À leur arrivée sur Mayar, l’ambiance était tendue au sein du petit groupe. Taka et Alistair s’ignoraient, Surielle se demandait pourquoi elle avait accepté de les accompagner, et Rayad et Shaniel s’inquiétaient du temps qu’ils perdaient ici.
Le climat du dixième Royaume, Mayar, était bien différent de celui de Sagitta. La chaleur y était étouffante toute l’année, la planète baignait dans un climat tropical. La chaleur humide les saisit dès leur arrivée.
La Porte se trouvait au sein d’une clairière, et la jungle toute proche l’entourait. Des plantes luxuriantes croissaient autour d’arbres immenses, les plongeant dans la pénombre malgré un soleil haut.
Ici, nul Prêtre n’était en fonction auprès de la Porte, car le Temple d’Eraïm était à moins d’une journée de route.
Le sentier tracé au travers des arbres était bien entretenu, régulièrement balisé : impossible de s’égarer. Avec leurs ailes et les griffons, le trajet ne prit que deux heures. Bientôt, ils atterrissaient devant le porche qui marquait l’entrée du sanctuaire dédié à Eraïm.
–Bienvenue au Temple d’Eraïm, les accueillit une Disciple avec le sourire. Comment puis-je vous aider ?
–La paix d’Eraïm soit sur toi, Disciple, salua Surielle. Pourrions-nous avoir une entrevue avec l’une des Prêtresses ?
–Je vais vous conduire.
Surielle admirait sa discipline. Ses yeux violets n’avaient pas cillé en découvrant ses invités. Leur venue avait-elle été prédite ? C’était aussi une possibilité.
C’était si étrange. Elle l’avait vu en personne, pourtant, une partie d’elle doutait encore de l’existence du Dieu qui veillait sur la Fédération. Les servants d’Eraïm communiquaient-ils avec lui de la même façon qu’elle ? Elle était sûre que non.
La Disciple les invita à s’installer dans une petite pièce, largement ouverte sur l’extérieur. Une brise légère rafraichissait les lieux. Ils s’assirent sur des bancs en bois, peints de blanc, comme une toute jeune Appelée apportait un plateau de douceurs pour les faire patienter. Ses yeux s’écarquillèrent en avisant les ailes rouges d’Alistair, les ailes flamboyantes de Surielle, le regard écarlate de Shaniel et Rayad. L’air fermé de Taka complétait cet étrange tableau.
Elle balbutia des paroles de bienvenue, leur assura qu’on s’occuperait bientôt d’eux et fila sans demander son reste.
Shaniel sourit, mais Alistair s’était renfrogné, en un miroir inconscient de l’Émissaire.
–Elle va dire à tout le monde que nous sommes là.
–Et qui cela va-t-il intéresser ? rétorqua Shaniel. Pourquoi nous cacher ?
–Tranquillise-toi, Alistair. Nous ne craignons rien, ici.
Taka renifla, s’attirant le regard noir d’Alistair.
Surielle mordit dans une pâtisserie, affamée, soudain consciente d’avoir manqué le petit-déjeuner. Après une brève hésitation, Taka se joignit à elle, bientôt suivie par Shaniel. Rayad était lui trop perdu dans ses pensées pour avoir faim, et Alistair avait croisé les bras, mécontent.
Il ne s’écoula pas longtemps avant qu’une Prêtresse ne vienne les trouver.
–La paix d’Eraïm soit sur vous, mes enfants, dit-elle d’une voix douce. Je suis Naumira.
Les yeux violets étincelaient de bonté. Ses cheveux blancs étaient rassemblés en un élégant chignon sur le haut de sa tête. Sa toge blanche était plissée, retenue par une ceinture argentée à la taille. Une broche représentant un phénix la maintenait fermée.
–La fille ainée de notre Souveraine, une Émissaire, les héritiers impériaux, et le fils d’un ancien ennemi. Vous formez un groupe bien disparate. Qu’est-ce qui vous amène ici ?
Rayad consulta les autres du regard puis se lança.
–La Porte qui reliait l’Empire et la Fédération a été détruite, révéla-t-il. Des ennemis sèment le trouble dans l’Empire. Je dois trouver un moyen de rentrer afin de récupérer le trône qui me revient de droit.
–Des troubles, dites-vous… voici qui expliquerait l’afflux soudain de phénix sur Mayar.
–Que voulez-vous dire ? s’enquit Surielle.
–Hier, deux cents phénix sont apparus. L’un d’eux était porteur d’un message : « empêchez-les de revenir dans l’Empire ».
–Puis-je le voir ?
Rayad se mordit les lèvres en déchiffrant le parchemin.
–Je ne reconnais pas l’écriture…
–C’est celle de mon père, dit sombrement Alistair qui avait lu par-dessus son épaule.
–Il faut que je rentre. Je n’ai aucune idée de la situation.
–Les phénix étaient classés en espèce protégée, n’est-ce pas ? dit la Prêtresse.
–Oui. Je ne comprends pas. Ont-ils fui de leur propre initiative ?
–Hélas nous n’avons pas de réponse à cette question.
–Parlait-il des phénix, ou de vous trois ? intervint Taka, restée silencieuse.
Les impériaux la dévisagèrent, interdits. Ils n’avaient jamais pensé avoir été mis en sécurité, songea Surielle. On leur avait confié la mission d’apporter du renfort, après tout.
–La question mérite d’être posée, en effet, dit lentement la Prêtresse Naumira. Peut-être y a-t-il une raison à votre présence ici.
–Alors le Seigneur Jahyr ou le Commandeur auraient dû nous fournir davantage d’explications ! ragea Rayad.
–Rayad, souffla Shaniel, sourcils froncés.
Furieux, le jeune prince maugréa avant de se rasseoir à ses côtés.
L’Émissaire Taka haussa un sourcil moqueur face à son manque de tenue.
– Souhaitez-vous interroger les oracles pour tenter d’obtenir une prédiction ? demanda la Prêtresse, soucieuse de les aider. Leurs réponses sont souvent obscures, mais peut-être y trouverez-vous un sens.
–Et pour construire une Porte ? demanda Shaniel.
–Il va falloir mobiliser de nombreux servants d’Eraïm. Et obtenir l’autorisation de la Souveraine et de l’Assemblée, bien sûr. Nous n’agissons pas par convenance personnelle.
Rayad soupira de dépit et ses épaules s’affaissèrent.
–Pourquoi tant de tristesse ? Si vous êtes ici, c’est qu’elle vous accorde son aide, non ?
–Ma mère leur a accordé l’hospitalité, mais ils n’ont pas été capables d’attendre sa décision et ont préféré partir en pleine nuit ! asséna Surielle.
–L’âge apporte l’expérience, mais jeunesse est vive, sourit la Prêtresse. Suivez-moi, je vais vous faire visiter le Temple.
Surielle savait que le Temple avait été rénové récemment. Plusieurs bâtiments se trouvaient dans son enceinte, séparés par des allées de graviers et de nombreux jardins. Un foisonnement de couleurs.
De nombreuses salles étaient ajourées ; les tuiles vernies des toitures resplendissaient sous le soleil. L’harmonie entre la pierre des bâtiments et le végétal alentour était parfaite. Les plus grands artistes Niléens s’étaient réunis pour construire un véritable chef-d’œuvre.
Mais le cœur du Temple restait la tour centrale qui abritait les phénix. Les premiers étages abritaient les grands phénix, d’une envergure qui dépassait les trois mètres, tandis que les étages supérieurs étaient réservés aux phénix de taille plus petite.
Jamais Surielle n’avait vu autant de phénix rassemblés en un seul lieu. Il devenait difficile d’imaginer qu’ils étaient passés tout près de l’extinction vingt ans plus tôt.
Dès qu’ils l’aperçurent, plusieurs phénix vinrent tourbillonner autour d’elle. Surielle comprenait mieux cet attrait, désormais. Comme elle, ils avaient la capacité de parler au dieu.
–Ils ne vous feront aucun mal, les rassura Naumira.
Les impériaux avaient été surpris, comprit Surielle. Elle leva son bras et un oiseau au plumage rouge et or vint s’y poser. Surielle s’était toujours sentie bien auprès des phénix. En côtoyer n’avait rien d’exceptionnel pour elle. Chacun de ses parents étaient liés à un phénix ; Satia avait personnellement supervisé la procédure de repeuplement.
–Ils sont magnifiques ! s’émerveilla Shaniel.
Curieux, leurs griffons s’étaient approchés. Surielle se demanda s’ils communiquaient, alors même qu’un phénix était perché sur le dos de l’un d’entre eux. Les griffons avaient-ils accès au Wild, alors qu’ils étaient une création impériale ? Surielle en doutait.
–Il y avait une grande réserve chez vous, n’est-ce pas ? reprit Naumira. Un point du Traité.
–Oui. Sur Anwa, une planète au climat désertique. Ils s’y plaisaient bien. Je me demande ce qui a pu se passer pour qu’ils reviennent tous ici…
La Prêtresse poursuivit son chemin ; ils quittèrent bientôt les fleurs pour le calme du Temple et la fraicheur de la pierre.
–Où nous conduisez-vous ? interrogea Shaniel, inquiète.
La princesse impériale s’était accrochée au bras de son frère. Taka, curieuse, observait les gravures sur les murs. Des phénix, de toutes les tailles, dans toutes les positions, à tous les stades de leur développement. Des frises rappelant des lianes encadraient chaque portrait ; comme partout dans le Temple, le végétal se mêlait à la pierre.
–Là où vous trouverez des réponses, dit la Prêtresse.
Surielle frissonna et s’aperçut qu’elle n’était pas la seule. Elle jeta un coup d’œil à son cousin. Alistair avançait un pas derrière son prince, mais son air renfrogné et sa mâchoire serrée ne trompaient personne. Il détestait se trouver là. Puis elle se souvint qu’il n’était pas entré dans le temple d’Eraïm, à Valyar. Peut-être n’était-il pas croyant. Après tout, elle-même avait encore du mal à croire à la réalité du Dieu. Ou alors il était tellement fidèle à sa déesse Orssanc qu’il avait l’impression de la trahir ? Surielle étouffa un rire. La pensée était absurde.
Alistair lui décocha un regard noir. Surielle résista à l’envie de lui tirer la langue – c’était trop enfantin – et reporta son attention sur la Prêtresse devant elle. Elle avait mieux à faire que de provoquer inutilement son cousin.
Bientôt, le couloir s’élargit pour aboutir dans une vaste pièce circulaire. Ils n’avaient descendu aucune marche pourtant Surielle était persuadée d’être en sous-sol.
La Prêtresse Naurima s’inclina devant une autre Prêtresse, bien plus âgée qu’elle. Drapée de blanc elle aussi, elle était assise derrière un bureau de marbre, entouré de deux colonnes en pierre de lave, d’un rouge si sombre qu’on le trouvait noir. Deux phénix reposaient dans les coupoles à leur sommet.
–Je suis Toril. Que souhaitez-vous savoir ? demanda la Prêtresse qui leur faisait face.
Alors que ses compagnons hésitaient et se concertaient, Surielle s’avança immédiatement.
–Sauriez-vous où je pourrais trouver l’Éveillé ?
Toril ne dit rien mais l’un des phénix disparut puis reparut dans un éclair de lumière. Dans son bec, un morceau de parchemin qu’il déposa sur le bureau.
La Prêtresse s’en saisit, croisa le regard de Surielle.
–N’oubliez pas que les oracles peuvent parfois paraitre obscurs, et peuvent aussi avoir plusieurs significations. Souhaitez-vous entendre votre réponse ?
Fébrile, Surielle acquiesça. Toril parcourut le papier et ses yeux s’écarquillèrent. Aussitôt Surielle s’inquiéta.
–Un souci ?
–La formulation est… peu orthodoxe. Enfin. La voici. « Bien essayé, Surielle. C’est à toi de le découvrir. »
Les deux Prêtresses échangèrent un regard perdu, Surielle se renfrogna. Les phénix, messagers du dieu de la Fédération ? Elle comprenait mieux pourquoi.
–Est-ce important ? demanda Toril.
–J’imagine que je suis censée deviner la réponse par moi-même, grommela la jeune femme.
Alistair la fixa un long moment, mais ne dit rien. Avait-il fait le lien avec la blessure disparue de Rayad ? Pourquoi avait-il le seul à remarquer quelque chose, d’ailleurs, alors que ni Taka ni Rayad n’avaient semblé conscients que la réalité avait été altérée ?
–C’est quoi, cette histoire d’Éveillé, Surielle ? lança Taka.
Surielle se mordit les lèvres en découvrant l’attention fixée sur elle. Leur dire, ou pas ? Elle avisa l’air déterminé de Taka, et réalisa qu’on le lui laisserait pas le choix.
–Qu’ils posent leur question, nous en parlerons… après, céda Surielle.
–Je n’oublierai pas, promit Taka.
L’Émissaire reporta son attention sur les impériaux et fronça les sourcils. Surielle devina que leur présence lui déplaisait. Néanmoins, ils n’avaient pas choisi d’être ici, et pour le moment, ils n’avaient nulle part où aller. Pourquoi ses parents s’étaient-ils donc engagés à les aider ? D’accord, le Traité liait leurs deux mondes, mais ce n’était pas leur problème s’il y avait une révolution sur leur sol, non ?
Avec hésitation, Rayad s’avança vers la Prêtresse Toril.
–Je vous avoue être plutôt sceptique, mais Shaniel me dit que nous n’avons rien à perdre à essayer. Alors, comment pourrons-nous rentrer chez nous pour récupérer ce qui nous appartient ?
Comme précédemment, l’un des phénix qui reposait dans la coupole disparut dans un éclair de lumière, avant de réapparaitre quelques secondes plus tard. La Prêtresse se saisit du papier avec douceur, reporta son attention sur Rayad.
Surielle réalisa qu’ils étaient tous pendus à ses lèvres.
Mais la Prêtresse semblait en avoir l’habitude. Toril leur rappela que la réponse ne serait peut-être pas aussi limpide qu’ils l’attendaient. Rayad acquiesça avec impatience.
–Voici pour vous. « Le feu et la glace. Le vent souffle et le ruisseau chante. Ils savent. Le sang et les larmes. Le souffle du feu. Le chant de la glace. Pourpre est la solution. »
Shaniel pinça les lèvres.
–C’est en effet plutôt obscur…
La Prêtresse Naumira sourit et sa consœur leur tendit le parchemin.
–Gardez-le et réfléchissez-y. J’imagine que vous passerez la nuit ici ?
Rayad hésita. Il était pressé de rentrer, tout en ayant conscience qu’ils n’avaient nulle part où aller pour le moment.
–D’accord.
–Quoi ? intervint Alistair, furieux. Tu n’imagines quand même pas…
–Nous n’avons pas le choix, coupa Rayad.
Le jeune ailé se renfrogna mais n’ajouta rien. Il avait senti l’irritabilité dans la voix de son ami ; le pousser à bout serait la dernière des choses à faire, surtout en présence de l’Émissaire Taka qui semblait se délecter de leurs querelles. Pourquoi les avoir accompagnés sur Mayar ? Soit elle n’avait pas apprécié de laisser Surielle seule en leur compagnie, soit elle lui faisait payer sa prise de position. La Massilienne en serait pour ses frais, Alistair ne comptait pas lui donner d’autres motifs de se payer sa tête. Question d’honneur.
La Prêtresse Naumira prit congé de Toril, et leur fit signe de la suivre à l’extérieur. Plongés dans leurs pensées, ils réagirent à peine lorsque la Prêtresse s’arrêta au détour d’un couloir.
–Oh, Prêtre Damien ! Quelle heureuse surprise.
–Le plaisir est pour moi, Naurima, sourit Damien en lui rendant son accolade.
Le Prêtre d’Eraïm reporta son attention sur le petit groupe.
–Pourrais-je m’entretenir avec toi, Surielle ? En privé ?
Méfiante, Surielle considéra l’homme. Sa toge plissée était impeccable, d’une blancheur immaculée, retenue sur l’épaule par une broche dorée représentant un phénix, comme pour tous les servants d’Eraïm. Malgré ses quarante ans, elle devait avouer qu’il restait bel homme. Une barbe courte soigneusement entretenue encadrait un visage aux traits harmonieux, ses cheveux bouclés étaient toujours noirs ; il devait les teindre. C’était étrange qu’un Prêtre soit si soigneux de son apparence, mais elle n’oubliait pas que dans sa jeunesse, il avait séduit un grand nombre de jeunes femmes, parmi les Seyhids. Ce regard d’un bleu pur transperçait l’âme. La jeune ailée frissonna.
–Hors de question, répondit Surielle. N’allez pas me croire aussi crédule que ma mère.
–Si tu préfères qu’ils soient présents pour écouter des vérités destinées à tes seules oreilles… soit.
–Mais je ne veux rien de vous ! s’exclama Surielle.
–Même si je sais que tu cherches l’Éveillé ?
La jeune femme, qui s’était éloignée, revint rageusement sur ses pas.
–Et que pourriez-vous me dire de plus qu’il ne sache pas déjà ? cracha-t-elle.
–Que tu trouveras ton premier indice sur Massilia ?
Surielle fronça les sourcils.
–Comment le sauriez-vous ?
–J’ai mes sources, Surielle. La clé est sur Massilia, c’est une certitude.
–Pourquoi Massilia ?
De toutes les planètes, c’était le pire choix possible pour les impériaux. Hors de question qu’elle les emmène là-bas, elle tenait à son honneur.
–Pourquoi pas ? lui retourna Damien avec un sourire.
Surielle se renfrogna. Elle n’avait aucune envie de lui accorder sa confiance. Comment être certaine qu’il ne cherchait pas à la piéger ? Certes, il était un Prêtre d’Eraïm, maintenant, mais les servants d’Eraïm avaient trahi la Fédération par le passé.
Sans compter qu’il avait trahi sa mère, avait comploté contre la Fédération avec l’ancienne Grande Prêtresse d’Eraïm en empoisonnant Dionéris, le précédent Souverain, son propre père.
Depuis sa révélation dix plus tôt, il jurait avoir changé ; Surielle trouvait l’argument bien trop pratique pour y adhérer sans réserve. Et ne comprenait toujours pas comment il avait pu gravir ainsi les échelons des servants d’Eraïm jusqu’à devenir Prêtre.
–Encore cet Éveillé, dit Taka en s’approchant. Qu’est-ce que tu nous caches, Surielle ?
–Et ce serait où, sur Massilia ? reprit Surielle en ignorant Taka.
Mécontente, l’Émissaire croisa les bras et reporta son attention sur le Prêtre. Celui-ci parcourut le petit groupe du regard. Les impériaux s’étaient rapprochés, même s’il était clair qu’ils formaient un groupe distinct. Il s’y était attendu.
–Près de Lapiz, répondit enfin Damien. Il y a un petit sanctuaire. Il daterait des Anciens, de ce que j’en sais.
–Lapiz, marmonna Taka. Ce n’est pas très loin de la Cité d’Émeraude.
Surielle pinça les lèvres.
–Nous y réfléchirons. Merci, se força-t-elle à ajouter.
Sa mère lui aurait rappelé que c’était la moindre des politesses. Toujours respecter les convenances, même face à un ennemi, aurait ajouté son père.
–Mais ce fut un plaisir, Surielle, répondit le Prêtre en inclinant la tête. Je vous souhaite de passer un bon séjour au Temple.
Il s’éloigna sous le regard pensif de Surielle. Devait-elle le croire, ou s’en méfier ? Il n’avait aucune raison de les aider personnellement… mais il était aussi Prêtre d’Eraïm. Avait-il eu des informations ? Pourquoi Era... le dieu ne lui avait rien dit, en ce cas ? C’était rageant.
–Alors, Surielle. Je veux une réponse.
La jeune ailée réalisa que ses quatre compagnons la fixaient, dans l’attente. Surielle grimaça, mal à l’aise, ses ailes s’agitèrent.
–Doit-on vraiment en discuter ici ?
Taka haussa un sourcil.
–Allons dans les jardins, si tu préfères.
Le petit groupe marcha en silence plusieurs minutes, jusqu’à trouver deux bancs au sein d’un univers multicolores.
L’arcade en glycine odorante attirait les insectes butineurs ; des rosiers aux larges fleurs ceinturaient les lieux. Le doux parfum incitait à la détente et invitait à la contemplation, pourtant les jeunes gens trépignaient d’impatience.
Surielle soupira, joua un instant avec les boutons de sa tunique.
–Que veux-tu savoir, Taka ?
–Qui est cet Éveillé dont tu n’arrêtes pas de parler ?
–C’est… compliqué, répondit Surielle avec hésitation.
–Nous avons tout notre temps, fit Taka. À moins que tu ne souhaites pas m’en parler devant eux ?
Surielle secoua la tête.
–Inutile, ça les concerne aussi.
–Comment ça ? demanda Alistair en fronçant les sourcils.
–Tu te souviens de notre combat contre les Stolisters, près de la Porte ?
–Évidemment, lui retourna-t-il. Pourquoi cette question ?
–Et de la blessure de Rayad ?
–Quelle blessure ? intervinrent Rayad et Shaniel d’une même voix.
L’Émissaire Taka ne dit rien, mais ses lèvres s’étaient pincées.
–Celle qui a… disparu ? C’était donc toi ? fit Alistair.
Surielle acquiesça, nerveuse.
–Comment as-tu réussi ce tour de force ? s’étonna Taka. Je ne me souviens de rien, et je ne suis pas la seule, apparemment !
–C’est mon pouvoir ! révéla Surielle.
–Ton pouvoir ? Le Feu ? Je croyais que tu ne le maitrisais pas, dit Alistair avant de se maudire de n’avoir pas su tenir sa langue.
Surielle pinça les lèvres.
–Je n’ai pas le Don du Feu, oui. Il aurait fallu que j’aie les iris violet de ma mère, et ce n’est pas le cas. Je me suis longtemps sentie lésée, mais… j’ai découvert que mes ailes servaient à autre chose que de la décoration.
Alistair haussa un sourcil.
–Elles s’embrasent ?
–Non ! Sais-tu que les phénix peuvent communiquer avec le Dieu de la Fédération des Douze Royaumes ?
–Eraïm ? Non, répondit-il prudemment.
Alistair avait conscience de s’aventurer sur un terrain mystique dont il se serait bien passé. Les dieux restaient pour lui de simples inventions des hommes pour expliquer l’inexplicable, et une excuse toute trouvée pour sacrifier des gens. Périr les armes à la main, oui, mourir pour les caprices d’un dieu quelconque… hors de question.
–Eh bien, ils le peuvent. Et moi aussi.
Alistair regarda ses compagnons pour vérifier qu’il n’était pas le seul à avoir compris la même chose.
–Tu as parlé avec Eraïm, reprit Taka, songeuse. Le dieu de la Fédération des Douze Royaumes.
Surielle hocha la tête, se sentit tout à coup très vulnérable. C’était la première fois qu’elle formulait à voix haute ce qui lui était arrivé. La première fois qu’elle lui accordait une réalité.
Comment allaient-ils réagir ?
–Je sais que tu ne peux pas mentir, pourtant je suis encore en train de chercher comment tu as pu inventer tout ça, marmonna Alistair.
À ses côtés, Rayad s’était rembruni.
–Qu’as-tu fait exactement ? demanda-t-il doucement.
Surielle se mordit les lèvres, gênée d’être une nouvelle fois au centre de l’attention.
–Alistair était si inquiet… vu la blessure il te fallait des soins rapides. J’ai utilisé le nom du dieu et j’ai été… je ne sais pas trop comment, transportée à ses côtés.
–Voilà pourquoi tu ne prononces plus son nom, commenta Taka.
–Exact. C’est ainsi que Rayad a été sauvé, et c’est là qu’il m’a demandé de trouver l’Éveillé.
–Qui est-ce, pour qu’un dieu ne puisse savoir où il est ? s’étonna Shaniel.
Surielle haussa les épaules.
–Aucune idée. Je sais juste que je dois le ramener auprès d’E… du dieu, se rattrapa-t-elle.
–Tu as dit que l’Éveillé nous concernait, rappela Rayad. En quelle façon ?
–Je ne suis pas sûre d’avoir tout compris, mais il a un rapport avec Orssanc. Et du coup…
–Avec nous, termina Rayad. Je ne suis pas trop sûr d’aimer ton histoire.
–Que tu l’aimes ou non, c’est ainsi. Tu cherches à rentrer chez toi, à récupérer ton trône… tout ce que je peux te dire c’est que trouver l’Éveillé t’y aidera.
Rayad s’était fermé et Shaniel posa une main sur son épaule.
–Nous rentrerons. Je sais que tu es impatient, mais il nous faut prendre le temps. Je commence à penser que c’est la raison pour laquelle nous sommes ici. Préparer ton futur.
Mâchoires serrées, Rayad hocha la tête, l’air sombre.
Une jeune Disciple fit soudain irruption.
–Ah, je vous cherchais, salua-t-elle, fébrile. La Prêtresse Naumira vous fait dire que le repas de midi sera bientôt servi, si vous souhaitez vous joindre à nous. Et une chambre peut vous être réservée pour la nuit.
–Merci, lui répondit Surielle avec un sourire. Nous arrivons.
Pourquoi avait-il le seul à remarquer quelque chose, d’ailleurs, alors que ni Taka ni Rayad n’avaient semblé conscients que la réalité avait été altérée ?
→ Pourquoi avait-il été le seul
Depuis sa révélation dix plus tôt, il jurait avoir changé
→ dix « ans » plus tôt, je suppose…
Le petit groupe marcha en silence plusieurs minutes, jusqu’à trouver deux bancs au sein d’un univers multicolores.
→ multicolore
Et une chambre peut vous être réservée pour la nuit.
→ Espérons qu’on leur en fournira plus qu’une…
Merci pour les fautes. J'ai oublié des mots en tapant trop vite, faut croire.
Et bien vu pour la chambre ^^ quoique, ça serait marrant :p mais de toute façon c'est plutôt dortoirs par ici. Ce que je pourrais préciser aussi...
Pour le moment je lis avec les plaisir les nouvelles aventures de ces nouveaux personnages, et je n'ai pas grand chose à dire car l'intrigue commence à peine.
Si ce n'est un défaut technique : le chapitre 8 est incomplet, j'ai mis beaucoup de temps à le comprendre car Surielle et Taka n'apparaissent pas, ni la scène de la blessure de Rayad et l'apparition de Eraïm... Je me suis retrouvée assez perdue, je te préviens donc pour corriger ça en vue des prochains lecteurs :3