Arnitan :
Après avoir passé la moitié de la journée sur le terrain d’entraînement à parer et porter des coups avec Brelan, Arnitan s’était dirigé vers les baraquements alloués aux gens de Krieg. Sa mère, sa sœur, son frère et Patan s’y trouveraient sûrement.
Il avait dû contourner l’immense tour jusqu’à son versant opposé. Elle était si impressionnante qu’on n’en distinguait ni la base, enfouie sous terre, ni le sommet, perdu dans les nuages.
Il repensa à leur arrivée : les étendues de champs, les remparts noirs comme les pavés de Krieg, la tour aux pierres scintillantes qui l’avait laissé sans voix. Son père leur avait autrefois conté son voyage à Dralan, et tout correspondait : la base de la tour encerclée par trois niveaux de murailles, les centaines de maisonnées, les échoppes, et surtout, les tisseurs. Il y en avait partout. Avec Céleste, ils s’étaient souvent arrêtés pour admirer les œuvres cousues.
L’accueil du roi et de ses habitants avait été chaleureux. Ils avaient été menés vers des habitations habituellement réservées aux garnisons. C’est là qu’Arnitan avait retrouvé Draiss. Les survivants qui étaient partis par navire étaient arrivés avant eux.
Les retrouvailles avaient été émouvantes, mais rien n’effaçait les pertes. Le comte Ostir avait été convié à la table du roi Karstan Drirr. Les discussions se poursuivaient presque chaque jour, alors que d’autres comtes affluaient de toutes les forteresses.
La guerre. C’est ce que Calir lui avait dit, plus tôt dans la journée.
Ce soir, il devait retrouver Wolfrharr dans les sous-sols de la forteresse. Mais pour l’instant, il voulait un moment de calme.
— Petit frère. Un petit combat ?
Assis à l’une des tables de l’ancien bâtiment de la garnison, Piré le fixait d’un air de défi. Il se remettait bien de sa blessure, soigné par Gabrielle et son apprentie, Céleste.
— Je me suis déjà entraîné avec Brelan. Et je ne pense pas que tu sois encore prêt, répondit Arnitan avec un sourire.
— Pas prêt ? Je suis plus que prêt. Dis juste que tu as peur, ricana Piré.
Arnitan n’avait pas envie de jouer. Il voulait seulement se reposer.
— Tu n’as qu’à demander à Brelan. Lui, il pourrait se battre toute la journée.
— Alors tu te défiles vraiment ? Je t’ai connu plus bagarreur…
Le sourire d’Arnitan s’éteignit. Son visage se referma.
— C’est juste que… je ne veux pas. Plus tard, s’il te plait.
Le regard de Piré s’adoucit.
— D’accord, Tan. Désolé, je ne voulais pas te brusquer.
— Ce n’est rien.
Piré se leva et sortit en silence.
Arnitan se rendit aux cuisines, espérant y croiser Céleste, sa mère ou Gabrielle. Il avait besoin d’un visage qui comprendrait sans mots. Mais il trouva Abigail Loryn et sa plus jeune fille, Nilenn. Leur aînée avait été enlevée par un mage.
Il croisa le regard d’Abigail et voulut fuir. Ils s’étaient peu parlé depuis. Pas par rancune, mais parce que la douleur était trop vive.
— Bonjour, bégaya-t-il.
Il tournait déjà les talons quand la voix d’Abigail l’arrêta :
— Arnitan… Ma fille me manque chaque jour. J’ai l’impression de la voir partout. J’en deviens folle.
— Man… Gwenn me manque aussi, dit la petite voix de Nilenn.
Abigail caressa doucement la joue de sa fille. Les larmes coulèrent.
Arnitan les observait, la mâchoire serrée. Il devait rester fort.
— Je sais… ma petite perle.
— Elle revient quand ?
— Bientôt. Je te le promets.
Elle avait dit cela en regardant Arnitan droit dans les yeux.
— Elle me manque tellement. On la fera revenir. Je vous le promets.
— Je n’ai pas besoin que tu me promettes quoi que ce soit, Arnitan. Ma fille avait confiance en toi. Moi aussi. Où qu’elle soit, je suis sûre qu’elle pense à nous.
— Merci, Tatan, murmura Nilenn.
Arnitan hocha la tête. Un mot de plus et il éclatait en sanglots.
Abigail et sa fille retournèrent à leur tâche. Il les observa encore un instant, puis monta. Il traversa le couloir, dépassa plusieurs chambres, puis entra dans celle qu’il partageait avec Piré et d’autres jeunes de Krieg. Il s’allongea, songeur, puis s’assoupit.
— Arnitan !
Il ouvrit les yeux, s’attendant à voir surgir l’homme mystérieux. Ce n’était que Piré, l’appelant pour le dîner.
Il mangea rapidement sa soupe de légumes et un morceau de pain. Puis, une fois la salle vidée, il s’éclipsa.
La nuit était tombée. Voilée. Silencieuse.
Wolfrharr doit m’attendre.
Il vérifia plusieurs fois qu’on ne le suivait pas. Étrangement, ni Draiss ni Céleste ne l’avaient vu partir.
Le commerçant m’a dit de passer par le quartier des échoppes de bibelots.
Ignorant l’entrée des sous-sols, il avait demandé son chemin à plusieurs personnes. Un tisseur, contre deux Talens, lui avait indiqué une ruelle.
Les rues étaient encore animées. À Krieg, chacun serait déjà rentré.
Enfin, il atteignit le quartier des bibelots. Les échoppes, éclairées à la bougie, regorgeaient d’objets qui lui rappelaient les trésors rapportés par son père.
Ils appelaient les passants à venir voir leurs produits.
Dépasse seize échoppes, puis tourne à droite.
Il les compta. À la seizième, une intersection. La ruelle de droite était la seule sans lumière.
Il s’y engagea, le cœur battant.
Tu trouveras une porte qui mène aux sous-sols.
Les murs suintaient d’humidité. Une petite porte de bois était encastrée dans la pierre. Il l’ouvrit.
La lumière lunaire reflétée sur l’eau lui évita de chuter dans un escalier en colimaçon.
Je ne peux pas faire marche arrière, pensa-t-il pour se donner du courage.
Il descendit lentement. Ses yeux s’habituaient à l’obscurité.
Soudain, un claquement violent le fit sursauter. Il manqua de tomber.
La porte… un coup de vent.
Il attendit. Aucun bruit. Rassuré, il reprit la descente.
Après plusieurs minutes, une lueur orangée ondulait sur les murs. Il accéléra le pas, manquant à plusieurs reprises de trébucher.
Il parvint enfin en bas des marches. Une immense voûte soutenue par des piliers s’ouvrait devant lui. Des torches, un pilier sur deux. Un lustre au plafond. Et sur la voûte, une fresque effacée : une forêt, des crocs, des yeux jaunes…
Un grognement le fit pivoter. Deux yeux rouges luisaient dans l’ombre.
— Wolfrharr ? appela-t-il, incertain.
Les yeux s’approchèrent. Une fourrure noire et grise surgit dans la lumière.
— Tu es en retard, jeune Loup.
— Désolé, je ne connais pas bien l’endroit.
Comment un loup si grand a-t-il pu rester caché ?
— Parce que je peux rétrécir. Et je connais ce lieu, répondit Wolfrharr en claquant des crocs.
J’avais oublié que tu pouvais lire dans les pensées… j’espère que tu ne le fais pas tout le temps, dit Arnitan, ses yeux interrogateurs posés sur ceux du loup.
— Cela dépend, dit le loup.
— Comment ça, « ça dépend » ?
Wolfrharr s’approcha.
— Je ne t’ai pas fait venir pour ça. Nous devons nous préparer. Les partisans de Malkar s’activent.
— En Drazyl, n’est-ce pas ?
— En outre. J’ai été contacté par une mage. Elle serait la mère de l’Hirondelle.
— Aelia. C’est elle l’Hirondelle.
Wolfrharr tourna lentement autour des piliers.
— Nous devons la rejoindre au plus vite.
— Mais comment ? Je ne peux pas disparaître comme ça !
— Alors il est temps de tout révéler.
— Quoi ?
— Tu dois prévenir ton roi. S’il le faut, je sortirai de l’ombre. Nous n’avons plus de temps.
Arnitan hésitait. Mais il sentait que le loup disait vrai.
— Une armée. C’est ce qu’il nous faut. Et l’Hirondelle. Ensemble, vous pouvez vaincre Malkar.
— D’accord. Je parlerai à notre comte. Je demanderai audience au roi.
Wolfrharr hocha la tête.
— Si tu as besoin de moi, appelle-moi, dit-il en s’éloignant.
— Attends ! Après ton attaque, j’ai cru mourir. J’étais dans mon village… désert. Une personne étrange m’a dit que j’aurais dû mourir, et que je devais te faire confiance.
Wolfrharr s’arrêta.
— C’était Talharr. Depuis la dernière guerre, il ne peut plus intervenir directement. Il tente d’entrer en contact, comme ce qu'il a fait avec toi. Mais sa magie est faible.
Arnitan resta figé. Il avait parlé à un dieu.
Il l’avait senti, que cette silhouette avait quelque chose de mystique. Mais un dieu venu lui parler ?
— Et oui, tu aurais dû mourir. Pour que Malkar ne puisse jamais revenir. Mais maintenant, tous ses sbires te cherchent. L’un d’eux est peut-être déjà ici.
— Le Serpent…
— Peut-être. Je ne peux pas le sentir.
Une dernière question lui trottait dans la tête.
— Et la femme ? Celle tuée avant que tu ne m’attaques à Krieg ?
Wolfrharr réussit à plisser ses yeux jaunes :
— La femme ? Je n’ai chassé que le cerf. Je déteste le goût humain.
A part le mien… pensa Arnitan.
— Je ne t’ai pas mordu. Pour la femme, c’était peut-être le Serpent.
Arnitan le remercia. Soulagé de ne pas avoir pactisé avec un meurtrier. Devant lui, le loup géant rétrécit jusqu’à devenir normal.
— Dis à la guérisseuse et au bâtisseur qu’ils peuvent sortir de leur cachette.
Puis il disparut dans l’obscurité, sans un mot de plus.
Derrière Arnitan, des pas résonnèrent.
— C’était quoi, ça ? C’était lui au lac ? demanda Draiss.
— Il était géant… et maintenant, il est tout mignon, dit Céleste.
Ils le fixaient, ébahis. Il allait tout leur raconter.
Et ensuite convaincre les comtes… et le roi.
Quelques point sur la forme :
- La lumière lunaire reflétée sur l’eau lui évita de chuter dans un escalier en colimaçon. ( j'avoue ne pas bien comprendre, tu avais des flaques d'eau sur les marches qui lui ont permis de voir où il metait les pieds et de ne pas tomber ) ?
- ll tente d’entrer en contact, comme avec toi. Mais sa magie est faible. ( pourquoi avoir rajouter le comme ?)
- Arnitan le remercia. Devant lui, le loup géant rétrécit jusqu’à devenir normal. Soulagé de ne pas avoir pactisé avec un meurtrier. Peut-etre que pour ne pas couper la phrase j'aurais dit : Arnitan le remercia. soulagé de ne pas avoir pactisé avec un meurtrier. Devant lui, le loup géant rétrécit jusqu’à devenir normal.
A la suite,
Scrib. ^^
Fallait bien que ça avance et qui de mieux que Céleste et Draiss :)
Oui pour l'eau je voulais essayer de faire en sorte qu'au début via la lune il puisse voir les marches par le scintillement.
Merci pour les suggestions je vais modifier ça :)