La première chose que je devais faire, c’était rendre visite aux tombes de ma mère et de ma sœur. Donc, dès que je le pus, je m’y rendis. C’était la première fois que je le faisais. Soudain, des larmes se déversaient en cascades de mes yeux. Tous mes regrets et tous mes remords remontaient à la surface.
Pour ma mère, je regrettais de ne pas avoir ressenti de la tristesse quand on m’annonça sa mort parce que j’étais en colère. Pour ma sœur, je regrettais notre dernière discussion : elle était morte en pensant que je l’avais reniée, et elle était morte parce que je l’avais effectivement fait. Je pleurai donc un bon coup avant de m’en aller, me promettant de ne plus jamais agir ainsi avec quiconque, et de ne plus jamais idolâtrer non plus quiconque.
Ensuite, je supprimai tous les contacts malsains que j’avais rencontré dans les fêtes et les soirées, et avec qui je transgressais comme jamais par l’alcool, le sexe ou la drogue. Je me rendis même dans chaque magasin que j’avais volé pour personnellement me dénoncer et tout avouer. Heureusement, personne n’envisagea à me poursuivre en justice — mon geste les touchait.
Je racontai tout aussi à Zacharie, du début à la fin, notamment les événements autour de la mort du Père du Mellier et mon viol. Il me prit dans ses bras et me rassura, mais en me mettant en garde que je ne devais plus jamais recommencer toutes mes bêtises et sottises. Je lui promis de m’évertuer à ne plus jamais retomber si bas. Je parlai aussi à Augustin et Justine, me dénonçant et m’excusant. Par contre, aucun ne me pardonna, mais plutôt, ils me détestèrent avec plus de dégoût encore. Toutefois, les deux étaient d’accord sur un point : ils allaient — peut-être — finir par pardonner, mais ils n’allaient jamais oublier, et malgré mes aveux, leur couple était brisé et avait peu de chances de renaître. Malgré tout, ils rassemblèrent leurs forces et me remercièrent d’avoir eu le courage de venir me dénoncer moi-même. Même s’ils allaient probablement garder une certaine haine contre moi, cela me fit chaud au cœur.
La dernière chose que je devais faire était sans doute la plus difficile : parler à Lucie. Un jour après les cours, je l’invitai donc à venir me parler en dehors de l’école. J’avais peur, mais je me rassurais invoquant Allah de m’accompagner.
— Salut, dit-elle sèchement. Qu’est-ce que tu m’veux ?
— Je voulais d’abord te remercier d’avoir été durant si longtemps une si bonne meilleure amie. Tu as été un soutien et une consolation, et je t’en remercie de tout cœur. Tu m’as aussi peut-être exploité, mais sache que je n’ai aucune rancœur envers toi. Tout le monde commet des fautes, l’important est de regretter et de se réformer. Je te demande d’arrêter ton train de vie, tu es en train de te détruire. Redevenons amie, mais vers le Bien cette fois-ci !
— Tchip. Pardonnez-moi la Sainte Salope, mais je suis pas intéressée. Moi, je veux vivre avec liberté et plaisir. Moi, je suis libre et heureuse !
— Es-tu vraiment libre et heureuse ? Tu te dis libre mais la société t’exploite. Elle te vend un rêve d’émancipation, d’aventures et de joie, et tu cours derrière. Elle te vend du pain et des jeux, et tu cours derrière. Tout comme toi tu me vendais du pain et des jeux, pourtant je n’étais pas libre. Et tu dis que tu es heureuse, mais ton bonheur ne fait que dépendre d’autrui. À un moment, tu ne ressentiras plus aucun plaisir, et tu seras vulnérable aux choses, frustrée. Je t’en prie Lucie, marchons ensemble vers Allah notre Seigneur.
Elle me regarde de bas en haut avant de me cracher au visage. Je ne fis rien : je me contentai de nettoyer et d’invoquer pour elle. Je ne devais repousser le mal que par ce qui était meilleur.
Quoi qu’il en soit, j’échouai, mais c’était Allah qui accordait la réussite. Lucie s’en alla, continuant à courir derrière une illusion de liberté et des plaisirs éphémères. Je priais de tout cœur Allah de la guider. Un verset d’Allah faisait écho dans ma tête à ce moment-là : « Est-ce que celui qui était mort et que Nous avons ramené à la vie et à qui Nous avons assigné une lumière grâce à laquelle il marche parmi les gens, est pareil à celui qui est dans les ténèbres sans pouvoir en sortir ? Ainsi on a enjolivé aux mécréants ce qu’ils oeuvrent ». Pendant qu’elle partait, je lui criai : « Qu’Allah nous pardonne, nous guide et nous fasse miséricorde à toutes deux Lucie ! ». Telle fut la dernière parole que je lui adressai.