CHAPITRE 10 - l'île Tortue

Par itchane


CHAPITRE 10
- l’île Tortue -

 

 

Le bateau fusait pour rejoindre l’île, son moteur crachotant à l’arrière. Marco s’était assis à la proue, rejoint par deux autres enfants qu’il ne connaissait pas. Dommage, il aurait préféré être seul à affronter le vent qui giflait ses joues, les hauts et bas du bateau jouant contre les vaguelettes, les mouchetures de l’eau qui se déposaient sur son visage. Mais non, il devait tenter de s’en réjouir en présence de deux autres enfants qui criaient de bonheur et le tirait de sa transe.

Il avait hâte d’être sur l’île ; sur le dos de la Grande Tortue. Cela ferait-il une différence maintenant que ses pieds sauraient ce qu’ils fouleraient ? 
Une part de lui peinait encore à croire à toute cette histoire. Avait-il rêvé ce matin ? Il n’avait pas revu de croque-cirqueule ni sentit depuis de vent magique picorer sa peau.
Il n’avait pas revu Lili et sa peau bleue.
S’était-il encore laissé emporté ?

 

Le bateau accosta un minuscule ponton de bois et les passagers descendirent un à un. Marco regarda sans regret les deux enfants se faire porter hors de l’embarcation et s’éloigner. Lui s’empara seul de la corde qui servait d’aide aux passagers et sortit d’une grande enjambée. Ses parents remercièrent le capitaine — le mot semblait bien pompeux pour la taille du canot — qui aida la mère de Marco à quitter le pont.

— On va sur la grande plage ? demanda le père de Marco.
Le mot était assez pompeux aussi pour la petite plage de sable fin qui s'étendait sur le flanc de l’île. Mais Marco avait d’autres plans.
— Non, on va à la crique ? Je voudrais voir des poissons.
Il avait dans son sac à dos un masque de plongée et son tuba.
— D’accord, dit le père de Marco trop heureux que son fils ait des velléités pour venir les freiner.

Ils quittèrent le ponton et Marco fut ravi de voir qu’ils étaient les seuls à partir sur la gauche. Toutes les autres familles se dirigeaient vers la grande plage, ils seraient donc tranquilles.

Ils marchèrent une dizaine de minutes à travers la forêt qui s’étendait sur l’ensemble de l’île. Le toit de feuilles au dessus de leur tête vibrait sous le vent et les moustiques vrombissaient à leurs oreilles. Ils firent une pause pour s’asperger de produit repoussant et, empestant la citronnelle, repartirent de plus belle.

Puis enfin, la “crique” se présenta à eux. Marco fut fort deçu de voir qu’un homme s’était déjà installé entre les rochers, sans doute arrivé par le bateau du matin. Il était tellement plus facile de s’amuser lorsque le monde vous appartenait. Avec un peu de chance, peut-être que le vieil homme n’allait pas rester ?

Marco n’avait pas choisit l’endroit par hasard. D’abord, la crique se trouvait en bout d’île, était chiche en sable et parsemée d’énormes rocs ; tout cela faisait plutôt fuir les touristes. Mais surtout, au bout du bout de cette portion d’île, à une dizaine de mètres au milieu de l’eau, s’élevait un dernier rocher, énorme, saillant à la surface et couvert d’arbustes séchés par le soleil. 

Le bout du nez de la Tortue, lui avait dit Lili. Sortant de l’eau juste ce qu’il faut pour pouvoir respirer.

Marco était tout excité, plein d’une énergie qu’il n’avait pas connue depuis bien longtemps. La Grande Tortue. Elle était là, son corps sous ses pieds, sa tête gigantesque sous l’eau devant lui. Et ses messages de détresse répandus sur la plage. Car au bord de l’eau, entre deux étendues de dure caillasse, le peu de sable était strié d’un cercle aux motifs que Marco reconnaissait maintenant aisément. Les mêmes arabesques et circonvolutions envoutantes que sur la plage de la base de loisir.

— Je vais me baigner ! cria Marco à ses parents en se précipitant vers le lac.
— Attends Marco, revient, lui dit sa mère. Je te mets d’abord de la crème solaire.

Marco souffla et fit demi-tour. Il courut jusqu’à ses parents qui commençaient à installer leurs serviettes sur un étroit banc de sable. 
— Allez, allez, mets-moi la crème ! s’impatienta Marco.
Sa mère, souriante, s'assit lentement et consciencieusement sur le sol puis prit dans son sac en toile un gros tube de crème solaire.
— Enlève tes vêtements et assieds-toi devant moi, dit-elle à Marco.
Marco enleva t-shirt et short, puis s’assit dos à sa mère, à légère distance.

Elle le tartina de crème autant qu’elle le put et alors que Marco n’en tenait vraiment plus, elle finit par le relâcher.

— Bon tu peux y aller, va, dit-elle.

Marco courut vers le lac sans un regard en arrière. En partant, il enfilait déjà son masque et son tuba et était près à plonger à peine les doigts de pieds immergés.

La fraîcheur de l’eau se faufilant entre les lanières de ses sandales en plastique le ralentit tout de même un peu. Mais une minute plus tard, une fois ses jambes, son ventre et ses bras mouillés et sa peau habituée, il avait déjà pris le large.

Il voulait voir la tête de la Tortue.

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Lily D.P.
Posté le 13/10/2024
Ôla,
J'ai adoré ce chapitre ^^
le début qui montre que Marco n'est plus un petit enfant et le revendique en lui-même, son excitation malgré tout enfantine, son doute vis-à-vis du surnaturel mais sa joie aussi d'aller à sa rencontre. ^^
Trop bien, j'ai le temps d'aller lire la suite. :)
itchane
Posté le 14/10/2024
Hello Lily,

merci beaucoup ! ^^
ABChristLéandre
Posté le 24/10/2023
Il a la pêche, ce Marco. Agité sans vraiment être turbulent.
Si ma grand-mère avait écouté une histoire pareille, de son temps, elle aurait dit que cette petite Lili est un esprit des eaux qui voudrait séparer le petit Marco de ses parents pour l'amener dans une sorte de prison surnaturelle pour enfants.
Ah ! En tout cas, cette histoire est très vivante.
Merci !
itchane
Posté le 25/10/2023
Hello ABChrist : )

merci beaucoup pour ton commentaire : )
Oh, un esprit des eaux, cela me plait beaucoup, d'où vient cette légende ?
A priori ici, Lili n'est pas malfaisante du tout par contre ^^

Je suis contente si ta lecture te plait toujours et si les personnages fonctionnent.

Merci encore : )
ABChristLéandre
Posté le 25/10/2023
De mon coté, ça va. L'histoire n'a pas encore faiblit à mes attentes.
Et, pour la légende de l'esprit des eaux, ça doit être issue d'une de mes fables traditionnelles. Ce n'est pas vraiment ce qui manque quand on est africain.
Adela Rune
Posté le 08/08/2023
Salut,
Je comprends que Marco ait envie d'aller voir la tête de la tortue. C'était un chapitre simple, de transition et qui revient un peu sur les événements important juste avant. La pression retombe et c'est bien, je pense. Ca laisse le temps à Marco de se poser des questions.
Je pense qu'en réécriture, tu pourrais essayer de caractériser un peu les parents. Parfois, un trait de caractère ou/et une singularité physique suffisent à rendre le personnage plus réel. Pour l'instant, ils sont le papa de Marco et la maman de Marco et c'est tout. Un peu comme s'ils n'étaient que des rôles et pas de vraies personnes. Je crois que, si tu le souhaites, tu pourrais travailler ça.
A bientôt
itchane
Posté le 30/08/2023
Bonjour Adela Rune !

Merci beaucoup pour ton commentaire, tu as raison, il faudrait que je définisse sans doute un peu mieux les parents, d'autant que j'en aurai besoin pour la conclusion du récit qui risque de tomber un peu comme un cheveux sur la soupe si je ne fais pas cela mieux que ça ^^"
Je note ta remarque, je vais essayer d'améliorer cela : )
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