79.
Dame Gyfu déplie toute la hauteur de sa silhouette et son crâne racle le plafond.
La douleur s’étend doucement sur tout son visage et elle se frotte le cuir chevelu de la paume avant d’observer sa main.
Un sang léger tache sa peau avant de s’évaporer dans les airs tandis que sur son crâne, la blessure se répare déjà, provoquant une sensation désagréable de picotements. Elle observe le couloir où partout, des objets s’entassent, de façon totalement absurde pour les autres, et de façon incroyablement ordonnée pour elle.
À droite, de bas en haut : une pile de contes surplombés d’une image de princesse endormie, le cercueil de Siamanalasca, un mobile avec des oiseaux, une coiffe de chef indien, un tableau de bison, un assortiment de pinceaux...
À gauche, de bas en haut : un bocal rempli de coquillages, une grosse paire d’écouteurs, un piano, un autre bocal avec un dentier, puis une...
Les iris noirs de Gyfu s’immobilisent sur le clou qui dépasse du mur et auquel rien n’est attaché : une de ses précieuses babioles n’est pas à sa place.
— Olween ?
Bien sûr, personne ne lui répond alors la sylphide marche jusqu’à la chambre de son collaborateur.
— Olween ?
— Je suis occupé.
L’homme est assis dans le noir devant son ordinateur ; l’écran envoie des reflets bleus sur sa peau et ses lunettes.
— C’est important : ma perruque a disparu.
Olween tourne à moitié la tête vers elle.
— Elle n’a pas disparu, Berry la portait hier en se brossant les dents. Et Grenade avait tes lunettes de star.
— Et Zozo ? Il a forcément participé à ça...
— Le nez de sorcière en plastique.
— Hum, je le savais. Remets tous ces objets à leur place, s’il te plaît.
— D'accord, je m’en occuperai quand j’aurai fini de retoucher mon programme.
— Fais-le maintenant.
Olween soupire avant de faire tourner sur lui-même son fauteuil de bureau pour la fixer de ses petits yeux porcins.
— Un peu obsessionnelle, hein ? Tu me paies si je fais ça ?
— Oui.
Il se gratte la barbe et se relève.
— Attends-moi ici, je reviens tout de suite.
Gyfu s’accoude contre le mur tandis que l’homme file dans le couloir pour retrouver les objets égarés et revient quelques minutes plus tard en tenant en main le nez de sorcière :
— Je ne sais plus trop quelle est la place de ce truc...
— Derrière les paniers-citrouilles en plastique, dans la buanderie.
— Ah oui, c’est ça.
Il repart une vingtaine de secondes avant de réapparaître, son habituel air bourru accroché sur son visage. Il se réinstalle dans son fauteuil et se tourne vers la sylphide :
— À propos, je me demandais : pourquoi est-ce que tu ne me tues pas, Gyfu ?
— La réponse est le paiement que je t’ai promis ?
— Non, je me demande juste.
— Tu es très utile. Et nous voulons la même chose.
Il lève les sourcils d’un air narquois.
— Vraiment ?
— Je connais ton aversion pour les Piliers, mais tu apprends beaucoup en restant près de moi. Seulement, le quartier général de la F.T. a été détruit dans ce monde et tu es seul. Tes informations ne servent à rien tant que tu demeures ici, tu dois trouver une autre filiale de la F.T. ailleurs, dans un autre univers et pour ça, tu as besoin de Lù.
Le visage de l’homme reste impassible.
— C’est peut-être bien vrai.
— C’est tout ce que tu voulais savoir ?
— Non, mon paiement maintenant : à propos de ce qui s’est passé après la mort de mon subalterne incompétent de la première occurrence, ce damné Berry...
— Oui ?
— Tu disais que Lù avait continué à voyager seule, puis était morte avant de se réincarner dans sa Famille en parasitant la descendance de sa sœur.
— C’est exact.
— Comment est-ce arrivé ? Une première mort, ça ne doit pas être anodin.
— Aucune mort n’est anodine, même pour les Piliers. Cela marque toujours une rupture entre deux choses. Mais cette mort-là... cette mort-là était plus qu’une simple rupture.
Gyfu semble chercher ses mots avant de continuer :
— Je me souviens bien de quand je l’ai appris, c’était juste après l’incident des lapins.
— Hein, quel incident ?
— Elle venait de retrouver la mémoire et elle a ouvert les clapiers : tous les lapins étaient dehors. C’est après qu’elle a raconté l’histoire. Ce coup du sort, une malchance ou une chance incroyable.
— Que s’est-il passé ?
— Avant de mourir, elle a ouvert une faille sur l’univers de son arrière-grand-mère, Valta--imhir.
Olween se pencha en avant, les yeux brillants :
— Le monde de leur divinité bizarre ?
— Oui, le monde de Mock.
— Et elle l’a rencontré ?
— Oui.
Gyfu baisse les paupières et ses longs cils voilent ses prunelles sombres.
— Elle l’a rencontré et il l’a tuée.
80.
Le ventilateur tourne au ralenti au-dessus de Bebbe. Ils sont nombreux autour de la table de réunion à la fixer : d’abord Rhinocéros, puis Mante, Lièvre, Carpe, Griffon et Serpent.
— Mais enfin, qu’est-ce que tu as dans la tête ?
La voix de Rhinocéros est glaciale et sèche, mais Bebbe ne répond pas. Assise au milieu du cercle, le dos très droit, elle baisse les yeux sur son ventre bombé.
— Eh bien, n’as-tu rien à dire pour ta défense ? gronde Carpe.
La femme de la Machine relève la tête :
— Je nous ai sauvé la vie : j’ai gagné du temps et j’ai calmé les manifestations.
— Ce n’était pas à toi de prendre cette décision.
— À qui, alors ? Lequel d’entre vous aurait eu assez de courage pour braver Cerf ? Et qui aurait pu convaincre les autres sans passer pour un fourbe aux yeux de l’assemblée ?
Ils ne disent rien et Bebbe sent le regard de Lièvre qui pèse sur elle, perçant et accusateur.
— Je ne trahis personne. Tout le monde ici sait que j’attends la fin du règne de Cerf pour saluer la montée de Rhinocéros en tant que chef de famille. Pour qu’il puisse créer un système plus juste dans cette ville.
Le principal intéressé secoue la tête lentement :
— Même si je parviens à devenir le chef, rien ne dit que nous arriverons à survivre. Nous faisons un pari dangereux avec l’avenir : la terre que nous utilisons est de moins en moins fertile et je ne sais pas quoi faire contre ça.
— Aller la chercher plus profondément ? propose Carpe.
Rhinocéros se tourne vers lui et répond d’une voix froide :
— Et comment veux-tu récupérer assez de terre pour autant d’habitants, alors que cette terre se trouve très loin en dessous de tous les terrains construits ?
— Ce serait possible, s’entête Carpe.
Griffon soupire :
— En théorie. Mais dans les faits, nous n’avons pas le temps pour pareille entreprise.
Carpe montre Bebbe du menton :
— Et en plus, tout ça ne nous dit pas ce qu’on fait avec elle.
Bebbe serre les lèvres pour réprimer un sourire méprisant. Que faire avec elle ? Rien, pas grand-chose en fait. La tuer ? La remplacer par une autre qui n’a pas parlé depuis des années ? Utiliser l’un des leurs pour être la voix de la Machine et montrer que les dissensions au sein de la Famille sont encore plus fortes que le peuple ne le pensait ?
— On ne va rien faire pour le moment, dit Rhinocéros. Même si Bebbe a eu tort d’agir toute seule, elle a tout de même sauvé la situation.
Serpent incline la tête et murmure d’une voix suave :
— J’ai perçu que son intervention a été essentielle pour sauver Chien, et sans sa supervision, le Mur aurait pu s’effondrer et nous avec.
Personne n’ose dire que si Chien était dans son état normal, il n’y aurait pas eu besoin de le sauver. Le poing de Carpe s’abat sur la table :
— Mais enfin, c’est honteux ! Si elle n’est pas punie, qu’est-ce qui l’empêche de recommencer ?
— Et que veux-tu faire pour la châtier ? soupire Griffon. Lui donner une bonne fessée ? L’affamer ? Entraver ses mouvements ? Il faudrait alors modifier ses droits d’accès à S.I.T.A.R, donc expliquer son crime à Cerf. Lequel d’entre vous pense que c’est une idée satisfaisante ?
Le silence est révélateur. Bebbe jette un coup d'œil à Mante qui ne dit rien, mais elle voit le masque d’insecte se tourner légèrement pour détailler une par une chaque personne installée à la table, rarement celle qui parle. Il cherche quelque chose, mais quoi ?
Puis son regard s’égare en direction de Lièvre qui n’a toujours pas dit un mot. À quoi est-ce qu’il pense ? Est-ce qu’il lui en veut de ne pas l’avoir prévenu de ce coup d’éclat ? Son silence la rend folle. Carpe reprend la parole :
— On n’a pas besoin de S.I.T.A.R pour accéder aux cellules dont elle a la charge. Enfermons-la avec les autres, le temps que la situation se calme et on la fera sortir pour les annonces et quand le risque aura chuté.
Bebbe se mordille la lèvre. Elle espérait qu’on n’en arriverait pas là, mais rien n’est perdu. Elle se force à ne pas lancer de regard suppliant à Lièvre qui ne bouge toujours pas, ses doigts sont crispés sur la table. Dis quelque chose ! Sa lâcheté la répugne.
— Quelqu’un va devoir s’en charger, murmure Rhinocéros. Qui ?
La tablée reste silencieuse et Bebbe serre les dents. Il faut que Lièvre dise quelque chose !
— Lièvre semble la sélection la plus judicieuse, non ? propose Serpent de sa voix affable. La surveillance de la grossesse doit être poursuivie et il est celui qui a le plus de temps dispensé parmi nous en ces circonstances funestes.
Carpe se renfrogne, car Lièvre et Bebbe ont passé trop de temps ensemble ces derniers mois pour qu’il ne trouve pas ça louche, mais Serpent est l’âme damnée de Cerf : il ne le trahirait pas.
— On devrait la dénoncer à Cerf.
— Ça serait son arrêt de mort, grogne Rhinocéros. Si tu n’as rien de plus intéressant à dire, tais-toi.
Bebbe ne l’a jamais vu si furieux et Griffon reprend la parole :
— Sommes-nous donc d’accord ? Lièvre assurera la garde de Bebbe en attendant que nous nous trouvions dans une situation plus équilibrée ?
Comme personne ne proteste, Rhinocéros conclut :
— Cela te convient-il, Lièvre ?
L’intéressé tourne lentement sa tête vers lui et finit par acquiescer en silence. Bebbe se retient de pousser un soupir de soulagement. Sauvée, mais de peu ! À quoi pense-t-il, par Mock ?
81.
Les colonnes de soldats impeccablement rangés s’étalent dans toute la pièce. Grenade serre les dents et s’applique à coller ses talons ; plus d’un an sans véritable entraînement sportif, ça finit par vous rouiller. Chien est encore là, totalement désorienté, essayant de reprendre ses esprits tandis que l’un des soldats lui apporte un verre d’eau, mais il le renvoie d’un geste maladroit. Grenade se mordille la langue ; il est si près et impossible de sortir son masque sans se faire remarquer. Ses yeux s’égarent dans la pièce : les murs ont exactement la même teinte bleutée et aseptisée que dans son souvenir.
Finalement, il n’a pas été si difficile de pénétrer les rangs de ses anciens camarades. Lors de l’assaut du Mur, Grenade a fait partie de la manifestation, dissimulée sous un gros manteau et accompagnée par Martial, l’un des résistants qui bosse avec Berry. Au moment le plus propice, son complice a jeté un fumigène entre la population et les enfants du Mur, juste assez pour créer un remue-ménage et une bonne dose de fumée. Grenade s’est extirpée de son gros manteau et a discrètement changé de camp tout en prenant soin d’assommer quelques riverains au passage pour faire plus vrai.
Un jeu d’enfant ! ironise Grenade en son for intérieur.
Quand Chien est arrivé, la jeune fille était déjà bien campée dans son rôle de soldat du Mur. Elle a frémi en reconnaissant le masque de porcelaine, avant de remarquer que son propriétaire avait perdu de sa verve.
Ils en sont là, à présent, dans un silence terrible. Chien remonte la haie d’honneur que les enfants lui ont faite et alors qu’il ne semble pas vouloir donner de directive, un jeune homme brun s’approche de lui timidement :
— Que devrions-nous faire, Monsieur ?
Chien tourne lentement la tête vers lui comme s’il était ralenti et finit par répondre d’une voix pâteuse :
— Fermer la porte pour cette nuit, nous réfléchirons à une stratégie demain.
— Mais… ce sera considéré comme une défaite ! Cela va les encourager !
— C’est une défaite. Mais si nous continuons cette nuit, nous serons tombés avant que le soleil ne soit levé.
Le jeune homme recule avec respect tandis que Chien entre dans l’ascenseur qui mène à son bureau. Grenade le regarde disparaître avec dépit. Elle sait bien que ça ne pouvait pas être si facile, mais tout de même. C’est maintenant que les choses vont se compliquer. Le jeune homme brun se tourne vers la foule.
— Rompez et rejoignez vos dortoirs.
Elle ne le connaît pas, celui-là, bien qu'il soit sans doute un peu plus âgé qu’elle . Il devait être là à l'époque où elle vivait au Mur, bien qu'elle ne l'ait jamais remarqué. Elle grimace intérieurement en croisant les regards vidés par le Vent. Peut-être est-ce à cause de la drogue ? Sous l'influence du Vent, la peur et l'angoisse fondent et l'amour, la mort et les autres êtres vivants... tout ça n'a plus d'importance ; seul compte de ne plus avoir mal.
Autour de Grenade, tous les soldats se mettent en mouvement pour accompagner leurs régiments vers leurs quartiers et la jeune fille, bien sûr, n’en a pas. Les enfants ont beau être à côté de leurs pompes, il ne faut pas pousser en s’incrustant dans un dortoir où personne ne vous connaît sans avoir été présenté par le chef de patrouille.
— Tout va bien, soldat ?
Grenade sursaute : le garçon brun se trouve dans son dos. Il est beaucoup plus grand qu’elle, ce qui n’est pas très difficile. Il n’y a pourtant aucune raison de s’inquiéter, car sa manche est trempée de faux sang, comme prévu : un prétexte pour rester un électron libre et ne pas avoir à rejoindre son régiment.
— Juste un éclat de grenade fumigène, Monsieur. Plus de peur que de mal, mais je devrais sans doute passer à l’infirmerie.
— Vous êtes sûre que tout va bien ?
— Oui ? demande Grenade, perplexe.
Elle commence à se demander si elle ne le connaît pas, en fait ; son visage a quelque chose d’étrangement familier. Si c’est le cas, est-il possible pour lui de la reconnaître derrière sa courte chevelure blonde, ses lentilles claires et sa peau éclaircie à grands coups de fond de teint ? Mais non, elle se serait mieux souvenue de ce gros et unique sourcil qui surplombe son nez.
— Je peux voir votre passe ?
Grenade se force à rester de marbre avant de fouiller dans ses poches pour lui tendre une carte plastifiée où se trouve sa photo. Il la lui prend et la scanne à l’aide d’un petit appareil accroché à sa ceinture.
— Code ?
Avec son autre bras, elle baisse légèrement son pantalon et le jeune homme compare sa carte et la liste de chiffres inscrits sur sa hanche.
— Tout semble en ordre. Regardez-moi un instant, soldat.
Il lui braque une petite lampe dans les yeux :
— Vous m’avez l’air bien mal au point. Tenez, vous devriez prendre ça.
Il lui tend une plaquette que Grenade reconnaît aussitôt : des gélules de Vent. Voilà ce qui cloche avec elle depuis tout à l’heure ! Ses pupilles ne sont pas aussi dilatées que celles de ses compagnons.
Il lui est difficile de refuser, mais heureusement, Gyfu lui a fourni une plaquette de contrepoison qui neutralisera les effets de la drogue si elle se dépêche de le prendre. Elle se force à arborer un air sûr d’elle avant de récupérer deux cachets. Elle les gobe comme des bonbons.
— Je vous remercie, Capitaine.
— Bien, allez à l’infirmerie maintenant.
Soulagée, Grenade acquiesce, s’incline et s’apprête à partir, mais le garçon pose une main sur son épaule.
— Attendez, je serais plus serein si un de vos compagnons venait avec vous.
— Oh, mais ce n’est pas la peine…
— J’insiste.
Grenade se sent devenir glacée tandis que le capitaine fait signe à un autre enfant du Mur, une adolescente aux cheveux bouclés et dont les prunelles bleues semblent hagardes.
— Soldate, accompagnez le numéro 466761A jusqu’à l’infirmerie où elle recevra des soins.
— Oui, mon Capitaine !
Grenade se maudit. Elle aurait dû prévoir que ce genre de situation pouvait arriver, mais elle ne connaît pas ce gradé et il semble plus scrupuleux que ses prédécesseurs. Il finit par se détourner d’elles et Grenade est bien obligée de s’engager dans le sillage de l’adolescente qu'on lui a assignée. Ça sent pas bon. Elle n’est pas la seule blessée et des tas d’autres enfants du Mur vont dans la même direction qu’eux. Si on la dépose à l’infirmerie, combien de temps faudra-t-il pour que l’on découvre que sa blessure est fausse ? Puis que son affectation est également bidon ? Elle peut déjà remercier Loup et Olween de lui avoir falsifié une carte.
En tout cas, il faut impérativement qu’elle se débarrasse de cette gêneuse avant d’arriver à l’infirmerie. Les couloirs familiers s’enchaînent : dortoirs, salle d’eau, salle d’entraînement, gymnase, vestiaire, armurerie. La lumière bleutée des néons lui brûle les yeux. Elle n’est pas habituée à ses lentilles, ses masques lui compressent le ventre sous sa veste et la tête lui tourne tandis que le Vent est en train d’arriver dans son sang. La panique lui prend la gorge, elle s’arrête et s’appuie contre une rangée de casiers métalliques pour souffler.
— Ça va ? demande sa compagne d’un ton plat.
— Je… je crois que je tourne un peu de l’œil.
— Il faut qu’on se dépêche d’atteindre l’infirmerie.
— Non, je…
Comment se dépêtrer de cette fille ? Il lui fallait s’éloigner pour la traîner dans un endroit vide.
— Il va y avoir la queue, je ne suis pas la seule blessée. J’ai besoin de sucre, passons à la cuisine d’abord.
— D’accord...
Heureusement, la fille pose moins de questions que son supérieur. Il doit pas être camé, lui. L’adolescente suit Grenade dans les couloirs sans protester et celle-ci sent la pression redescendre tout doucement, mais son ventre se noue.
Peut-elle assommer cette fille avant de la cacher dans un placard ? Elle n’a pas de quoi l’attacher. De plus, le sol se met à tanguer : la dose de Vent est horriblement forte pour quelqu’un qui ne s’est pas drogué depuis longtemps.
Les cuisines se rapprochent et les couloirs se vident. Grenade inspire et expire pour essayer de calmer le bruit frénétique de son cœur et ralentir la montée du Vent dans son organisme. Ses bras lui semblent très faibles, comme s’ils étaient en caoutchouc.
Grenade sait ce qu’il faut faire, elle ne le veut pas, mais elle le sait. Les doubles portes des cuisines sont là. Elles entrent dans la pièce immense plongée dans la pénombre. Vide. Il est presque minuit, quoi de plus normal. La soldate du Mur appuie sur l’interrupteur et des néons s’allument en clignotant, aveuglant Grenade.
— Ça doit être par là, je suis déjà venue une fois.
Elles avancent dans les allées et la fille se met à fouiller dans les pots. Grenade s’appuie contre un plan de travail, essayant de ne pas tomber.
— Regarde, toi. Je ne me sens pas bien.
La fille est de dos et Grenade descend la fermeture éclair de son uniforme. En dessous, les masques sont là ; le grand Destructeur la fixe de ses yeux cousus et Grenade déglutit avant de le prendre pour le poser sur son visage.
82.
C’est le bruit des doigts sur les cordes qui attire Loup. Le chemin qui mène à la bibliothèque du repaire est éclairé d’une lueur rouge, qui perce à travers la tenture colorée masquant l’entrée. Il écarte le tissu d’un coude pour ne pas le tremper dans l’une des deux tasses qu’il tient à la main. Enfoncé dans un pouf, Berry grattouille la guitare de Sunna avec un talent discutable, les yeux rouges et bouffis. Isonima s’appuie contre un des murs tordus couverts de vieux volumes et écoute tranquillement jusqu’à ce que l’autre lève ses prunelles vers lui et s’arrête :
— Je ne me souviens plus des paroles… C’était quoi l’arbre déjà ? Un marronnier ?
— Un châtaignier. Je ne savais pas que tu pouvais jouer de la guitare.
— C’est juste de la grattouille. Pour frimer devant les minettes et les hybrides de sylphe…
Loup esquisse un sourire gêné et change de sujet :
— J’ai préparé de la tisane, tu en veux ?
— Mousse ?
— Ouais.
— Si j’avais un vœu à formuler, ce serait d’avoir un jour l’occasion de boire une bière ou une tisane qui ne serait pas faite avec de la mousse.
Malgré cette tirade, Berry se redresse et récupère la tasse que lui tend Isonima qui l’observe de sous ses cils :
— Ça va aller ?
L’ingénieur ôte ses lunettes et se frotte les yeux en grimaçant :
— Je sais pas, je suis un peu à côté. Tout est devenu très compliqué en très peu de temps et je m’y perds. Grenade qui vient de décoller et puis la mort de Su… voilà... Et toi ? Tu tiens le coup ?
Loup hausse les épaules :
— Je ne connaissais pas si bien Sunna. Quant au reste… je ne sais pas…
— Tu as entendu l’histoire qui s’est passée au Mur ? Il paraît qu’il est sorti hors du Mur, l’autre, Chien... Apparemment, ce sont les enfants qui l’ont rentré en urgence.
Loup touille dans sa tisane d’un air morose.
— Je n’ai aucune idée de ce qu’il a dans la tête...
Encore un sujet qu’il n’a pas envie d’aborder avec Berry.
— En fait, je voulais te parler pour une raison précise.
Andiberry le dévisage avec curiosité tandis que Loup pose sur la table la boîte qu’il a trouvée sous la commode de Gyfu.
— C’est quoi ?
— Tu ne sais pas ?
L’ingénieur hoche négativement la tête et Loup lui fait un signe encourageant :
— Ouvre.
Perplexe, Berry obéit et sort un des tubes pour l’examiner, exactement comme Isonima l’a fait avant lui :
— Grenade ?
— Pas seulement. Moi, Tony et bien d’autres.
— Pas moi ?
— Non.
— C’est du sang ?
— Je le crois. Cryogénisé. Tu devrais le remettre dans la boîte, il ne faut pas qu’ils sortent de leur état gelé.
— Qu’est-ce que ça veut dire ? Pourquoi Gyfu aurait du sang à toi ?
— Je ne suis pas sûr, mais tu te souviens de ce qu’on avait dit à propos de la première occurrence ? Que c’était bizarre que nous soyons tous contemporains et que c’était étrange qu’une occurrence différente donne naissance aux mêmes enfants...
— Vous seriez quoi alors ? Des clones ?
— On a la technologie. C’est possible.
— Pourquoi Gyfu ferait ça ? Ça n’a aucun sens. En plus, qui est capable de le faire dans la ville ?
— Radje peut dans son labo et comme par hasard, parmi les tubes de sang cryogénisé, il y a plusieurs humains qui ont fait des vœux.
Un court silence précède le moment où l’ingénieur reprend la parole :
— Zozo ?
— Quoi ?
Berry lève vers lui des yeux épuisés.
— Je crois que tu fais fausse route, Gyfu ne nous cache rien. Elle nous a dit elle-même qu’elle avait un accord concernant Lù et un trafic d’objets.
Isonima se mordille la lèvre en attendant que l’autre continue, ce qu’il fait :
— Ce que tu as trouvé, c’est la réserve à clones de Lù, pas celle de Gyfu.
— Hein ? Mais pourquoi ?
— Réfléchis. Qui d’autre à part un immortel aurait besoin de créer des clones d’une personne aimée pour pouvoir continuer à vivre avec elle ? Exactement comme…
— … Comme Cerf avec Bebbe, souffle Loup.
— Vaincre la mort a toujours été un des problèmes des Piliers et de leur solitude.
Isonima se laisse tomber sur un pouf.
— C’était donc ça.
Il se sent soulagé. À côté de lui, Berry serre la guitare de Sunna avec une certaine mélancolie. Il finit par la poser au sol et pour la deuxième fois dans la soirée, ôte ses lunettes et se frotte les yeux tandis que la lanterne installée sur la table fait danser les ombres sur son profil. Loup veut lui demander à nouveau si ça va, mais il sait que c’est stupide. Les yeux bruns finissent par chercher les siens et semblent y lire la question muette.
— Je suis si fatigué. Et je suis triste. Si seulement quelque chose allait bien dans tout ce merdier.
Sa main retombe tout près du bras de Loup et son doigt effleure l’intérieur de son poignet. Isonima recule imperceptiblement et soupire :
— Tu sais que j’aime quelqu’un d’autre.
— Je sais, je ne suis pas si aveugle. Mais tu sais, moi, je ne suis pas le genre de type qui a des relations qui durent, je te demande pas de m’épouser.
— Qu’est-ce que ça pourrait t’apporter, alors ?
— Juste quelque chose de bien. Pas juste pour moi. Toi aussi, tu as peut-être besoin de ça…
— Quoi ça ?
Andiberry ne répond pas et Loup a l’impression que son simple regard suffit pour faire sauter les boutons de sa chemise. L’ingénieur se redresse sur un coude avant de se placer légèrement au-dessus de lui et Loup retient son souffle tandis que des doigts se glissent contre ses flancs et palpent les os sous l’épiderme.
— Quinze paires de côtes, murmure l’ingénieur contre sa bouche.
Isonima n’esquisse pas un geste. Il n’y a rien sauf ses grands bras, ses prunelles mauves inhumaines, le sourire de Berry, ses yeux à la fois tristes et rieurs et surtout — oh surtout — il y a ce corps bizarre qu’il déteste et que d’autres mains désirent. Il soupire et les doigts de Berry s’enroulent dans les boucles de sa chevelure.
— Est-ce que tu veux bien ?
Isonima a un ricanement qui tremblote :
— Je crois que je suis tout flippé intérieurement.
— Il vaut mieux que tu sois flippé avec moi qu’avec celui que... enfin... je peux t’apprendre.
Loup déglutit. Il veut dire quelque chose, mais des dents lui mordent gentiment la lèvre et il laisse l’autre l’embrasser. Ce n’est pas désagréable. Il glisse ses longs doigts sur le dos, détaille les petites bosses de la colonne vertébrale, expire. Ses mains tâtonnent et renversent sa tisane de mousse.
— Merde.
— C’est bon, laisse.
Berry dézippe sa veste de cuir, la pose soigneusement sur une chaise puis fait passer son tee-shirt par-dessus ses épaules avant de le jeter sur la tache humide.
— Faudrait pas que ça moisisse.
— Désolé.
Ils se regardent un peu bêtement et Loup baisse les cils sur le torse nu de son compagnon. Ce n’est pas la première fois qu’il le voit dans cette tenue. Berry se bat un peu avec son foulard qui est resté accroché à son cou et jette des ombres bizarres sur ses clavicules. Le torse est infiniment beau, comme peint à l’encre sépia dans la lueur de la lampe. Une sensualité pleine de tendresse étreint Loup et c’est lui qui l’embrasse cette fois. Ses doigts glissent sous la poitrine, et puis sur les os, un par un, comme les touches d’un xylophone. Il glousse nerveusement :
— Haha, t’as vraiment pas beaucoup de côtes, toi !
D'accord, il faudra repasser pour la drague, mais ça fait rire Berry quand même. Il lui souffle dans le cou, hume ses cheveux et les creux de ses clavicules, murmure à son oreille :
— Détends-toi. Je ne vais rien faire que tu ne veuilles pas, d’accord ?
— Je veux, mais j’ai peur…
— Hum…
Les mains de l’ingénieur enserrent fermement sa taille et remontent son tee-shirt. Sa bouche vient embrasser la fine ligne de poils qui descend jusqu’à son nombril tandis que les pouces glissent le long des marques de l’aine et s’accrochent à son pantalon.
La peau tremble. Il en goûte le sel, relève les yeux, se redresse, presse doucement son bassin contre celui de l’autre.
Loup gémit.
Des doigts déboutonnent son pantalon. Le cœur, l’organe de feu, tape très fort à l’intérieur et une sensation étrange l’envahit.
— Je… je me sens vachement bizarre.
On l’embrasse et une voix murmure :
— C’est rien, tu es juste un peu orange. On dirait que chez toi, c’est sexuel.
Isonima se lance un regard flou et sa peau jure bizarrement sur la teinte sableuse de celle de Berry. D'accord. Juste ne pas y penser. Il cesse immédiatement quand les mains de son compagnon se glissent sous son dernier vêtement. Il s’agrippe à la bibliothèque derrière lui et un livre tombe par terre.
— Par Mock ! souffle-t-il tandis qu’Andiberry incline sa bouche vers son aine.
Il ne peut rien faire d’autre que basculer son visage en arrière, accrocher ses mains dans les mèches brunes et savourer la lente montée du Ki.
83.
Une fumée blanche, épaisse comme de la crème fouettée, bouillonne tranquillement en descendant le lit de la rivière.
Est-ce vraiment une rivière d’ailleurs ? se demande Griffon en contemplant ce phénomène étrange. Y a-t-il de l’eau sous ce long filet de gaz qui serpente dans une rainure d’écorce de la ville ?
Un grand oiseau de papier plié descend le cours de fumée tandis que Griffon remonte à pas mesurés l’artère principale qui longe la « rivière ». De nombreux rêveurs attendent le long de la rive, immobiles comme des statues, leurs quatre yeux fixant avec mélancolie cet étrange bateau. Il en vient d’autres, de plus haut, d’autres oiseaux pliés qui voguent paisiblement le long du tronc et sur certains d’entre eux sont posées de minuscules chandelles qui éclairent un halo de brume du rêve.
Au loin, un tambour résonne à un rythme très lent et c’est le seul bruit dans cet univers ouaté, rendu gris et blanc par l’onirisme de Limbo.
Plus il remonte et plus les fantômes des rêveurs sont nombreux : les tentacules qui leur couvrent la tête frémissent doucement, comme ceux d’une anémone, leurs visages sont fermés, et maintenant que Griffon y fait attention, seules les paupières situées sur les tempes sont ouvertes.
Une embarcation plus importante vient vers eux, tout en papier plié et découpé comme de la dentelle pour former un dôme neigeux. Griffon plisse les yeux tandis que les créatures se mettent à gémir doucement et à se balancer d’avant en arrière.
Il y a une chose installée dans le navire de la rivière de brume. Cela ressemble à un énorme cocon de chenille. Le tout est assez grand pour envelopper une silhouette d’une de ces créatures hybrides d'humain, de serpent et d'anémone.
Bien qu’il ne connaisse pas cette civilisation, Griffon sait reconnaître un enterrement. Alors qu’il se détourne de la scène, il finit par apercevoir ce qu’il est venu chercher : ses paupières supérieures closes et ses yeux clairs baissés, elle est assise sur le bord de la rivière, son unique membre inférieur enroulé sur lui-même et ses doigts jouant sur les cordes d’un instrument qui ne produit aucun son. Georges détaille avec curiosité les tentacules, plus fins que ceux de la majorité de ses semblables ; leur abondance donne l’illusion d’un crâne énorme. Son corps gris est presque entièrement recouvert d’un étrange lichen sombre dont seuls le visage et les mains finissent par émerger, ainsi que le pubis au travers duquel Georges discerne un trou lumineux. Il détourne le regard et pose une paume hésitante sur le bras de la rêveuse.
Les écailles grises qui couvrent sa peau se peignent d’un éclat mauve qui finit par aller jusqu’à ses cheveux. Ses prunelles d’une couleur verte soutenue se tournent vers Griffon et sa deuxième paire d’yeux s’ouvre.
— Griffon…
— Bonjour Nimrod.
Ils se regardent et Griffon murmure :
— C’est un instrument bien insolite que tu as là.
— Il joue la musique du temps.
— Est-ce le monde où tu es née ?
Les quatre yeux se font tristes et doux.
— Oui, c’est un rêve de Villapapel, il y a de ça longtemps.
— Est-ce que toutes les créatures dotées de cerveaux rêvent ?
— Je l’ignore. Est-ce que les araignées rêvent ? Je me suis toujours posé la question, tant d’années d’existence et je ne sais même pas ça.
— Il y a des araignées dans ce monde ?
— Comme dans beaucoup, mais les vôtres n’ont pas beaucoup d’yeux.
Cela fait rire Griffon. Huit yeux, ça fait déjà beaucoup, à son avis. Il n’y a plus vraiment d’araignées dans la Ville Noire, sauf la Machine, bien entendu. Redevenant plus sérieux, il observe autour de lui.
— Tu te remémores cet endroit avec beaucoup de précision.
— Ce n'est pas aussi authentique que tu le crois, malgré le temps que je passe à regrouper les petits souvenirs du passé. Quand je croise un Ver de rêves coopératif, il me permet d’arpenter Limbo.
— Pourquoi ne pas oublier, tout simplement ?
Elle hausse les épaules et lui lance un regard aigu :
— Je suis celle qui arrête le temps, c’est mon fardeau de Pilier. Qui serais-je si je ne comprenais pas les gens à qui j’offre ma force ? Tout comme eux, je connais le regret, la souffrance du deuil, la peine de ce qui est déjà passé, la peur de ce que le temps avale…
— Pourquoi n’as-tu pas enrayé le temps de ceux que tu aimais ?
— Je l’ai fait.
Elle pose l’instrument de musique à côté d’elle et se lève :
— Le temps rattrape toujours.
— Tu as l’air si désabusée par ton pouvoir... On dirait plus une sorte d’infortune qu’un don.
— C’en est une. Ça l’est pour nous tous.
Il veut dire quelque chose, mais elle le coupe :
— Tu es si jeune.
Griffon sent qu’il ne faut pas insister. Elle lui fait signe d’approcher et ils se mettent à longer la rivière brumeuse. La berge serpente vers un promontoire qui s’avance légèrement au-dessus du cours de fumée.
Deux silhouettes immobiles se tiennent là, debout, contemplant le chemin lent de la barque de papier et Griffon note leur peau sombre et leur lichen presque blanc.
Le premier est un tout jeune grune, à peine sorti de l’adolescence : il présente une silhouette petite et mince avec un visage maigre et un nez pointu. Son regard brun fixe la rivière d’un air dur et les tentacules courts qui recouvrent son crâne sont d’une teinte claire qui attire la lumière. Comme seul ornement, un anneau étroit et gravé traverse la paroi de ses narines.
— Je le connais.
Un sourire plein de tristesse se glisse sur les lèvres minces de Nimrod.
— Je sais.
— C’est le garçon du bateau de la Ville Blanche, le Machina. Le grune qui monte la garde sur le pont près de Grenade.
— Oui.
— Il fume des cigarettes.
— Ça n’existe pas dans ce monde précis. Des pipes, mais pas de cigarettes.
— C’est ce qu’il fait pourtant.
— Oui.
Elle n’a pas l’air très bavarde et Griffon l’observe. Elle a fermé ses paupières supérieures, comme pour se cacher, mais ses autres yeux regardent le garçon. Griffon dit :
— Ce n’est pas seulement pour retrouver Lù. Tu parcours Limbo pour le voir, le souvenir de cette personne...
Le sourire triste figé sur son visage comme celui d’une photographie, elle ne nie pas et murmure très bas :
— J’ai dessiné moi-même son ombre dans la trame de Limbo. Je reviens le voir pour l’inscrire plus loin à chacun de mes rêves.
Le ton de sa voix forme une boule dans le ventre de Griffon.
— Pour quoi faire ?
— Pour ne pas oublier son visage.
— Quel âge as-tu ?
— Je ne sais plus. Ça ne veut rien dire. J’aurais dû accomplir mon destin le quatre-vingt-quatrième jour, à la fin de l’hiver, et descendre le courant de sève. Je me suis arrêtée le soixante-troisième jour. Depuis, la même journée se répète pour moi.
— Et lui ?
— Il ne voulait pas descendre la rivière. Il avait des ambitions, j’ignorais ce que ça voulait dire à l'époque.
— Tu as stoppé son vieillissement ?
— Qui sait ? Je ne sais plus. Je ne me souviens plus de rien, juste son visage…
Griffon veut ajouter quelque chose, mais elle l’arrête d’un geste :
— Nous avons assez parlé de lui, tu dois voir plus loin.
Le jeune grune soupire et s’assied sur la corniche, dévoilant davantage son compagnon. Griffon plisse les yeux pour mieux voir : il y a quelque chose de vraiment étrange à propos de la silhouette qui se trouve là ; même pour ce type de créature.
Griffon n’est pas bien sûr qu’il s’agisse d’un mâle ou d’une femelle. Bien que sa peau soit noire et son lichen blanc, on n’aurait pas pu imaginer de silhouette plus différente de celle de son compagnon : l’individu ressemble à une limace boudinée dotée de deux paires de bras ; son visage est ridé, son nez large et sa bouche épaisse et souriante. Il possède huit yeux — ça commence à faire beaucoup — et ses tentacules d’un blanc nacré sont roulés sur son épaule. Dans son dos, le lichen semble arraché le long d’une faille verticale d'où une brume vaporeuse semblable à celle de la rivière s’échappe par volutes.
Griffon n’a jamais rien vu de si bizarre au cours de ses pérégrinations dans Limbo. La créature a un chapeau melon nonchalamment posé sur la tête.
— Ce… cette... qu’est-ce que c’est ?
Nimrod a retrouvé un visage plus serein et ses quatre yeux se braquent sur lui :
— C’est Mock.
— Le dieu de ma mère ? Il existe ?
— Absolument.
— Un véritable dieu tangible ?
Elle ne répond pas, alors il insiste :
— Un dieu, réel ?
Elle secoue la tête :
— Je ne te dirai rien de plus. Je ne ferai rien qui puisse causer préjudice à Mock.
— Mais pour quelle raison ?
— Ce n’est pas juste cette image dans mon rêve. Il s’agit de Mock lui-même, celui du présent, où qu’il soit. Il faut prendre garde.
Griffon avale sa salive tandis que les yeux de Nimrod clignent paresseusement. Elle conclut :
— Il nous observe.
84.
Immédiatement, l’image devient particulièrement sombre. Grenade se sent très faible, comme si elle ne maîtrisait plus son corps. Elle se voit avancer. La fille dit quelque chose, mais Grenade ne comprend pas quoi. Elle a trouvé du sucre, se retourne et Grenade devine son reflet dans les pupilles dilatées qui s’agrandissent encore. L’enfant du Mur veut crier, mais le Destructeur ne lui en laisse pas le temps. Une main l’agrippe à la gorge et l’autre s’enroule autour de sa bouche. La fille panique, le Destructeur la colle contre le plan de travail. Tout est très lent et très rapide. Des pots tombent sur le sol, il y a un grand couteau que la fille essaye d’attraper, mais le Destructeur l’envoie plus loin d’un coup de coude.
Grenade se roule en boule ; elle ne veut pas voir ça. Elle ferme les yeux quand le Destructeur brise la nuque de l’adolescente d’un coup sec. Le corps s’effondre doucement sur le plan de travail. L’impression de noir disparaît, Grenade respire lentement et ôte le masque.
La fille morte est là et elle ne veut pas la regarder, alors elle se détourne et fouille dans ses poches. Les cachets de Gyfu sont là, elle gobe deux remèdes, puis observe autour d’elle. Elle ne peut pas laisser ce cadavre ici ! La tête lui tourne toujours, mais elle se force à marcher jusqu’à l’entrée pour éteindre la lumière ; seule sa propre lampe torche lui permet de se repérer à présent.
Grenade s’assoit un instant sur le sol, pour essayer de reprendre ses esprits. Le cadavre la regarde avec des yeux et une bouche de poisson mort, comme sur les étals dans les marchés, avant. Il n’y en a plus depuis longtemps dans la Ville Noire. Quand elle sent que sa tête devient un peu plus légère, Grenade se redresse.
En essayant de ne pas trop la regarder, elle attrape la fille sous les aisselles et la tire vers le fond de la cuisine. Là, un gros tuyau descend dans le sol et la jeune espionne soulève le corps de toutes ses forces pour le faire glisser dedans. Il y chute avec un bruit ouaté et la jeune fille sent ses entrailles se transformer en marmelade quand elle entend le ronron de l’incinérateur qui s’allume en bas.
Elle ne peut pas rester ici plus longtemps, alors elle grimpe sur une cuisinière et tâte le faux plafond. Comme prévu, les plaques ne se soulèvent pas, mais Grenade a sur elle son couteau-laser et d’un geste assuré, elle découpe un carré qu’elle lève avant de se hisser parmi les câbles électriques.
L’espace est étroit, mais son corps maigre s’y insère sans effort. Elle remet la plaque derrière elle et se couche sur le dos, prenant quelques minutes pour reprendre sa respiration. Elle allume l’émetteur caché dans son oreille et envoie un simple signal sonore au QG pour signaler que tout va bien. À peu près.
Grenade réfléchit à toute vitesse : combien de temps vont-ils mettre avant de s’apercevoir que la soldate manque ? Il y a eu des blessés et des otages dans les deux camps lors de l’échauffourée, mais peut-être que quelqu’un a remarqué que la fille était rentrée vivante ? Et si le capitaine s’en souvient, elle est dans de beaux draps. Dans tous les cas, Grenade doit faire vite : elle doit être capable d’observer le visage de Chien suffisamment longtemps pour pouvoir obtenir son vœu et le seul endroit pour ça est son bureau qui se trouve au sous-sol. Elle doit utiliser le conduit de l’ascenseur pour descendre. Rien de mieux que la nuit pour éviter les allers-retours de la cabine qui pourrait l’écraser contre un plafond, mais il va falloir se bouger maintenant.
Grenade se retourne sur le ventre. Elle aimerait enlever sa veste, mais celle-ci lui permet de garder ses masques contre elle. Peut-être prend-elle un risque en se déplaçant tout de suite, mais il vaut mieux avancer tant que les couloirs sont bruyants et animés pour qu’on ne l’entende pas dans le plafond.
Elle projette le plan du Mur dans sa tête et l’ascenseur est bien loin. Elle va devoir passer au-dessus de tous les dortoirs, puis des laboratoires de recherche auxquels elle n’a jamais eu accès, avant de pouvoir revenir au grand hall et enfin, attendre qu’il n’y ait plus personne.
D’accord, ça peut se faire.
Elle se met à ramper sur les coudes et les genoux en évitant les fils qui pendent sous son nez. Le faux plafond est constitué de grilles percées de trous minuscules. Grâce aux néons éblouissants, elle peut voir sans être vue ce qui est un bel avantage.
Elle arrive au-dessus du premier dortoir, celui des petits nouveaux. C’est un endroit bizarre, car il est un peu vivant : il résonne de rires étouffés et de batailles d’oreillers la nuit quand la surveillance se relâche un peu. Puis elle rampe au-dessus d’une salle d’eau et reconnaît les petits lavabos blancs, le carrelage turquoise, les serviettes, grises à force d’être lavées. Elle a grandi ici et tout est familier et effrayant.
Dans le deuxième dortoir, l’ambiance est différente : les enfants sont plus grands, presque des préadolescents, et la plupart d’entre eux sont déjà accros au Vent. L’ambiance est feutrée, tamisée, les petits soldats trient leurs affaires dans un silence entrecoupé de chuchotements. Grenade glisse au-dessus d’eux comme un serpent dans une rivière. Elle a connu ça aussi.
Le troisième dortoir est celui des adolescents : des soldats de treize à quinze ans s’y installent dans un silence rangé, les yeux cernés et dilatés. La plupart d’entre eux gobent leurs derniers cachets de la journée pour parvenir à trouver le sommeil. Grenade les observe rapidement. Elle avait cet âge-là quand Griffon a réussi à la faire sortir : elle a dormi dans cet endroit aussi, bien qu'elle ne se souvienne pas quel lit était le sien.
Ses coudes et ses genoux deviennent douloureux, mais Grenade aimerait avoir dépassé les dortoirs avant que les lumières ne s’éteignent.
Il en reste encore un avant les laboratoires : celui des plus grands, un lieu que Grenade n’a jamais atteint, mais qui est fantasmé par les plus jeunes, car il comporte des stalles individuelles. Au-delà de cet âge, on finit par quitter le Mur, mais Grenade n’a jamais entendu personne en parler.
Elle se glisse au-dessus des petites chambres, seulement séparées par une cloison de plastique et un rideau. La plupart des soldats dorment déjà, parfois les yeux ouverts. Grenade redouble de prudence, car il n’y a vraiment pas de bruit ici.
Elle passe au-dessus d’une stalle où somnole un garçon extrêmement maigre et se crispe quand il émet un couinement brutal en se redressant. Grenade croit un instant que ce n’est que la conséquence d’un cauchemar, mais ce n’est pas ça : le garçon écarquille les yeux, halète, essaye de crier, mais sa voix meurt dans sa bouche. Grenade comprend soudain ce qui est en train de se passer et elle ne peut rien faire. Le garçon se tord, son poing tape contre le mur, il se met à suer à grosses gouttes et ses yeux se révulsent.
Overdose. Elle espère que quelqu’un vienne, mais ça n’arrive pas. La jeune fille voudrait s’éloigner, mais elle ne peut pas non plus. Elle regarde le garçon partir. C’est très long. Le cœur qui bat, elle fixe son visage qu'elle connaît.
Quand enfin tout est fini, quelqu’un vient, un jeune adulte, à peine plus âgé que le garçon du box. Il soupire et appelle un collègue qui murmure :
— Encore ? C’est le troisième aujourd’hui !
L’autre se frotte le menton et répond :
— Donne-moi un coup de main, on ne peut pas le laisser là.
Ils attrapent le cadavre, un par les jambes, un par les bras, et remontent le dortoir pour sortir par une porte qui ne donne pas sur le couloir. Grenade se remet à ramper en silence, bien contente de ne plus ressentir les effets du Vent ; son esprit est incroyablement lucide. Elle suit les deux soldats par-delà le dortoir, dans les laboratoires du Mur.
Elle arrive au-dessus d’une simple pièce bleutée, comme toutes les autres du bâtiment, les intervenants y ont installé le cadavre sur un grand établi où sont disposés de multiples outils : scalpels, scie, aspirateur médical, marteau, gants, masques, écarteur… Trois énormes tuyaux jaillissent également du sol à cet endroit-là.
Le premier prend une voix geignarde :
— Il est tellement tard, brûlons-le, celui-là.
L’autre répond sévèrement :
— Pas question. Tu as entendu ce que disait le chef l’autre jour : situation tendue pour la ville en ce moment. Pas de gâchis avec aucun cadavre, rien ne doit être jeté. La graisse pour les rouages de la machine, les cheveux pour le tissage, la chair au compost et les os au broyage pour faire picorer les poulets. Mais nous pouvons faire ça demain.
L’autre employé bâille :
— Ouais, on peut faire ça.
Ils sortent en silence.
Grenade a la tête qui bourdonne. Elle ne sait pas trop s’il y en a qui s'en sortent — après tout, elle n'en a jamais croisé — ou si tous les enfants du Mur finissent là, découpés pour être recyclés. Elle observe le garçon. C’est son deuxième cadavre aujourd’hui... elle avait l’habitude avant. Elle détaille les cheveux châtains, les yeux vairons et le teint mat. Il a incroyablement maigri. Elle ne se souvient plus de son nom, mais elle sait qu’il est entré au Mur en même temps qu’elle et qu’il avait du mal à s’habituer à la nourriture. Au tout début, il pleurait beaucoup et appelait son père.
Elle voudrait descendre et s’allonger à côté de lui, serrer fort ce corps froid. Ce serait terriblement stupide. Elle a tué quelqu’un tout à l’heure. Elle est à la fois comme eux et plus du tout comme eux, c’est difficile et ça fait mal.
Grenade se laisse rouler sur le dos tandis qu'un minuscule bip résonne dans son oreille. Elle allume son récepteur :
— Oui ?
— C’est Loup. Tu peux parler ?
— Un peu.
— Tout va bien pour toi ?
— Je suis vivante... et je continue.
— Ta voix tremble.
— Ouais.
Grenade sent les larmes lui monter aux yeux et marmonne :
— Toi aussi tu as une voix bizarre, il s’est passé quelque chose ?
Grenade entend un vague rire maladroit dans son oreille : il a l’air mal à l’aise.
— … Ouais. Mais rien de comparable à ce que tu vis. Je suis content que tu ailles bien, même si c’était bizarre entre nous ces derniers temps, j’espère que tu reviendras.
— Merci, je te redonne des nouvelles plus tard, j’arrive bientôt à l’ascenseur. Préviens Gyfu.
— D'accord.
La conversation s’éteint et Grenade se remet sur le ventre. Continuer. Juste continuer. Elle s’appuie sur ses coudes douloureux et s’enfonce plus loin dans les ténèbres.
Oui, les histoires d’or ont été une bonne raison de me mettre un coup de pied aux fesses et de retourner à VN :P (En plus j’ai l’impression que tu as encore rajouté des chapitres depuis la dernière fois où j’ai regardé, ARGH)
Et oui, je me suis enfilé trois chapitres d’un coup, et j’ai la flemme de faire trois commentaires.
Suggestions :
Chapitre 10 :<br /> « Ses yeux gris perles (perle) dérivent sur le mur »<br /> « qu'il occupe depuis que Grenade a choisit (choisi) le canapé »<br /> « Rien d'autre que des choses lui ayant appartenu qui avaient été dédoublés (dédoublées) dans la deuxième occurrence. »<br /> « Mais Berry ne l'écoute pas, il se redresse et se lève pour ça ( ?) s'asseoir sur le lit de Isonima »<br /> « Ça t’a prit (pris) plusieurs heures quand tu as regardé les souvenirs de Berry »<br /> « - Tu as l'air pâle. Tu n'es pas souffrant, au moins ? [...] Un ricanement étire ses lèvres et résonne à l'intérieur de son masque » Euh… s’il porte son masque, comment l’autre se rend compte de sa pâleur ?<br /> <br /> Chapitre 11 :<br /> « Son poids le ralenti(t) et Griffon entend souffler l'obèse »<br /> « Tu me la grignote(s) pour me donner une idée de ce que tu veux. »<br /> « - Tu me la sculpte(s) »<br /> « En toute réponse, la sylphide endormie pousse un soupire (soupir) imperceptible. »<br /> « - Parce que je l'ai vu(e) »<br /> <br /> Chapitre 12 :<br /> « - Quinze paires de côtes, murmure l'ingénieur contre sa bouche. » En lisant ça, j’ai tenté de compter le nombre de côtés que j’avais (… pour comparer, tu sais), et j’y suis pas arrivée XD Donc ça paraît bizarre que Berry arrive à compter celles d’Iso en, genre, dix secondes. <br /> « Ses tentacules d'un blanc nacré sont roulé(e)s sur son épaule. »
Bon, et à part ça, j’ai pas grand-chose à dire, parce que mon feedback pourrait à peu près ce limiter à : MAIS C’EST GENIAL . Tes descriptions hyper visuelles, ta plume concise et percutante, et surtout, surtout, ce monde (CES mondes même) que tu nous fais découvrir, avec tous ces détails qui font qu’on s’y croirait, et puis toutes tes « inventions »… (Le monde de Limbo me met particulièrement des petites étoiles dans les yeux, même s’il a pas l’air si cool que ça… quoique, dans le registre « c’est classe mais c’est glauque », l’apoptose du monde c’est pas mal non plus ! Oh, et aussi les masques de Grenade… C’est la première fois qu’on la voit se servir du Destructeur, il me semble, et… gloups. Enfin bref !)
J’aime beaucoup aussi les relations entre tes personnages… (J’ai un petit faible pour le flash-back entre Loup et Chien et des romans Arlequin XD) … même si certaines sont assez glauques. (On en parle de Numéro 2 ?)
Quant à l’intrigue, je crois que c’est même pas la peine d’en parler ! (Sérieusement, où vas-tu chercher tout ça ?) En plus, j’ai l’impression que ça s’accélère un peu, entre la volonté de Bebbe de fuir la Machine et le plan des autres pour la faire tomber… Et toujours Lou, au milieu de tout ça. (Bon, par contre, j’ai pas trop vu l’intérêt du point de vue de Poisson pour l’instant, à part savoir qu’il est aigri…) Ah, en tous cas, ça donne envie de lire la suite !!
Merci encore pour tout ces compliments! Tu peux remercier Alive pour la scène des romans arlequins, on s'est pris un gros délire sur le sujet XD. Et oui, c'est toujours un peu glauque par ici. Mais je pense que VN reste et restera mon histoire la plus sombre. La sur-enchère, ça va un moment :p.
Et le rythme s'accélère, tu as raison. D'ailleurs: partie 1=6mois, partie 2=2 semaines, partie 3=3 jours, partie 4= 3 heures.
Voilà, voilà. Quand au point de vue de Poisson, tu en verras l'utilité plus tard, comme souvent, même si je vais retoucher ça puisque je vais définitivement supprimer seiche!
Merci encore pour tous tes commentaire, c'est vraiment très cool de ta part!!!
DEs gos bisous et à bientôt!!!
Lou
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Ahahaha en fait j'avais RIEN compris pour Bebbe x'D Je sais pas pourquoi je me suis mis en tête qu'elles auraient déjà fait l'échange… la numéro 2 attends qu'elle parte, non ? En plus, maintenant qu'elle explique son geste, ça se tient qu'elle soit intervenue même si l'intervention en question est surprenante. Par contre je suis pas trop sûre d'avoir compris en quoi le fait d'être enfermée la allait la sauver ? C'est d'être placée sous la surveillance de Lièvre qui la rassure ? Pour pouvoir s'échapper plus facilement ensuite ?
J'aime pas bien l'espèce d'apathie de Lièvre, du coup… J'espère qu'il est pas en train d'avoir des regrets ou de se dégonfler et qu'il va pas abandonner Bebbe à son sort T.T ; peut-être qu'elle pourrait s'en sortir toute seule, vu que Gyfu va peut-être l'aider ; mais quand même, ça serait plus rassurant avec lui. Et puis ils se sont tant rapprochéééés T.T
<br />
« Pour frimer devant les minettes et les hybrides de sylphe… » xD
Je relève la phrase qui m'a fait rire parce que j'ai vu le comm de Claquette et que j'ai flashé sur la même phrase qui fait pas rire alors je voulais pas faire doublon (non franchement elle est parfaite la phrase en question). C'est donc pour ce passage que t'envisageais de changer de rating ? Honnêtement, y'a rien qui le nécessite, je pense. Ça reste suggéré (ok, bien suggéré :P) et puis ils sont si mignoooons ♥ J'imaginais qu'Isonima aurait vachement plus de réticences que ça. D'ailleurs je me suis demandé : au début il repousse un peu Berry en disant qu'il aime quelqu'un d'autre, Chien, donc ; mais qu'en est-il de sa petite obsession pour la relation qu'il aurait eue avec Lou dans la première occurrence ? Au début de la partie ça avait l'air de vachement lui plaire comme idée et maintenant j'ai l'impression qu'il y pense plus du tout.
Ils sont choux, mais c'est un peu crève-cœur aussi v.v Parce qu'ils sont tous les deux très lucides sur ce qu'ils veulent et ce qu'ils sont capables de donner alors une relation plus sérieuse semble déjà vouée à l'échec (ça a rien de mal en soi, j'espère juste qu'ils regretteront pas et que ça jettera pas de froid, je veux pas qu'ils se quiiiiittent). J'ai adoré la conclusion xD Avec Isonima qui devient tout vert, le pauvre. J'ai hâte d'en savoir plus sur les modifications que ça peut apporter à son fonctionnement, le fait qu'il soit hybride.
Ah et donc, des clones (c'est ça qu'on avait plus ou moins spoilé la dernière fois je crois ; t'inquiète pas j'avais rien compris x'D). Ça prend effectivement du sens pour expliquer comment ils peuvent tous cohabiter, mais ça change quand même tout pour ce qui est de leur origine Oo ça veut dire que quelqu'un a voulu tous les rassembler là et c'est vraiment très flippant (Lou peut-être, oui, c'est vrai que ça se justifierait pour qu'elle soit entourée de tous les gens qu'elle connaissait et de ceux qu'elle aimait ; je me méfie un peu par contre, je sais pas pourquoi, j'adhère pas à 100 % à la théorie…)
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C'était vraiment très dur, ce passage au Mur ; super-intéressant aussi parce que c'est la première fois qu'on voit ça de l'intérieur, mais entre le meurtre de l'ado (tu dis qu'elle est potelée d'ailleurs ; les enfants du Mur sont assez bien nourris pour rester dodus ? Vu tout l'exercice qu'ils font et qu'ils sont drogués, en plus ?) et la progression au-dessus des dortoirs qui donnent une vision accélérée de la vie condamnée d'un soldat… Brrr v.v Je me suis demandé du coup : est-ce que le Destructeur doit tuer nécessairement ? Est-ce que Grenade aurait pas pu s'arrêter après l'avoir assommée, simplement ?
Je me demande par contre si tout ce passage pourrait pas être un peu plus court ; enfin pas plus court, parce que concrètement tu donnes aucune info qui n'est pas capitale ; je pense que c'est plutôt le rythme de la narration qui m'a donné cette impression, parce que du coup on suit « seulement » Grenade dans sa progression, avec beaucoup de narration, un peu d'introspection et très très peu de dialogue (quand elle entend les voix ou quand elle communique avec Loup). À partir du moment où elle met le Destructeur, en fait ; on garde le même rythme pendant longtemps dans ce passage et peut-être que ça vaudrait le coup de le casser un peu. Conseil foireux parce que je suis pas fichue de te dire ni où ni comment exactement x'D Désolée ^^'
Oh et j'allais oublier Mokh ! Je m'attendais pas non plus à ce que ce soit quelqu'un de tangible, en tout cas j'aime bien la nouvelle dimension que ça donne à la fois à son culte et à l'existence de Lou ; on sent qu'il y a encore des tas de mystères là-dessous, et même si la grosse limace donne pas trop envie de faire sa connaissance, je suis très très curieuse. C'était cool de revoir Nimrod, aussi (y'a un album de Green Day qui s'appelle comme ça je m'y fais toujours pas) ; j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de pistes sur l'annexe dans ce passage mais j'avoue que j'ai pas tout compris au fonctionnement de son pouvoir, je crois. Mais j'ai peut-être manqué d'attention (ou ça veut simplement dire qu'il faudra que j'aille lire l'annexe en question :P). En tout cas le décor était super, à la limite entre le poétique et l'inquiétant. Je sais pas où tu vas trouver toutes ces idées, franchement, je suis baba. Fanouse, encore une fois.
Un chapitre encore riche en question et en émotions ♥ À tout bientôt pour le prochaiiiiin !
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Ahahaha en fait j'avais RIEN compris pour Bebbe x'D Je sais pas pourquoi je me suis mis en tête qu'elles auraient déjà fait l'échange… la numéro 2 attends qu'elle parte, non ? En plus, maintenant qu'elle explique son geste, ça se tient qu'elle soit intervenue même si l'intervention en question est surprenante. Par contre je suis pas trop sûre d'avoir compris en quoi le fait d'être enfermée la allait la sauver ? C'est d'être placée sous la surveillance de Lièvre qui la rassure ? Pour pouvoir s'échapper plus facilement ensuite ?
Haha, alors se faire enfermer ne va pas la sauver. C'était un pur geste débile de rebellion contre Cerf (parce que cerf la saoule grave, faut le dire). Et du coup elle le paie. Etdu coup heureusement que Radje intervient sinon, ça aurait vraiment été la merde pour elle. Mais merce de mettre le doigt sur ses choses pas très claires.
J'aime pas bien l'espèce d'apathie de Lièvre, du coup… J'espère qu'il est pas en train d'avoir des regrets ou de se dégonfler et qu'il va pas abandonner Bebbe à son sort T.T ; peut-être qu'elle pourrait s'en sortir toute seule, vu que Gyfu va peut-être l'aider ; mais quand même, ça serait plus rassurant avec lui. Et puis ils se sont tant rapprochéééés T.T
Bon bah tu connais la suite donc bah voilà...<br />
« Pour frimer devant les minettes et les hybrides de sylphe… » xD
Quel BG ce Berry :D! Il a le parlé qui fait mouche!
Je relève la phrase qui m'a fait rire parce que j'ai vu le comm de Claquette et que j'ai flashé sur la même phrase qui fait pas rire alors je voulais pas faire doublon (non franchement elle est parfaite la phrase en question). C'est donc pour ce passage que t'envisageais de changer de rating ? Honnêtement, y'a rien qui le nécessite, je pense. Ça reste suggéré (ok, bien suggéré :P) et puis ils sont si mignoooons ♥ J'imaginais qu'Isonima aurait vachement plus de réticences que ça. D'ailleurs je me suis demandé : au début il repousse un peu Berry en disant qu'il aime quelqu'un d'autre, Chien, donc ; mais qu'en est-il de sa petite obsession pour la relation qu'il aurait eue avec Lou dans la première occurrence ? Au début de la partie ça avait l'air de vachement lui plaire comme idée et maintenant j'ai l'impression qu'il y pense plus du tout.
Pour le rating à la base j'hésitais à pousser la scène un peu plus loin que ça mais j'ai fuis comme une grosse lâche face à un peu de porn. Du coup j'ai pas changé mon rating ^^. Et comme je le disais à Claquette, ce passage est resté sur le fil pendant très longtemps dans ma tête, je savais pas du tout si ça allait passer pour Loup. Pour moi ça reste quand même clairement une "initiation au sexe" plus qu'une romance pour Isonima. Et le sexe est déjà un truc qui le titille depuis un moment.
Ils sont choux, mais c'est un peu crève-cœur aussi v.v Parce qu'ils sont tous les deux très lucides sur ce qu'ils veulent et ce qu'ils sont capables de donner alors une relation plus sérieuse semble déjà vouée à l'échec (ça a rien de mal en soi, j'espère juste qu'ils regretteront pas et que ça jettera pas de froid, je veux pas qu'ils se quiiiiittent). J'ai adoré la conclusion xD Avec Isonima qui devient tout vert, le pauvre. J'ai hâte d'en savoir plus sur les modifications que ça peut apporter à son fonctionnement, le fait qu'il soit hybride. Haha. Des trucs. Tu verras.
C'était vraiment très dur, ce passage au Mur ; super-intéressant aussi parce que c'est la première fois qu'on voit ça de l'intérieur, mais entre le meurtre de l'ado (tu dis qu'elle est potelée d'ailleurs ; les enfants du Mur sont assez bien nourris pour rester dodus ? Vu tout l'exercice qu'ils font et qu'ils sont drogués, en plus ?) et la progression au-dessus des dortoirs qui donnent une vision accélérée de la vie condamnée d'un soldat… Brrr v.v Je me suis demandé du coup : est-ce que le Destructeur doit tuer nécessairement ? Est-ce que Grenade aurait pas pu s'arrêter après l'avoir assommée, simplement ?
Bah je suis pas sûr qu'ils bossent tant que ça au mur. Le vent les rend un peu flemmards plus que sur-entrainé. Mais ça les rend aussi plus agressif donc le côté mou ne rassure pas trop la populace.
Le destructeur permet d'exprimer un désir sans hésitation morale. Si Grenade était attiré sexuellement par quelqu'un je pense qu'elle le violerait. si elle voulait un objet, elle le volerait. Là elle veut se débarasser de cette meuf sans espour de retour: elle la tue.
Je me demande par contre si tout ce passage pourrait pas être un peu plus court ; enfin pas plus court, parce que concrètement tu donnes aucune info qui n'est pas capitale ; je pense que c'est plutôt le rythme de la narration qui m'a donné cette impression, parce que du coup on suit « seulement » Grenade dans sa progression, avec beaucoup de narration, un peu d'introspection et très très peu de dialogue (quand elle entend les voix ou quand elle communique avec Loup). À partir du moment où elle met le Destructeur, en fait ; on garde le même rythme pendant longtemps dans ce passage et peut-être que ça vaudrait le coup de le casser un peu. Conseil foireux parce que je suis pas fichue de te dire ni où ni comment exactement x'D Désolée ^^'
Je pourrais peut-être couper le passage en deux mais garder les deux bouts dans le même chapitre?
Oh et j'allais oublier Mokh ! Je m'attendais pas non plus à ce que ce soit quelqu'un de tangible, en tout cas j'aime bien la nouvelle dimension que ça donne à la fois à son culte et à l'existence de Lou ; on sent qu'il y a encore des tas de mystères là-dessous, et même si la grosse limace donne pas trop envie de faire sa connaissance, je suis très très curieuse. C'était cool de revoir Nimrod, aussi (y'a un album de Green Day qui s'appelle comme ça je m'y fais toujours pas) ; j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de pistes sur l'annexe dans ce passage mais j'avoue que j'ai pas tout compris au fonctionnement de son pouvoir, je crois. Mais j'ai peut-être manqué d'attention (ou ça veut simplement dire qu'il faudra que j'aille lire l'annexe en question :P). En tout cas le décor était super, à la limite entre le poétique et l'inquiétant. Je sais pas où tu vas trouver toutes ces idées, franchement, je suis baba. Fanouse, encore une fois.
Oh mais cette grosse limace est très sympa. :D Je comprends pas pourquoi les gens se méfient X).
Pour Nimrod, en réalité son nom original est Nimrodelle; et c'est le nom de la rivière qui coule en Lothlorien dans le seigneur des anneaux. Je lui avait donné ce nom en pensant paser inaperçue, mais c'était sans compter les films qui sont sortis environ un an après que je créé le perso. T-T
Et pour son pouvoir, je crois que Cerf le dit clairement dans le chapitre 8: elle arrête les gens dans le temps. Par exemple, si Nimrod m'arrêtait dans le temps tout de suite, je vivrais pour toujours avec pile le même bouton sur le menton. Par contre si on m'écrase, je meurs.
Quel bordel hein?
Un chapitre encore riche en question et en émotions ♥ À tout bientôt pour le prochaiiiiin !
<3 Ca m'avait manqué !
Je le dis tant que j'y pense mais j'ai noté deux répétitions un peu gênantes ("mince" dans une phrase et "disparaître" vers la fin, avec Chien (comme ça tu peux rechercher rapidement si tu veux les enlever :) ))
J'ai envie de dire qu'on s'approche de l'interlude, avec Grenade qui n'a jamais été si proche de Chien, et j'en ai à la fois envie (le premier interlude était juste trop bien !) et pas envie (la fin de la partie, déjà ? ç_ç)
Mais je me dis que si l'interlude arrive pas tout de suite, c'est que Grenade va se faire chopper ou qu'il va lui arriver un truc et je veux pas !
Ce passage au Mur était vraiment très fort, ce défilé des pièces et des états d'esprit vu du plafond m'a énormément plu. Pour ce genre de passages et d'ambiance, je trouve ton écriture au top <3 Tu restes concise, tu utilises des phrases très courtes comme pour l'action, mais tu les utilises pour alourdir l'ambiance et ça marche super bien. Grenade qui veut s'allonger près de ce garçon qu'elle connaissait, c'était vraiment beau. Toute la traversée de Grenade est belle et triste (ces enfants encore capables de s'amuser ToT)
Soit dit en passant, "le vent" c'est un nom très joli pour une drogue
Donc... stay safe Grenade !
Et puis bon... Berry et Loup quoi <3
"Il n'y a rien sauf ses grands bras, ses prunelles mauves inhumaines, le sourire de Berry, ses yeux à la fois tristes et rieurs et surtout - oh surtout - il y a ce corps bizarre qu'il déteste et que d'autres mains désirent." Trop d'amour pour cette phrase !
Pour ce passage aussi, c'est toujours aussi touchant et remuant d'avoir le point de vue de Loup sur les questions d'amour, de désir et de sexualité. Son corps a toujours été une barrière mais je me dis que la réponse obtenue ne doit pas l'aider à surmonter ça pour le moment.
Heureusement Berry est là
Et je pense qu'il n'y avait pas mieux que Berry pour lui faire accepter les nouvelles "bizzareries" de son corps. C'était vraiment un beau passage (mais tu as changé le rating pour lui ? Je le trouve très clair mais parfaitement dans la lignée de ce que tu as écrit jusque là (après, peut-être que t'avais mis un rating un peu trop léger avant ?)
Niveau émotion, on avait aussi notre dose avec Griffon et Nimrod. Son histoire est donc horriblement triste, avec un échec et la perte d'un être aimé ? ç_ç
George, une vie ultra-fun s'offre à toi.....
Et ce Mokh devient maintenant un être physique ! Bon, manifestement Lou l'a déjà rencontré, mais Griffon aussi a croisé sa route maintenant. Quel être mystérieux !
Et Lièvre a laissé Bebbe se faire enfermer comme ça ? J'ai envie de croire qu'il a tout calculé et qu'il s'est dit qu'en se taisant, on le laisserait tout gérer... mais avec toi, je m'attends toujours au pire 8D
Bref, c'était trop bien <3
Ah si, juste une remarque relou qui n'engage que moi. Durant la scène Berry/Loup (je t'ai pas dit, mais Berry qui serre la guitare de Sunna moi ça m'a broyé mon petit coeur...) Loup fait pas mal référence à Berry en disant "l'autre"
Je le faisais aussi et un jour on m'a fait remarquer que ça allait pas entre mes personnages et je trouve que c'est pareil ici. Pour moi, si Loup parle de lui comme "l'autre" ce serait pour établir une distance, montrer une certaine colère ou agacement à la rigueur, une façon de s'éloigner... alors que dans cette scène ils n'ont jamais été si proches. Je pense que tu peux répéter "Berry" à chaque fois sans que ça gêne :)
Voilà, c'était la remarque relou dans un chapitre que j'ai kiffé <3
Je rame un peu dans mes corrections mais merci pour les remarques, je vais faire gaffe et les enlever ^^.
Et wui on arrive doucement mais surement à la fin de la partie même si tout commence à accélérer vraiment à partir du chapitre d'après. quand à Grenouillade et Chien, ah bah tu verras. Je suis pas du genre à faire du mal à mers persos alors les choses finiront forcément bien <3.
Du coup pour le passage au Mur, Danou le trouve un peu long, ça ne t'a pas marqué?
Et merci pour le passage Loup/Berry (c'était ça le passage dans la bibliothèque meuf, mais j'étais vraiment super en avance sur les chapitre que Dana avait lu ^^. Pour le rating, j'ai beaucoup hésité à écrire cette scène jusqu'au bout, mais je suis peut-être devenue timide avec le temps. Je prône une sexualité libre dans les romans mais je fuis quand c'est mon tour XD.
Et sinon cette scène n'était pas du tout aquise au début, je ne sais pas si tu te souviens mais on en avait parlé dans un café. J'avais un problème parce que j'avais envie qu'il se passe un truc entre deux persos mais j'avais peur que l'un des deux soit refractaire. Du coup j'ai réussi à me dépatouiller <3.
Quand à Nimrod, bah il faudra lire 63/84 jours pour avoir le fin mot de l'histoire ^^. Mais oui, Nimrod a vêcu des trucs pas cool. A la base, c'était ma grosse goth XD. Mais j'ai beaucoup de piliers qui ont une tendance à la dépression et au rouge à lèvre noir, il faut que je me surveille XD.
Ah oui, Mock je l'avais posté sur mon jdb je crois. En tut cas j'ai une image sur ma gallerie où il est avec Andiri ^^. TRop BG avec son chapeau melon :D.
Pour la scène avec Berry, je vais réfléchir. Effectivement, l'autre sert à instaurer la distance. Et dans un moment où on se donne, et bien justement, la distance semble encore plus présente. Mais j'y réfléchirais etsurtout je tendrais l'oreille si ce commentaire revient.
Merci beaucoup pour ce long commentaire et à bientôt!!
Amour sur toi!