Chapitre 10 - Kyle : La vie est une belle saloperie !

Par Emma

Assis dans la voiture de Mike, je laisse mon regard vagabonder au gré du paysage sans vraiment y prêter attention. Je suis à une semaine de la rentrée, et il est l’heure pour moi d’aller rendre visite à ma mère. Avec les années, nos rendez-vous se sont réduits comme une peau de chagrin. Je ne vois pas ces rencontres comme une chance d’être ensemble, elles sont plutôt une plaie qui ne guérit pas, et me ronge longtemps après. J’ai beau avoir mon permis, je ne me sens pas d’affronter ça tout seul.

Garés devant la prison, je reste silencieux. Mike me serre doucement l’épaule.

— Ça va aller ?

Incapable de lui répondre, je me contente d’un hochement de tête.

— Il y a un match de football à la radio, je vais l’écouter pour patienter.

Je prends une grande inspiration, sors et avance vers le seul endroit que j’aimerais voir disparaître.

Ma mère entre dans la pièce avec les autres détenues, je me lève et attends qu’elle s’approche de moi. En colère contre elle, je refuse de faire le premier pas. Au fil du temps, toutes ses belles promesses se sont soldées par de cuisantes déceptions. Combien de fois m’a-t-elle fait miroiter, dans ses lettres ou au téléphone, que son temps de prison serait de courte durée. Pour elle, notre vie devait reprendre son cours avant ma majorité. J’ai fini par ne plus la croire, rangeant ses courriers au fond de mon armoire sans les ouvrir ! Elle me serre contre elle longuement et ne cesse de me rabâcher à quel point je lui manque. À sa décharge, je m’arrange toujours pour ne pas être disponible lors de ses appels téléphoniques dans ma famille d’accueil. Perspicace, elle sait que ce n’est pas facile pour moi, mais trop têtue pour l’admettre, elle s’imagine encore après tout ce temps, que tout va rentrer dans l’ordre.

Elle me parle de son travail au sein de la prison, de son enthousiasme pour ses études en cours, les lettres qui pourraient l’aider à la réouverture de son procès. Puis les questions fusent, sur moi, mes amis et mes activités. Elle me trouve changé, grandi, musclé, tellement beau… La totale, avec un supplément chantilly !

J’essaie désespérément de faire un effort. Je lui raconte des bribes futiles de mon existence, des choses sans importances pour combler les silences entre nous. J’admets qu’en agissant ainsi, je la punis, la prive de l’essentiel. J’ai conscience de nous faire du mal, d’agrandir cette faille impossible à franchir désormais, mais je n’y peux rien, la roue du destin est lancée. J’ai choisi cette voie et rien ne peut l’arrêter. Alors, je comble le peu de temps à notre disposition par des conneries, qu’elle ne mérite pas d’entendre. Et pour bien enfoncer le clou, je l’interroge sur l’identité de mon père. Elle a des yeux si tristes, pour autant je me retiens de lui demander pardon. Je ne peux pas m’empêcher de penser que si elle avait appelé les secours, on n’en serait pas là.

Au retour, Mike, comme prévu, me fout la paix. Il se contente de conduire. Il me demande s’il peut continuer à suivre le match. Pas de problème. Je veux juste oublier cette rencontre, ses belles paroles creuses qu’elle débite pour regagner ma confiance. J’ai perdu la foi, pourquoi ne s’en rend-elle pas compte ? Malgré tout, son odeur, son contact me rendent bien trop vulnérable. À chaque visite, il me faut combattre mes émotions ; ce manque affectif m’est insupportable et me détruit un peu plus chaque année passée loin d’elle. Je suis tellement retourné, j’ai soif de mes repères pour chasser mon tourment. J’aspire à retrouver mes frères, mon foyer, ma salle de sport, j’ai besoin de redevenir ce petit con insupportable ; ce jeune homme insouciant et effronté, que rien n’atteint. Mais par-dessus tout, et pour la toute première fois, je désire une fille. Je veux Anna.

Depuis cette fameuse soirée, je ne m’intéresse à aucune autre meuf. Pourtant, à l’instant où j’ai compris qu’elle était vierge, je n’ai pas pu aller plus loin. Jusqu’à présent, ça ne m’avait jamais dérangé et de toute façon, il faut bien franchir le pas un jour ou l’autre. Aussi, quand une nana me le demande avec des paroles ou des actes, je suis toujours partant ! Le sexe c’est génial, c’est euphorisant ! Alors, pourquoi pas avec elle ? M’aurait-elle ensorcelé ? Cette idée complètement ridicule me fait flipper comme un malade.

Anna tend un doigt vers moi, puis me fait signe de la suivre. Au fur et à mesure qu’elle longe le couloir, elle enlève un à un ses vêtements avec une telle dextérité, qu’il me semble les voir disparaître. Devant ma chambre, elle attrape la ceinture de mon pantalon. Ses mains se promènent sur mon corps nu et étendu sur mon lit. Je me sens si bien, cette fille est une bombe. Anna se positionne au-dessus de moi, remonte ses cheveux. Ses seins sont magnifiques, mais je n’arrive pas à les atteindre. Ils sont beaucoup trop loin. Je lui demande de revenir, pour que je puisse les toucher, j’ai envie de la goûter. D’un rire très sensuel, elle me réplique que nous avons tout notre temps. Puis inlassablement, elle répète mon prénom. « Kyle, oh ! Kyle. Ne t’arrête pas Kyle. Kyle, Kyle… » me ressasse-t-elle d’une voix très grave.

J’ouvre les yeux et me retrouve en face d’un Mike plutôt inquiet.

— Ben dis donc, tu m’as foutu une de ces trouilles ! Tu as dormi vraiment très profondément. On est arrivés. Je vais saluer Marlène. Enfin si tu veux attendre pour venir, pour te réveiller comme il faut…

Oh ! Non. Vu son ton hésitant, j’ai certainement raconté des tas de conneries. Je me frotte le visage. Complètement à la masse d’avoir pioncé, je grimace. Merde, j’ai une trique d’enfer. Je m’arrange en repensant à ce rêve érotique. En effet, il vaut peut-être mieux attendre un moment avant de les rejoindre !

Lorsque je me décide à rentrer, Marlène a invité Mike à partager notre souper. Me consoler après chacune de mes visites ne fait que renforcer ma douleur, ma famille d’adoption l’a bien compris. Je les respecte pour cela et pour tout ce qu’ils m’ont donné. La séparation, la souffrance, le désespoir, nous l’avons tous vécus, chacun à notre façon.

Pendant le repas, Marlène nous apprend la bonne nouvelle du jour : nous sommes officiellement conviés au barbecue le plus couru de toute la ville. Taylor Jackson lui a remis, en personne, notre carton d’invitation. Mike y est forcément pour quelque chose, comme par hasard ce dernier s’agite sur son siège en se raclant la gorge. Ah oui, d’accord ! En fait, on est tous en train de le fixer ! Pour interrompre ce moment carrément gênant, tout le monde commence à parler et à le remercier. Marlène, enjouée, s’empresse de nous montrer le fameux bristol en précisant qu’il a été peint à la main. Cette nouvelle nous rend complètement euphoriques. Il ne m’en fallait pas plus pour retrouver le sourire. Je vais passer toute une journée avec mon héros, c’est la meilleure façon d’oublier mon mal-être.

 

 

 

 

 

 

 

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NamiSakura
Posté le 03/06/2024
C'est un très bon chapitre, Kyle m'a fait beaucoup de peine, on comprend mieux pourquoi il agit comme ça. Tant mieux qu'il a Marlène, Mike et ses frères pour ne pas craquer.
Emma
Posté le 03/06/2024
Salut !

Merci pour ce retour, je suis d'accord, Kyle n'a pas vraiment de chance de ce côté là, mais heureusement il sa famille de coeur, ils sont très proche et c'est juste trop bien.
A très bientôt
SagaLee06
Posté le 09/05/2024
Salut Emma !

Quel chapitre ! Je suis heureuse d'en apprendre plus sur Kyle, mais en même temps, la scène de la prison m'a fait beaucoup de peine pour lui, et aussi pour sa maman.

Ton écriture est fluide, on ne voit pas le temps défiler, c'est même trop court ! 😅 non je plaisante, c'est parfait, je n'ai pas grand chose à dire sur les probables fautes d'orthographes, je n'ai pas de pronoms interrogatifs en trop. Par contre, il y a cette phrase : "Pendant le repas, Marlène nous apprend la bonne nouvelle du jour, nous sommes officiellement conviés au barbecue le plus couru de toute la ville." où j'aurais mis deux points, ça aurait donné ça : "Pendant le repas, Marlène nous apprend la bonne nouvelle du jour : nous sommes officiellement conviés au barbecue le plus couru de toute la ville."

Voili voilou, à la revoyure !
Emma
Posté le 09/05/2024
Salut SagaLee06,
tu as raison je vais ajouter de ce pas ces deux points qui rendra la scène plus fluide.
La vie de Kyle est loin d'être facile, mais tu vas voir, il va se remettre en question, et va grandir, donc ne t'inquiète pas.
En tout cas, mille merci pour tes encouragements, ça fait tellement de bien d'avoir des commentaires;
A très vite🤗
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