Chapitre 9 : Arnitan

Par Talharr

Arnitan :

Depuis les remparts de la forteresse de Dralan, Arnitan contemplait l’horizon. Devant lui, les champs s’étendaient à perte de vue, parsemés de teintes dorées, vertes et ocres. Une mer de couleurs qui n’avait rien à voir avec les collines boisées et les plages de Krieg.

Tout est si différent ici.

Mais malgré la beauté du paysage, ses pensées restaient prisonnières d’un passé tout proche, encore brûlant. Krieg. Ses souvenirs toujours vifs dans son esprit, dont il ne voulait en perdre aucun. La ville était désormais loin derrière lui. Abandonnée. Détruite.

Est-ce qu’un jour, la vie paisible qui y avait régné pourra y renaître ?

Il revoyait Gwenn. L’instant où elle avait traversé le portail d’Erzic. La stupeur sur son visage. La peur dans ses yeux. Et puis… son père, Atlan, gisant sur le sol, sans vie.

Rien n’avait apaisé la douleur. Rien n’avait comblé le vide.

Depuis leur arrivée à Dralan, plusieurs fois, il avait cru reconnaître Gwenn dans la foule. Une chevelure rousse. Une silhouette. Il les avait suivies, chaque fois, le cœur battant. Mais ce n’était jamais elle. Seulement des inconnues qui lui rappelaient celle qu’il avait perdue.

Je l’ai trahie.

Il repensa à la statuette qu’il lui avait offerte. À cette histoire de destinée, qu’il lui avait racontée avec tant de conviction. Si seulement il s’était tu. S’il n’avait pas cru bon de lui parler du Loup et de l’Hirondelle. Peut-être alors… elle serait encore là.

Était-elle toujours en vie ? Ou…

NON. N’y pense pas.

Et puis, il y avait Wolfrharr. Le loup géant. Celui qui parlait. Celui que l’homme mystérieux lui avait dit d’appeler à l’aide.

Il l’avait aperçu plusieurs fois sur la route menant à la capitale. Toujours en retrait, observant. Les yeux rougeoyants comme des braises. Présence inquiétante, mais étrangement rassurante. Arnitan n’en avait parlé à personne. Il savait ce qu’on penserait : un monstre. Un danger à abattre. Et lui-même n’était pas certain que le loup n’ait pas tué cette femme dans les bois. Peut-être était-ce pour cela que les guerriers de Krieg s’étaient aventurés à plusieurs reprises dans la forêt.

Je devrais lui demander. En avoir le cœur net.

Et puis… il y avait cette autre question. Celle de l’Hirondelle. De la véritable Hirondelle.

Il avait eu le temps d’y réfléchir. Pendant le trajet. Pendant les nuits sans sommeil. Et il se souvenait.

Cette jeune fille, aux yeux couleur olive, qui était entrée dans sa chambre, peu avant la tragédie.

Ce n’était pas un hasard.

Elle avait semblé perdue. Troublée. Tout comme lui. Était-elle, elle aussi, en train d’apprendre son rôle ? Était-ce elle, l’Hirondelle.

Si j’avais réfléchi… rien de tout cela ne serait arrivé…

Il connaissait désormais son nom. Aelia de Vaelan.

       — Tan ?

  Il sursauta. Draiss s’était approché en silence. Il observait les champs, son regard perdu au loin.

      — Ça va. Je…

      — Tu te reproches encore tout, n’est-ce pas ?  

      — C’est ma faute, Draiss. Ma meilleure amie a disparu. Et mon père… est mort.

      — Tu n’es pas responsable. Tu n’as pas déclenché l’attaque. Tu n’as trahi personne. Ceux qui ont fait ça paieront, un jour.

              Draiss. Toujours les bons mots, au bon moment. Une présence stable, fidèle. Arnitan lui en était reconnaissant, même si la culpabilité restait, comme une écharde sous la peau.

       — Et puis, je te rappelle que je dois protéger la Terre de Talharr !

                Arnitan esquissa un sourire.

       — Tu crois que j’ai oublié ? Je veux être le commandant de tes armées, alors.

              Ils rirent. Un vrai rire. Un rire qu’Arnitan croyait à jamais perdu. Le retour de Draiss avait été une bénédiction.

              Ceux qui avaient fui par la mer étaient tous arrivés sains et saufs. Certains racontaient que l’eau avait bougé étrangement, comme mue par une force mystérieuse. Comme ce que lui avait dit Gwenn.

       — Marché conclu, commandant, souffla Arnitan.

               Bien sûr ces paroles n’était qu’un simple jeu entre les deux amis. Lui diriger une armée. Qui pourrait y croire.

               Pourtant c’était bien ce que lui avait dit l’homme mystérieux.

               Il faudrait déjà savoir quelle armée…

              Le silence accompagna les deux garçons un long moment. Regardant les champs balayés par un vent doux.

              Puis une voix les interrompit :

       — Vous êtes là !

             C’était Calir. Le messager. À chaque discussion, ils revenaient à Gwenn. Tous deux partageaient la même peine, le même manque. Mais jamais Calir n’avait à nouveau mentionné le Loup. Gwenn a dû lui parler de moi, pensa Arnitan.

      — Le comte sera de nouveau reçu par le roi, annonça Calir. Ils vont décider si nous partons en guerre.

      — En guerre ? Contre qui ? demanda Draiss.

      — Drazyl. Ce sont eux qui ont attaqué Krieg.

          Arnitan serra les poings

      — Alors… c’est là-bas qu’ils retiennent Gwenn.

      — Cela ne fait aucun doute.

           Le royaume déchu. Celui qui avait massacré des innocents. Ils devraient payer. Et pourtant, Arnitan le sentait : ce n’était pas vers Drazyl que son chemin le menait.

           Pas encore

            Il devait trouver l’Hirondelle. Si lui se rendait à Drazyl, il mettrait en péril tout ce qu’il était censé protéger. Il devait choisir entre son cœur et son destin.

            Pourquoi m’a-t-on choisi ?

      — On va la retrouver, affirma Calir, la voix calme, presque glaçante. Et on vengera nos morts. Notre terre sera plus sûre sans eux.

     Ces mots frappèrent Arnitan plus fort qu’il ne l’aurait cru. Il hocha la tête. Calir les salua et repartit vers la ville, où des centaines de maisons encerclaient une haute tour de pierre.

          Soudain, une douleur aiguë transperça sa poitrine. Sa marque. Puis une voix rauque résonna dans son esprit.

      — Rejoins-moi dans les sous-sols. Ce soir.

      — Wolfrharr ?

       Mais le lien s’était rompu. Plus de voix. Plus de douleur.

        Ce soir.

      Enfin, il aurait ses réponses.

       En contrebas, dans la cour intérieure, Brelan lui faisait signe. L’heure de l’entraînement. De s’occuper l’esprit.  

      Avant que la tempête ne n’emporte à nouveau son esprit.

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Scribilix
Posté le 07/08/2025
Ah le retour de Arnitan. C'était un très bon chapitre et je n'ai rien à redire sur la forme, la lecture était agréable. A voir ce que va lui réveler le loup :)
Talharr
Posté le 07/08/2025
Merci, content que ce chapitre t'ai plus :)
Ah le loup à des choses à dire :)
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