Chapitre 11 (1/2)

Notes de l’auteur : Et me revoilà avec un chapitre beaucoup trop long pour être posté en une seule fois !
Bon, je reviens après une sacrée pause, j'en suis désolée, mais je vais essayer de rattraper mon retard, promis !

Alors bonne lecture ! ^^

chapitre réécrit

Le trajet pour la ville se passa en un éclair. Dans la voiture qui nous y conduisit, les jumelles jubilaient. Mère et Liam chantonnaient joyeusement, Meryl dessinait ce qui devait être un croquis de son nouveau costume pour la troisième nuit alors que Vitali discutait gaiement avec Calista et Rhen.

La mine sombre au côté de Marietta, je regardais le monde défiler par la fenêtre avec aigreur. Je sentais le regard de Rhen se poser régulièrement sur moi, mais je l’ignorai. Je me sentais un peu bête de lui en vouloir autant alors que Vitali ne lui avait pas vraiment laissé le choix, mais je ne pouvais me résoudre à le regarder.

Une fois arrivés en ville, Calista et les jumelles nous traînèrent de boutique en boutique. Bijoux, sacs, chaussures et accessoires, tout y passa, si bien qu’au bout d’une heure et demie, je regrettais même de m’être levée ce matin, avant de me souvenir avec angoisse de ma nuit.

Dans la maison de couture Le Manteau de Nuit, Calista commença à jouer les divas, rejetant tissu après tissu qu’on lui proposait. Elle m’épuisait déjà à tout essayer pour défiler devant nous comme une princesse. Le fait qu’elle traîne Rhen dans le magasin pour lui présenter des vêtements assortis ne faisait que rajouter à ma mauvaise humeur.

J’avais envie de la tuer.

Préférant détourner les yeux, j’aperçus Meryl parler avec la couturière, Mme Corbyn. Ma sœur semblait lui montrer les croquis qu’elle avait réalisés dans la voiture. J’eus un sourire en voyant l’expression admirative de la couturière. Meryl était un vrai petit génie. J’étais tellement fière d’elle.

Alors que j’attendais patiemment mon tour pour me faire prendre les mesures, je suivis Marietta dans la boutique. Ma sœur observait les différents tissus avec un sourire tranquille, bien loin des jumelles qui se bagarraient déjà pour savoir qui se ferait prendre ses mensurations en premier. Étant donné qu’elles étaient parfaitement identiques, je comprenais le désarroi de l’assistante couturière. Prendre deux fois les mêmes mesures, quelle perte de temps… Mais les jumelles insistèrent si fort que tante Vitali dut même intervenir pour les calmer. 

En ce qui me concernait, je ne rêvais que de fuir cet endroit au plus vite. Pas que je n’aime pas Le Manteau de Nuit, Mme Corbyn et ses assistantes étaient adorables et faisaient un travail formidable. Disons plutôt qu’attendre à ne rien faire et voir mes sœurs se chamailler pour des histoires de rubans et de dentelles ne m’intéressait guère. Si on m’en avait laissé le choix, je me serais contentée de mon vieux costume de Demoiselle des Neiges. Il m’allait d’ailleurs encore très bien.

Au bout d’un moment, alors que je me laissai tomber sur un tabouret dans un coin, quelqu’un vint me tapoter timidement l’épaule. En me retournant, je découvris Meryl cachée derrière son carnet de croquis.

— J’ai dessiné ça pour toi, dit-elle en me le tendant. Qu’en penses-tu ?

Je pris le carnet, un peu surprise, et ouvris aussitôt grand les yeux d’admiration.

— C’est toi qui as fait ça ? demandai-je ébahie en relevant la tête vers ma sœur.

Meryl rougit jusqu’à la racine des cheveux et commença à se tortiller. Au bout d’une longue seconde, elle opina du chef. Un large sourire se dessina sur mes lèvres.

— Mais c’est merveilleux ! lui dis-je, sincèrement impressionnée.

— Vraiment ? demanda-t-elle des étoiles plein les yeux. Ça te plait ?

— Oui, vraiment, confirmai-je en reposant un regard sur le croquis. Mais, quand as-tu…

— Ce matin, m’avoua-t-elle avec un sourire timide. J’ai pensé… j’ai pensé que ça t’irait mieux.

En relevant les yeux vers ma sœur, je ne pus m’empêcher de lui sourire chaleureusement en lui rendant son carnet.

— Elle est magnifique, merci Meryl.

Ma sœur, ravie, reprit son carnet et courut rejoindre Mme Corbyn. Je les regardai discuter joyeusement, attendrie, quand je remarquai Calista dans un coin. Et aussitôt mon humeur s’assombrit. Rhen la suivait de mauvaise grâce, visiblement très peu enthousiaste quand nos regards se croisèrent. Il tenta de me sourire, mais déjà je détournai les yeux et rejoignis Marietta un peu plus loin qui regardait des pans de tissu couleur d’argent.

— Meryl t’a montré ses croquis ? demanda-t-elle en lâchant le tissu pour en examiner un autre couleur sapin.

— Oui, c’était splendide.

— N’est-ce pas ? sourit-elle sans se retourner. Elle nous en a toutes dessiné une.

— En quoi t’a-t-elle déguisée ?

Marietta attrapa une fausse couronne de diamants sur un mannequin et la posa sur sa tête avant de faire une révérence, un sourire malicieux aux lèvres.

— En Princesse Blizzard. Et toi ?

— En Dame de Glace, m’amusai-je.

— Quelle est la différence ? rit Marietta en remettant la couronne à sa place.

— Je dirais le diadème qui reposera sur ta tête, lançai-je avec un sourire de chat.

Nous rîmes.

— Calista devrait se déguiser en Fée de l’Hiver, poursuivit Marietta en observant d’autres tissus.

— Le Joker, marmonnai-je, comme c’est étonnant.

— Ne sois pas mauvaise langue, me réprimanda-t-elle.

— Ose me dire que tu n’as pas pensé à la même chose.

Marietta pinça les lèvres, faisant mine de réfléchir avant de lâcher :

— Non, c’est vrai, tu as raison. Mais ça ne reste pas très élégant à dire.

— Ce n’est pas de ma faute si notre sœur est une tricheuse pathologique, fis-je avec aigreur en observant un tissu d’un noir de jais.

L’image du costume du Dieu des Cauchemars lors du bal masqué me revint soudain et je lâchai brusquement l’étoffe comme si elle m’avait brûlée. En jetant un regard à Marietta, je fus soulagée de constater qu’elle n’avait rien vu.

— Peut-être, mais ça ne change pas grand-chose. Et même en trichant les jumelles parviennent toujours à la battre aux Douze Cours.

Je haussai des épaules.

— Et elles ? demandai-je alors. En quoi Meryl les a-t-elle déguisées ?

— Je n’ai pas vu ces croquis, fit Marietta, songeuse. Mais je les imagine bien en Demoiselles des Neiges siamoises.

Je ne pus m’empêcher de rire en imaginant Gemma et Georgia coincées dans le même costume, incapable de faire un pas sans accompagner l’autre. C’était une vision assez comique, je devais le reconnaître.

— Je doute que Meryl soit assez mesquine pour ça.

— Je n’en serais pas si sûre à ta place.

Marietta m’indiqua d’un signe du menton notre cadette. Meryl jetait des regards noirs aux jumelles qui tournaient autour de Rhen alors qu’on lui prenait ses mesures. On aurait dit des papillons de nuit autour d’une flamme.

— Elle leur en veut encore terriblement à cause de ses livres confisqués, poursuivit mon aînée. En tout cas, dit-elle en se frottant les mains, il me tarde de voir le résultat.

Il y eut un silence durant lequel mon regard coula de nouveau en direction de Rhen et Calista. Ma sœur se pavanait désormais devant lui comme un paon. Je grimaçai. Comment pouvait-elle se comporter ainsi en public. Elle me faisait honte. Quand Rhen remarqua mon regard posé sur eux, je le vis se décomposer. Il semblait mortifié.

Je préférai détourner les yeux, agacée par les bêtises de ma sœur. De toute façon, Calista le traînait déjà ailleurs dans le magasin.

— Tu sembles de bien mauvaise humeur, me fit remarquer Marietta.

— Ce n’est rien.

Ma sœur me regarda longuement avant de poser les yeux sur Calista et Rhen. Elle s’assombrit.

— Si c’est à cause d’elle, je peux…

— Non, la coupai-je rapidement. Non, laisse-la jouer si ça l’amuse.

— Mais ça ne t’amuse pas, toi.

Je soupirai.

— Je suis juste… fatiguée. Ce n’est rien, je t’assure.

— Adaline, me dit-elle sérieusement en me prenant la main, tu prétends toujours que ce n’est rien, que tout va bien, mais je ne suis pas dupe. Je lis bien dans ton regard que ça ne va pas. Quelque chose te tracasse depuis un moment déjà, et le comportement de Calista depuis la venue de cet étranger au manoir n’a fait que renforcer cette impression. Qu’y a-t-il ?

— Je…

J’hésitai, pinçai les lèvres, détournai les yeux. Comment lui avouer mes craintes ? Comment lui dire qu’elle avait peut-être raison, que je finirais peut-être sûrement comme notre frère aîné, tuée par un Immortel ? Et le Dieu des Cauchemars en prime ! Non… je ne pouvais décemment pas lui révéler la vérité, pas maintenant, pas avec tout ce que ma sœur avait déjà à gérer au manoir.

Je cherchais un nouveau mensonge à lui dire, une bonne raison qui éloignerait l’inquiétude de Marietta une bonne fois pour toute quand Liam se précipita dans mes jupons avec une moue boudeuse, coupant court à notre discussion.

— Adaline, je m’ennuie… C’est quand qu’on sort ?

Je croisai le regard mal à l’aise de ma sœur. La patience n’avait jamais été la vertu des enfants, celle de Liam encore moins. Je soupirai.

— Mme Corbyn a déjà pris tes mesures ?

— Oui, et Calista n’arrête pas de l’embêter depuis…

En relevant les yeux, je vis effectivement ma sœur marcher de long en large dans la boutique en donnant des indications incroyablement précises sur ce qu’elle voulait. La couturière l’écoutait poliment en prenant des notes, mais je voyais, à la veine qui palpitait à son front, que ma sœur lui tapait sur les nerfs. Un peu plus loin, du coin de l’œil, je découvris Rhen qui essayait de rejoindre tante Vitali – ou la sortie. Les jumelles l’avaient acculé dans un coin de la pièce et n’arrêtaient pas de lui demander quel tissu leur irait le mieux au teint. C’était presque comme si cet étranger était soudain devenu le centre du monde.

Mais il l’est devenu, songeai-je brusquement. En y repensant, mère avait raison : le manoir semblait nettement plus animé depuis sa venue. Mais, était-ce une bonne chose ? Au fond, peut-être que nous devrions accueillir des gens plus souvent. Les prétendants de Calista se bousculeraient sûrement au manoir, j’en étais certaine, mais peut-être que mes sœurs – et surtout Liam – pourraient se trouver des amis avec qui partager leurs passions plutôt que de les imposer aux autres. Nous étions si isolés au manoir…

À côté de moi, Liam tira de nouveau sur ma jupe, je me tournai vers lui.

— Bon, écoute, fis-je en me penchant vers lui. Laisse-moi quelques minutes, le temps que Mme Corbyn prenne mes mesures et nous irons dehors t’acheter un goûter, ça te va ?

— Oui !

— Bien, alors va prévenir maman.

Et Liam se précipita vers notre mère. Dans mon dos, je sentis le regard attendri de Marietta.

— Tu es incroyable avec lui.

Je serrai les lèvres, préférant faire comme si je n’avais rien entendu et regardai Liam auprès de notre mère. Celle-ci releva des yeux pétillants dans ma direction et articula un « merci » qui m’écorcha le cœur.

Non, je ne me sentais pas incroyable avec lui. Je n’arrêtais pas de lui mentir, de le tromper. Même si j’avais pris soin de lui, même si j’étais celle qui passais le plus de temps avec lui, personne ne comprenait à quel point j’étais horrible, à quel point je ne méritais pas ces louanges dont on me couvrait par rapport à lui. Parce que, la plus grande raison pour laquelle je prends si soin de Liam, c’est parce qu’il me fait penser à Rihite. Ils étaient si semblables… leurs yeux, leur visage, leurs expressions.

La seule différence notable entre eux était l’absence de pouvoir de Liam. Hormis cela, tout chez lui ou presque me rappelait mon grand frère disparu. Il m’arrivait même de penser qu’il en était la réincarnation alors même que je savais que c’était impossible. Et pourtant… j’espérais, je priais pour que ce soit le cas. Et je m’en voulais pour ça. Je m’en voulais d’aimer plus le souvenir de Rihite que le petit frère que le ciel nous avait offert après sa mort.

Je m’en voulais d’être aussi hypocrite.

Chassant ces pensées, je me détournai et me plantai résolument devant la couturière, sous le regard courroucé de Calista qui n’avait de toute évidence pas terminé son laïus. Ignorant ma sœur avec superbe, je demandai à Mme Corbyn si elle pouvait prendre mes mesures rapidement. Loin d’être incommodée, la couturière m’offrit un large sourire et délaissa son carnet de notes pour son mètre ruban. Du coin de l’œil je pouvais voir ma sœur bouillonner. Bien fait, fis-je en moi-même.

Quand Mme Corbyn eut terminé, je revins vers mon frère avec un sourire.

— Tu viens ? demandai-je en lui tendant la main.

— Oui !

Il dit au revoir à mère et à tante Vitali, et me suivit au dehors, ravi. Je l’imaginais déjà réfléchir à ce qu’il allait manger quand nous entendîmes la porte du Manteau de Nuit tinter derrière nous. En me retournant, je découvris Rhen qui courrait dans notre direction.

— Attendez ! fit-il en nous rejoignant. Où allez-vous ?

— On va prendre un goûter, lança joyeusement Liam avant que j’aie pu dire quoi que ce soit.

— Parfait, sourit Rhen. Dans ce cas, laissez-moi vous accompagner.

J’hésitai, jetant un regard à la boutique derrière lui. Calista et les jumelles nous épiaient à travers la vitrine. Leur regard me mit mal à l’aise. Comme je gardais le silence, Liam leva des yeux interrogatifs vers moi.

— Il peut venir ? Dis ?

Je pinçai les lèvres alors que Rhen comme Liam me jetaient des regards pleins d’espoir. Vaincue, je soupirai et hochai la tête. Les deux garçons se sourirent puis, à ma plus grande surprise, je vis Liam attraper la main de Rhen. Celui-ci afficha une mine contrite alors que mon frère nous tirait d’autorité en avant.

— J’espère que cela ne vous gêne pas, commença-t-il, mais je ne me voyais pas rester plus longtemps en compagnie de vos sœurs.

— Elles doivent en être effondrées, fis-je avec malice.

Rhen m’offrit un sourire joyeux qui fit pétiller ses yeux.

— Tant pis, je préfère de loin rester avec vous. C’est plus agréable.

Je sentis mes joues s’échauffer et détournai rapidement le regard. Du coin de l’œil, je remarquai toutefois que je n’étais pas la seule à rougir, ce qui me rassura un peu.

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