Chapitre 10 : Confession, perles de sang et enlèvement.

[ 1 ]

Yerin avait eu tort de penser que cette histoire était finie. Elle avait l'impression de vivre un cauchemar. Un cauchemar dont elle ne pouvait pas se réveiller. Elle venait de recevoir un nouveau message qui lui avait glacé le sang.

"Je t'avais prévenue. Jong-goo est le premier. La prochaine, ce sera Min-ji."

Le message était accompagné d'une photo de Jong-goo étalé au milieu de la route. Le message suivant était une vidéo. Yerin, déjà sous le choc du premier message, lança la vidéo, le cœur serré. La scène lui était familière. Elle reconnaissait l'endroit et se souvenait de ce moment. C'était quand elle et Min-ji s'étaient changées dans le cagibi de l'infirmerie.

"Si tu essayes encore de me résister, je posterai cette vidéo sur le site de l'école et sur tous les réseaux sociaux. Ça t'est peut-être égal, mais qu'en est-il de cette pauvre Min-ji ? Elle est innocente. Elle ne mérite pas ça. Si sa vie est ruinée, ce sera de ta faute."

Yerin avait la sensation d'étouffer. Il lui fallait de l'air frais. Elle s'était réfugiée sur le grand toit terrasse. La famille Kim vivait au vingtième et dernier étage d'un immeuble de standing, dans le très huppé quartier de Cheongdam. Son père avait acquis ce grand penthouse en duplex, doté d'un magnifique toit-terrasse aménagé avec piscine couverte, jardin ornemental, ainsi qu'un petit potager sous serre. Tout cela pour la modique somme de trente milliards de wons*. C'était sa mère qui s'occupait des plantes et du potager, c'était son passe-temps favori. C'était un lieu de détente et d'apaisement, mais ce soir, Yerin peinait à trouver la paix intérieure.

À cette hauteur, le vent frais et puissant fouettait son visage. En contrebas, les gens et les voitures paraissaient minuscules. De petits points lumineux qui se déplaçaient comme des chenilles processionnaires. La clameur de la capitale montait haut dans le ciel. Le bruit diffus des moteurs, les coups de klaxonnes et le son des sirènes. Jong-goo se trouvait quelque part là-bas, au milieu de ce chaos urbain. Seul et blessé. Mort, peut-être. À cause d'elle.

Peut-être qu'elle ferait mieux de se tuer avant que quelqu'un d'autre soit blessé par sa faute. Il y avait une grande rambarde en métal pour prévenir les chutes accidentelles, mais si elle montait sur une chaise, elle pourrait l'enjamber facilement. Si elle sautait d'ici, elle mourrait sur le coup. Elle n'aurait pas le temps de souffrir. Du moins, c'est ce qu'elle espérait. Mais elle ne voulait pas mourir... Pourquoi devrait-elle renoncer à sa vie ? Qu'est-ce qu'elle avait fait de mal ? Elle ne méritait pas ça...

— Yerin ! appela sa mère du bas des escaliers qui menaient au toit. Yerin, tu es là-haut ? Viens vite ! C'est Jong-goo. Il a été renversé par une voiture. Il est aux urgences.

Agrippée à la rambarde, Yerin contemplait le vide qui s'étendait à ses pieds. Elle ne pouvait pas mourir. Elle ne voulait pas mourir. Si elle disparaissait comme ça, que deviendrait sa mère ? Que penserait Jong-goo ? Plus que jamais, elle avait besoin d'aide. Elle ne pouvait plus rester silencieuse.

— Yerin ! Tu m'entends ? Tu ne veux pas aller voir Jong-goo ?

Yerin descendit les escaliers. Elle tenait encore son téléphone à la main.

— Maman... murmura-t-elle avant d'éclater en sanglots.

Elle avait pleuré un long moment dans les bras de sa mère, puis elle lui avait tout raconté. Elle lui avait montré tous les messages du stalker.

— Mon dieu, Yerin... fit sa mère, horrifiée par ce qu'elle lisait. Pourquoi tu ne m'en as pas parlé tout de suite ?

— Je suis désolée, Maman, dit sa fille en sanglotant. J'avais peur qu'il t'arrive quelque chose... Je ne savais pas quoi faire.

— Excuse-moi, ma chérie... Je sais que ce n'est pas de ta faute. Ton père est en Chine jusqu'à la fin du mois, mais je vais appeler M. Park. Il saura quoi faire.

— Et Jong-goo, il va bien ?

— Oui, ne t'inquiète pas. Il s'est juste fracturé l'avant-bras. Ils vont lui poser un plâtre et il pourra rentrer dès demain. Les médecins ont dit que c'était presque un miracle qu'il s'en soit tiré avec une simple fracture. Il a vraiment eu de la chance.

[ 2 ]

Mme Kim avait appelé le secrétaire Park qui était venu aussitôt. Il les avait d'abord emmenées à l'hôpital où Jong-goo avait été admis en urgence. Le garçon avait déjà été pris en charge. Son bras plâtré était soutenu par une attelle. On lui avait donné un lit dans une chambre partagée en attendant l'arrivée de ses responsables légaux.

M. Park s'était entretenu avec le conducteur du véhicule qui avait renversé Jong-goo. Il affirmait que le garçon s'était jeté sous ses roues et qu'il n'avait pas eu le temps de réagir. Il avait pilé, mais trop tard. La police avait dressé un procès-verbal et avait conclu à un accident involontaire, l'assurance prendrait en charge les frais d'hospitalisation de la victime.

En revanche, ce que les caméras aux alentours avaient révélé, c'était que quelqu'un avait effectivement poussé Jong-goo sur la voie. L'homme avait le visage couvert et des vêtements sombres. Les agents de police avaient essayé de retrouver sa piste en vérifiant les caméras de surveillance dans les rues adjacentes, mais ils avaient perdu sa trace. Ils allaient avoir du mal à le retrouver.

Les agents qui étaient intervenus sur la scène de l'accident avaient posé quelques questions à Jong-goo. Est-ce qu'il soupçonnait quelqu'un en particulier ? Est-ce qu'il avait déjà reçu des menaces de la part de quelqu'un ? Jong-goo avait les réponses à leurs questions, mais il avait prétendu ne rien savoir. C'était une affaire personnelle. De plus, il ne voulait pas impliquer la police. Ils étaient nuls. Ils allaient lui mettre des bâtons dans les roues et bâcler l'enquête, c'était sûr. On ne pouvait pas compter sur les forces de l'ordre pour faire un travail décent dans ce pays. Quand ils n'étaient pas corrompus jusqu'à la moelle et de mèche avec les criminels, ils étaient tout bonnement incompétent et négligents.

De son côté, M. Park avait rapporté la situation au PDG de Blue Sky. M. Kim voulait que le problème soit réglé le plus discrètement possible, il ne devait faire appel à la police qu'en dernier recours. Ceux qui avaient osé s'en prendre à sa fille de cette manière allait apprendre ce qu'il en coûtait d'attaquer la famille de Kim Byeong-cheol. Il le payerait cher. Très cher.

M. Park et Jong-goo s'étaient donc consultés pour décider de la suite du plan. Il fallait d'abord assurer la protection de Yerin et de ses deux camarades, Min-ji et Min-jun. Pour cela, ils mobiliseraient les agents de Blue Shark Security. La BSS était une agence d'agents de sécurité, semblable à Baekho HRM, la société dirigée par Lee Do-gyu. Ils étaient essentiellement spécialisés dans la protection rapprochée et les missions de sécurité. Ils savaient travailler discrètement et efficacement sans empiéter sur la vie privée de leurs clients. Min-ji et Min-jun ne remarqueraient même pas leur présence. Quant à Yerin, M. Park assurerait personnellement sa protection.

[ 3 ]

De son côté, Jong-goo devait trouver un moyen de démêler cette histoire et mettre fin aux agissements de ces ordures. Il préférait l'action à la réflexion, mais il était coincé à l'hosto pour la nuit. La seule piste dont il disposait actuellement, c'était Cho Do-yun, mais il ne savait rien de ses capacités, de son entourage ou de l'endroit où il basait ses opérations. Le confronter à l'école était risqué, il avait le soutien du corps enseignant alors que Jong-goo était encore en sursis. Il lui fallait du concret.

— Yerin, tu peux me montrer les messages que tu as reçus ? demanda-t-il à son amie qui veillait à son chevet.

Elle se sentait responsable de son accident et elle avait insisté pour s'occuper de lui. Elle était prête à tout pour se racheter, mais quand Jong-goo lui avait fait cette requête, elle avait hésité un moment. Elle n'arrivait pas à se débarrasser de ce sentiment de honte et de culpabilité. Pourtant, au fond d'elle, elle savait qu'elle était une victime, qu'elle n'avait rien à se reprocher, mais elle avait aussi peur du jugement des autres. De toutes les personnes qu'elle connaissait, Jong-goo était sans doute la dernière personne à qui elle voulait montrer ce genre de choses.

Elle finit par lui tendre son téléphone. Il parcourut les messages les uns après les autres, son regard s'assombrissant un peu plus à chaque fois.

— Je suis désolée, c'est de ma faute... J'aurais dû en parler plus tôt. Si j'avais été plus courageuse, rien de tout cela ne serait arrivé.

— Yerin... Si je vais en prison, juste cette fois, tu me pardonneras ?

— Hein ? Pourquoi tu dis ça ? Pourquoi t'irais en prison ?

— Parce que je vais tuer quelqu'un, dit-il, secoué d'un rire nerveux. Ah, merde... ces connards m'ont vraiment mis en rogne.

Ça le démangeait. L'envie d'anéantir ces ordures le faisait bouillonner de l'intérieur. Ce n'était pas vraiment de la colère. Ce n'était pas vraiment de la haine non plus. C'était un sentiment d'exaltation féroce et d'impatience frénétique. Ces imbéciles avaient touché à la seule personne qui pouvait contrôler son amour du chaos et de la violence. S'il se retenait, c'était pour Yerin. S'il se déchaînait, c'était parce qu'il n'y avait plus rien pour le retenir. Ils avaient dégoupillé la grenade et elle allait leur péter à la gueule. Il allait s'en donner à coeur joie.

[ 4 ]

Jong-goo avait comblé les blancs. Il était maintenant certain que le Dr Ahn et Cho Do-yun étaient complices. Il ne savait pas comment ni pourquoi ils s'étaient alliés, mais ça n'avait pas d'importance. Ce que Yerin lui avait raconté avait confirmé ses doutes. Les messages coïncidaient avec les événements, même si les preuves étaient purement circonstancielles.

— Quand le Dr Ahn est passé te voir à l'hôpital l'autre jour, il t'a apporté des fleurs ?

— Oui, comment tu sais ?

— C'était quoi comme fleurs ?

— Euh, je crois que maman a dit que c'était des gardénias. Il y en avait des rouges et des blancs. Elle a dit qu'elles étaient très belles.

Jong-goo fit une recherche rapide sur son téléphone. Les gardénias étaient des fleurs originaires de Chine très répandues en Asie, mais on pouvait leur attribuer certaines significations. En l'occurrence, elles étaient souvent associées aux relations amoureuses. Le gardénia blanc représentait la pureté d'une relation, tandis que le gardénia rouge représentait une relation cachée ou interdite. Ce mec était un psychopathe. Et il ne s'en cachait même pas.

— Yerin, celui qui t'a envoyé tous ces messages, c'est le Dr Ahn.

— Quoi ?! Mais... Pourquoi il ferait ça ? Ce n'est pas le genre de personne à faire ce genre de choses.

— Il ne faut jamais se fier aux apparences. Réfléchis-bien. Le stalker t'as dit qu'il te rendrait visite à l'hôpital et t'apporterait des fleurs. Et qui est-ce qui s'est pointé le lendemain avec des fleurs ? Le Dr Ahn. Et la vidéo de toi et Min-ji, elle a été prise dans un cagibi sans aucune fenêtre. Ça veut dire que quelqu'un a installé une caméra à l'avance avec l'intention de filmer. Je doute que ce soit Mlle Suk. Les élèves ont l'habitude de se changer dans ce cagibi avant de retourner en cours, comme c'est souvent pendant les cours de sports qu'ils se blessent. Vous n'êtes probablement pas les seuls qu'il a filmé en secret.

Yerin avait du mal à le croire. Elle n'aurait jamais soupçonné le Dr Ahn d'être capable d'une telle chose.

— Tu crois vraiment que c'est lui ? Qu'est-ce qu'on doit faire alors ? Est-ce qu'on doit le dénoncer à la police.

Jong-goo secoua la tête.

— Pas pour le moment. On n'a pas encore assez de preuves. Et il n'agit pas seul, il a au moins un complice. Peut-être plus. Il est très prudent. Il utilise probablement des téléphones prépayés et il a dû faire en sorte de couvrir ses traces. J'ai déjà identifié un de ses complices, je vais le confronter pour obtenir plus d'informations. En attendant, M. Park va veiller sur toi et Mme Kim. Et ne t'inquiète pas pour Min-ji et Min-jun, M. Park a envoyé des agents de sécurité pour les protéger.

— D'accord, mais... Qu'est-ce que tu veux dire par confronter son complice ? Tu ne vas quand même pas y aller tout seul ? Tu as le bras dans le plâtre et c'est trop dangereux. On devrait laisser la police s'en occuper.

Jong-goo secoua la tête.

— Ton père ne veut pas impliquer la police. On ne fera appel à eux que si c'est vraiment nécessaire.

— On s'en fiche de ce que veut mon père ! s'insurgea Yerin, abasourdie par ce qu'elle venait d'entendre. Pourquoi tu devrais obéir à ses ordres ? Il te fait toujours faire des choses dangereuses. Tu crois que c'est normal pour un garçon de ton âge de faire toutes ces choses et de te mettre en danger comme ça ?

— C'est comme ça. Contrairement à toi, je ne suis pas né dans cette famille. Tu sais tout comme moi que ma place n'est pas acquise. Si je veux faire partie de cette famille, je dois être utile.

— Ce n'est pas ça une famille, dit Yerin tristement, les larmes aux yeux. Une famille doit se soutenir et s'aimer inconditionnellement. Mon père se sert de toi, c'est tout...

— Je sais, mais au moins j'ai un toit sur la tête et je ne manque de rien. C'est mieux que d'être un orphelin à la rue, tu ne crois pas ?

Yerin ne pouvait pas réfuter cet argument. Elle était heureuse d'avoir Jong-goo à ses côtés, il était tout pour elle, mais son père était trop cruel avec lui. Il ne le voyait pas comme un fils, même adoptif, mais comme un outil qu'il pouvait exploiter à sa guise, sans se soucier des conséquences. Elle avait de la peine pour Jong-goo. Ce qui lui brisait le cœur plus que tout, c'était que son ami ne se plaignait même pas de la situation. Il ne trouvait pas cela révoltant ou injuste. Il avait accepté sa condition comme si c'était parfaitement normal.

[ 5 ]

Jong-goo avait été transféré dans une chambre VIP, à la demande express de Mme Kim, et Yerin avait passé la nuit à ses côtés, sur un lit d'appoint. Sa mère voulait qu'elle rentre à la maison, mais Yerin n'avait rien voulu savoir. Elle pouvait se montrer terriblement têtue quand elle s'y mettait. Mme Kim avait fini par céder et M. Park l'avait ramenée chez elle, avant de retourner à l'hôpital pour garder un œil sur les deux adolescents. La nuit avait été calme. Rien à signaler. Jong-goo ne dormait que d'un œil, mais Yerin était tombée dans un profond sommeil. Soulagée d'avoir avoué la vérité et rassurée par la présence de Jong-goo, c'était la première fois depuis qu'elle se faisait stalker qu'elle dormait aussi bien.

Le lendemain, Jong-goo avait troqué son uniforme de patient pour une tenue propre que lui avait apportée Mme Kim la veille. M. Park avait signé les papiers de décharge, et ils avaient pris l'ascenseur en direction du parking souterrain.

— Mlle Kim, dit M. Park dans l'ascenseur. Le président Kim veut que vous restiez à la maison pendant quelques jours, le temps que la situation soit résolue. Vous pourrez retourner à l'école quand le coupable aura été appréhendé.

Yerin acquiesça. Elle espérait juste que tout rentre rapidement dans l'ordre et qu'elle pourrait reprendre une vie normale. C'était un vœu pieu, car le destin en avait décidé autrement.

[ 6 ]

Alors qu'ils se dirigeaient vers l'endroit où était garé M. Park, deux vans noirs aux vitres teintées avaient fait irruption dans le parking. Ils s'arrêtèrent dans un crissement de pneus strident, un de chaque côté de l'allée. Les portes coulissèrent. Un groupe d'hommes masqués et armés de battes en métal en sortit. Une dizaine de chaque côté. Ils étaient encerclés.

— Mademoiselle Kim, restez derrière moi, ordonna M. Park en se mettant en garde. Maître Jong-goo, vous pensez pouvoir vous battre ?

— Vous m'en demandez beaucoup, grimaça le garçon en montrant son bras dans le plâtre. Heureusement, c'est mon mauvais bras. Si j'arrive à mettre la main sur une de leur batte, je devrais m'en sortir.

Le secrétaire esquissa un sourire satisfait. Jong-goo n'avait pas froid aux yeux. Il était aussi malin que vicieux. Habituellement, quand on essayait d'amortir une chute, on se réceptionnait sur sa main dominante, c'était un réflexe naturel. Mais Jong-goo avait appris à faire l'inverse. Il protégeait toujours son bras dominant, car il devait être capable de manier une arme en toutes circonstances. C'était donc le bras gauche qui avait pris, et il pouvait faire pas mal de dégâts avec un seul bras valide.

— Je devrais pouvoir vous obtenir ça, dit le secrétaire, l'air déterminé. Restez avec Mlle Kim.

[ 7 ]

Park Ji-won. Un secrétaire tout ce qu'il y avait de plus ordinaire. En apparence, du moins. Employé dévoué, il se pliait en quatre pour servir la famille Kim au meilleur de ses capacités. Chauffeur, intendant, confident, il ne comptait pas ses heures. Mais plus qu'un fidèle serviteur, M. Park était un redoutable combattant. Ex-militaire devenu mercenaire, il avait survécu à de nombreux champs de bataille. On le surnommait l'Ouragan Sanglant, car il massacrait ses ennemis par dizaines avec la violence d'une tempête impitoyable et ne laissait rien d'autre derrière lui qu'un bain de sang et aucun survivant.

Gravement blessé lors de sa dernière mission, il avait dû prendre sa retraite. Il avait alors trente-cinq ans. À cause de son infirmité, il peinait à trouver un travail stable. Il n'avait aucun diplôme et aucune formation qui lui permettait d'être embauché dans une entreprise. Il devait se tourner vers des petits boulots manuels mal payés. Il avait vécu un moment sur ses économies, une bonne partie ayant été dépensée pour payer ses frais médicaux. Il vivait au jour le jour, sans savoir s'il serait en mesure de payer les factures à la fin du mois.

C'était totalement par hasard qu'il avait frappé à la porte de Blue Shark Security. Malgré sa prothèse de jambe, ils avaient accepté de l'embaucher. Il était en CDD pour six mois, car ils avaient besoin d'effectifs supplémentaires, mais c'était mieux que rien. Il prenait son travail très à cœur et son talent avait attiré l'attention de ses supérieurs. M. Kim Byeong-cheol lui-même l'avait remarqué. C'est ainsi qu'il avait décidé d'en faire son garde-du-corps personnel, mais M. Park était devenu bien plus que cela.

Cela faisait maintenant presque quinze ans que M. Park travaillait pour la famille Kim. Il commençait à se faire vieux, mais il n'avait pas perdu la main. L'Ouragan Sanglant faisait voler ses ennemis dans un tourbillon écarlate. Il avait rapidement désarmé un des assaillants, puis il avait lancé la batte en direction de Jong-goo qui l'avait attrapée au vol.

— Yerin, dit alors Jong-goo en levant la batte devant lui. Je ne sais pas si on va pouvoir tous les repousser. Quoi qu'il arrive, tu dois tenir bon. On viendra te sauver. Je te le promets.

Cachée dans son dos, Yerin se contenta d'acquiescer. Jong-goo était doublement handicapé. Il devait faire attention à son bras tout en protégeant Yerin. M. Park avait mis cinq ou six hommes K.O, mais ils étaient encore nombreux, et certains d'entre eux avaient lâché leur batte pour sortir des couteaux à sashimi. L'arme de prédilection de la mafia coréenne. Ça sentait mauvais, très mauvais.

Jong-goo esquiva la lame de l'homme qui tentait de lui taillader le visage et riposta d'un coup de batte dans les côtes, suivi d'un autre dans la tête. L'homme recula d'un pas, sonné. Alors qu'il portait la main à sa tête, Jong-goo remarqua le bracelet qu'il portait au poignet. Un bracelet serti d'une pierre rouge sang. Il n'avait jamais entendu parler de perles rouges. C'était nouveau. Ces mecs ne faisaient pas partie du gang des perles de Cho Do-yun. Ce n'était pas des délinquants juvéniles, c'était des gangsters professionnels.

[ 8 ]

Un des hommes avait réussi à se glisser dans le dos de Jong-goo. Avant qu'il ne puisse réagir, il avait attrapé Yerin. Le plat de sa lame pressé contre la joue de la jeune fille, il les avait sommé de cesser le combat.

— Ne bougez pas ! Je vous préviens, si vous vous approchez, je lui taillade le visage. Je suis sérieux ! Vous voulez pas qu'elle soit défigurée, hein ? Ce serait dommage.

— Maître Jong-goo, dit calmement M. Park, la tête d'un des hommes coincé sous le bras. Quels sont vos ordres ?

— On ne peut pas compromettre la sécurité de Yerin, répondit Jong-goo en lâchant sa batte. Il va falloir les laisser l'emmener pour le moment. Yerin, tu n'as pas oublié ce que j'ai dit ? Ça va aller. On va venir te chercher.

Yerin hocha la tête malgré la peur qui la paralysait.

— Sage décision ! répliqua celui qui l'avait prise en otage. Reculez. Loin. Très loin.

Quand Jong-goo et M. Park furent à une distance respectable, il balança quelques ordres à ses acolytes.

— On a la fille ! Ramassez les gars, on se casse. On doit faire la livraison ce soir. Allez, on se bouge !

Les hommes qui tenaient encore debout avaient chargé leurs camarades les plus mal en point dans les vans, puis ils avaient forcé Yerin à monter à leur suite. Elle avait jeté un dernier regard apeuré en direction de Jong-goo. Il lui avait répondu par un signe de tête encourageant. Il savait qu'elle était terrifiée, mais il n'y avait rien qu'il puisse faire pour le moment.

Jong-goo avait sous-estimé ses adversaires. Ils étaient plus nombreux que prévu et très bien organisés. Ahn Gi-eun n'était pas un simple pervers. Il avait des hommes à sa solde qui n'avaient pas hésité à kidnapper une gamine de treize ans en plein jour, dans le sous-sol d'un hôpital. Il n'avait pas besoin de plan. Il allait foncer dans le tas et les éclater, mais il lui fallait du renfort.

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Trente milliards de wons : environ 22 millions d'euros.

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