Je passe les quinze jours suivants à tout faire pour la mettre dans mon lit, ou dans n’importe quel autre endroit où on pourrait pratiquer. Si elle semblait intimidée par mon comportement au départ, maintenant elle se contente d’en rire.
Un jour, alors que je la raccompagne à pied chez elle, après avoir essuyé un énième rejet de sa part, je lui sors le grand jeu.
Je lui attrape la main, met un genou à terre et déclame :
- Emilie Aubry, me feriez-vous l’honneur de coucher avec moi ?
Quelques passants nous regardent, interloqués.
Emilie, une fois le choc digéré, se met à genoux également. Elle se penche doucement vers mes lèvres et mon cœur se met à pulser comme un dératé. Ne voulant pas l’effrayer, je réfreine mon impatience de me jeter sur ses lèvres et la laisse initier le contact. Mais finalement, au dernier moment, elle tourne la tête pour chuchoter à mon oreille « Non. » Et elle éclate d’un rire angélique devant ma mine défaite.
- Allez, viens, Silly, dit-elle en m’aidant à me relever.
Je rumine mon dernier rejet, fort mécontent.
- Est-ce que je suis la première femme sur cette terre qui te dit non ? me demande-t-elle soudain.
- Non. Il y avait cette Marie dont j’étais fou amoureux en primaire. Dans ma tête d’enfant, c’était ma future femme. Un jour, il y a eu une petite boom organisée avec l’école. J’ai pris mon courage à deux mains pour l’inviter à danser. Mais elle m’a dit qu’elle se réservait pour Mathieu parce que c’était son amoureux. Ça m’a brisé le cœur » dis-je en essuyant une larme imaginaire.
- Donc non, tu n’es pas la première, seulement la deuxième.
- Et entre temps, tu as lâché tes idées romantiques, comment ça se fait ?
- J’ai …grandi, je suppose. C’est toujours non ?
Elle rit. Et ma foi, si je devais me contenter de son rire toute ma vie, je me considérerais comme un homme chanceux. La faire rire, même à mes dépends, c’est un émerveillement à chaque fois.
- Toujours non. Pourquoi tu tiens tant à coucher avec moi ? Je ne comprends pas.
- Et toi, pourquoi tu tiens tant à ne pas coucher avec moi ? Je ne comprends pas. Qu’est ce qui te retient ? On est deux adultes attirés l’un par l’autre. On est bien tous les deux, non ? Alors pourquoi tu ne te laisses pas aller dans les couloirs du plaisir avec moi ?
- Parce que je veux pas être qu’un bout de viande pour toi.
- Je ne vois pas les femmes comme un bout de viande ... Une femme qui me plaît, si je lui plais aussi, je me dis “partageons un super moment ensemble, un moment de complicité, de séduction, de plaisir, d’abandon”. J’ai du respect pour elles, Emilie, je les vois comme mes égales. Je ne sais pas ce que tu as vécu pour avoir une image si dégradante du sexe et des hommes mais je ne suis pas un Brian. Je ne vois pas les femmes comme des putes ou des prudes. Et je ne suis pas un cas isolé, heureusement.
Elle garde le silence.
On arrive devant chez elle.
- Ecoute, je ne connais pas ton passé, je ne sais pas ce qui fait qu’à 19 ans tu es vierge de toute expérience sexuelle et que tu vois ça de façon si vulgaire. Ce ne sont pas mes affaires. » En vérité j’ai envie de savoir mais je ne me sens pas légitime de le lui demander. Je m’approche d’elle et prends une mèche de ses cheveux dans ma main.
- Tu es une femme désirable. Mais ça ne veut pas dire que je te réduis à cet aspect seulement. Tu comprends ?
- Est-ce que tu me trouves attirant ? J’ajoute.
- Oui…, dit-elle en rougissant un peu.
- Est-ce que, pour autant, tu ne me vois que comme un morceau de viande ?
Elle laisse échapper un petit rire gêné :
- Non …, elle semble comprendre où je veux en venir.
- Alors …
Je la plaque contre la porte de son immeuble, pose mes mains sur ses hanches.
- …laisse-moi entrer.
J’attrape le coin de son oreille avec mes dents, mordille légèrement. Je trouve le lobe avec ma langue et le suce avec délice.
- Martin …
Je sens son cœur accéléré contre mon torse.
- Dis-moi stop et j’arrêterai.
Mes mains glissent sur le haut de ses fesses quand j’attaque son cou avec mes baisers. Est-ce que j’arriverai vraiment à m’arrêter ? Je la désire tellement. Sa peau est si bonne, son odeur me transporte, son corps est un festin qui n’attend que mes mains et ma bouche...
Emilie me repousse, rouge d’embarras.
- Martin …je ne peux pas. Je ne peux pas juste coucher avec toi. Si je fais ça, j’aurais envie de recommencer. Souvent. Et je ne pourrais pas …Je ne supporterais pas que tu fasses ça avec d’autres femmes que moi. Je suis désolée.
Elle ouvre précipitamment la porte et me laisse bouillant d’envie comme un con devant chez elle. Pour le coup, je me sens stupide. Vraiment très stupide. Je n’ai pensé qu’à moi, qu’à ma bite. Malgré mes beaux discours, je ne vaux pas mieux qu’un Brian, on dirait.
Je m'assois sur la marche, adossé à la porte d’entrée. Je me sens perdu.
Je l’appelle sur son téléphone. Elle décroche mais ne dit rien.
- Emilie …je…je suis désolé. Sincèrement. J’ai agi comme un connard …Je n’aurais pas dû insister comme ça. Je …Emilie …je suis vraiment désolé, je ne comprends pas mon comportement. C’est tellement inhabituel pour moi ce genre de situation. C’est pas une excuse, mais …tu …tu me perturbes, tu me fais perdre tout bon sens. Et … (je décide d’être franc), je pensais que si je couchais avec toi, tout redeviendrait normal. C’était complètement stupide, je ne suis pas fier de moi. S’il te plaît, pardonne-moi. Emilie, t’es là ?
Elle raccroche. Et merde. J’expire profondément et ferme les yeux, quand tout à coup la porte s’ouvre et je me retrouve dos au sol. Au-dessus de moi, Emilie réprime un rire.
- Désolée.
Elle m’aide à me redresser, ferme la porte derrière elle et s’assoit à côté de moi. Pour une fois, je n’en mène pas large.
- Tu m’en veux ? je lui demande.
- Je ne sais pas, je suis un peu perdue.
- Ouai …ouai moi aussi. Je suis désolé.
- Je dois être chanceuse d’avoir le droit à des excuses de Martin Gaillard, non ?
- Chanceuse je sais pas, mais c’est vrai que ça ne m’est pas arrivé souvent de devoir en présenter. Je suis un peu honteux. Je me suis toujours bien comportée avec les femmes. Toujours. Mon père aime ma mère profondément et il m’a tout appris du féminisme. Et ma mère, je l’ai toujours vu comme l’égal de mon père. Ils m’ont aussi enseigné à ne pas réduire une femme ou un homme à certaines caractéristiques physiques ou mentales liées à son genre, à voir au-delà des stéréotypes. Donc …me comporter comme je l’ai fait il y a un instant avec toi …j’ai vraiment honte de moi.
Elle glisse sa main dans la mienne.
- T’es plus complexe qu’il n’y paraît, dit-elle.
- Complexe ?
- C’est pas une mauvaise chose. Je pense que tu te réduis.
Je ne comprends pas ce qu’elle veut dire. Elle lâche ma main et pose la sienne sur ma joue. Sa main en fait tout juste la taille. Elle semble chercher quelque chose au fond de mes yeux. Je n’arrive pas à interpréter son regard.
- Je vois une grande beauté en toi…on dirait que tu la refoules, pour je ne sais quelle obscure raison.
Elle rapproche son visage et dépose ses lèvres sur mon autre joue. Puis elle se lève et me laisse là, pantois. Je reste encore assis quelques minutes. Quand la fraîcheur commence à s’immiscer sous mes vêtements, je décide de rentrer chez moi.