka sourit et cela fit plaisir à l’automate, car cela n’arrivait plus si souvent ces derniers temps. Il remarqua que le front de la jeune fille était tout rouge à force de frotter l’œil de Mock pour qu’il disparaisse. Elle souffla :

— Bon, ça devrait le faire. Il va juste falloir que je décolle ta peau ici et que j’ouvre une trappe pour faire passer les fils. Facile ! Et après je retouche un peu ta cervelle de métal.

— Quoi ?

— Ben oui, tu seras un peu plus bête qu’avant, c’est sans compromis ! Ce genre de choses ne vont pas l’une sans l’autre. Finis les longues discussions sur la thermodynamique pour le plaisir, les soirs d’hiver !

— Je n’ai jamais fait ça !

— Ça me rassure, ça te fait un nouveau point en commun avec beaucoup d’êtres humains. Bon, maintenant, il faut passer à la question la plus importante : tu le veux de quelle taille ?

C’en était trop pour les prudes circuits imprimés de Taïriss :

— Je ne peux pas parler de ça avec vous Mademoiselle ! Je vous en prie, faites au mieux !

— C’est quand même important comme question. Tiens, prends cette banane ! Tu me la grignotes pour me donner une idée de ce que tu veux.

— Je n’ai jamais été capable de manger !

— Tu me la sculptes. Tiens, voilà la scie !

— Je veux quelque chose de NORMAL !

Lùshka s’accouda contre le plan de travail et se frotta le front, un sourire espiègle collé sur les lèvres.

— Il y a toutes sortes de déclinaisons du mot normal, tu sais. C’est surtout ça qui fait les humains. Mais j’ai compris, je suis désolée de t’avoir taquiné. Je vais te faire un pénis de toute beauté, très normal. Arrête de trembler et rends-moi cette banane.

L’androïde se rendit compte qu’il serrait un peu trop fort le fruit dans sa main métallique.

— Beurk.

— Tu peux descendre et te rhabiller. Il va falloir que je finisse le mécanisme et on se reverra incognito pour faire des essais.

Soulagé, Taïriss sauta littéralement de l’escabeau pour bondir dans son pantalon.

— Pourquoi est-ce que j’ai voulu ça déjà ? marmonna-t-il entre ses dents.

Question bête. Il connaissait la réponse.

— Je suis désolée, dit Lù.

Il se tourna vers elle et ne sut pas quoi répondre. Elle avait de nouveau cette expression sombre sur le visage qui lui donnait l’air à la fois très jeune et très vieille et il constata que c’était vraiment ce qu’elle était. Pour la millième fois, il avait envie de lui poser la question qui lui brûlait les lèvres :

Comment était-ce de l’autre côté ?

Est-ce que mourir et revivre, c’est un peu comme ne plus être chargé, puis être mis sur secteur et se réveiller ?

— Pourquoi ?

Il connaissait la réponse à cette question : exceptionnellement, Taïriss lui avait fait une requête et elle était impuissante à la satisfaire. Pour le consoler, elle essayait de lui faire plaisir en tentant de le rendre plus proche des vivants par un autre biais : le sexe. Elle leva les bras et les laissa retomber :

— Tout ça... Tout ça, c’est très amusant, mais ce n’est pas ce que tu voulais. Ça, c’était presque pour que je ne sois pas déçue, pour que je puisse faire quelque chose pour toi : te rendre un peu plus humain.

L’androïde ne dit rien : il ne devait pas faire de mal aux êtres vivants et il avait peut-être fait de la peine à sa maîtresse en lui demandant cette faveur. Peut-être qu’il aurait juste dû garder son problème pour lui, mais il y avait cette chose qu'il désirait tant que ça lui faisait mal à l'intérieur des circuits.

Il avait pourtant essayé tout seul : apprendre les jeux de mots, les clins d’œil, l’ironie, les contrepèteries, l’autodérision et le virelangue... mais rien qui puisse combler le vide immense.

Lùshka soupira :

— J’ai cherché, vraiment. J’ai vu des tas de mondes et décortiqué des tas de robots, j’ai appris à piloter un vaisseau spatial, à marcher dans une combinaison de cosmonaute, à réparer une tractopelle, un atomiseur de particules. Mais ça, je ne peux pas faire...

La lumière de la lucarne sale tombait juste sur ses yeux gris, elle avait l’air tellement, tellement triste, et lui, il sentait son cœur devenir lourd comme une clef à molette. Lù murmura, enfin :

— Je suis désolée Taï, je ne sais pas comment te faire rire...

 

75.

 

Le compas tourne sur la feuille, inscrivant un cercle au milieu des multiples traits tracés avec rigueur.

— Et ça, c’est quoi ? demande Olween.

Loup se redresse sur les genoux et jette un coup d’œil au plan qu’il est en train de dessiner, sur une immense feuille posée sur le sol du salon.

— Un escalier de secours, mais il faut aussi avoir accès à S.I.T.A.R. pour y accéder.

Son interlocuteur pousse un grognement :

— Y a-t-il une chose dans ce bâtiment qui ne soit pas protégée par ce maudit logiciel ?

— Oui, cette partie, là.

Loup entoure du doigt une zone du rez-de-chaussée avant d’expliquer :

— Ce sont les cuisines, le seul endroit qui soit accessible au personnel extérieur. Après, la nourriture monte par des passe-plats.

— Et comment faites-vous pour le ménage ?

— Tout est robotisé depuis un moment. Chaque pièce possède sa trappe où se dissimulent les nettoyeurs pendant la journée.

— Qu’est-ce qu’on peut faire alors ?

— Ça dépend pour quoi… Si le but est de changer de monde, il faudrait que Bebbe accouche de Lù puis la fasse sortir : c’est le plus simple pour nous. Comme je vous l'ai révélé, celle-ci est déjà enceinte d'un enfant de sexe féminin. Il reste à trouver comment la convaincre, sachant que je possède un moyen de la contacter en utilisant l’ancien appartement de Griffon. En revanche, si l’on suit plutôt le plan de Berry, il faut récupérer le contrôle de la station d’épuration d’eau, prendre la Machine d’assaut et pirater S.I.T.A.R pour le mettre dans notre poche.

— C’est possible ?

— Ça dépend de toi. Si tu peux craquer les mots de passe, alors je pourrai gérer. Je l’ai modifié plusieurs fois pour Cerf et je maîtrise bien les mécanismes du logiciel.

— Ce n’est pas toi qui l’as créé ?

— Non, à ce que j’en sais, c’est Héquinox qui l’a mis en place la première, mais je ne crois pas qu’il s’agisse de l’une de ses créations. Ça doit venir de Valta--imhir, la ville du Multivers où elle est née.

— La ville de Mock ?

— Ouais, la ville des masques.

— Hein ?

— Ah oui, ce n’est pas vraiment une info importante, mais le concept des masques de la Famille vient de Valta--imhir aussi. Tous les hommes en portent là-bas... ou en portaient, il y a plus de 2000 ans en tout cas.

— Pas les femmes ?

— Non, les femmes portent l’œil de Mock, qui leur confère sagesse et puissance. Les hommes sont confinés à des activités moins importantes et n’ont pas l’autorisation de montrer leur visage en public. Le masque contient également une puce qui indique leur position.

Comme Olween ouvre de grands yeux, Isonima continue de parler, tout en attrapant une règle pour finir son ouvrage :

— Les masques que nous portons sont un peu différents : Cerf utilise le sien pour dissimuler son âge et les nôtres contiennent effectivement une puce, mais j’ai brisé la mienne avant de jeter mon masque dans la Rivière Bleue. Ils nous permettent de passer sous silence la disparition de l’un des nôtres, ce qui nous confère une aura d’invincibilité trompeuse. Ce sont également eux qui nous autorisent à circuler à l’intérieur de la Machine, comme une sorte de laissez-passer que le système reconnaît.

— On pourrait utiliser ton masque pour entrer à ta place ?

— Hum-hum. Il y a une reconnaissance faciale obligatoire quand on emprunte l’ascenseur.

— Mais toi, tu devrais pouvoir retourner dans la Machine sans problème, non ?

— Oui, mais seul, je ne peux pas faire grand-chose… et l’ascenseur de l’entrée saura faire la différence entre une et plusieurs personnes.

— Si je résume, dans un premier temps, c’est beaucoup plus prudent de passer par l’appartement de Griffon où tu pourrais contacter Bebbe et la convaincre de sortir. De ce que j’en sais, elle n’a aucune raison de refuser de s’enfuir si on lui offre une cachette convenable.

Loup lève son regard mauve sur l’homme et les petits yeux bruns le lui rendent . Dans la grande guerre qui oppose les ambitions de Berry à celles de Gyfu, Loup s’est toujours demandé quelle était la place d’Olween.

Où Gyfu a-t-elle récupéré cet étrange personnage ? Quels idéaux nourrit-il, enfermé dans les couloirs de cette base qui le laissent à peine passer ? Est-il juste un résistant comme les autres ? Loup a déduit qu’Olween était le supérieur de Berry dans la première occurrence. D’une organisation désignée sous le sigle « F.T. ».

Voilà encore un mystère, la « F.T. », et Olween refuse d’en parler. Loup répond prudemment :

— Pas forcément. Ça pourrait être une solution, mais on prend quand même pas mal de risques en ressuscitant Lù sans trop savoir quelle est sa part dans ce bourbier. De plus, Bebbe m’a sous-entendu que l’appartement de Griffon pourrait être surveillé, par Griffon le premier et je ne la vois pas sortir de la Machine enceinte jusqu’aux dents. Elle attirerait l’attention des autres membres.

— Tu as une meilleure solution ?

— … Passer par les conduits de la cuisine de nuit. Dans tous les cas, ça nous permettrait d’essayer de parler à Bebbe ou bien de tenter de déverrouiller les portes une à une jusqu’à arriver à l’unité centrale.

— C’est possible ?

— Oui, mais ça prendra du temps pour modifier le logiciel ou parlementer. En cas de mauvaise rencontre, ça pourrait tourner mal et je ne me sens pas de faire ça seul.

— Berry viendrait avec toi.

La bouche de Loup devient un peu sèche, comme à chaque fois qu’on l’associe directement à Berry.

— Ouais.

Il n’est pas idiot et Berry a été plutôt clair dans les avances qu'il lui fait quotidiennement, mais Loup ne sait pas trop ce qu’il en pense. Berry est drôle et plutôt beau dans son genre. En plus, il est érudit, intelligent et Loup peut lui causer thermodynamique le soir sans que son interlocuteur décroche, mais il n’arrive pas à s'imaginer dans ses bras.

Il suffit qu’il essaye de s’y projeter pour qu’un autre visage apparaisse, avec des cheveux plus sombres, des yeux plus bleus, et en quelques secondes, le sourire canaille devient carnassier et avenant. Un petit lutin s’amuse à faire des nœuds dans ses entrailles jusqu’à ce qu’une lente nausée l’envahisse. Il est si stupide : Chien n’a sans doute aucun intérêt pour lui. En plus, en tant que membre de la Famille, il doit vraiment le considérer comme son frère.

Et ce n’est pas demain la veille qu’il rencontrera une autre personne qui s’intéressera à son physique bizarre. Loup regarde avec résignation ses immenses mains au bout de ses bras trop longs. Il comprend pourquoi à présent : un hybride...

Est-ce que Berry l’aime bien pour ça ? Lui qui recherche toujours de nouvelles façons de trouver la sensualité et le plaisir… Est-il attiré par sa bizarrerie et cela gêne-t-il Loup ?

Il soupire. Pourrait-il céder à l’intérêt de Berry, simplement parce que tout espoir avec Chien est illusoire ? Il s’en veut de cette pensée et brise sa mine de crayon sur le plan de travail.

— Mince, c’était la dernière, grommelle-t-il.

— Il y en a quelque part en bas, entre l’appareil à gaufres et l’accordéon.

— D'accord, je vois l’endroit, je reviens tout de suite.

Isonima se redresse péniblement et frotte ses mains sur la salopette qu’il porte aujourd’hui avant de s’aventurer dans les couloirs les plus étroits de la planque. En passant à côté du cercueil de Siamanalasca, il n’oublie pas de tapoter le verre pour la saluer :

— Ça roule, vieille branche ?

En toute réponse, la sylphide endormie pousse un soupir imperceptible et Loup poursuit sa route jusqu’à une impasse où Gyfu continue à entasser son incroyable bazar. Il repère le gaufrier et l’accordéon puis parcourt des yeux les étagères, croulant sous d’antiques conserves et de multiples tableaux poussiéreux et enfin met le nez sur un pot rempli de crayons à papier et de gommes.

Il choisit un critérium convenable, mais celui-ci lui échappe des doigts pour mieux rouler sous une commode. Loup soupire, hésite un instant à simplement prendre un autre crayon, puis finit par se mettre à genoux pour aller chercher le fugitif. Sa main rampe parmi les moutons de poussière avant de se poser sur une boîte qu'il sort pour pouvoir glisser son bras plus loin et enfin récupérer le porte-mine convoité.

Il remet la boîte sous la commode, machinalement, mais finit par remarquer une anomalie : le contenant est légèrement trop frais. Curieux, il ouvre le couvercle et une petite bouffée de fraîcheur s’en échappe. L’intérieur est recouvert d’une mince pellicule de givre et contient une série de tubes à essai dont le contenu est gelé.

Loup fronce le nez. Gyfu a de ces drôles de trucs des fois. Il prend un des tubes à essai entre ses doigts et sent son cœur qui se met à cogner dans sa cage thoracique. Le liquide est rouge et porte une petite étiquette :

« Tony »

 

 

 

76.

 

Grenade jette un vague regard dans le miroir et une blonde maigrichonne avec des yeux clairs et des cheveux courts le lui rend sans enthousiasme. Grenade ne se reconnaît pas et cela la rassure un peu. Son nouvel uniforme est posé sur le lit. Elle l’enfile avec un frisson : sa peau se rappelle la texture de la peur et se couvre de chair de poule.

— Tout va bien ?

Gyfu se trouve à l’entrée de la salle d’eau et l’observe.

— Oui, répond Grenade d’une petite voix.

— Tu n’es pas obligée de faire ça, tu sais...

La jeune fille scrute le visage de la sylphide à travers le miroir. Elle a toujours son expression impassible et ses yeux noirs très doux entre les longs cils. Grenade fronce les sourcils :

— Pourquoi êtes-vous contre ce projet ?

Dame Gyfu ne répond pas et lui rend son regard comme un défi.

— Vous m’aimez pas, ajoute Grenade, tout en glissant un couteau laser dans un étui contre sa hanche.

La sylphide secoue la tête d’un air amusé :

— Ce genre de remarque ne veut rien dire pour moi, je me défie de toi et c’est très différent.

Grenade observe la grande carte punaisée sur le mur : le plan du Mur tel que l’a dessiné Loup. Elle pensait ne pas en avoir besoin, mais le tracé des bouches d’aération et le quartier général de Chien lui seront bien utiles. Elle reporte son attention sur son interlocutrice :

— Qu’est-ce que ça signifie ?

— Honorine t’a envoyée vers nous et nous ne savons pas pourquoi. Tu penses qu’elle désire que tu lises dans le passé des protagonistes qui ont fait des souhaits lors de la première occurrence, mais pourquoi le voudrait-elle ?

— Eh bien, je suppose que...

— C’est Honorine elle-même qui a relevé ces vœux : elle les connaît donc. Pourquoi ne pas te les avoir dits, tout simplement ?

Après hésitation, Grenade murmure :

— Je crois qu’elle le pouvait pas. J’ai compris que cette histoire concernait quelqu’un d’autre... et je suppose qu’il s’agit de Lù. Je crois qu’elle voulait nous aider, mais qu’elle avait pas le droit alors elle a essayé de nous mettre sur une piste. J’ai pas le choix, il faut que je retourne au Mur pour lire Chien.

Gyfu finit par s’asseoir sur le bord de la baignoire rouillée à pattes de lion qui occupe un coin de la salle de bain.

— Tu es envoyée par Honorine... C’est ce que tu as dit en tout cas et elle t’a laissé regarder dans sa tête... N’as-tu pas vu le cadavre de Lù lors de ce souvenir de la grande Apoptose ? Un détail, en comparaison d’un univers dévoré, mais peut-être pas tant que ça.

Grenade la fixe, fouillant dans sa mémoire, et soudain elle sait de quoi parle Gyfu.

— C'est vrai, il y avait un cadavre d'une fille tuée par un pistolet dans la pente, juste avant le retour en arrière.

— Tu sais donc que je n'ai fait que dire la vérité : Honorine a tué Lù et a refusé de me dire pourquoi. C’est pour cette raison que je ne peux vous faire confiance à toutes les deux.

Grenade fonce le nez :

— Mais vous aussi vous faites des cachotteries. Vous mentez à Loup et vous me faites mentir aussi, je déteste ça.

— Oui, mais tu en connais la raison.

— Peut-être, mais nous devrions lui dire la vérité quand même… Il sent qu’il y a quelque chose qui cloche.

— Ça ne serait jamais arrivé si tu n’étais pas parmi nous.

— C’est pour dire ça que vous êtes venue ?

Les prunelles noires de la sylphide se radoucissent :

— Non, nous avons retravaillé les bouchons d’oreilles et avons créé un petit émetteur avec un microphone. Tu pourras communiquer avec nous où que tu sois. Si tu es dans une situation difficile au Mur, je ne pense pas qu’on puisse t’aider, mais si tu arrives à sortir en te mêlant à une patrouille, nous ferons diversion pour que tu te fasses la belle.

— Merci beaucoup, je pourrai aussi vous faire passer les infos que j’ai collectées même si je me fais prendre.

— Espérons que nous n’en arriverons pas là. Après ton départ, nous modifierons l’emplacement du QG, ainsi tu ne pourras pas nous trahir, torture ou pas. Si jamais tu te fais prendre, avoue rapidement que Loup est notre prisonnier, ça évitera qu’on essaie de te faire dire autre chose.

Grenade tique. Déplacer le QG ? Combien de temps faut-il pour bouger tant de bazar ?

— D’accord.

Gyfu se relève et s’apprête à quitter la pièce, mais Grenade l’arrête encore :

— Dame Gyfu ?

— Oui ?

— Je voulais vous parler d'autre chose, à propos de mon masque... le Rebrousseur. Vous avez dit que vous aviez déjà vu ce genre d’objet.

Cela faisait longtemps que cette question la taraudait, sans qu'elle ose questionner cette créature qui l'observait avec distance.

— Oui, c’est vrai... en fait, je crois qu’il s’agissait du même masque, mais avant que le premier Georges ne te le donne.

— Pourquoi est-ce que je vois le passé des gens qui ont le même code génétique dans la première occurrence ? Vous avez dit vous-même qu’il ne s’agit pas de la même personne.

La sylphide sourit :

— C’est parce que ton masque fouille la mémoire de Limbo. Et Limbo ne fait pas de différence entre les personnes des deux occurrences : il fouille simplement de plus en plus loin dans le temps en fonction du visage que tu observes, une recherche par image, en quelque sorte.

— Mais Limbo est juste une dimension composée de rêves...

Le sourire de Gyfu s’élargit :

— Limbo se modifie en fonction des pensées des espèces supérieures du Multivers, les rêves n’en sont qu’une minuscule partie.

— Comme un groupe de pensées qui flottent dans l’air ?

Gyfu secoue la tête :

— Non, c’est une zone palpable avec de la vraie matière, soumise à des règles beaucoup plus souples que dans le Multivers.

— Mais ce n’est pas le Multivers ?

— Pas vraiment, c’est l’espace entre les mondes.

— Je ne comprends pas.

— Des études ont montré que l’infiniment petit ressemble à l’infiniment grand. Par exemple, nos corps sont composés de cellules, qui sont de petits systèmes organisés. Et entre ces cellules, il y a une zone neutre qui permet la circulation de molécules. Les cellules communiquent difficilement entre elles, mais il y a énormément d’échanges avec la zone intercellulaire. Les cellules fonctionnent comme des mondes du Multivers, et Limbo en est l’interzone, tout simplement. Les mondes qui sont proches se ressemblent, tout comme les cellules d’un même organe se ressemblent, c’est tout.

Grenade ne répond pas. C'est si compliqué.

Gyfu conclut :

— Lù appelait ça la théorie de Mock.

 

77.

 

Andiberry Richter est très fatigué.

— Non, non, non ! répète-t-il d’une voix forte pendant que tous les résistants se serrent les uns contre les autres en lui jetant des regards assassins.

— Si ce n’est pas maintenant, alors quand ? proteste une femme au premier rang. On attend depuis des mois de passer à l’action, et ce n’est jamais le bon moment d’après toi.

— Vous ne devez pas prendre la Machine d’assaut, c’est ce qu’on essaye de vous expliquer ! On a eu des infos sûres sur le sujet : il faut d’abord neutraliser la sécurité de S.I.T.A.R avant d’aller plus loin, sinon on va se bloquer tout accès à l’eau potable.

— Tes informations sûres, tu les as trouvées dans ton trou de balle, grommelle le grand chef à la peau d’encre. Y a jamais rien de bien qui sort de la Machine, Berry ! Y m’ont pris mon Kérouit, ça peut pas se passer comme ça !

— Je ne balance pas mes informateurs, Martial, c’est pour ça qu’ils sont toujours en vie.

Le groupe continue de rouspéter tout en sirotant de mauvaises bières dans les sous-sols du Bouc ivre.

— Mais alors, on fait quoi ? On ne peut pas leur laisser nos enfants, quand même !

— On leur donnait déjà nos enfants, quoi qu’il en soit, lâcha sèchement Berry. Et cette nouvelle mesure est passée à cause des manifestations. Je vous disais d’attendre, vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous-même.

— Alors on leur file nos gosses ? insiste quelqu’un. Sans moufter ?

— Oui, on les leur reprendra en temps voulu. Bientôt. Enfin vous voyez, je ne dis pas qu’on doit les leur donner sans rouspéter un minimum, ça serait trop bizarre. Maintenant qu’on en est là, on doit maintenir les manifestations pour faire diversion pendant qu’on infiltrera la Machine. Quand ce sera fait, vous pourrez faire ce que vous voudrez avec les survivants.

— Ce qu’on veut ?

— Bien sûr ! Pourquoi est-ce que je les protégerais, par Juniper !

— Je sais pas. Tu causes beaucoup Berry, mais t’as pas fait grand-chose ces derniers temps.

Mécontent, l’ingénieur croise les bras devant son torse.

— Wow, wow, je ne te permets pas de me parler comme ça ! Qui est-ce qui répare gratos vos zeppelins depuis six mois ? Qui est-ce qui a eu l’idée de développer des casques qui bloqueraient les interventions de la police du Rêve ?

— T’as pas fait grand-chose d’autre depuis ce moment-là… On ne t’a même pas vu aux manifs !

— Pour me faire arrêter, non merci ! Je m’en passerai…

Berry tique : il y a une femme au fond de la salle qu'il n’a jamais vue, mais il devine son identité. Le visage dissimulé sous la capuche de son sweat-shirt, une longue mèche de cheveux bouclée turquoise rebondit devant un regard jaune. Berry se concentre pour ne pas paraître trop décontenancé et reporte son attention sur les révolutionnaires qui lui adressent leurs reproches.

— Je comprends que vous soyez en colère, mais est-ce que je peux compter sur vous ? Il y va de notre survie à tous, vous voyez ?

Les hommes grommellent puis acquiescent et Berry hoche la tête sévèrement :

— D'accord, très bien. On refait le point dans trois jours pour voir où on en est, au Troll Radieux cette fois, à la même heure que d’habitude.

Berry soupire de soulagement tandis que ses complices vident leurs bières et quittent la salle par petits groupes.

D’accord, tout le monde n’est pas content. D’accord, il ne sait pas combien de temps il peut les contenir. Tout ça, il le sait, mais au moins, rien n’a encore mal tourné et c’est ça qui compte pour l’instant. Il remet ses cheveux en arrière et de courtes mèches brunes se collent à la sueur de son front. Maja se rapproche du bureau, avec son air des mauvais jours, un air que n’aime pas trop Berry. Ça fait un moment qu’il ne l’avait pas vue et il repense soudainement à la fille aux cheveux bleus au fond de la salle. Il jette un regard circulaire, mais elle a disparu.

Il reporte son attention sur Maja qui pose une guitare sur le bureau. Il ne dit rien. Sunna n’est pas rentré depuis des jours et Berry n’est pas stupide. Comme Maja se tait, il finit par demander :

— C’est sûr ?

— J’étais là quand ils l’ont abattu. Il chantait sa chanson d’imbécile. Le cadavre a été jeté dans la Rivière Bleue.

Berry pose sa tête entre ses mains.

— J’avais pas envie d’y croire...

Elle indique la guitare d’un geste du menton :

— J’ai pensé que tu aimerais l’avoir.

La peine se roule doucement entre les côtes de Berry qui déglutit et se force à articuler :

— Tu as eu raison, merci... Tu as dû prendre des risques pour la récupérer.

— Pas tant. Je me bats pour mes droits, mais je suis pas sentimentale au point de jouer ma vie pour un souvenir.

Berry hoche la tête. La peine se redresse, cherche une position plus confortable et s’étale davantage.

— Merci, répète-t-il un peu mécaniquement.

— Ça va aller ? Tu veux que je te raccompagne ?

— C’est bon, c’est mieux que je sois seul.

— Ne te jette pas dans la Rivière Bleue, on a encore besoin de toi.

Il grimace :

— Ne rigole pas avec ça.

Elle marmonne des excuses et s’enfuit. Berry reste un peu hébété quelques instants, tout en se répétant que ce n’est pas une surprise, qu’il s’en doutait et qu’il ne doit pas se laisser aller. La peine ronronne et se fait les griffes sur son cœur. D’un geste tremblotant, il attrape la guitare par le manche et quitte la salle vide.

L’air froid de l’extérieur le saisit alors il remonte la fermeture éclair de sa veste de cuir et s’enroule dans son écharpe orange, puis il fouille ses poches pour trouver un paquet de cigarettes.

Berry ne fume pas souvent, juste quand ça ne va pas. La Rivière Bleue paresse dans les petits canaux qui la mènent à la sortie de la Ville Noire. Lequel de ses affluents a emporté le corps de Sunna ? Les lèvres de l’ingénieur laissent filer un courant de fumée bleue qui s’enroule autour de la silhouette attendant le long du quai. Andiberry lui jette un regard et reconnaît Honorine Italique. Elle lui sourit et tend la main.

— T’aurais pas une clope pour moi, l’temps qu’on cause ?

— Je suis pas trop d’humeur ce soir, tu vois…

Malgré tout, il récupère son paquet et la laisse choisir. Comme la punk semble avoir oublié son briquet, il sort le sien. La fille se penche pour allumer l’extrémité de sa cigarette. La flamme fait flamboyer ses yeux jaunes tandis que son tabac s’habille d’une gemme incandescente.

— Qu’est-ce que tu me veux ? demande-t-il d’une voix dure.

— Y a un problème ?

— Mon boss pense qu’il ne faut pas trop t’écouter.

— C’n’est pas important, j’te laisse pas trop l'choix.

— Qu’est-ce que ça veut dire ?

— Tu sais qui j’suis. Dans quelle merde j’peux vous enfoncer.

— Recommencer le monde, encore ?

— Ouais.

— C’est comme ça que tu fais chanter Cerf ?

Elle glousse :

— Possible, et j’te déconseille de tenter d’me tuer. J’suis moins fragile que des jeunettes comme Lù.

Elle a l’air très sûre d’elle et une fossette déforme sa joue dodue tandis qu’elle crapote sur son mégot pour le plaisir de faire des petits ronds. Berry mâchonne sa langue :

— Alors ?

— Alors j’suis désolée, mais tu vas devoir revenir sur la promesse qu’tu viens de faire à propos des membres de la Famille. J’te déconseille de tous les tuer, sinon tu vas avoir de gros problèmes.

Il comprend soudain où elle veut en venir et soupire de soulagement :

— Du calme, je sais très bien quelles sont les règles de résurrection de Lù. Je ne suis pas stupide, on la fera sortir avant que je livre ces connards en pâture.

— Vraiment ?

La fumée dessine un poisson dans les airs et Berry est admiratif, mais il n’ose pas détourner la conversation. Un homme passe dans la rue et le chien d’Honorine se met à japper ; elle le rabroue :

— Ça suffit ! Tais-toi Raclure !

— Raclure ?

— Chacun son p’tit nom.

— Tu fais ce que tu veux...

Derrière ses joues rondes et son sourire moqueur, les yeux jaunes d'Honorine le fixent avec sérieux :

— Et que s’passera-t-il si Lù meurt à nouveau et que t’as tué tous les p’tits copains qui peuvent la faire rev’nir ?

Berry déglutit :

— Je… je n’y avais pas pensé.

Honorine s’approche de lui et lui tapote la poitrine. Son mégot tremblote au coin de ses lèvres :

— Si y a le moindre mort dans la Famille, mon p’tit pote, t’auras affaire à moi. Est-ce que c’est clair ?

D’une pichenette, elle envoie le mégot dans la rivière et celui-ci est emporté par le courant. Tandis que le chien lui court après en aboyant, Berry serre fort le manche de la guitare. Dans son cœur, la peine ricane.

 

78.

 

Chien a déjà ingéré plus de Vent que de raison quand Serpent lui envoie le message lui précisant que de nouvelles émeutes requièrent sa présence au Mur. D’un pas vacillant, il quitte sa chambre, repositionne correctement son masque sur son visage et resserre sa cravate. Il arpente le couloir jusqu’à la porte qui sépare la Machine du tunnel qui rejoint le Mur où un mot de passe lui permet d’ouvrir successivement les trois sas.

Il parcourt à peine une vingtaine de mètres que sa vue se brouille et que sa tête se met à tourner. Quelque chose ne va pas. Ce n’est pas juste le Vent, c’est le couloir !

Chien papillonne des paupières pour essayer de chasser la gêne et appuie sa paume contre le mur. La paroi vibre ! Il lève les yeux vers le plafond : il y a du monde à la surface, beaucoup de monde, des milliers de pieds qui frappent le sol de façon brutale et désordonnée. Chien est tout seul dans la terre et doit s’accrocher aux murs pour avancer tandis qu’en haut la foule marche pour sa liberté.

La nausée persiste tandis qu'une porte, tout au fond, se rapproche lentement. La migraine et les cris s’amplifient comme un nid d’abeilles en colère.

Chien tape un nouveau code pour entrer dans le Mur, se trompe puis recommence après avoir pris une grande goulée d’air. Le battant finit par s’ouvrir sur les locaux de la petite sœur de la Machine. Moins imposante, moins puissante peut-être, mais pas moins vicieuse. Chien entre dans son bureau, s’installe sur la chaise en cuir et fait plusieurs tours sur lui-même juste pour s’amuser, puis, en désespoir de cause parce qu’il ne peut plus éviter de travailler, il finit par appuyer sur un bouton qui sert à appeler sa seconde. Une jeune fille empressée, en uniforme, toque presque immédiatement avant d’entrer sans s’annoncer :

— Vous êtes là ! On vous appelle depuis des heures !

Elle a l’air affolée, comme un oiseau qui aurait cogné une vitre. Chien lève les mains et lui adresse un sourire niais qu’elle ne peut pas voir sous son masque :

— Je suis là ! J’arrive !

La fille l’observe avec des yeux ronds, mais semble elle-même trop hébétée pour vraiment pouvoir dire ce qui cloche avec le comportement de son supérieur. Chien effectue un ultime tour en fauteuil avant de se lever vers la sortie. Il passe devant la fille comme si elle n’existait pas. Elle n’existe pas. Ses dix-sept ans, sa chevelure blonde et bouclée, ses yeux noisette et ses oreilles décollées, tout ça a été vidé de sa substance et de son énergie vitale depuis longtemps.

Un fantôme.

Chien peut se permettre de l’ignorer. Il entre dans l’ascenseur et savoure quelques poignées de secondes le silence qui apaise ses céphalées tandis que la cage monte vers le rez-de-chaussée.

Quand les portes s’ouvrent, une violente clameur éclate dans ses oreilles. Immédiatement, son crâne semble pressé dans un étau et il lui faut quelques secondes pour comprendre ce qui est en train de se passer : toutes les patrouilles paraissent s’être donné rendez-vous dans le hall. Les enfants sont très calmes dans leurs uniformes. Le bruit vient d’ailleurs, de dehors.

Chien parcourt des yeux son armée de fantômes, puis descend lentement les escaliers avant de demander à l’un de ses représentants ce qu’il se passe.

— Ils essayent d'entrer, Monsieur.

— Ont-ils une chance ?

— Non, Monsieur. Ils viennent récupérer leurs enfants, mais ils ne peuvent rien faire. On commence à compter beaucoup de victimes parmi les civils. Quels sont vos ordres ? Devons-nous les affronter ou nous barricader ?

Chien ne répond pas. Se barricader, c’est perdre, mais à continuer comme ça, il va y avoir encore plus de morts.

— C’est bon, je m’en charge. Restez à l’intérieur.

D’un pas incertain, il traverse l’immense corridor jusqu’aux portes blindées — ouvertes ce jour pour permettre le renouvellement des enfants du Mur. Chien n’a pas peur. Peut-être que s’il aspire suffisamment de Vent, il deviendra un fantôme lui aussi.

Il pousse doucement des mains les patrouilleurs qui lui bloquent le passage et s’avance sur le perron du Mur. Il n’a que peu de temps pour les voir avant que l’énorme cacophonie ne soit soufflée comme une bougie.

Le peuple.

Les petites gens.

Avec leurs visages bouffis de larmes, leurs cheveux en désordre, leurs dents gâtées, leurs rides de rire et de peine, leurs trous aux godillots, leurs croûtes aux genoux, leurs taches indélébiles, leurs mitaines détricotées, leurs os saillants, leurs narines poilues, leurs cris de loup, leurs hululements de chouette, leurs ongles brisés, rognés, rongés, leurs chapeaux éclatés, leurs vestes trop grandes, leurs jupes usées, leurs ventres gargouillant…

Chien est tout seul en face d’eux avec son costume merveilleusement coupé sur sa silhouette parfaite et son masque brillant comme de la nacre. Il ignore quoi leur dire et ne sait pas du tout ce qu’il fait là. Il voudrait que cette foule vivante l’emporte loin de son armée de morts et le dévore, peut-être pour le pendre à l’arbre de fer ou l’enfermer avec Loup. Ils se serreraient longtemps l’un contre l’autre en attendant la fin.

Un projectile part de la foule et vient frapper son masque juste au-dessus de l’arcade. La porcelaine éclate et la mêlée pousse un long hurlement de haine. Chien sent le masque se fendiller, mais tenir bon. Une douleur sourde se met à pulser au-dessus de son œil.

Autour de lui, les enfants du Mur forment un semblant de protection, mais Chien n’attend rien de tout ça. Au moment où il lève les mains pour prendre la parole, les haut-parleurs se mettent à grésiller.

À nouveau, la masse humaine frissonne et se tait tandis que les enceintes parlent :

— Allô, allô… Ici Bebbe de la Machine.

Les museaux se tendent vers cette voix et les bras de Chien retombent mollement contre son corps.

— Ici Bebbe. Il y a devant moi un dossier qui indique toutes les nouvelles mesures à prendre contre la rébellion ce jour, mais je ne vous les lirai pas. Il n’y aura pas d’annonces ce soir et si Cerf ne le sait pas alors personne n’aura à en souffrir. Je vous invite à être courageux, à être ensemble. Il faut attendre juste encore un tout petit peu. Soyez patients, car la fin du règne du Patriarche est proche !

Le haut-parleur s’éteint, les oreilles de Chien bourdonnent et du sang coule sur sa paupière. Dans un silence mortel, des milliers de paires d’yeux se tournent vers lui. Tony sent des mains qui l’agrippent et le tirent en arrière. Les portes blindées qui se ferment sur lui font le même son que le ciel qui vient de s’abattre sur sa tête.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Dan Administratrice
Posté le 18/12/2016
RE-COUCOU.
Eh ben il a suffi que je me pose des questions sur les motivations de tout ce petit monde pour avoir des réponses dans le chapitre suivant, que la vie est bien faite ! Du coup côté Grenade, effectivement, je saisis mieux : retrouver tous les vœux. C'est plutôt du côté de Loup et Berry que je suis plus très sûre de moi : pourquoi chercher à entrer dans la Machine ? Est-ce qu'ils veulent « seulement » renverser le Parti ce faisant, ou faire un truc en lien avec l'arrivée de Lou ? Il me semblait que leur but du coup c'était de changer de monde mais… pourquoi s'emmerder avec la Machine s'ils ont la possibilité d'offrir une cachette à Bebbe et du coup de retrouver Lou ? À quoi ça leur sert d'infiltrer et de désactiver des trucs grâce à Loup ? J'ai l'impression que c'est très clair pour les personnages mais peut-être que ça manque de petites piqûres de rappel pour qu'on soit bien sûr des intentions de chacun.
J'ai un peu de mal à situer Olween dans tout ça, aussi ; il a l'air assez important, assez pour faire partie de la clique, en tout cas, mais il reste quand même très effacé et j'ai du mal à le cerner. Je me dis qu'il nous réserve peut-être des surprises…
C'est super-intéressant ce qu'on apprend sur Limbo, en tout cas ; c'est vrai que maintenant que tous ces personnages mettent le doigt sur certains points incohérents, on se demande comment on a pas pu trouver ça louche dès le départ (les photos, le reste). Et puis je trouve la comparaison aux cellules très parlante, moi ! Je me demande du coup quel genre d'influence cette révélation va pouvoir avoir sur la suite… Ah et je me suis posé une autre question, aussi : comment les autres rêveurs au service de Griffon font pour se balader dans Limbo, s'ils n'ont pas ce pouvoir à la base ? T'en as peut-être déjà parlé au tout début ×
Le souvenir de Lou et Taïriss était super touchant, tu nous balades d'une émotion à l'autre très facilement, en l'espace d'une seconde on passe du sourire au cœur serré et vraiment j'adore ces scènes douces-amères, en plus je trouve que tu t'en sors merveilleusement bien dans ce genre d'exercice ♥
J'avais pas imaginé que Loup était aussi « clair » sur ses sentiments vis-à-vis de Chien, par contre (peut-être parce que Berry disait à Grenade qu'il assumait pas de préférer les hommes ? J'ai imaginé qu'il refoulait ça beaucoup plus en essayant de le « cacher » sous l'amitié). Là c'est quand même très clair qu'il a des sentiments pour lui, et ça me brise le coeuuuuur parce que nous on sait qu'il manque terriblement à Chien, mais en même temps Berry est tellement cool aussi, RAH, quelle auteur sadique tu fais !
En parlant de Chien, vache, il plane plus haut qu'un cerf-volant là x'D Pauvre bibou, ça donne envie de lui faire des câlins et de lui chanter des berceuses v.v J'ai vraiment beaucoup aimé cette dernière scène avec la plèbe (toute la description que tu fais de leur allure craspouille et de leur cri, je l'ai trouvée géniale) et Chien qui se dresse tout seul face à la révolte, c'était très visuel et très frappant. Et du coup c'est une nouvelle Bebbe qui parle ? La numéro… heu… 2 c'est ça ? (j'ai peur de me gourer) qui a du coup décidé de prendre le parti des révoltés ? Aaah, encore plein de mystères dans ce chapitre (les tubes à essai, entre autres) et d'émotions fortes (Sunna, même si je m'y attendais, la réaction de Berry est presque le plus émouvant, en fait)…
Je m'attaquerai vite à la suite ! ♥
GueuleDeLoup
Posté le 18/12/2016
RE-COUCOU.
COUCOU Jean-Pierre
Eh ben il a suffi que je me pose des questions sur les motivations de tout ce petit monde pour avoir des réponses dans le chapitre suivant, que la vie est bien faite !
Et oui c'est magique. Je pleure un peu parce que c'est beau :').
Du coup côté Grenade, effectivement, je saisis mieux : retrouver tous les vœux. C'est plutôt du côté de Loup et Berry que je suis plus très sûre de moi : pourquoi chercher à entrer dans la Machine ? Est-ce qu'ils veulent « seulement » renverser le Parti ce faisant, ou faire un truc en lien avec l'arrivée de Lou ? Il me semblait que leur but du coup c'était de changer de monde mais… pourquoi s'emmerder avec la Machine s'ils ont la possibilité d'offrir une cachette à Bebbe et du coup de retrouver Lou ? À quoi ça leur sert d'infiltrer et de désactiver des trucs grâce à Loup ? J'ai l'impression que c'est très clair pour les personnages mais peut-être que ça manque de petites piqûres de rappel pour qu'on soit bien sûr des intentions de chacun.
Aha. Et bien du côté de Loup et de Berry c'est pas clair en fait à ce stade: Soit ils doivent entrer dans la Machine pour faire sortir Bebbe, soit ils "attaquent" et doivent s'infiltrer dedans. Du coup ils font des plans et des essais mais rien d'arrêté. Mais je devrais peut-être préciser ça.
Note que ils peuvent communiquer avec l'intérieur par Radje mais tu sauras dans le chapitre 16 que Radje ne leur "obéit" pas.
 
J'ai un peu de mal à situer Olween dans tout ça, aussi ; il a l'air assez important, assez pour faire partie de la clique, en tout cas, mais il reste quand même très effacé et j'ai du mal à le cerner. Je me dis qu'il nous réserve peut-être des surprises…
En fait Olween n'est pas si important dans VN, mais il est très important ailleurs. Donc on le reverra...ailleurs... Mais on en saura quand même plus sur la FT... ^^
C'est super-intéressant ce qu'on apprend sur Limbo, en tout cas ; c'est vrai que maintenant que tous ces personnages mettent le doigt sur certains points incohérents, on se demande comment on a pas pu trouver ça louche dès le départ (les photos, le reste). Et puis je trouve la comparaison aux cellules très parlante, moi ! Je me demande du coup quel genre d'influence cette révélation va pouvoir avoir sur la suite… Ah et je me suis posé une autre question, aussi : comment les autres rêveurs au service de Griffon font pour se balader dans Limbo, s'ils n'ont pas ce pouvoir à la base ? T'en as peut-être déjà parlé au tout début ×
Ah bah il les "emmêne" avec lui tout simplement.
Le souvenir de Lou et Taïriss était super touchant, tu nous balades d'une émotion à l'autre très facilement, en l'espace d'une seconde on passe du sourire au cœur serré et vraiment j'adore ces scènes douces-amères, en plus je trouve que tu t'en sors merveilleusement bien dans ce genre d'exercice ♥
Merci beaucoup. Mais oui, le doux-amer c'est clairement mon truc plus que tout au monde je crois. Faire rire et pleurer en même temps c'estl'ambition de ma vie <3.
J'avais pas imaginé que Loup était aussi « clair » sur ses sentiments vis-à-vis de Chien, par contre (peut-être parce que Berry disait à Grenade qu'il assumait pas de préférer les hommes ? J'ai imaginé qu'il refoulait ça beaucoup plus en essayant de le « cacher » sous l'amitié). Là c'est quand même très clair qu'il a des sentiments pour lui, et ça me brise le coeuuuuur parce que nous on sait qu'il manque terriblement à Chien, mais en même temps Berry est tellement cool aussi, RAH, quelle auteur sadique tu fais !
Hum, c'est vrai que je ne suis pas super claire sur le sujet. Je dirais que Loup n'assumait pas du tout dans la partie 1. Dans la partie 2 il n'assume pas à voix haute mais il assume bien dans sa tête. Quand à Lou, c'est juste une super couverture et ça remonte son égo meurtri. Mais effectivmeent, je devrais reparler d'elle un peu.
Haha, j'adore quand vous êtes partagée entre Chien et Berry XD. C'EST CA LA VRAIE PUISSANCE DU TRIANGLE AMOUREUX! QUAND PERSONNE N'EST CONTENT! PRENDS CA DANS TA TRONCHE STEPHANIE MEYER!!
 
En parlant de Chien, vache, il plane plus haut qu'un cerf-volant là x'D Pauvre bibou, ça donne envie de lui faire des câlins et de lui chanter des berceuses v.v J'ai vraiment beaucoup aimé cette dernière scène avec la plèbe (toute la description que tu fais de leur allure craspouille et de leur cri, je l'ai trouvée géniale) et Chien qui se dresse tout seul face à la révolte, c'était très visuel et très frappant. Et du coup c'est une nouvelle Bebbe qui parle ? La numéro… heu… 2 c'est ça ? (j'ai peur de me gourer) qui a du coup décidé de prendre le parti des révoltés ? Aaah, encore plein de mystères dans ce chapitre (les tubes à essai, entre autres) et d'émotions fortes (Sunna, même si je m'y attendais, la réaction de Berry est presque le plus émouvant, en fait)…
HAha le pauvre Bibou XD. Pour cette scène j'ai écouté Lone digger de Caravane palace en boucle. J'ai vriament beaucoup aimé l'écrire!
Je m'attaquerai vite à la suite ! ♥
Elka
Posté le 13/11/2016
Hey !
Me voici à jour <3 (jusqu'au prochain chapitre qui ne devrait pas tarder, certes, mais tout de même !)
J'aime ta façon d'intégrer les réflexions amoureuses de tes persos sans couper l'action pour autant. Les pensées de Loup sur Berry s'intègrent bien dans son plan avec Olween ; ça ne prends pas trop de place et pourtant, ça ne cesse d'avancer.
Il pense à Tony ç_ç Mon petit coeur tout mou ne sait plus en faveur de qui il doit balancer (aaaah et j'avais même pas fait le lien avec les longs bras de Loup ! Dire que tu nous l'annonçais dès le départ en fait ! Génial !)
Et qu'est-ce qu'on lui cache encore, à ce petit ? (et a-t-il certaines capacités des Sylphes, comme passer par un endroit normalement trop étroit ? Je m'attendais presque à découvrir un truc comme ça quand il passe le bras sous l'armoire (mais tomber sur des échantillons de sang de Tony c'est bien plus surprenant ! Qu'est-ce que ça fiche là ? (et comment cette boîte reste-t-elle froide ?))
Tony, justement... J'ai du mal à croire que ses nausées et son malaise en rejoignant le bureau ne sont dû qu'à un effet de claustrophobie. Il a l'air en tout cas complètement au bout du rouleau. C'est les enfants du Mur qui lui sauvent la vie en l'attirant à l'intérieur de l'enceinte à la fin ? Il semblait sur le point d'accepter un lynchage en règle mais.... mais non ToT
(tu nous fais ressentir beaucoup d'amour et de compassion pour des gens pas si sympas que ça jusque là, bravo femme cruelle !)
Je ne m'attarderais pas sur Sunna, même si je m'en doutais aussi, la peine de Berry m'a fendillé le coeur. J'ai beaucoup aimé toutes tes phrases pour la nommer d'ailleurs, la progression fonctionne hyper bien, j'en ai encore mal pour lui.
Du coup j'aurais bien donné un coup de guitare à Honorine qui vient lui balancer une couche de soucis en plus. Bon... moi non plus j'avais pas envisagé les risques pour Lou si aucun homme de la Famille ne survit... mais c'était pas une raison pour annoncer ça si cruellement. Elle a bien vu la galère que c'était dans le bar. Berry va se faire arracher la tête s'il revient en disant "ouais en fait... n'en tuez qu'un siouplaît"
Du coup je dirais bien "tuez Poisson, qui ouvre ce chapitre dans la joie et la bonne humeur" mais en fait il m'a fait de la peine. 
J'ai de la peine pour tout le monde, allez, C'EST LA FETE ! COMPASSION GRATOS !
Pour Taïriss je resterai sobre : Mow <3
GueuleDeLoup
Posté le 13/11/2016
Haha félicitation!
Je suis très heureuse d'avoir crée un beau triangle amoureux comme je les aime ou A aime B, B aime C, et C, ben C on sait pas trop, pour l'instant il a l'air de se foutre un peu de l'aspect sentimental de sa vie ^^. 
Haha, est-ce que Isonima a d'autres caractéristiques de sylphes? Oui, mais pas la flexibilité. Certaines parties de son corps sont transparentes mais dans l'ensemble sa chair est celle d'un humain.
 
et la boîte a soit une batterie, soit c'est un objet d'un autre monde dont je ne peux expliquer les capacité de cryogénisation ^^.
Concernant Tony, je crois que je dit clairement que dans cette scène il est complètement camé, non? Je relirai; D'ailleurs j'ai écris cette scène en écoutant la chanson Lone digger de Caravane palace en boucle.
Et je suis contente que tu ressentes de l'empathie pour les personnages un peu dans tout les camps ^^.  surtout pour tony qui était un peu legros con du début :).
Quand à Honorine... Je ne la défendrai pas pour l'instant. Mais c'est un personnage qui oeuvr pour le bien même si parfois elle oublie un peu la compassion quand elle n'a pas le temps.
Merci beaucoup beaucoup beaucoup pour ta lecture et tous tes commentaire ^^. ca me fait vraiment super méga plaisir!
Gros calinours.
Vous lisez