CHAPITRE 11
- rendez-vous sur la tête -
Nageant à la surface, la pointe du tuba hors de l’eau pour pouvoir respirer, Marco s’approcha du rocher. Son corps flottait, se laissant bercer par les remous du lac. Le vent avait encore forci et l’onde était agitée.
Marco ne savait pas trop ce qu’il espérait trouver. Après tout, il était déjà venu ici un nombre incalculable de fois depuis des années. Mais pourtant tout était différent maintenant. Et puis il y avait Lili. Elle lui avait promis de venir le rejoindre. Quand allait-elle arriver ?
Marco observait à travers son masque chaque relief de rocher, le moindre mouvement dans les profondeurs. Était-il véritablement en train de scruter chaque pli de peau et d’écaille d’une tortue géante ? Il était bien obligé d’admettre, pour le moment, que cela n’y ressemblait pas trop. Mais “les algues, le sable, la boue et les sédiments l’ont entièrement recouverte” lui avait dit Lili. Et la Tortue était là depuis fort, fort longtemps, avait-elle ajouté. Des milliers d’années même, avait-elle surenchérit.
Dans un creux de son cœur, Marco se mit à douter de nouveau. Vraiment ? Pouvait-il vraiment y croire ? L’histoire de Lili ne remontait qu’à ce matin et déjà elle lui semblait fort lointaine. S’était-il encore fait avoir par les réalités si fluctuantes de la petite fille ? Après tout, il n’avait vu sur le sable que des dessins et sentit le vent forcir ces derniers jours. Mais tout de même, il les avait vu les fleurs, les papillons et surtout, la nouvelle Lili. Oui, il l’avait bien rencontrée. Et il n’était plus à une tortue géante près maintenant qu’il avait vu sa peau bleue. Alors il décida d’y croire.
Il nagea tranquillement vers la tête, mais se disciplina d’avance à ne pas se laisser décevoir s’il n’en tirait rien de plus. Son corps, flottant en surface, montait et descendait au rythme des lentes oscillations de l’eau. Sur le trajet, il vit dans les profondeurs une famille de petits poissons gris défiler entre les algues puis se cacher sous la roche. Il y a peu, il aurait été si heureux de les avoir entre-aperçus, il aurait peut-être même sortit la tête de l’eau pour crier sa trouvaille à ses parents. Mais plus rien n’était pareil désormais.
Arrivé au rocher, il sortit de l’eau pour grimper dessus et s’installa, assis, sur ce qui devrait être le sommet du crâne de la Tortue. Et il attendit Lili.
Marco laissait son regard se perdre sur le paysage lorsque sa contemplation fut interrompue. De petites bulles vinrent éclater au pied de la roche, prémisses de l’arrivée d’un visage, celui de Lili, qui surgit en souriant, ses longs cheveux noirs ondulant à la surface.
— Salut, dit-elle avant de grimper elle aussi sur le rocher.
Marco ne put s’empêcher de lancer un regard inquiet vers ses parents.
— T’inquiète pas, le rassura Lili, je t’ai dit, sans la poudre, ils ne me verront pas vraiment si je ne le souhaite pas.
— Tu es invisible ?
— Pas vraiment, disons qu’ils m’oublient à peine après m’avoir vue. C’est très pratique.
Effectivement, le père de Marco avait levé la tête, observé son fils quelques secondes mais se replongeait déjà dans son livre.
Une chose commençait à déranger Marco depuis le matin. Le titillait et le mettait mal à l’aise. Alors, à brûle-pourpoint, il demanda.
— T’as quel âge ?
Lili fut d’abord surprise, puis lui sourit.
— Les habitants du lac vivent sur une période de temps beaucoup plus longue que les humains. Je suis bien une enfant, mais depuis très longtemps.
— Et donc, t’as quel âge ?
— C’est un secret, lui dit Lili en clignant de l’œil.
Marco se rembrunit. C’était la deuxième fois qu’il se sentait berné par Lili. D’abord son identité, et maintenant son âge. Rien de ce qu’il avait cru n’était vrai. Pour se faire pardonner, Lili lui dit :
— Tu veux voir la tortue ?
La technique de détournement était facile, mais Marco décida de s’y laisser prendre.
— Oui, dit-il en boudant encore un peu.
— Alors mets ça sur tes yeux.
Elle lui tendit la petite boite de poudre qu’elle avait utilisé la veille.
Marco s’en saisit ; elle était ronde et plutôt plate, d’une teinte argentée unie. Il l’ouvrit. Dans son creux, la poudre noire irisée. Il y plongea son index et son majeur puis en marqua son visage d’un large trait lui couvrant les yeux.
Et la magie opéra de nouveau.
Les nuages avaient de nouveau changé de couleur et Marco découvrit que les rochers autours de lui étaient couverts des petits coquillages dorés qu’il n’avait encore jamais vus, faisant miroiter la pierre au soleil. Comment avait-il pu les rater auparavant ? Dans l’eau, d’abondants bans de poissons argentés lui passait sous les pieds. Et dire que les années précédentes, il s’était émerveillé devant quelques gros alevins.
Devant lui, Lili avait retrouvé sa peau et ses cheveux bleus. Et son sourire.
Marco remit son masque, sauta à l’eau et plongea la tête sous les vagues, retenant sa respiration. Alors qu’il observait le fond, il sentit un fourmillement le long de ses jambes, une légère caresse un peu visqueuse. Une algues ? Il se retourna. Non. Une magnifique anguille bleue électrique se faufilait entre ses chevilles, ses écailles luisantes renvoyant les rayons morcelés du soleil. Marco refit surface, au comble du bonheur.
— Je voudrais vivre avec cette poudre sur les yeux, dit-il.
Lili rigola.
— C’est impossible, ses effets s'effacent avec le temps. Et puis tes parents ne te laisserait pas te promener toute la journée avec un tel maquillage.
Marco regarda de nouveau son reflet sur le lac.
— Non sans doute.
— Bon alors, reprit Lili, on va la voir cette Tortue ?
(je reviens comme une fleur après une longue absence, j'ai fait une overdose post-bingo, et ensuite je n'osais plus venir sur PA de peur de voir ma PAL se rallonger chaque jour :O)
Super ces deux chapitres, toujours aussi doux et intriguant. Tu nous fait poireauter par contre, la tortue alors ? xD Je suis étonnée qu'il y ait seulement deux chapitres à lire depuis tout ce temps, tu as mis l'histoire en pause ? en tout cas j'ai hate de la suite ! la description d'après la poudre était magique !
(pensée pour ce pauvre vieux monsieur qui s'est posé dans ce coin de la plage justement parce qu'il avait envie d'être tout seul... c'est dur xD)
Merci d'être toujours là ^^
Alors non pas de pause spécifique sur ce projet, juste une rentrée très chargée qui m'a éloignée un peu de PA. Mais j'ai beaucoup de chapitres d'avance, à vrai dire j'arrive même bientôt à la fin du premier jet (plus que 1 chapitre et demi à écrire) ! : )
Oui carrément moi aussi j'en voudrais bien de cette poudre : P
Merci pour ton message toujours aussi encourageant, je suis vraiment contente que cette histoire te plaise toujours !
Lol, oui, pauvre monsieur x'D
Salut,
Lilli est arrivée à la nage ?! On a envie d'essayer cette poudre nous aussi ! L'anguille qui tournoie m'a fait un peu peur. Mais quand j'ai vu que Marco non, ça allait. Je pense que tu pourrais prendre un petit peu plus le temps de décrire cette plongée sous-marine et les merveilles que voit Marco, et ses sentiments, et ses sensations. C'est un passage que tu pourrais valoriser, qui est important pour nous plonger (au sens propre) dans le merveilleux. (mais c'est peut-être ce que tu fais dans la partie qui suit, dans ce cas-là ne tiens pas compte de mon commentaire)
J'ai noté une seule coquille :
-crier sa trouvaille à ces parents (ses)
A bientôt
La rentrée a été bien chargée, me voilà de retour après un gros retard sur ton commentaire, j'en suis désolée.
Je suis contente si cette partie t'a plu, je note la remarque sur la description. C'est vrai que l'on y revient dans le chapitre suivant mais j'avais un doute aussi en me relisant sur ce passage, peut-être que je devrais fusionner ces deux descriptions plutôt que de les séparer dans deux chapitres si on reste un peu sur sa faim ici...
En tout cas me voici de retour sur Lili : )