Chapitre 10 - L’enseignement d’une légende

Par vefree
Notes de l’auteur : Ce chapitre est plus ésotérique qu'érotique.
Enfin, je vous laisse juger... donnez moi votre avis.<br />
 
 

 

        Le lendemain, après une nuit passée dans sa cellule de moine dans un sommeil peuplé de rêves érotiques particulièrement chauds et troublants, Jack rejoint les pratiquants à la salle à manger pour le petit-déjeuner. A son apparition, ils le saluent d’un signe de tête silencieux. Jack fait de même en soulevant légèrement son tricorne de son bandana. Antinea se trouve là, attablée, seule, buvant une boisson chaude et mangeant quelques mets simples. Il la rejoint, s’installant sur le banc, en face d’elle.

 

 

- Bonjour, Jack, dit-elle en lui souriant et mordant dans un morceau de pain.

 

 

- Bonjour, Antinea, répond-t-il d’un regard énigmatique.

 

 

Après un silence d’observation, la jeune femme avale sa bouchée et lui lance :

 

- On dirait que vous avez eu une nuit agitée, Jack...

 

- C’est le moins que l’on puisse dire, ma belle, dit-il, prêt à lui déverser toute son appréhension et ses doutes à la figure.

 

- Racontez-moi ! fait-elle, intéressée.

 

- Je doute que vos chastes oreilles puissent entendre les mots que je pourrais prononcer.

 

- Détrompez vous, j’en ai entendu des vertes et des pas mûres, lui dit-elle, poursuivant son petit-déjeuner imperturbablement. Ne croyez pas que parce que je vis ici, retirée du monde, je n’ai pas l’expérience de la vie.

 

 

Elle ne lui précise pourtant pas que d’autres sont venus avant lui et d’autres viendront après. Inutile de le troubler encore plus.

 

- Mangez un morceau, continue-t-elle, se voulant rassurante, et dites moi tout. Je suis curieuse.

 

- Et bien vous l’aurez voulu, dit-il en attrapant un morceau de pain et du fromage. Mais, je vous préviens, ça décoiffe. Et je ne suis pas d’humeur à entendre des sarcasmes ou des gloussements outrés après ce que je vais vous dire.

 

Elle se contente de lui sourire et d’écouter. Jack, mordant à belles dents dans le fromage de brebis puis dans le pain, se lance en parlant la bouche pleine :

 

- ché fé ‘es rêves é’otiques...

 

- Ow !

 

- ... Et vous étiez dedans ! continue-t-il en pointant un doigt vers la belle femme rousse en clignant d’un œil.

 

- Intéressant, fait-elle en buvant une gorgée de sa boisson aux plantes.

 

Elle attend la suite, tout en l’observant discrètement.

 

- Vous étiez particulièrement nue... belle, et... ... je vous besognais avec entrain pendant des heures. Vous étiez très excitée par ce que je vous faisais et nous étions en sueur. Votre peau avait un goût sel, et ...

 

Toujours silencieuse, elle le regarde, les yeux au-dessus de son bol d’un regard indéchiffrable. Elle écoute attentivement. Jack continue de raconter, même s’il sait qu’il joue un jeu particulièrement hasardeux.

 

- ... et soudain, alors que vous étiez en train de jouir en me serrant très fort et que j’allais jouir aussi en vous, vous vous êtes liquéfiée. Non, non, pas liquéfiée, mais... fondue. Oui, vous avez fondu sous moi... ou... en moi... je ne sais pas. Vous avez disparu. Mais, je sentais vos vibrations, votre plaisir en moi dans ma chair. Vous étiez en moi, Antinea.

 

- Ow ! dit-elle encore, un brin impressionnée, c’est édifiant !

 

- Je vous ai dit pas de sarcasme !

 

Evitant alors le regard du pirate qui revit son rêve passionnément, elle se sert d’une pomme et croque dedans.

 

- C’est tout ce que ça vous fait ? demande Jack en tendant un visage interrogateur vers elle et tentant d’attirer une réponse de la croqueuse de pommes en face de lui.

 

- Qu’est-ce que ça me fait d’après vous ? lui retourne-t-elle en affrontant son regard.

 

- Vous vous fichez de moi, c’est ça ?

 

- Pas du tout !

 

- Si, ça se voit ! Ça vous est égal. Ça vous laisse de marbre.

 

- Vous vous trompez.

 

- Je le savais ! Je n’aurais pas dû vous parler de ça. Vous et votre minois si parfait !... Vous avez hanté toute ma nuit et là, vous me... vous vous retranchez derrière votre pomme d’amour sans rien dire. Vous m’avez provoqué !

 

- Ne soyez pas aussi effrayé, Jack. Je n’ai rien dit de tel. Votre rêve est très intéressant. Très prometteur, même.

 

- Il ne vous excite pas ?

 

- Pourquoi devrait-il m’exciter ?

 

- Mais, je ne sais pas, moi ! Normalement, un tel récit ne laisse pas une femme indifférente.

 

- Je suis loin de l’être. Votre rêve montre à quel point vous êtes prêt pour découvrir la Fontaine...

 

- Ah ?

 

- Vous comprendrez ce que je veux dire après la séance de structures de tout à l’heure.

 

- On va encore se regarder dans le blanc des yeux ?

 

- Non. Du tout. Terminez votre petit-déjeuner et rejoignez nous dans la salle que vous connaissez déjà, dit-elle en se levant de table.

 

Jack la regarde partir en enfournant un morceau de fromage dans la bouche.

 

- Elle est décidément très belle, mais plutôt très difficile à cerner, songe-t-il. Il n’y a pas à dire, ici, les jeux de l’amour n’ont pas les mêmes règles. Je me demande ce qui est pire, finalement... être seul avec une femme aussi désirable, une initiée en l’occurence, qui ne veut pas de vous, ou être seul avec soi-même ? Comment a fait papa pour trouver les réponses à ces questions ? ... j’aimerais bien le savoir, tiens...

 

Pendant qu’il termine son repas, la salle à manger se vide. Iola passe près de lui avec un panier de pommes qu’elle rapporte à la cuisine.

 

- Vous en voulez une, Jack ? lui demande-t-elle, gentiment.

 

- Ce n’est pas de refus, dit-il en se servant tout en lui souriant. ... Jolie aussi, la brunette, se dit-il en la détaillant d’un œil expert alors qu’elle s’éloigne. Mais, pas aussi... enfin, pas comme Antinea. Elle, elle a du chien !

 

Puis, il croque dans le fruit tout en se dirigeant vers l’extérieur. Le petit matin ensoleillé est bien avancé. Le soleil est déjà chaud. Petit à petit, les officiants rejoignent la salle, tranquillement. Jack termine de manger sa pomme et jette le trognon au loin, sûrement tombé bien bas, sur la plage, et il se dirige vers la grande porte. A l’intérieur, quelques uns de ceux qu’il connaît déjà d’hier organisent la séance. Quatre d’entre eux, accordent leurs instruments de musique, et d’autres installent les grands coussins au centre de la pièce. Antios est là et accueille le pirate à l’entrée.

 

- Bonjour, Jack, venez. Déposez vos effets. Vous devriez les laisser dans votre cellule, vous savez. Ici, ils ne vous sont d’aucune utilité, comme je vous l’ai dit. Il faudra aussi vous mettre à l’aise. Pas de bottes, ni de ceinture. Une simple chemise et un pantalon sont largement suffisants.

 

- Si vous le dites... répond Jack en le saluant respectueusement de la tête, persistant à croire que tout ça n’est qu’un folklore bien huilé sans réelle signification.

 

Il s’exécute de bon gré, même s’il lui est difficile de se séparer de ses petites affaires. Puis, il s’avance vers le centre de la pièce où sont disposés les grands coussins. Tout le monde est là. La séance peut commencer.

 

Elle débute par un morceau de musique douce et entraînante à la fois sur laquelle tous se mettent à danser les yeux fermés, sans bouger les pieds du sol. Seuls, les bras, le buste et les hanches peuvent bouger au gré de son ressenti et des énergies présentes, comme des algues dans les courants, les corps ondulent suivant le même mouvement. L’effet est particulièrement étrange pour Jack, s’imaginant dans les haubans de son Black Pearl, tanguant au gré du vent. Derrière ses paupières closes, de grandes volutes de couleurs irisées viennent agrémenter la sensualité des mouvements. Cela s’appelle la Tiane, apprendra-t-il plus tard. Puis, après une pause musicale, on refait le même procédé de désignation des partenaires que la veille, sauf les quatre qui tiennent le rôle de musiciens, cette fois. Cinq couples vont donc s’installer sur les coussins selon les instructions d’Antios. Ulysse a désigné Iola, Darius, Euridice, puis Jack profite à nouveau d’un sort identique avec Antinea, Barbara reste aussi avec Ewan, tandis que Joris a désigné Appoline.

 

Les hommes doivent s’installer en premier, assis en tailleur, au centre d’un coussin chacun. Les femmes désignées s’installent, elles, assises dans le giron de leurs partenaires, bien callées sur leurs cuisses, les entourant totalement de leurs bras et de leurs jambes, leur buste contre le leur. Quand Antinea vient se glisser contre lui ainsi qu’il est demandé, la robe retroussée pour pouvoir glisser ses jambes le long de ses hanches, le cœur de Jack manque un battement. Voilà une position qui pourrait compromettre tout espoir de dignité, propre à enflammer son esprit vagabond vers des fantasmes torrides. Au diable la bienséance ! Voici que les sensations de ses rêves de la nuit risquent fort de prendre corps, là, ici, alors qu’il lui est offert de tenir dans ses bras une femme aussi belle et inaccessible qu’une chaste pratiquante. Il n’en demandait pas tant.

 

Alors, qu’une musique douce commence à être jouée, Antinea le serre contre elle, cœur à cœur, en posant son menton sur son épaule gauche et ses mains posées l’une sur l’autre dans son dos à la hauteur de ses omoplates. Jack, lui, adopte la même position inversée. Et ils restent ainsi sans bouger, laissant défiler la musique et les minutes, tout en écoutant la respiration de l’autre en combinaison avec la sienne. Il ne comprend pas cette immobilité. Tout l’incite à vouloir bouger. Son corps en émoi voudrait exprimer la chaleur et les vibrations qui montent de son bas-ventre. Sa respiration s’accélère et son bassin se tortille sous le poids d’Antinea. Son cœur aussi s’accélère et il est difficile de se retenir de ne pas bouger. Antinea, elle, suit la respiration de Jack, expirant quand, lui, inspire et inversement. Mais, lorsque celui-ci accélère la sienne, elle le serre alors plus fort, vibrante et transie comme .... comme... un orgasme.

 

Une jouissance à nulle autre pareille. Tout son corps vibrant lui communique une joie intense. Le cœur de Jack s’emballe à mesure que la respiration d’Antinea se fait un râle sourd. Tout son corps est brûlant, sous ses doigts, sur ses cuisses, dans son dos, son souffle chaud dans son cou, dans ses cheveux... Les sens démultipliés par l’énergie de sa partenaire, Jack se laisse emporter par une vague venue du tréfonds de son être. Des soubresauts le font trembler de tout son corps, exprimant à son tour des râles sourds d’un plaisir indicible. En parfaite communion, devenus tous les deux indifférents aux ébats des autres, ils ne se servent que de la musique pour prolonger un orgasme partagé. C’est comme des vagues en pleine mer. L’énergie monte et descend, pulse à travers le cœur de l’autre, venant du ciel et reflue vers la zone sexuelle du partenaire, puis, en prise directe avec la terre, elle remonte du sacrum vers le cœur, dans une communion parfaite. Le flux et le reflux. Un échange d’Amour. Cœur contre cœur. Sexe contre sexe. Sans désir possessif. Le bonheur est total. Le temps est devenu sans importance. Leurs deux corps se fondent dans une même respiration, dans une même pulsation, d’une intensité immense. Antinea garde son corps serré contre lui, ses mains glissant le long de sa colonne vertébrale. Jack ressent d’une façon décuplée les paumes de ses mains naviguer du haut en bas dans son dos faisant s’accélérer la circulation des énergies entre eux. L’orgasme, ainsi, est prolongé, leur procurant un plaisir accentué, hors du temps, fondu dans l’émerveillement de la découverte des pouvoirs de leurs corps et leur esprits fusionnés. Jack ne peut retenir des soubresauts de plaisir intense, basculant la tête en arrière avec un sourire béat, pendant qu’Antinea, elle aussi dans une joie indicible donne libre court à des petits râles. Alors que les autres couples autour, profitant du même élan, dans un égrégor(1) d’Amour, vivent eux aussi ce plaisir partagé. La musique poursuit sa douce mélopée entraînant les partenaires jusqu’au septième ciel. ...Longtemps.

 

Lorsque les musiciens donnent les derniers accords de leur partition et que le silence se fait, les corps et les esprits des participants reviennent à la conscience du présent. Le grand voyage est terminé. Les respirations s’apaisent. Les yeux s’ouvrent sur les visages magnifiés de son partenaire. Jack ne sait plus où il est. Déboussolé. Antinea est encore plus magnifique qu’avant. Il la dévisage comme s’il la découvrait pour la première fois. Elle n’est plus la même. Encore dans la position, ils s’observent l’un l’autre.

 

- Vous avez changé, Antinea, lui dit Jack doucement tout en lui caressant le visage et sa longue tresse rousse.

 

- Vous aussi, vous avez changé, dit-elle dans un murmure de plénitude.

 

Et en se retirant délicatement de la position, elle lui demande :

 

- N’avez-vous pas l’impression d’être plus jeune et plus vivant désormais ?

 

Jack marque un temps d’observation silencieuse avant de finalement se rendre à l’évidence ; il se sent d’une vitalité incroyable. Et en se remettant debout, Antinea ajoute :

 

- Et ne me dites pas que ça ne vous a rien fait, je vois sur votre visage les pouvoirs de la Fontaine.

 

- Je ne peux rien dire de tel, répond-t-il enfin. Il semble évident que ça fait quelque chose...

 

Puis, il se lève, lui aussi et il s’étire pour déplier son corps resté en place sous le poids de sa partenaire pendant plus de deux heures. Alors que les autres participants rangent la salle tranquillement, Joris s’approche d’eux et s’adresse à Jack :

 

- Je dois vous remercier pour avoir participé avec autant d’énergie à cette structure. J’en ai personnellement retiré de grands bienfaits. Merci.

 

Surpris, Jack incline la tête en lui adressant un regard d’incompréhension.

 

- Si vous le dites..., lui dit-il.

 

- Il a raison, Jack, lui dit Antinea. Si une structure comme celle-ci se fait à plusieurs, ce n’est pas pour rien. Tout le monde en profite. Même si un chien ou tout autre être vivant était venu se loger dans notre groupe, il en aurait profité aussi à sa manière.

 

- Etonnant ! s’exclame Jack en retournant chercher ses effets à l’entrée. Vraiment incroyable !

 

Dehors, le soleil a dépassé son zénith et il fait plisser les yeux du pirate malgré le kôhl qui les protège. Il se dirige vers le bord du parapet pour admirer la mer et respirer l’air du large, le corps et l’esprit apaisés, repus.

 

 

Deux semaines plus tard et bien des expériences après, Jack finit par acquérir des sensations et une vision des plaisirs du corps et de l’esprit bien au-delà de ce qu’il aurait pu soupçonner. Antinea est devenue son enseignante attitrée à son grand contentement. C’est une femme qui, au-delà de son apparence très plaisante, lui apporte bien des réponses aux mystères de l’Amour et surtout un soulagement étrange à ses désirs sexuels. Deux mois et demi d’abstinence, pourrait-on dire, et les envies lubriques ont disparu. Pourtant, il reste un écueil majeur qu’elle ne parvient pas à satisfaire ; Jack a sa curiosité chevillée au corps et un besoin de concret et de matière à ses expériences. Une question le taraude depuis longtemps, concernant l’amour physique. Mais, une initiéed dévouée à l’Amour avec un grand A ne peut répondre concrètement à ce qu’il lui demande. Même si, visiblement, Jack est parvenu à saisir l’essence de ses enseignements, il n’en reste pas moins curieux de vérifier certaines de ses allégations.

 

- Non, Jack, je ne peux vous montrer ce que vous me demandez, lui dit Antinea reculant devant son insistance à vouloir l’embrasser. Je ne suis pas faite pour ça. Et je vous ai déjà expliqué que la possession nuit à l’Amour. Je ne pratique pas la petite sexualité.

 

- Oui, ça je sais. Vous me l’avez répété plein de fois. Mais, j’aurais bien voulu essayer...

 

- Non !

 

- Vous n’êtes pas curieuse ? .... de savoir ce que ça fait ? ... louvoie-t-il en roulant des yeux.

 

- Non !

 

- Je ne vous crois pas. Vous êtes curieuse, je le sais, mais vous ne voulez pas vous l’avouer... Je le sens... vous avez du mal à résister...

 

- Jack, arrêtez, recule-t-elle, gênée, je ne peux accepter et vous le savez. L’amour que nous pratiquons ici est sans commune mesure à celui que vous essayez de me faire faire. C’est impossible pour moi.

 

- Vous n’en avez pas envie ?

 

- Non seulement je n’en ai pas envie, mais je n’en ai pas le goût ni la nécessité non plus. La Fontaine m’apporte tout ce dont j’ai besoin en énergie et bienfaits. Je n’ai nul besoin d’autre chose.

 

- Même juste une fois ? fait-il, la mine boudeuse.

 

- Comment dois-je me faire comprendre Jack ? Vous m’avez expliqué à quel point vous teniez à votre liberté. N’est-ce pas le meilleur moyen de rester libre que de pratiquer l’amour de cette manière ? Lorsque vous repartirez d’ici, vous n’aurez que de bons souvenirs. Alors que vouloir me faire l’amour physiquement vous retiendrait ici et vous ferait souffrir.

 

Dépité, Jack se rend à l’évidence que l’argument sonne juste. Il ne trouve rien à redire et pourtant sa curiosité lui intime le besoin d’en savoir plus.

 

- Oui, mais je voudrais savoir quand même, ce que ça fait, dit-il en croisant les bras, la figure renfrognée sous son bandana.

 

- Ne désirez-vous plus autant le secret de la Fontaine de Jouvence, Jack ? demande-t-elle d’un ton de défi.

 

- Si ! Pourquoi ? Que faut-il encore apprendre pour l’avoir ?

- Pourriez-vous renoncer à la piraterie et à la petite sexualité si je vous l’offrais, là, maintenant ?

 

- Ça, c’est du chantage, ma belle ! s’exclame Jack surpris et lui faisant un demi-sourire. Seriez-vous devenue pirate ?

 

- Répondez, Jack, lui dit-elle, toujours calmement.

 

- Là, comme ça ? Vous me demandez quoi, en fait ? De renoncer à mon navire ? A l’océan ? Devenir un reclus initié, ici, comme vous ? M’établir à terre pour toujours, parce que j’aurais choisi une vie pleine d’Amour avec un grand A ? ........ Même pas en rêve !

 

- Ce n’est pas ce que je vous demande, Jack.

 

- Alors, c’est quoi ? Le monde à l’extérieur est sans pitié. Croyez-vous qu’on puisse survivre à des monstres comme Cutler Beckett juste avec de l’Amour ?

 

- Je vous demande d’envisager de vous passer de possessions, répond Antinea, imperturbable. Ne plus voler, ne plus prendre, ne plus violer...

 

- Je n’ai jamais violé ! s’écrie Jack l’index en l’air.

 

- Soit. Mais, le reste si. Vous avez la capacité de vous élever vers un Amour universel...

 

- ... Mais, la piraterie est ma vie, Antinea, lui dit Jack, penché sur elle, la main sur le cœur. Tout juste puis-je envisager de ne me consacrer qu’à rendre justice aux malheureux spoliés par la Compagnie des Indes... et encore ...

 

Déçue, Antinea baisse la tête.

 

- Il vous reste encore quelques notions à apprendre. Selon comment vous les vivrez, vous serez récompensé. Ou alors...

 

- ... ou alors quoi ? .... Je perds tout espoir de repartir avec la Fontaine, c’est ça ?

 

- Disons que vous n’en aurez qu’une partie tronquée... qu’il vous faudra plus de temps pour en trouver le véritable symbole.

 

La grimace de Jack en dit long sur sa déception, mais, pour autant, il accepte de poursuivre l’expérience jusqu’au bout. Ne pas en perdre une miette, et ensuite, lui ravir ce qu’il est venu chercher.

 

Ce n’est que le lendemain que la toute dernière structure se réalise. Au sortir de la grande salle, Jack est allé rejoindre le parapet pour plonger son regard troublé sur le sage horizon. Antinea le rejoint.

 

- Jack ? dit-elle, doucement. Vous semblez troublé ?...

 

Il se retourne vers elle avec ce regard perdu qu’il peut avoir parfois quand il ne maîtrise plus la situation.

 

- Comment puis-je aller bien après ce que j’ai vu de moi sur votre visage ? lui demande-t-il.

 

- Je suis désolée que vous vous soyez autant effrayé, répond-t-elle en essayant de le rassurer. Mais, vous pouvez aussi le voir comme étant une chance de rédemption. Le monstre que vous avez vu n’est que votre face obscure. Il est là pour vous aider à vous élever, lui aussi.

 

- C’est peine perdue, Antinea, répond Jack, les épaules courbées. Je suis sans cœur et sans âme. Je l’ai bien vu.

 

- Ne dites pas de bêtises, réplique-t-elle. J’ai vu votre âme, Jack, et elle est lumineuse. Ne croyez pas que vous n’êtes que noir. Vous êtes un homme bien, vous savez... Je le sais. Je l’ai vu.

 

Dans un demi sourire, il la regarde, pas vraiment convaincu.

 

- On me l’a déjà dit, lui dit-il, songeur, en lui caressant la joue tendrement, je voudrais bien le croire, mais je sais que c’est peine perdue. Un pirate est maudit et condamné à vivre une vie de souffrance, à jamais. Je vais juste repartir, fort de ce que vous m’avez enseigné, mais je ne crois pas à ma rédemption. J’ai failli mourir bien des fois. J’ai supplié qu’on me rende mon corps ; c’est pour m’en servir.

 

- Ah, là, je vous arrête, Jack !! l’interrompt l’initiée. Vous ne pouvez par dire ça. Vous ne pouvez nier ne rien avoir ressenti tous ces jours passés avec nous. Non !

 

- Oui, mais j’ai besoin d’utiliser mon corps de façon plus... plus bassement sexuelle, si c’est comme ça que vous voulez l’entendre. J’ai besoin de prendre, de posséder, vous comprenez ?! C’est la malédiction du pirate.

 

Elle le regarde, alors de ses yeux verts, de son visage empli de compassion. Elle a appris à connaître cet homme aujourd’hui en train de renoncer au bonheur. Elle a compris qu’on ne retient pas un homme de la mer contre son gré.

 

- Alors, soit, fait-elle avec une voix douce et triste, vous allez repartir. Vous êtes libre, après tout. Libre de choisir ce que vous voulez faire de votre vie.... avec ou sans bonheur... Vous allez reprendre la mer...

 

Puis, elle lui saisit le bras et l’entraîne à la suivre sans autre mot. Jack la suit sans protester. Elle l’emmène vers un endroit qu’il n’avait pas encore visité. Un endroit secret et bien caché, au delà de la grande salle et de la fontaine, par lequel on entre par une porte dérobée, cachée derrière la végétation. Là, c’est une sorte de petite pièce ronde au mur de pierres de taille presque nues éclairée par un puits de lumière au centre du toit. Un bas-relief est sculpté finement de scènes des structures qu’il a expérimentées ces derniers jours. Au centre, en plein dans le rai de lumière venant du puits, se trouve un petit autel de pierre, sur lequel repose un coffre de bois sombre richement sculpté, lui aussi, de scènes structurales. Antinea sort de son décolleté une petite clé et l’ouvre. Jack, les yeux arrondis par l’intérêt de ce que peut bien contenir le coffre, retient sa respiration et ne lâche pas des yeux les gestes de l’initiée. Elle en sort un petit flacon de verre et une bague. Puis, elle se retourne vers lui en lui disant :

 

- Voici pour vous. Ce sont des extraits de la Fontaine de Jouvence. Gardez-les précieusement. Ils vous reviennent grâce à ce que vous avez appris ici. Ils représentent les éléments féminins dont vous avez besoin. Ils vous serviront lorsque vous voyagerez loin de la compagnie d’une femme. Ils vous feront oublier les affres du manque du corps et vous aideront à mieux vivre votre cycle masculin. Le flacon contient l’essence même de la femme. Vous vous en servirez lorsque vous aurez besoin d’une femme et que vous n’en aurez pas auprès de vous. Vous aurez juste à le poser sur votre ventre. Quant à la bague, vous voyez, c’est un cristal de roche brut, monté sur argent. Sa valeur réside dans ses pouvoirs pour maintenir la puissance et la vigueur masculine. Portez-la à votre main droite si vous voulez séduire et mettre une partenaire dans votre couche, portez-la à votre main gauche pour garder votre énergie pour vous et ne pas vous répandre à tous vents. Je vous ai déjà expliqué qu’il est essentiel pour vous de maîtriser votre éjaculation. Ainsi, vous n’en serez que plus puissant et votre vie en sera prolongée.

 

Il prend les deux précieux objets qu’elle lui offre, mais la question cruciale surgit instantanément de sa bouche :

 

- Est-ce que je deviens immortel, alors ?

 

- Ce serait trop facile, Jack. L’immortalité n’est pas à prendre au sens du corps, mais de l’esprit. Et on ne l’obtient que si on atteint un certain niveau de conscience. Vous aurez une partie de la réponse à travers la légende que vous avez répandue jusqu’au bout du monde, mais vous avez un écueil de taille avec vous, Jack.....

 

- Quoi donc ? s’inquiète-t-il

 

- Votre égo, répond-t-elle, sans détour. L’immortalité ne se gagne pas par le corps, mais par l’esprit. Gagnez votre égo et vous gagnez l’immortalité. Vous avez toutes les armes pour y parvenir, désormais.

 

- Mon égo ? demande Jack sans comprendre.

 

- Il est votre ami et votre ennemi en même temps. Votre légende en est la conséquence. C’est vous qui la façonnez à votre image. Vous avez deux faces en vous. Vous l’avez constaté lors de la dernière structure. Votre côté lumière peut marcher avec votre côté sombre si pour autant vous n’en n’avez pas peur. Ainsi, votre puissance sera décuplée. Et pour les autres, vous paraîtrez immortel. Mais, le jour où vous atteindrez le jugement dernier, ce que je vous souhaite le plus tard possible, là, se révéleront vos actes. Et plus ils seront justes, plus vous gagnerez votre immortalité.

 

- Alors, en somme, si je comprends bien, je suis immortel pour les autres, mais pas pour moi. Je mourrai tôt ou tard. Et selon ce que je fais dans ma vie, je deviendrai effectivement immortel...

 

- Votre légende vous appartient. Vous êtes libre d’en faire ce que vous voulez, Jack. Partez. Et je vous souhaite le meilleur. Mon enseignement s’arrête là.

 

Elle contourne alors le pirate et se dirige vers la sortie en lui intimant d’un geste silencieux de sortir aussi. Ils rejoignent ensemble le lieu de la nacelle suspendue en marchant côte à côte.

 

Le soleil est chaud et les pavés de la cour brûlants. C’est à l’ombre des colonnes, près de la fontaine d’eau claire et glougloutante qu’ils se disent adieu. Silencieux, Jack, faisant face à Antinea toute proche, glisse à son majeur droit la bague qu’elle lui a offerte. Puis, il la regarde, provocateur, sachant pertinemment que son geste et sa décision ne sont pas innocents. Elle lui répond par un sourire compréhensif et néanmoins tintée de déception, sachant qu’il ne renoncerait pas à sa vie de pirate et sa flibusterie innée. Il attache aussi le petit flacon de verre à la ficelle maintenant déjà un symbole de fertilité, puis, il la regarde, alors, le cœur battant la chamade.

 

- Adieu, Antinea, lui dit-il. Je ne vous oublierai pas.

 

Elle lui répond en le serrant très fort contre elle :

 

- Adieu, Jack. Puisse le ciel vous venir en aide et les océans vous être favorables.

 

Soudain, les cordages de la nacelle se mettent brusquement à bouger. Et peu de temps après, surgissent du fond de la falaise, Gibbs, en tête, suivi de Pintel, Ragetti et Mullroy, sabres dégainés, surpris de découvrir leur capitaine en charmante compagnie dans un lieu aussi paisible.

 

 

 

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dominosama
Posté le 22/12/2012
" il est difficile de se retenir de ne pas bouger."
--> heu... Il est difficile de ne pas bouger ou bien difficile de se retenir, mais les deux c'est étrange non , le verbe fait déjà une négation, se retenir de, c'est déjà ne pas faire quelque chose non ? 
Avec ne pas faire + ne pas bouger, ça fait une double négation, je sais pas ça me trouble un peu. Mais c'est peut-être moi.
 
La voie de l'éveille zen par l'abstinence sexuel sur une île grecque, originale.
C'est une belle image que celle de l'immortalité par la légende, moi aussi je veux ça ^^ Mourire est une chose, mais disparaitre est pire. Mieux vaut être célèbre que riche.
vefree
Posté le 22/12/2012
Ma foi, maintenant que tu mets le doigt dessus, tu as raison. Deux négations, ça l'fait pas. J'aurais dû dire : "il est difficile de se retenir de bouger" ... tout simplement. Non, parce que ce que je voulais surtout dire, c'est qu'il est difficile de résister, se retenir et qu'il devient irresistible de bouger. mmhh... c'est une sensation éprouvée. Mais il ne faut surtout pas bouger sinon on perd les autres sensations plus subtiles.
Mais tu as raison, ça va pas comme je l'ai dit.
Alors, c'est pas vraiment le zen. Il ne faudrait pas faire de confusion. Ce que j'ai décrit, même si en apparence pourrait ressembler à de l'abstinence sexuelle, c'est tout le contraire ; c'est une autre dimension de l'acte sexuel, justement. Ils ont vraiment fait l'amour mais sans pénétration. Certaines obédiences religieuses telles que le Tao, se servent de l'énergie sexuelle comme support de méditation. C'est ce qu'ils vivent là, sur l'île des Météors.
Héhé ! je suis contente que mon idée de sur la Fontaine de Jouvence te plaise. Et tu vas voir que ce n'est pas si facile de gagner son immortalité légendaire...
biz Vef' 
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