Je ne bouge pas, mais je bouge.
Enfin, je veux dire, mon hérisson reste en boule, mais il est soulevé du sol brutalement, et juste après, le son atroce de cette tondeuse s’arrête.
— Je ne sais pas si tu es Hélios, ou Solène, ou simplement un hérisson, mais tu viens de t’en sortir de justesse ! Dit alors une voix que je reconnais immédiatement.
C’est tonton ! Tonton nous a sauvé la vie, à moi et au hérisson ! Je me demande comment il est arrivé aussi vite, il a dû sauter le muret de la voisine. Elle va râler.
— Si jamais l’un de vous deux est dans ce hérisson, il serait peut-être temps de rentrer non ? Reprend tonton.
Puis il me repose sur le sol, à côté de la tondeuse éteinte. Je suis encore sous le choc de notre presque mort. Si jamais le hérisson avait été tué par cette tondeuse, que me serait-il arrivé ?
Bref, j’ai eu très peur. Et cette fois-ci, c’est sans m’en rendre compte que je suis retourné dans mon corps. Lorsque j’ouvre les yeux, je suis tout étonné d’être assis sur ma chaise.
— Tiens ? Je suis déjà revenu ? Je n’ai même pas eu l’impression d’y penser ?
Regardant en direction de la chaise se trouvant à côté de la mienne, je remarque que ma sœur est toujours dans sa hérissonne, elle. Hérissonne qui s’empresse de continuer à déguster ses croquettes.
— Solène ! Je suis revenu dans mon corps !
La hérissonne s’immobilise, puis Solène se réveille à côté de moi.
— Ça y est ? C’est terminé Hélios ? Il est où tonton ?
Juste à cet instant, nous voyons tonton réapparaître au fond du jardin et se diriger vers nous.
— Ça va les enfants ?
— C’est trop dangereux la vie d’un hérisson tonton, je déclare fermement.
— Et tu as des bébés hérissons dans ton jardin ! Ajoute Solène, radieuse.
Ils sont dans le jardin les choupissons ? Génial !
— Chouette tu as repéré où ils étaient ! Je veux les voir, je veux les voir !
— Dites les enfants, on ira les voir demain, ok ? Là, il commence à se faire tard et nous n’avons toujours pas mangé ! Si vos parents me demandent à quelle heure vous vous êtes couchés, je ne veux pas être obligé de mentir…
On râle un peu pour la forme, mais c’est vrai que cette soirée a été épuisante… ou plus exactement, éprouvante ! Puisque nos corps, eux, se sont bien reposés dans leur chaise !
Quelques instants plus tard, nous voilà devant un bon repas, et Solène dévore autant qu’une hérissonne affamée (oui, même mon dessert, qu’elle n’a malheureusement pas oublié).
C’est donc le ventre bien plein que Solène attaque tonton la première :
— Dis tonton, tu pourras dire à la voisine de ne jamais mettre sa tondeuse automatique en route la nuit ? Elle peut la mettre en journée, il y a moins de risques.
— Oui, bien sûr !
— Et aussi tu ne dois pas installer de filet dangereux pour les hérissons sur ton potager, j’ajoute rapidement.
— Ah bon ? Il est dangereux mon filet ?
— Et aussi faire une affiche avec des conseils pour la distribuer aux voisins, continue Solène.
— Ok…
— Et à la famille. Et aux amis. Et au village. En fait, partout et un maximum ! Parce que le pire prédateur du hérisson, c’est l’homme !
— Et après ce sont les vers à mouche… Brrr… ça, je suis bien contente qu’on ne l’ait pas observé et juste lu sur internet.
Solène et moi, on s’est mis à parler en même temps, je ne suis pas certain que tonton ai tout compris. Il finit d’ailleurs par nous interrompre :
— Vraiment ? Et bien les enfants, je crois que vous en avez des choses à me raconter, vous en connaissez bien plus que moi sur les hérissons désormais !
— Oui ! Et d’ailleurs, la prochaine fois, toi aussi tu dois te renseigner avant sur l’animal qui nous hébergera, ce sera plus prudent !
— Je « dois » hein ?
— Oui tonton ! Et installer une caméra, parce que tu as un renard qui vient te prendre des croquettes et on aimerait bien l’observer !
— Un renard ? Vraiment ? Je ne savais pas qu’il y en avait dans le coin ! Mais… ça va ? Vous n’avez pas eu trop peur quand même, vous voulez bien une « prochaine fois » ?
— OUI !
Quelle question… bien sûr que nous voulons une prochaine fois, nous avons encore plein d’animaux à découvrir !