Chapitre 10

Anastae regarda Luciana relever sa longue robe, plonger ses pieds dans l’eau de la rivière, un petit sourire sur les lèvres : elle savait que son amie n’attendait qu’une seule chose, qu’elle la rejoigne. Malheureusement, l’envie n’était pas vraiment à chahuter dans l’eau. 

Les paroles de son frère ( l’était-il vraiment du moins ? ) tournaient sans cesse de sa tête et elle se connaissait assez pour savoir qu’elle allait les retourner dans tous les sens jusqu’à en trouver ne serait-ce qu’une marque de faiblesse qui montrait que lui aussi, inconsciemment, se souciait d’elle : 

- Anastae, si c’est pour passer la journée avec ton air mélangé à de la torture et de l’ennui, je ne vois pas pourquoi tu es venue. 

- J’ai l’esprit ailleurs, avoua-t-elle dans un soupir. 

- Bon… 

Luciana lâcha sa robe qui vint tremper dans l’eau, recula jusqu’à ce que l’eau lape ses genoux, les sourcils froncés. Elle était agacée, il ne fallait pas être intelligente pour le deviner, mais Anastae avait, une nouvelle fois, aucune réponse claire à lui donner. Pourtant, son amie était de bon conseil, elle portait toujours un œil précis sur toutes les situations et ne la jugerait jamais, du moins de qui elle avait fréquenté ces derniers jours et de sa dispute avec son frère. 

Mais Anastae était dans la peur de dire quelque chose de trop, ne serait-ce qu’une phrase, qui lui porterait la puce à l’oreille. Le seul défaut de Luciana était sa clairvoyance et cette façon qu’elle avait à profiter de toute situation. 

Cette dernière darda un regard sévère sur elle, comme si elle venait de l’entendre penser, et esquissa un rictus : 

- Tu devrais cesser avec tes secrets, du moins avec moi. Je suis ton amie et j’en ai assez d’être tenue dans l’ombre. 

- Si ce n’est que ça, tu devrais t’en remettre. 

- Et tu me fais de la peine, continua Luciana, le regard plus doux. Tu te tortures et gardes trop de choses pour toi. Si cela peut te rassurer, je garderai tous les secrets que tu me diras. 

Anastae poussa un long soupir. 

Elle n’était pas du tout confortée par cette promesse déguisée d'artifices de langage. Luciana s’en douta, fronça encore plus ses sourcils, ce qui déforma son beau visage, et, sans plus d’explications, la saisit par le bras et la tira vers elle. 

Anastae laissa échapper un petit cri, sentit ses pieds s’enrouler dans sa longue robe, tomba en avant. Égoïstement, la fée ne voulait pas tomber seule et entraîna donc son amie dans sa chute, prétextant vouloir se rattraper à ses épaules. Luciana poussa un gémissement plaintif alors que tout le poids de la demi-fée s’écrasait contre son corps. 

Anastae était incontestablement plus lourde que son amie, elle n’eut donc aucun mal à la faire tomber, emportée grâce à l’élan de sa chute. 

Les deux fées se précipitèrent donc dans l’eau tiède, dans un endroit plus profond qu’où se trouvait Luciana. Anastae atterrit la face la première dans la rivière, s’étouffant presque par la même occasion, et ses mains eurent du mal à rattraper le reste de son corps.  

Elle s’empressa de surgir de l’eau et toussa les quelques gouttes qui étaient rentrées dans sa bouche par inadvertance. Le liquide lui arrivait à la taille, le bas de sa robe était donc totalement trempé et elle sentait déjà le poids du tissu mouillé peser sur ses hanches. 

Luciana ressortit également de l’eau, ses longs cheveux de jais trempés fouettant l’air dans un mouvement féerique : même dans ce genre de situation, son amie était toujours aussi gracieuse et magnifique. Elle ne toussa même pas et se contenta de regarder Anastae avec un sourire tremblant. 

Cette dernière releva sa tête pour comprendre le début de son hilarité et se rendit compte, avec désarroi, qu’une algue était posée, très gracieusement, sur son crâne. Pendant quelques secondes, elle fixa le bout de l’algue qui glissait de plus en plus sur son front jusqu’à ce que le rire hilare de Luciana retentisse. 

Son amie était pliée, la main posée sur son ventre, les yeux fermés et la bouche grande ouverte pour rire à gorge déployée. Anastae sentit, malgré elle, la commissure de ses lèvres trembler, et ne pouvant plus s’en retenir, elle éclata d’un rire discret. 

Depuis combien de temps n’avait-elle pas ri ? Il lui semblait que cela faisait une éternité et elle fut étonnée d’entendre son rire, qu’elle avait depuis longtemps oublié. Bien qu’il fût court, et avec des accents discrets, cela suffit pour que Luciana redouble dans le sien jusqu’à s’avancer vers elle.

D’une main rapide, elle enleva l’algue féerique et la jeta dans la rivière  alors que Anastae ravalait son rire, gardant cependant son sourire sur les lèvres : 

- Tu devrais passer plus de temps avec moi au lieu de virevolter à droite à gauche, je suis ton meilleur parti. 

Elle finit sa phrase avec un petit clin d'œil. 

Anastae soupira et perdit son sourire. Passer du temps avec son amie lui faisait du bien mais ne parvenait pas à effacer ce qu’il s’était passé la veille. Tout était confus, elle avait subi trop de révélations en trop peu de temps : maintenant, elle était encore plus perdue qu’avant. 

Luciana l’observa sous ses longs cils noirs et ses iris dorées étincelèrent :

- Il s’est passé quelque chose avec ce Leith ? 

- Non, répondit-elle honnêtement. C’est bien le seul qui ne m’a posé aucun souci. 

- Alors quoi ? Tu te tortures car tu vas sans doute être fiancée avec lui ? 

- Je ne le serais pas. 

Anastae préférait mourir de la main de son père que de se retrouver enchaînée à un elfe qu’elle n’aimait pas. Sa mère lui répétait auparavant que cela se choisissait grâce aux sentiments et non à l’obligation. Désormais, elle conservait cette conviction et n’allait pas s’en débarrasser. 

Voilà pourquoi l’histoire de Luciana et de son futur mari lui serrait légèrement le coeur : son amie méritait mieux et pouvait avoir mieux mais après tout seul le pouvoir intéressait cette dernière. La fée aux cheveux de jais étouffa un gloussement et tapota le bout de son nez, comme le faisait sa mère auparavant : 

- Tu ne vas pas rester avec ton père éternellement. Leith est mignon, peut-être étrange et tu risques de te brûler les ailes avec lui, mais il t’apportera confort et pouvoir. Un mariage ne rime pas avec amour, vous serez peut-être comme des... amis ? 

- Je ne veux pas d’une vie comme celle-là. Je ne suis même pas certaine que Leith veut réellement m’épouser, il est si… changeant. Il répète tout le temps qu’il veut des belles histoires mais un mariage n’a rien d’excitant, pourquoi voudrait-il… 

Un éclair de génie la frappa alors. 

Bien que cette idée semble impossible, le sois probablement, serait-il au courant de sa condition de sang-mêlés ? Une bouffée de panique la saisit mais elle se résonna : son père ne tenait pas à se retrouver coupable de trahison, il était donc impossible qu’il dise quoi que ce soit et il était le seul au courant. Du moins, elle en était presque sûre. 

Anastae remit ses idées en place. Si elle avait légèrement perdu de son ennui naturel, elle perdait également sa capacité à avoir un œil neutre sur chaque situation : 

- Tu cherches trop loin, continua Luciana sans remarquer son arrêt brutal. Tu es juste la fille de l’elfe le plus puissant du royaume, après la royauté. 

Elle tapota son nez : 

- Je sens qu’il veut du pouvoir. 

Un nouveau rictus apparut sur son visage : 

- Sortons d’ici, ma pauvre robe commence à être trop lourde. 

Anastae était au moins d’accord avec elle sur ce point et la rejoignit sur la rive, sa robe blanche devenue transparente par l’eau et dévoilant ses longues jambes ainsi que son ventre. Si le peuple féerique n’était pas du tout pudique, cela l’a mis légèrement mal à l’aise alors que Luciana retirait sa robe d’un simple mouvement. 

Cette dernière lui jeta un regard critique alors que de l’eau coulait sur son dos à cause de ses cheveux trempés. D’un mouvement de la main, elle lui fit signe d’enlever également sa tenue. Anastae secoua sa tête : 

- Qu’est ce qu’il y a ? Je ne te savais pas pudique. 

- J’ai mes réserves. 

- Pour quoi faire, s'indigna-t-elle. Nous sommes les créatures les plus délicieuses de tout l’univers ! 

Luciana l’était, incontestablement. Elle avait tout d’une déesse mais Anastae n’avait aucune envie de se lancer à nouveau dans des louanges pour la beauté de son amie : elle avait appris à voir plus loin que son physique et si ce dernier était parfait, son caractère était plein de défauts. 

La fée aux cheveux blancs se contenta donc de ramener ces derniers dans une natte et d’essorer le bas de sa robe. Elle sentit de nouveau le regard de Luciana sur elle pour qu’elle dise dans un souffle : 

- Bon, on va rester ici jusqu’à ce que ta robe sois sèche. 

- Je croyais que… 

- Je te l’ai dit, gloussa son amie. En ce moment, tu me fais de la peine. 

- Je vais peut-être en profiter alors, répliqua Anastae en soulevant ses lèvres dans un sourire malicieux. 

Luciana lui lança un clin d'œil avant de laisser tomber en arrière dans l’herbe, annonçant une après midi qui occultera pendant un moment les tourments de Anastae. 




 

La sortie fut plaisante. 

Anastae sentait que ses idées étaient plus claires, grâce à son amie et sa clarté d’esprit qui l’influençait plus qu’elle ne voulait l’admettre. Désormais, elle se trouvait dans un grand marché, qui rejoignait illégalité et légalité, lumière et obscurité, remèdes et poisons. 

La jeune fée cherchait seulement un nouveau livre. Rencontrer l’elfe élémentaire lui avait donné envie d’en apprendre plus sur elle, plus qu’elle ne le savait déjà. Si ses précédentes recherches s’étaient principalement portées sur les ancêtres de la jeune elfe, il était temps pour Anastae d’en apprendre plus sur cette dernière. 

Elle était familière de ce lieu et refusait de donner ses commandes à quelques servants qui se chargeaient d’aller leur chercher de la nourriture ou autre. Elle voulait toucher les livres, sentir l’odeur des pages, profiter de leur forme sous ses doigts avant de se le procurer. 

Anastae rabattit sa capuche sur sa tête : le vent du soir commençait à se faire de plus en plus frais et elle ne voulait pas tomber malade et dévoiler sa fragilité humaine. Heureusement sa robe avait été totalement séchée grâce au soleil timide après quelques heures. La fée s’arrêta sur une échoppe qui vendait de la littérature pour tous les goûts et s’empressa de la rejoindre à grandes foulées. 

Après un bref sourire pour le gnome qui la fixait de ses grands yeux vides, elle observa les livres disposés sur une nappe de lin. En quelques secondes, elle trouva ce qu’elle cherchait. Ces ouvrages étaient déjà pour la plupart dans sa bibliothèque et malgré le fait qu’elle fouilla jusqu’au dernier centimètre carré de cette échoppe, Anastae ne trouva rien de ce qu’elle recherchait. 

Alors, le gnome s’approcha : il avait sans doute remarqué les boucles d'oreilles de diamants qui pendaient sur ses oreilles et pensait qu’il fallait qu’il ait cette cliente riche dans sa poche. Anastae était habitué que les autres créatures, exceptés les elfes et les fées,  se jettent à ses pieds pour obtenir ses faveurs et cela la faisait plutôt fuir que l’inciter à rester : 

- Vous cherchez quelque chose en particulier, mademoiselle ? 

Anastae l’observa discrètement grâce à ses yeux dont on ne voyait pas les pupilles et tressailla en remarquant qu’il avait une longue cicatrice qui barrait tout son visage. Elle ne parla pas pendant quelques secondes pour finalement répondre tardivement à sa question : 

- Je cherche un ouvrage qui traiterait des elfes élémentaires. 

- Eh bien, claqua plus sèchement le gnome. Ils sont juste en dessous de vos yeux. 

- Non, rétorqua-t-elle calmement. Ce serait plutôt un livre sur l’elfe élémentaire actuelle. 

La fée ne se faisait pas d’illusions. Si ce livre ne se trouvait pas sur cette nappe, le gnome ne devait pas en avoir. Bien qu’elle soit un peu déçue, cela s’expliquait : cette elfe était un mystère pour tout le monde et personne n’avait jamais pu la rencontrer en dehors de la royauté, du moins avant la veille. 

Le gnome jeta un petit regard autour d’eux et lui fit signe de se rapprocher. Perplexe, elle se pencha tout de même pour approcher son oreille de sa bouche et entre son murmure : 

- Combien pouvez-vous donner ? 

- Quel serait votre prix ? 

Petit silence : 

- 1000 pièces d’or. 

Le prix était très élevé pour un simple livre mais Anastae était prête à le payer. Elle se plaisait à penser qu’elle avait au moins atterri dans une famille qui avait financièrement les moyens de lui offrir matériellement tout ce qu’elle souhaitait. Elle adressa donc un petit sourire au gnome et lui fit signe grâce à un mouvement de tête d’aller chercher cet ouvrage pour qu’elle constate si il en valait la peine.   

Le gnome s'éclipsa sous une sorte de tente très sombre et revint après seulement une minute. Après un regard suspicieux autour d’eux il lui expliqua certaines choses : 

- Je n’ai aucun moyen de vérifier la véracité de ce livre, l’auteur est inconnu et je l’ai seulement reçu il y a deux jours. Du moins, il fut disposé sur mon stand sans que je ne m’en rende compte et je ne sais de qui il provient. Je tiens donc à vous dire que vous ne devez pas demander de remboursement car… 

- Montrez-moi le livre.  

Le vendeur, après un dernier regard, le lui tendit et Anastae le saisit dans ses mains affreusement pâle comparées à celle du gnome. 

Ce livre était tout ce qui avait de plus banal : une simple couverture bleue, un volume raisonnable et un titre brodée qui indiquait un seul mot “Maladie”. Anastae fronça ses sourcils, tenta de comprendre en quoi ce titre indiquait qu’il s’agissait de l’elfe élémentaire. 

Elle s’apprêta à rendre le livre, après tout Emma avait insisté pour répondre à ces questions et bien que Anastae n’avait aucun moyen de s’assurer que ses paroles étaient vraies, c’était la meilleure option. Seulement, le gnome la stoppa d’un geste de la main et continua son explication : 

- J’ai feuilleté le livre, je peux vous assurer que ce livre parle bien de la dernière elfe élémentaire. 

Il roula ses yeux : 

- Les explications sont certes un peu fantasques, les premiers chapitres parlent seulement d’une fille aux cheveux bleus mais… 

- Aux cheveux bleus vous dites ? 

Emma avait les cheveux de cette couleur. Si Anastae savait qu’elle était répandue chez les fées et les elfes, cela n’empêchait qu’il s’agissait d’une coïncidence assez énorme. La fée saisit donc le livre sans plus de questions, sortit de sa poche sa bourse, et lui en donna la totalité : elle en avait une deuxième sur elle. 

Le gnome y jeta un bref coup d'œil et lui fit signe de la tête de s’en aller en formulant quelques remerciements de rigueur. Anastae glissa son livre sous sa cape, de peur que quelqu’un vienne lui voler ce qui ne serait pas la première fois. Heureusement, la jeune fée avait quelques bases en défense, elle parvenait toujours à le récupérer au prix de sa belle robe. 

Anastae continua de flâner pendant un instant dans les grandes allées puis décida de se rendre à la sortie de cet immense marché pour rentrer chez elle : le soleil se couchait déjà. Si elle voulait profiter de cette lumière féérique pour lire ce qu’elle venait d’acheter, il fallait qu’elle se dépêche. 

Heureusement, elle arriva à temps vers le lac de sa demeure et, sans prendre la peine d’enlever sa cape, s’allongea dans l’herbe. Du bout des doigts, elle effleura la couverture du livre puis finit par ouvrir ce dernier. 

Les premières pages étaient assez vagues, parlant rapidement de la naissance d’un bébé miraculé, puis passant à la description du royaume d’aujourd’hui et à quel point cela devait être compliqué de s’y acclimater quand personne ne ressemblait à ce que nous étions. En effet, l’auteur évoquait une fille aux cheveux bleus mais ne précisait d’autre de son physique : serait-ce un pur hasard ? 

La seule chose qui l’interpella fut la phrase : “ Dans son regard se lisait toute l’histoire de ce royaume”. Il était vrai que Anastae avait été impressionnée par ce dernier et si elle n’était pas sûre de la véracité de cette information, il était irréfutable que ses yeux avaient cette lumière étrange et perturbante. 

Le récit se prolongea pendant quelques chapitres sur l’histoire de ses ancêtres, ce que Anastae, bien qu’elle aimait beaucoup cette dernière, trouva celle-ci rédigée de façon très cynique. Mais après tout, cet auteur, aussi mystérieux qu’il était, pouvait se permettre de rédiger à sa façon. 

Finalement, l’histoire dériva sur certains témoignages qui pouvaient rejoindre la théorie que l’elfe élémentaire était partout et nulle part à la fois, qu’elle participait activement à la vie de tous les jours. 

Un elfe assurait qu’il avait aperçu une silhouette s'élever dans le ciel grâce à l’eau du lac et de saisir un flocon de neige dans sa main. Malheureusement, il était incapable de dire ne serait-ce que la couleur de ses cheveux. Une sirène avait donné quelques informations sur quoi il n’était pas rare qu’elle sente l’eau bouger dans ce lac qui était relié à la mer mais que quand elle se rendait sur les lieux, la seule chose qui restait était un léger clapotis d’eau. 

Ces deux témoignages étaient les plus intéressants, les autres étaient tirés par les cheveux et Anastae que soit ils étaient inventés, soit les créatures étaient saouls. 

De nouveaux chapitres posèrent des théories sur ses pouvoirs et Anastae arriva alors à la fin de ce livre. Si elle pensait que les dernières pages n’apporteraient rien à ce livre déjà légèrement décevant, elle fut plus que surprise. 

 

“ La Nature est bien connue pour ne rien commettre par hasard, tout est prémédité, du début jusqu’à la fin. L’extinction des elfes élémentaires était son choix, sûrement rehaussé de bonnes raisons et ce serait une erreur de dire qu’elle se serait trompée sur son jugement. Mais si son choix était radical, pourquoi donner vie à une elfe dont l’espèce est totalement éteinte ? Aurait-elle un but dans l’histoire de ce royaume ? 

[...]

Ses pouvoirs sont supérieurs aux nôtres seulement par le sang qui coule dans ses veines. Si le royaume semble être certain que cette jeune elfe ressemble à tout point à ses ancêtres mais n’a pas reçu la bonne éducation, j’ai la conviction du contraire. Cette fille aux cheveux bleus est différente. Je ne pourrais m’avancer sur la raison de sa venue, si elle sera positive ou non. Mais je sais , du plus profond de mon existence, qu’elle possède le pouvoir de changer ce royaume et qu’elle le fera, le moment venu.” 

 

Anastae contempla ces mots un instant et referma le livre. Cet auteur avait-il raison ? Ne serait-ce pas seulement un simple hasard ? 

Jamais encore elle ne s’était autant questionnée sur cette existence, pour elle, cela révélait tout simplement d’un miracle. Cette Emma avait l’air perdue, pouvait-elle vraiment changer ce royaume ? 

Ce n’est qu’un bouquin. 

L’auteur était perché, Anastae l’avait remarqué, et se perdait souvent dans descriptions, hypothèses puis conclusions hâtives. Ce livre n’était pas celui qu’elle attendait. Quelle tragédie qu’elle ait donné sa bourse entière pour des pages qui ne suivaient aucun fil. 

La jeune fée enleva sa cape, se leva et rejoignit la demeure. Mais si elle pensait pouvoir passer le seuil de la porte sans soucis, elle se confronta à la silhouette haute et musclée de son père. Anastae songea tout d’abord au fait qu’il attendait un de ses frères mais quand elle le vit se retourner vers elle, le regard décidé, elle trembla. 

Elle s’arrêta devant lui, son livre à la main, et lui demanda d’un regard ce qu’il voulait d’elle. Son père prit une grande inspiration, peut-être légèrement contrariée, et l’informa : 

- J’ai signé l’autorisation pour changer ton cours de capacité pour le cours d’entraînement de l’autre classe. Tu commences dès demain. 

Anastae écarquilla légèrement ses yeux, agréablement surprise par cette nouvelle, et acquiesça. Son père faisait des efforts, c’était inhabituel mais agréable, oui… agréable. Sans pouvoir se retenir, elle lui offrit un petit sourire et un nouveau hochement de tête : 

- Merci. 

Cependant, une autre réalité la frappa. Si son cours avait été changé, elle reverrait inévitablement le Prince, chose qu’elle voulait à tout prix éviter. Elle se tourna prête à dire à son père qu’elle avait changé d’avis mais elle vit l’effort qu’il avait fait pour elle. Anastae pensa que ce serait égoïste de bafouer cela, elle n’avait qu’à éviter le Prince en question et tout se passerait bien. 

Elle se promit de ne lui adresser aucun regard, aucune parole, de faire comme s’il n’existait pas et de se concentrer principalement sur son entraînement : 

- Ce soir nous dinons ensemble. 

- Je serai là, répondit Anastae avant de monter les marches pour atteindre l’entrée. 

Elle tendit sa cape à une servante et se dirigea vers la bibliothèque reliée à sa chambre. Son père, de la vieille école, avait insisté pour qu’elle se trouve dans une différente aile de la demeure que ses frères et elle avait donc quasiment un étage pour elle toute seule. Anastae avait toujours savouré au fond du cœur d’avoir cette intimité et ce sentiment de sécurité quand elle rentrait dans sa chambre, bien que Meludiz pouvait apparaître à tout moment. 

La jeune fée se dirigea vers une étagère à moitié remplie et y déposa son nouveau livre : 

- M-Mademoiselle... ? 

Elle reconnut la voix du serviteur qui s’était occupé d’elle quelques jours plus tôt et qui avait été envoyé par sa mère pour l’espionner alors qu’elle était avec Luciana. Anastae songea que depuis ce jour-là elle ne l’avait plus revue et avait cru qu’il était désormais au service de ses frères. 

Elle ne se tourna pas et répondit : 

- Qui y a-t-il ? 

- … 

Elle fronça des sourcils : 

- Et bien réponds.   

- Navré. 

Anastae sentit son sang se glacer alors que son pas assuré et qui indiquait qu’il s’était jeté sur elle retentit. 

Ses maigre réflexes prenant le dessus, elle esquiva l’attaque d’un saut, se prit les pieds dans sa robe et roula sur le sol. Ses yeux eurent tout juste le temps de capter le visage rongé par le vide du serviteur et sa main tendant un couteau vers sa poitrine pour comprendre qu’elle était en train de subir une tentative d’assassinat. 

Ce n’était pas la première fois après tout.

Elle envoya son pied de toutes ses forces, dans son ventre, repousser le pixis et s’entailla ce premier à cause de la lame aiguisée du dernier. Le pixis poussa un cri qui lui semblait perdu et attrapa sa cheville de sa main libre. Ce fut à Anastae de pousser un cri alors que la panique prenait place de tout son esprit. 

Le visage du Prince lui apparut. 

Son deuxième pied vint s’écraser contre le visage de son ennemi : le choque lui fit lâcher sa prise et Anastae eut le temps nécessaire de se relever. 

Elle se visualisa avec un arc dans ses mains et se rappela de ses pas ainsi que des techniques de combats que son ancien mentor lui avait apprises. La jeune fée tourna une fois sur elle-même, saisit le bras du pixis qui donnait des coups dans l’air dans l’espoir de l’atteindre. Anastae le lui retourna, évita la lame qui lui causa une entaille sur la joue, et le fit passer au-dessus d’elle pour le plaquer à terre. Elle usa de toutes ses forces pour trouver l’énergie nécessaire pour le soulever mais finit par réussir.

Le dos du pixis rencontra rapidement le sol et un souffle erratique passa la barrière de ses lèvres. Anastae ne lui laissa aucun repos et l'immobilisa en s’asseyant sur son bassin, ses mains emprisonnant ses poignets et ses jambes se resserant sur les siennes. 

Le souffle court, elle trouva tout de même l’énergie de lui demander : 

- Qu’est ce qu’il te prends ? Tu as perdu l’esprit ?! 

- Lâche moi ! Lâche moi !

Il se débattit en dessous d’elle, hurla à s’en couper la voix, et Anastae regretta pour la première fois de sa vie d’avoir une chambre aussi éloignée. 

Son père était sorti et sa belle-mère ne revenait que dans la soirée, les seuls qui pouvaient l’aider étaient ses frères : 

- Meludiz ! Luthias ! 

- Hors de question ! 

Anastae hurla. 

Une vive douleur remonta le long de son bras où le serviteur l’avait mordu au sang de ses canines pointues et cette dernière lui fit inévitablement desserrer sa prise. Quelques secondes plus tard, un poing se figeait dans son visage et Anastae serra des dents pour tenter de le garder un minimum à terre. 

Un hoquet d’exclamation retentit derrière et elle comprit sans très grande peine qu’il s’agissait de Meludiz qui s’était téléporté ici, sur le seuil de la porte. La jeune fée ne voulait pas attendre une seconde de plus et usant de la dernière pensée qui lui venait à l’esprit, elle écrasa son crâne contre celui du pixis. 

Les elfes et les fées avaient des os très résistant et Anastae osait espérer que cela valait aussi pour elle, du moins elle eut la satisfaction de voir que le pixis saignait de la tête et qu’il avait des yeux dans le vide. Anastae sentait sa tête tourner et une grimace franchit la barrière de ses lèvres : 

- Par la Reine, Anastae tu vas bien ?! 

- Je crois… Viens m’aider à le… 

Le pixis commença à convulser sous elle et sans qu’elle n’ait le temps de comprendre, du sang sortit de sa bouche, éclaboussant sa robe blanche. 

Anastae écarquilla des yeux et cria à son frère : 

- Qu’est ce qu’il se passe ?! 

- Écarte- toi, laisse le faire sa crise ! 

- Mais… Il ne va pas bien ! 

- Ce n’est plus notre problème à la vue de ce qu’il vient de commettre ! 

Elle repoussa d’un geste de bras violent la main de Meludiz qui tentait de l’éloigner. Malgré ce qu’il venait de faire, il était hors de question que Anastae le laisse mourir sur ce sol, crachant du sang sans que personne ne soit là pour l’aider. Elle voulait entendre les raisons qui l'avaient poussé à l’attaquer, ce qui l’avait convaincu de la tuer. 

Anastae, avec ses maigres souvenirs de guérisons, plaqua ses mains contre ses épaules pour l’empêcher de se heurter la tête pendant sa convulsion et elle lui releva la tête pour l’empêcher de s’étrangler avec son propre sang. Elle plaqua son oreille sur sa poitrine pour pouvoir entendre le son de son coeur : il était bien là mais se ralentissait de plus en plus : 

- Hé, reste avec moi !

Elle tenta de lui parler, de le sauver, mais après quelques secondes de lutte, les yeux du pixis se figèrent en même temps que le cœur dans sa poitrine. Anastae le fixa pendant un instant, son estomac se tordant violemment, et elle se redressa, lui mort sur le sol. 

Meludiz n’attendit pas plus longtemps pour saisir son bras et le retourner : la morsure suintait de sang et des marques de canines étaient imprégnées dans sa peau. Désormais que l’adrénaline redecendait légèrement, Anastae pouvait sentir la douleur émaner de ses blessures. En temps normal, une fée normale, bien que fragile, n’aurait plus de traces d’ici une vingtaine de minutes mais cela prendrait bien deux, trois heures pour qu’elle se remette. Il fallait qu’elle déguerpisse rapidement bien que tout son être lui hurlait de rester près du pixis. 

Ses yeux se tournèrent vers son corps et une violente émotion la saisit, sans qu’elle ne puisse pour autant mettre un mot dessus. Elle se contenta donc de saisir un torchon qui était destiné à nettoyer ses livres et de le plaquer sur sa morsure : 

- Il a tenté de me tuer, déclara t-elle. Et je ne connais pas ses raisons, si elles sont valables ou non. 

- On va mettre au clair tout ça, répondit son frère. Mais pour l’instant il faut que tu ailles prendre une potion de l’atelier de notre mère, la lame était peut-être empoisonnée. 

- Pourquoi il s’est mis à convulser comme ça, parla Anastae pour elle-même. 

Une idée lui vint en mémoire : celle qu’il avait probablement empoisonné. Etait-ce une mission suicide ou avait-il été forcé et il aurait été obligée de la tuer pour obtenir un remède ? 

L'explication là lui semblait plausible mais pour le moment avait-elle des preuves ? Elle ne voulait pas s’avancer plus que nécessaire. 

Anastae s’assit donc dans le fauteuil et regarda le torchon se tâcher de plus en plus de son sang. Elle effleura du bout des doigts son entaille à la joue et se rendit compte qu’elle était si légère qu’elle ne devait sans doute pas se voir aux yeux de Meludiz. Sa blessure à la cheville était dissimulée grâce à sa longue robe, elle pouvait donc rester ici pendant un petit moment. 

Elle n’était pas vraiment sur le choc, sans doute le serait-elle plus tard, mais maintenant, elle se sentait perdue. Le pixis avait-il tenté de la tuer à cause de la manière dont elle lui avait parlé quand elle était avec Luciana ? C’était peut-être trop léger pour commettre une tentative d’assassinat. 

Anastae ferma ses yeux et se rémémora le visage du Prince qu’elle avait aperçu pendant qu’elle se battait pour sa vie. Bien que cela la dépasse, elle savait qu’il lui avait apporté les connaissances nécessaires pour qu’elle se sorte vivante de cette situation et malgré elle, elle lui en était reconnaissante. Cette pensée la fit se mordre la lèvre inférieure et elle soupira. 

Anastae était désormais certaine : quelque chose se tramait et cet événement n'avançait rien de bon. 

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Amberly
Posté le 24/10/2022
Plus les chapitres avancent, plus je suis plongée dans l'histoire et je dois t'avouer que j'ai du mal à m'arrêter. Ton style d'écriture est encore jeune, mais il y a un véritable potentiel.
Continue sur cette lancé !
Isahorah Torys
Posté le 20/09/2022
- Je n’ai aucun moyen de vérifier la véracité de ce livre, l’auteur est inconnu et je l’ai seulement reçu il y a deux jours. Du moins, il fut disposé sur mon stand sans que je ne m’en rende compte et je ne sais de qui il provient. Je tiens donc à vous dire que vous ne devez pas demander de remboursement car… (je trouve ce passage un peu gros pour être réaliste... C'est trop facile. Surtout, pourquoi un marchand irait raconté une énormité pareille pour en demander 1000 pièces... Un marchand se tairait )

Je pense que tu peux trouver une explication plus crédible ^^ (enfin, c'est mon point de vue... tu peux très bien ne pas être de mon avis mdr)
Marlee2212
Posté le 20/09/2022
Ahaha, oui je dois t'avouer que la réplique de la part du marchand était un peu la solution de facilité pour expliquer vite fait le principe du livre.
Quelque chose qui est à modifier, ça c'est sûr !
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