Dès qu’Éloïse effleura la peinture de son fragment de nuit, le dessin s’anima. L’herbe frémit, des vaguelettes roulèrent sur le rivage ; la brise agita la cime des arbres. Avec concentration, la fillette effaça un à un les barreaux de la lucarne avec le bâton de nuit. Mamochka ne put retenir une exclamation, le krobsk qui semblait jusqu’alors dormir, agitait la queue. Éloïse releva aussitôt la main.
- Il faut absolument qu’on le neutralise, affirma Lara, sinon il risque d’attaquer grand-père…
La fillette se tut brusquement, l’animal s’était dressé, les oreilles aux aguets. Il l’avait entendue. D’un geste du doigt, elle fit signe aux autres de se taire. La bête avança de quelques pas puis, rassurée en apparence, vint se recoucher sur le seuil de la maisonnette, la truffe posée sur ses larges pattes croisées. Éloïse lança un regard interrogatif à sa cousine, puis plaça les mains autour de son cou en désignant du menton un anneau fiché dans une borne. Le mage devait l’utiliser pour attacher le monstre. Lara acquiesça d’un signe de tête. D’un geste sûr et rapide à l’aide du bâton de lune, la fillette matérialisa une corde et saisit la bête au garrot. Pour faire bonne mesure, elle doubla la longe. Le krobsk se débâtit furieusement mais la corde tint bon. Éloïse entreprit alors d’élargir l’ouverture de la lucarne. Le fragment de nuit glissa le long du mur pour dégager un espace où une personne pourrait se faufiler sans peine. Un bras, puis un corps tout entier surgirent du cabanon. Nils marqua un temps d’arrêt, probablement guettait-il son gardien. Il risqua un œil à l’angle du bâtiment et rassuré se dirigea vers le lac. Lara esquissa aussitôt un pont rudimentaire. Devant la maison, le monstre se débattait avec rage. Nils s’engagea d’un pied hésitant sur l’ouvrage pour en tester la résistance. Puis il s’élança, courant aussi vite que le rayon de lune qui matérialisait les planches sous ses pas. Éloïse ne put retenir un cri d’effroi. Grâce à ses ailes acérées, le Krobsk avait soudain rompu ses liens. Nils le comprit aux rugissements furieux qui emplirent l’espace et résonnèrent jusqu’aux murs de la bibliothèque. La bête le traquait à présent. Elle se précipita sur ses traces, empruntant à son tour la passerelle. Éloïse réagit aussitôt et, de son fragment de nuit, rompit l’ouvrage en son milieu, précipitant dans l’eau la créature emportée par son élan. Nils avait eu néanmoins le temps d’atteindre la berge. Il s’arrêta pour reprendre souffle.
- Tu crois qu’elle est morte ? demanda Éloïse pleine d’espoir.
- Non, regarde, elle nage vers le bord. Qu’est-ce qu’on va faire ? Dépêche-toi grand-père ! Vite !! Vite !!! s’écria Lara.
Mamochka, incapable d’articuler un mot serrait fort la main d’Hyppolite. Nils qui avait entendu l’injonction, reprit sa course. Encore une centaine de mètres. Le Krobsk avait gagné à présent le rivage et s’ébrouait pour chasser l’eau de son plumage.
Juste un petit point sur la mise en page, il y a un gros paragraphe qui rend la lecture un peu lourde, quelques retours à la ligne pour aérer rendraient la lecture plus agréable je pense.
Sinon, très chouette chapitre, plein d'action. On découvre ce redoutable Krobsk, avant j'imagine, un affrontement ou une ruse pour en venir à bout. J'imagine que c'est une créature que tu as inventée ? Je la trouve plutôt originale, tu la décris juste assez pour qu'on se l'imagine.
Je voulais relever un passage que j'ai trouvé très joli :
"Dès qu’Éloïse effleura la peinture de son fragment de nuit, le dessin s’anima. L’herbe frémit, des vaguelettes roulèrent sur le rivage ; la brise agita la cime des arbres."
J'attaque la suite !