Aelia :
Son père la fixait depuis son cheval, la mâchoire contractée. Une partie des hommes venus à Baltan était encore présente ; le reste était resté défendre Nébélis.
Heureusement, Arlietta et Lordan étaient là.
Sairen, lui, était resté silencieux depuis qu’il avait franchi le portail magique, quelques instants après Aelia. Sur le sentier verdoyant, il était devenu une tombe. Chaque fois qu’Aelia tentait d’échanger quelques mots, il ne répondait que par un hochement de tête.
Elle n’avait aucune idée de ce qui s’était passé à Nébélis. Qui avait gagné ? Qui avait péri ?
Si, pour elle, il était déjà difficile de ne pas y penser, elle n’osait imaginer ce que Sairen pouvait ressentir. Sa famille. Sa bien-aimée. Il la quittait pour la suivre, elle.
Elle ne voulait pas cela. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher d’être soulagée qu’il soit là.
C’est stupide et égoïste…
Le mage leur avait donné son nom : Sylros. Il répétait sans cesse qu’ils devaient se hâter.
Soudain, sur le chemin scintillant de pierres humides et de végétation luisante, la route se sépara en deux.
— Nous y voilà, dit Sylros.
Les guerriers stoppèrent leurs montures pour laisser brouter l’herbe fine. Alistair s’approcha d’Aelia, la rejoignant à hauteur de sa jument.
Arlietta et Lordan reculèrent, leur laissant un moment d’intimité.
— Ma fille…
Aelia vit l’hésitation dans ses yeux. Ils ne s’étaient pas adressé la parole depuis leur fuite de Nébélis.
— Tu n’es plus une enfant. Tu es une jeune femme… exceptionnelle. J’aurais voulu t’épargner tout cela. Ta mère a tout fait pour éviter que ce destin ne t’atteigne…
— Vous m’avez dit toute ma vie qu’elle était morte ! Pourquoi ? En quoi m’a-t-elle aidée ?
— Pour te protéger. Nous protéger. Si elle était restée, ils ne nous auraient jamais laissé en paix. Je n’ai jamais voulu qu’elle accepte, mais… sans elle, aurais-je pu te sauver ?
— Et pourquoi cet enterrement ? Pourquoi je n’ai aucun souvenir d’elle ?
Alistair se tut un instant, laissant le bruit des sabots et des voix couvrir leur échange. Puis il reposa ses yeux sur elle, rougis, humides.
— Parce que l’Ordre de Malkar la traquait. Elira les avait trahis. Et elle savait que rester avec nous nous condamnerait. Alors un jour… elle a accepté leur offre de rédemption. Elle est devenue la femme de Rhazlir III, seigneur de Mahldryl.
Il marqua une pause, sa voix vacillant.
— Je n’ai jamais autant souffert. Mais je n’avais pas le droit de flancher. Tu étais là. Notre fille. Notre Hirondelle.
Ces mots bouleversèrent Aelia. Les larmes coulèrent sur ses joues.
— Elle aurait pu refuser et rester ! On aurait pu se protéger !
Le cheval de son père s’approcha davantage, jusqu’à pouvoir lui tendre la main.
— Si elle ne l’avait pas fait… nous serions morts. Elle connaissait les risques. Elle a tout fait pour dissimuler ce qu’ils cherchaient : son collier. Et toi.
— Le collier… et l’Hirondelle. Donc elle savait… et elle n’a rien fait ?!
— Je ne sais pas ce qu’elle est devenue après. Mais je sais qu’elle est encore en vie. Et cela me brise. Elle ne m’a confié que deux choses : que notre fille sauverait cette Terre. Et que le collier te montrerait le chemin.
— Mais… comment l’utiliser ?
— Je l’ignore. J’ai interrogé Malia. Elle ne savait rien… Ilara n'a rien trouvé de plus et ta mère n'a jamais eu l'occasion de me le dire...
Malia…
Aelia inspira longuement, séchant ses larmes du revers de la main.
— Je suis sûr que le mage pourra t’aider. C’est pour cela que nous sommes venus à Baltan. Je suis désolé, ma fille. J’aurais tant voulu que rien de tout cela n’arrive… Ta mère, ton frère… je les aimais. Je les aime encore.
Elle sursauta, manquant de s’étouffer.
— Mon… Mon frère ?
— Oui. Rhazek. Il est né avant toi. Elira a dû faire un choix. Elle a emmené ce qu’elle avait de plus précieux. Elle l’a choisi, lui. Sinon, ils t’auraient prise.
— Pourquoi je ne me souviens de rien ? Tout ce temps... sans rien me dire et me mentir...
Alistair avait un regard désolé.
— Elle a effacé tes souvenirs. Il ne reste que les trois premières années… Les plus belles de nos vies. Elle voulait t’épargner. Je le voulais aussi... que tout ça ne soit qu'un mauvais rêve.
Trop d’informations. Trop de révélations. Aelia se sentait submergée. Pouvait-elle pardonner son père ? Sa mère ? Le voulait-elle-même ?
Voulait-elle reprendre contact avec Elira ? Elle n’en était plus certaine.
Et ce frère… Rhazek. Devait-elle le retrouver ?
— Comte, il faut partir, dit un des guerriers.
Alistair hocha la tête et fixa sa fille.
— Je t’aime plus que tout. Tu as été la plus belle chose qui me soit arrivée. J’ai pu vivre tant de moments à tes côtés. Mais aujourd’hui, il est temps que tes ailes se déploient. L’avenir du royaume en dépend. Trouve le Loup. Sauve-nous. Et reviens-moi… je t’en supplie.
— Puis, dans un claquement de bottes, il fit pivoter sa monture vers la droite — la route qui menait à Vaelan.
— Avec moi, guerriers de Vaelan ! Allons préparer la guerre !
Les sabots résonnèrent, s’éloignant peu à peu. Puis le silence.
Aelia resta là, immobile, pantelante sur sa jument.
— Mademoiselle ? Nous devons y aller, dit Sylros doucement.
Elle releva les yeux vers lui. Pensa à sa cité, Lordal. Revoyant Maitre Saltar et Mme Ilara. Les reverrait-elle un jour ?
— Savons-nous au moins où aller ?
— C’est à vous de me le dire.
Elle hésita.
— Le royaume de Balar. Le Loup s’y trouve. Il était à Krieg… mais cette cité n’est plus que ruine.
Sylros hocha la tête.
— Alors cap sur Dralan, la capitale de Balar.
Elle acquiesça sans discuter. Elle avait besoin de temps. Pour réfléchir. Pour comprendre.
Ils prirent la route opposée à celle d’Alistair.
Une vingtaine de guerriers. Elle. Sairen. Arlietta. Lordan. Sylros.
Marchant vers Arnitan.
Celui qu’elle devait protéger. Même si elle ne savait pas comment.
Mère…
Eh bien que de révélations. On a bien la confirmation pour Rhazek. Les retrouvailles de famille vont etre speciales. Tout les royaumes se préparent pour la guerre et l'on sent la tention qui monte.
En tout cas risqué de la part du père de confier le sort du monde à une enfant mais bon il faut respecter la prophétie.
Hate de lire la suite, sa promet.
Une petite remarque sur la forme :
Sairen, lui, était resté silencieux depuis qu’ils avaient franchi le portail magique. Depuis qu’ils s’étaient éloignés de sa cité, ( tu as une répétition de depuis. aussi il me semblait que sairen était resté en arrière avant de plonger dans le portail)
a la prochaine,
Scrib.
Ahaa je t'avais dit qu'il y aurait beaucoup d'informations :)
Rhazek, Elira, Alistair et Elira = famille :)
La tension monte de partout et tout se met en place progressivement.
Pour la décision du père, il a confiance au mage du cercle de Baltan et surtout Elira lui avait dit que sa fille devrait emprunter cette voix. Lui doit s'occuper de préparer son comté et prévenir le roi :)
Je pense que tu ne seras pas en reste dans la suite. Content que ça te plaise en tout cas :)
Merci je vais modifier ça. Pour Sairen, oui il était resté en arrière (pourquoi : explication un peu plus tard mais rien d'exceptionnel aha). Et il les a rejoint avant qu'ils ne partent car là dans le passage ils sont déjà assez loin de Nébélis. Mais peut-être que je devrais ajouter une phrase pour bien comprendre :)
A plus ;)