Je finis par reprendre connaissance, dans un hôpital. Il devait déjà faire entre 10h et 11h. On m’expliqua que j’avais été sauvée de la noyade par une fille qui m’avait repêchée et m’avait emmenée ici. Elle m’avait laissé un petit mot « Appelle-moi dès que tu te réveilles ! », suivi de son numéro.
J’étais dans une phase où je ne savais plus, j’étais vide, je n’avais plus de repères. Mon frère avait été prévenu et il m’appela pour prendre de mes nouvelles. J’arrivai à la maison et je regardai le mot de cette inconnue : devrais-je l’appeler ou non ? Finalement, je l’appelai dans la soirée.
— Allô ! Tu te sens mieux ? me demanda-t-elle
— Je sais pas…
— Oh excuse ! J’me suis même pas présentée ! Moi c’est Nawel, j’suis en Terminale et j’habite en banlieue. Et toi ?
— Moi ? Je ne sais même pas comment je m’appelle… mais j’suis aussi dans en Terminale et j’habite à Paris même.
— Oh génial ! Alors, dis-moi qu’est-ce qui va pas ? Je sais que j’suis juste une inconnue mais je peux pas te laisser sans t’aider. Si ça peut te faire plus confiance, on peut passer en appel vidéo ?
On passa donc en FaceTime vidéo. Elle était jolie, d’un air intelligent. À cause d’un je ne sais quoi, je me mis à tout lui balancer. Ni mon cœur ni ma bouche ne m’obéissaient plus : je lui balançais absolument tout, sans m’arrêter, sauf pour pleurer. Elle m’écoutait avec attention et tendresse. J’avais été trompée par ma meilleure amie, et pourquoi je faisais confiance à une inconnue : moi-même je ne me comprenais plus du tout.
À la fin, elle se mit elle aussi à pleurer — elle était visiblement très sensible. Nous étions toutes les deux là à sangloter, puis devant cette scène, nous nous mîmes à rire de nous-mêmes.
— Dis-moi Nawel, pourquoi t’es croyante et musulmane toi ?
— Bah, déjà, le fait qu’un créateur existe réellement, pour moi c’est une intuition à la base, mais une intuition confirmée par d’autres choses. Par exemple, si toutes les choses dépendaient d’autres choses pour exister, rien n’aurait jamais existé. Or, quelque chose existe. Donc, j’me dis que toutes les choses ne dépendent pas d’autres choses pour exister. Y’a forcément un être qui ne dépendait et ne dépend de rien pour exister, et qui est à la base de l’existence de tout le reste. Puis, notre monde est si finement organisé que cela ne peut venir ni d’une nécessité, ni du hasard, mais juste de cet être. Puis, si j’suis musulmane et pas chrétienne, juive ou hindouiste, bah y’a plusieurs raisons. Déjà, quand je regarde, le Coran est inimitable, préservé, miraculeux et sans erreur. Puis, les croyances islamiques sont toutes recevables, les pratiques pertinentes, les systèmes juridique et moral solides. En plus, le Prophète était un illettré, un analphabète, et intègre. Bref, tout ça me pousse à croire en la véracité d’Allah, de Sa religion et de Son Prophète. Voilà !
Nous continuâmes à discuter toute la nuit, jusqu’au petit matin. Nous échangions, partagions, confrontions. Je décidai même de m’acheter un exemplaire du Coran avec une traduction et de couper tout lien avec Lucie, Dalila et les autres. J’écoutais le Coran en arabe et je le lisais en français. C’était magnifiquement mélodieux et agréable. Mon cœur était profondément serein et apaisé.
De plus, trois passages m’avaient marqué. Le premier était « Dis : “Ô Mes serviteurs qui avez commis des excès à votre propre détriment, ne désespérez pas de la miséricorde d’Allah. Car Allah pardonne tous les péchés. Certes, c’est Lui le Pardonneur, le Tout-Miséricordieux ». J’étais rongée par la culpabilité, la honte, le dégoût de soi et le sentiment d’être irrécupérable. Ce verset était venu me tendre la main, dans le langage exact de mon âme cassée : « tu as tout détruit, oui, mais, si tu reviens sincèrement, la miséricorde d’Allah dépasse tout cela. Le repentir brise le cycle de la haine de soi et ouvre un espoir radical ». Un autre passage m’ébranla énormément : « Le moment n’est-il pas venu pour ceux qui ont cru, que leurs cœurs s’humilient à l'évocation d’Allah et devant ce qui est descendu de la vérité [le Coran] ? Et de ne point être pareils à ceux qui ont reçu le Livre avant eux. Ceux-ci trouvèrent le temps assez long et leurs cœurs s’endurcirent, et beaucoup d’entre eux sont pervers ». J’étais usée du plaisir, épuisée du mensonge, et désabusée du monde. Ce verset m’interpellait frontalement : « Le moment n’est-il pas venu ? » — Ce verset était une gifle douce et divine : « Tu as erré, tu t’es égarée, mais n’est-ce pas le moment maintenant de revenir ? ». Le dernier passage qui me fit un choc était dans la sourate 94 : « En vérité, avec la difficulté vient la facilité. Certes, avec la difficulté vient la facilité ». J’étais brisée, perdue, épuisée, dans une spirale de souffrance intérieure et de vide. Ce verset répétait deux fois, avec insistance, qu’au cœur même de l’épreuve se cachait un chemin de soulagement. Ce n’était pas une consolation creuse, mais une promesse de Dieu : il y avait toujours une sortie, et elle commençait là, maintenant.
Tout cela m’avait convaincu : je voulais renaître, je voulais renouer avec Dieu, mais dans la bonne religion, et de la bonne manière. Autrefois, j’étais dans l’égarement et je me prenais mal. Puis, j’étais tombée dans un autre égarement, et j’avais mal fini. Aujourd’hui, je désirais plus que tout adhérer à la guidée, et bien faire les choses.
J’envoyai un message à Nawel pour la rencontrer chez elle le week-end. Elle accepta et ce jour-là, ce fut sûrement le jour le plus heureux de ma vie. Quand je lui dit que je comptais embrasser l’islam, elle sautillait de joie comme une gamine. Elle me fit prononcer l’attestation en présence de sa famille et toutes deux avions fini en pleurs — mais des pleurs de joie.
— Aujourd’hui, je suis une nouvelle personne. Je ne t’ai jamais dit mon nom de naissance. J’étais Marie Christine Geneviève de Dieuleveult, mais j’étais juste une dévote exagérée envers Dieu et l’Église. Puis je suis devenue Justine Marquis, mais j’étais juste une insouciante envers Dieu, une insolente et une haineuse. Mais aujourd’hui, je choisis ce que je veux être, et je décide de devenir Maryam Oumm Salama Nawel de Dieuleveult.
Nous louâmes Allah de tout notre cœur. J’appréciais vraiment Nawel — c’était une excellente amie. Elle m’aidait pour mieux connaître, comprendre et mettre en pratique l’islam. Elle m’aidait aussi dans mes affaires scolaires, étant donné mes longues absences répétées.
À présent, je devais me reconstruire et me réconcilier avec Allah. Le vide était comblé, mais l’angoisse était immense. J’avais peur que mes péchés ne m’aient condamné, mais j’avais espoir en la miséricorde d’Allah. Je L’aimais et je Lui étais reconnaissant. Malgré mes errances, mes égarements et mes péchés, Allah m’avait guidée : Il m’avait fait sortir des ténèbres vers la lumière, par l’intermédiaire de Nawel.
C’était un renouveau pour moi, une renaissance. Désormais, je voulais me consacrer à Allah, mais pas comme autrefois. Je voulais vivre avec liberté et plaisir, mais pas comme autrefois. L’islam m’offrait un juste-milieu. Je voulais devenir dévote envers Allah, sans laxisme ni exagération, mais conformément à la voie du Prophète et de ses nobles Compagnons.
Les mots ne pouvaient suffire pour décrire mon état. Quand bien même je devrais le faire, je n’en utiliserais qu’un seul : saudade. Je croyais au changement, j’avais tant d’amour pour Allah, tant de reconnaissance envers Lui, un si grand désir de me rapprocher à nouveau de Lui — correctement cette fois-ci —. Mon cœur quant à lui vacillait entre peur et espoir : j’avais enfin retrouvé une certaine paix et sérénité malgré tout. Enfin, depuis ce jour, je ressentis une chose que ni le christianisme, ni l’Église, ni Lucie ne m’avait apporté : un sentiment équilibré et sain de liberté, de plaisir et de proximité de Dieu. Par contre, je m’étais peut-être réconciliée — je l’espérais — avec Dieu, mais il fallait à présent que, avec le soutien de Dieu, je répare mes fautes.
Je suis contente qu'elle ait trouvé sa route !!
Merci à Nawel de l'avoir sauvé physiquement et mentalement.
À plus ~~