Chapitre 10 : Ysalis - Service

- Soit tu es idiote, soit tu te payes ma tête !

Ysalis se tourna vers la voix masculine qui venait de lui adresser la parole. Elle sursauta en reconnaissant le transporteur.

- Je t’ai dis de mettre ton harnais au réveil ! gronda l’homme.

- C’est bon ! s’exclama Ysalis. J’y vais ! Calme-toi ! J’avais un truc à faire avant mais je vais aller le mettre. Tu devrais essayer la tisane à la camomille. Ça te ferait du bien !

Le transporteur en resta un instant bouche bée. Ysalis passa devant lui pour rejoindre la salle de préparation. Elle ne l’atteignit jamais. Le transporteur la happa en vol et s’éleva, la gamine entre les bras. Arrivé entre les deux plateformes, il la lâcha. Ysalis hurla de terreur alors que le sol se rapprochait à toute vitesse. Elle fut rattrapée si proche qu’il lui sembla sentir les brins d’herbe lui chatouiller le nez.

- Met avis que tu mettras ton harnais demain, sale garce malpolie.

Le transporteur s’envola en toute hâte, laissant Ysalis hagarde sur la plateforme supérieure. Plusieurs nuages traversèrent paresseusement le ciel. Enfin, Ysalis trouva la force de se lever pour se découvrir seule à l’étage du maître des lieux. Dans le bureau, elle trouva la collation promise. Elle sortit la déguster dehors, sous un magnifique soleil et un vent tiède. Elle nettoya ensuite la salle de bain, cette fois en désordre. La chambre fut aérée et le lit refait. Ysalis estima que les espaces verts n’avaient pas besoin d’elle.

Dans le bureau, des livres demandèrent son attention puis elle trouva une note à son intention. Mathias lui demandait de relire un texte, discours à venir devant tous les parents de l’université. Elle corrigea ce qu’elle pensait devoir l’être et recopia une version propre puis rangea le reste du bureau. Lorsque Mathias revint, Ysalis lisait dans le jardin.

Elle se leva pour s’agenouiller devant le propriétaire des lieux. Il saisit son livre, lut son titre puis annonça :

- Joli choix. Tu aimes ?

- C’est un peu pompeux et le style est longuet mais le message est plutôt juste.

- Je suis d’accord avec toi. Allons revoir mon discours.

Ysalis se leva à la suite de Mathias.

- Tu as changé beaucoup de choses ?

- Pas mal, admit Ysalis.

Elle lui expliqua les modifications, développant lorsque Mathias le réclamait. Le maître des lieux valida. Cette fois, il ne la reprit que deux fois pour son attitude.

- Je vais te ramener. Tu as ton sac pour ton repas ?

Elle le lui tendit. Il l’échangea avec un autre dans le jardin.

- Où est ton harnais ? demanda Mathias en la déshabillant des yeux.

Ysalis rougit intensément. Comment expliquer les événements du matin sans risquer de se prendre une punition ?

- Il va m’entendre ce transporteur ! poursuivit Mathias. On ne vole pas sans harnais ! Je vais t’en chercher un.

Mathias disparut. Ysalis soupira d’aise.

Tu crois qu’il se passera quoi quand l’autre con répétera à Mathias les propos que tu as osé lui tenir ?

- Je lui ai juste dit que boire de la tisane lui ferait du bien ! Il est hyper stressé, ce mec !

Moi, j’ai trouvé que tu lui avais bien rabattu le caquet.

- Merci, Afonso.

- Tiens, dit Mathias en réapparaissant.

Ysalis se saisit du cadeau en tremblant. Le harnais était en cuir. C’était un vrai, pas un vague assemblage de cordes. Ce truc était normalement réservé aux ailés.

- Tu vas devoir le porter tous les jours. Mieux vaut qu’il ne te blesse pas. Prends en soin.

- Je le ferai, Maître, promit Ysalis.

Comment gérer la chose ? Ses comparses pourraient le détruire par pure jalousie. Elle allait devoir dormir avec. Non, mieux ! Elle allait devoir le cacher. Nul ne devait le voir. Ysalis réfléchissait toujours lorsque Mathias s’envola avec elle d’un simple battement d’ailes. Le trajet fut rapide et Mathias retourna dans ses appartements. Cette fois, Othander accepta de partager sa pitance.

- Dis, tu fais quoi pour avoir droit à ça ? osa timidement Othander.

- Je ne sers pas sexuellement, si c’est à ça que tu penses, dit Ysalis.

- Pardonne-moi. Je ne voulais pas te blesser.

- Tu ne me blesses pas. Je t’énonce un fait. Tu as le droit de me demander.

- Alors, tu fais quoi ?

- Je corrige les copies de Mathias.

Othander plissa les paupières.

- Quoi ? s’énerva un peu Ysalis, juste un peu car elle ne pouvait jamais être réellement en colère contre Othander.

- Mathias, répéta l’aile noire. Tu l’appelles par son prénom.

- Parce que je trouve ça ridicule de dire Rouge-Mathias. Tout le monde le voit que ses ailes sont rouges, non ? Est-ce que je t’appelle Noire-Othander ?

Le jeune homme rit. L’idée lui semblait particulièrement saugrenue.

- Non, merci, dit-il. Ce n’est pas trop le genre de la maison.

Ysalis rit à son tour.

- Donc, tu fais son boulot à sa place, comprit Othander.

- Je l’assiste, disons. Il repasse toujours derrière moi mais je lui fais gagner beaucoup de temps. Je l’aide aussi à préparer ses cours et à rédiger ses discours.

- J’ignorais qu’il existait des travailleuses formées à une telle tâche.

Ysalis choisit de ne rien répondre. Othander n’insista pas. Son regard traîna sur le harnais en cuir flambant neuf mais là encore, il choisit de garder le silence. Ysalis sentit une douce chaleur l’envahir en constatant qu’Othander respectait son envie de garder quelques détails pour elle. Il ne semblait pas la juger ni douter de sa parole.

Le lendemain, elle retrouva son transporteur peu après l’aube. Elle se tint droite devant lui, fière du harnais en cuir.

- T’as vu ? lui lança-t-elle. C’est grâce à toi ! T’as pas l’air bien. Mathias t’a sermonné. La tisane à la camomille est pas assez forte ?

- Nous avons discuté en effet. Il n’a pas du tout remis ma parole en doute, bien au contraire. Ton insolence n’a pas semblé le surprendre. Il a même dit « C’est bien elle ».

Ysalis sourit. Elle le regardait dans les yeux, le dos droit.

- De ce fait, il m’a permis de faire ça, indiqua le transporteur.

La gifle fut tellement violente qu’Ysalis fut projetée au sol. Sa joue gauche brûlait et son oreille sifflait. Elle lança un regard noir au transporteur.

- T’en veux une autre ? menaça le transporteur.

Ysalis baissa le regard en serrant les dents de rage.

- Debout. On y va. J’ai autre chose à faire !

Ysalis se plaqua contre le torse de son tortionnaire qui l’amena à l’étage supérieur. Il fut aussi brusque que d’habitude et parut déçu que sa passagère ne vomît pas à l’arrivée. Il s’en alla sans un mot.

Ysalis rejoignit Mathias dans son bureau, s’agenouillant sagement, l’appelant Maître selon sa volonté, bouillant intérieurement de devoir s’abaisser de la sorte. Il lui fit signe de le rejoindre. Debout à côté de lui, petite face à cet adulte immense, elle n’en menait pas large. Il attrapa son menton et tourna son visage pour observer sa joue gauche. Ysalis l’imaginait fort bien écarlate. Y avait-il une marque de doigts ? Cela ne l’aurait pas étonnée.

- Ton attitude nuit à ma réputation. Je ne lâcherai jamais, Ysalis. Je ne laisserai rien passer. Tu as un immense potentiel. Te laisser faire, c’est t’abandonner or je crois en toi.

Ysalis se sentit portée par ces mots.

- Reste à ta place, jeune fille.

« Ma place n’est pas à tes pieds, connard » pensa Ysalis dont le visage resta baissé dans une attitude soumise.

- Va me faire couler un bain, ordonna Mathias.

Ysalis comprit qu’il n’irait pas à l’université aujourd’hui. Elle ignorait tout de son emploi du temps. Elle sortit et tourna la manette des tuyaux reliant la plateforme de dessus à celle-ci. Les travailleurs et travailleuses de chaque étage devait sans cesse s’assurer qu’un conteneur hermétique proposait de l’eau chaude. Un travail permanent mais pas trop pénible car les conteneurs étaient isolés thermiquement.

La vapeur emplit rapidement la pièce. Ysalis rajouta des billes de savon et la mousse envahit l’immense bassine creusée dans la pierre. Mathias entra et, sans la moindre pudeur, se dévêtit avant d’entrer dans l’eau. Il n’avait rien dont il put être honteux. Pas un gramme de graisse, des muscles tracés. Il devait sacrément s’entretenir pour réussir à conserver un corps pareil tout en buvant autant.

- Scotch, ordonna Mathias une fois dans l’eau.

Ysalis lui apporta le verre demandé. Le propriétaire des lieux se détendit.

- Va chercher « Souveraineté » dans mon bureau.

Ysalis obéit.

- Lis-le moi, depuis l’endroit où se trouve le marque-page, premier paragraphe en haut à droite.

Ysalis s’appliqua à bien lire. Mathias sembla apprécier. Lorsque la vapeur diminua, elle lui apporta un grand linge et l’aida à se sécher. Elle semblait n’en avoir strictement rien à faire qu’elle le vit dans le plus simple appareil. Il se rhabilla d’un simple pagne, restant torse nu, ses ailes largement déployées. Il sortit sur la plateforme, grimpa dans un filet tendu entre deux arbres et se vautra dedans sur le ventre, laissant ses ailes reposer de part et d’autre.

- Tu peux vaquer à tes occupations, tant que tu ne me réveilles pas.

Ysalis s’éloigna discrètement. Avait-il fait la bringue toute la nuit pour être ainsi fatigué dès le matin ? Avait-il du sommeil en retard ? Ysalis retourna dans la salle de bain et la remit entièrement à neuf. Elle prit son temps mais fut satisfaite. La pièce brillait.

- Rejoins-moi, l’appela Mathias.

Elle le découvrit assis sur un tabouret rembourré face à une table dehors. Des assiettes colorées proposaient mille mets aux odeurs divines.

- Sers-moi, ordonna-t-il.

Ysalis grinça des dents mais obtempéra, remplissant son verre, restant un pas en arrière, n’avançant que pour retirer une assiette sale ou remettre de la boisson. Finalement, il se leva pour annoncer :

- Je retourne me reposer. Tu peux te servir dans ce qui reste.

Ysalis hocha la tête puis fit mine de prendre place sur le tabouret rembourré.

- Non, Ysalis. Reste à ta place.

La fillette se figea puis se redressa. Elle attrapa quelques mets et s’assit par terre. Mathias acquiesça d’un mouvement de tête puis retourna se reposer dans le filet tendu.

Ysalis savoura l’excellent repas tandis que Mathias ronflait à côté d’elle. Son estomac rempli, elle rangea silencieusement la table puis alla se chercher un livre pour passer le temps. En milieu d’après-midi, Mathias reparut et lui demanda de l’aide pour mettre en forme ses prochains cours. Le soir, elle retrouva Othander avec qui elle partagea son dîner.

 

##############################

 

- Réception ce soir, annonça Mathias en fin de soirée. Tu vas te laver et mettre une tunique propre… de la même couleur, évidemment.

- Oui, Maître.

Lorsqu’elle revint, Mathias la déshabilla des yeux puis lança :

- Non pas qu’il y ait beaucoup de risques que ça se produise, mais je préfère mettre les points sur les i. Que fais-tu si un ailé t’attrape par le bras, la jambe ou les hanches ?

- Je lui mets une gifle, indiqua Ysalis.

- Le pire, c’est que tu en es capable.

- Peu importe, de toute façon, personne ne me regardera. Je suis laide.

- Laide ? répéta Mathias. Qui t’as dit ça ? Non, tu n’es pas laide.

Ysalis s’en figea de stupeur. Yvan ne lui avait-il pas dit que le maître des lieux l’avait annoncée moche ? Le superviseur s’était-il permis de déformer les propos du propriétaire du Domaine ? Ysalis en rougit. La fillette n’avait guère l’habitude de ce genre de propos à son égard. Elle sourit, une sensation de chaud dévalant son torse.

- Enfin bref. Je t’ai déjà dit que tu me représentes. Tes mauvais actes nuisent à ma réputation. Si tu agresses, verbalement ou physiquement, un ailé, ce ne sera pas un mais dix coups de fouet que tu prendras… par agression.

Ysalis trembla de tout son corps.

- Donc, comment réagis-tu si un ailé réclame ton corps ?

- Je ne sais pas, Maître, geignit Ysalis.

- Tu lui dis, d’une voix polie et humble, et avec une attitude soumise – tu sais faire maintenant - « Ma tunique est crème, ailé, je ne sers que la nourriture et les boissons ». Cela devrait suffire. Sinon, j’interviendrai. Mais en aucune façon tu ne t’opposes au geste. S’il t’attire à lui, tu accompagnes son mouvement. S’il te caresse, tu ne retires pas sa main. Tu te contentes de lui signifier, avec beaucoup de tact et de diplomatie, avec humilité et soumission, que tu n’es pas là pour servir de cette manière.

Ysalis grimaça.

- Ysalis ?

- Je ne vous ferai pas honte, Maître, promit-elle.

- Et si tu pouvais ouvrir les yeux pour vérifier que ma boisson ne contient pas de poison, ça m’arrangerait.

Ysalis sourit. La réception se passa dans la moindre anicroche. Nul ne s’approcha d’Ysalis, qui fut aussi invisible que d’habitude. Nul ne plaça quoi que ce soit dans le verre de Mathias. Au retour, Othander avait attendu Ysalis, faisant naître un vrai sourire sur le visage de la fillette.

 

##############################

 

- Lave-toi et mets une tunique propre, ordonna Mathias.

Ysalis ouvrit de grands yeux. Elle venait à peine d’arriver ! L’aube pointait tout juste son nez. Elle s’attendait à pouvoir déguster un bon petit-déjeuner et voilà qu’il lui demandait de se faire belle !

- Dépêche-toi. Je ne veux pas arriver en retard ! indiqua Mathias.

Ysalis fit comme requis, non sans ronchonner. Elle se lava rapidement, ravie de pouvoir le faire à l’eau chaude, ce qui n’était pas possible à l’étage des travailleuses. Elle retrouva Mathias sur la plateforme. Il lui fit signe de le rejoindre. Il l’attira à elle pour l’accrocher à son propre harnais.

- Maître ? gémit Ysalis, qui détestait toujours autant voler, même si c’était moins pire avec Mathias qu’avec le transporteur.

- Comme tu le sais, c’est la cérémonie de remise des diplômes aujourd’hui à l’université.

Bien sûr qu’elle le savait ! Elle avait aidé Mathias à rédiger son discours. Ils étaient dessus depuis une lune entière. Ysalis avait souvent manqué de respect au professeur durant ces échanges houleux. Mathias s’était montré généreux et se contentait de la reprendre avec fermeté mais sans brutalité. Ysalis s’excusait platement à chaque fois, s’en voulant de s’emporter de la sorte, de ne pas être capable de se contenir. Il l’énervait tellement ! Il finissait toujours par se rallier à son avis à elle. À quoi bon tergiverser pendant des heures si le résultat était connu d’avance ? Ysalis considérait cela comme une totale perte de temps.

- Cette cérémonie est suivie d’une réception officielle, où tous les étudiants, leurs parents et les professeurs sont conviés. De ce fait, évidemment, pas de tuniques bleues. En revanche, pas de tunique crème non plus.

- Ah bon ? s’étonna Ysalis.

- L’université ne dispose pas de travailleurs ou de travailleuses.

- Ah, lança Ysalis.

- J’en ai assez de devoir me servir moi-même.

Ysalis ricana. Elle connaissait assez son Maître pour savoir qu’il détestait cela.

- Tu vas m’accompagner et me servir.

- Juste vous ? s’étonna Ysalis.

- Moi en priorité. Si tu as le temps, quelques ailés autour de moi mais pas davantage. Si un ailé ose poser la main sur toi, tu peux siffler méchamment « Ce n’est ni le moment, ni le lieu » mais aucun ne le fera. Cette cérémonie est respectée.

Ysalis hocha la tête. Pour la première fois, elle espéra qu’un ailé tente de la caresser. Pouvoir se montrer cassante envers l’un d’eux lui donna le sourire.

- Comme dans n’importe quelle réception, tu ne touches ni aux boissons, ni à la nourriture.

- Bien sûr, Maître, se soumit Ysalis.

- On y va.

Mathias avait terminé de lier les deux harnais ensemble. Il prit son envol. Ysalis s’agrippa à lui, le vol durant bien plus longtemps que d’habitude. Il ne s’agissait pas de juste descendre d’un étage, mais de contourner la haute montagne jusqu’à son autre versant et de monter, de monter, de monter ! L’université se trouvait dans le premier tiers supérieur. Ysalis cramponnait Mathias qui ne se plaignit pas. Enfin, il se posa avec délicatesse sur le sol terreux de l’université. Il détacha Ysalis et s’avança.

La fillette se força à suivre Mathias qui marchait rapidement. Ce fut difficile pour la gamine qui levait des yeux ahuris sur les bâtiments et les gens, si nombreux ! Aucun ancêtre n’avait foulé ces lieux qu’elle découvrait donc. Elle enregistra chaque détail tout en luttant pour ne pas se faire semer par Mathias.

Une trouée dans des haies dévoila un immense parc remplit de monde. Des tables recouvertes de nappes en dentelles blanches proposaient des boissons, de la nourriture et des fleurs multicolores.

- Ysalis ! gronda Mathias.

La gamine sursauta avant de rattraper son Maître qui avait presque disparu dans la foule. De temps à autre, des ailes bleues dansaient, chantaient, jouaient de la musique ou proposaient des spectacles aériens ou terrestres. Ysalis en prit plein les yeux.

- Par Ham’y’yel ! Ysalis ! s’énerva Mathias.

- Pardon, Maître. Je n’ai jamais vu une telle chose.

- Tu es là pour servir. Concentre-toi un peu !

- Oui, Maître. Je vous prie de me pardonner.

Il bougonna mais ne la rabroua pas davantage. Il s’installa dans une balancelle et commença à bavarder avec les autres personnes présentes. Tout le monde avait rangé ses ailes sous sa tunique. Elles auraient bien trop gêné dans cette foule.

Ysalis se dirigea vers la table la plus proche. Elle sélectionna un verre. Elle prenait un risque en choisissant sans avoir reçu d’ordre mais elle commençait à bien connaître Mathias. Elle se saisit ensuite d’une assiette et réalisa un assortiment. Elle apporta le tout à son Maître qui attrapa le verre et picora dans le plat porté par Ysalis. Il ne lui adressa pas la parole, l’ignorant tandis qu’elle restait à son service, invisible et muette. Nul ne s’intéressât à elle.

Au bout d’un moment, elle perçut les préférences des voisins de Mathias. Elle apporta un grand plateau garni puis remplit les verres vides, donnant à chacun sa boisson préférée.

- C’est très agréable, lança Francis, l’ailé en face de Mathias, avec qui ce dernier discutait le plus. Le directeur de l’université va être furieux !

- Pourquoi ? Elle ne fait rien de mal ! s’insurgea Mathias. Elle est habillée et se contente de servir à boire et à manger.

- Imagine un peu que tout le monde fasse pareil.

- Pourquoi les autres ne pourraient-ils pas le faire ? répliqua Mathias.

- Les travailleurs n’ont pas le droit de côtoyer les travailleuses. Tu le sais bien. Si chacun amenait son propre service, les rencontres seraient inévitables.

- Elle n’a pas le droit de s’éloigner de moi. Je lui interdirais simplement toute interaction avec un travailleur.

« Je ne risque pas d’approcher l’un d’eux, pensa Ysalis. Comment peut-on apprécier de baiser avec un être dépourvu d’ailes ? C’est si beau ! »

Et baiser en vol ! Quel bonheur !

Ysalis se renfrogna. Voilà un bonheur qu’elle ne connaîtrait jamais.

Tu peux le vivre à travers nous.

- Non merci, murmura Ysalis.

Mathias et Francis se tournèrent vers la gamine. Ils avaient perçu son chuchotement et supposa qu’elle parlait d’un rapprochement avec un travailleur.

- Elle est trop jeune, supposa Francis. Elle pourrait changer d’avis en grandissant. D’ailleurs, tu as des travailleuses bien jeunes !

- Mon superviseur s’occupe de la sélection, rappela Mathias et Francis n’insista pas.

Ysalis redevint invisible. Le discours de Mathias fut longuement applaudi. Ysalis se trouva rapidement épuisée. Mathias ne fit rien pour alléger sa peine. Alors que la nuit tombait, il annonça le moment du départ. Ysalis se retrouva liée à son Maître. Le vol fut aussi beau et stressant que le précédent, d’autant que cette fois, Mathias exhalait l’alcool à plein nez. Son vol fut légèrement erratique. Ysalis soupira d’aise en retrouvant la plateforme.

Mathias lui donna un sac de nourriture. Ysalis le remercia puis il rejoignit son étage pour la nuit. Son contenu, déballé devant Othander, dévoila des mets rares et réservés à une élite.

- Je crois qu’il a apprécié mon comportement, souffla Ysalis.

Son ventre gargouilla bruyamment. Elle explosa de rire puis se justifia :

- Je n’ai rien mangé depuis hier soir. J’ai passé ma journée à servir de la nourriture à d’autres.

- Mange tout, dit Othander. Moi, tu sais, je mange à ma faim.

- Mais pas des mets aussi succulents !

- Certes, mais je m’en fiche. Toi, tu as besoin de manger.

- Tu voudrais bien me faire découvrir ton plat préféré ?

- Excellente idée ! J’apporterai ça demain.

Ysalis transperça Othander d’un regard brillant. Le jeune homme était si délicat !

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
blairelle
Posté le 24/09/2023
J'ai pas grand-chose à dire sur ce chapitre (je préfère nettement Arya), juste une coquille :
Cette fois, il ne l’a repris que deux fois => il ne la reprit
Nathalie
Posté le 24/09/2023
Au départ, Colorés ne proposait que Ysalis. Arya a été rajoutée ensuite. Ravie qu'elle te plaise. C'est normal d'avoir une préférence.

Merci pour la coquille.
Vous lisez