Chapitre 12

Notes de l’auteur : « Oh don’t you dare look back, Just keep your eyes on me, I said ‘You’re holding back’, She said ‘shut up and dance with me’ » Walk The Moon
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Vendredi soir, 20h, on sonne à ma porte.

- Emilie ? 

- Salut. Je passais par là alors je me suis arrêtée pour te faire un coucou. 

- T’étais à pied ? je lui demande en colère. 

L’imaginer se trimballer à cette heure-là dans Beauregard m’angoisse. Elle ne semble pas comprendre mon ton.

- Euh non, je suis en voiture, je me suis garée juste là, elle m’explique en pointant du doigt sa petite Ford à quelques mètres derrière elle. Je suis allée voir si ma sœur allait bien et je rentrais chez moi. 

- Bonjour vous ! salue Simon tout sourire en pointant sa tête à côté de la mienne dans l’embrasure de la porte. Anthony nous rejoint et se pose nonchalamment contre l’encadrement avec un léger sourire en coin.

- Euh salut, dit timidement Emilie avec un petit geste de la main à leur encontre.

- Tu nous présentes pas poto ? s’exclame Simon en me serrant d’un air amoureux dans ses bras.

Je lève les yeux au ciel en souriant.

- Anthony et Simon ? ose-t-elle avec un point d’interrogation dans le regard.

- Oh !!! Tu lui as parlé de nous, c’est trop mignoooon! Tu nous aimes tellemeeeent ! » dit-il en décoiffant ma tignasse.

- Le foldingue, c’est Simon, et l’autre Anthony, je précise.

Anthony l’a reluque discrètement avec un petit sourire amusé. 

- Tu es Emilie hein ? demande-t-il simplement.

Génial, elle va croire que je leur parle d’elle, maintenant.

- Oui…, répond-elle, surprise en me jetant un coup d’œil.

- Ils savent juste qu’on échange souvent des SMS, je la rassure. 

Simon me pousse et la tire par le bras :

- Pas seulement des SMS si on en croit ce soir ! Viens boire un coup avec nous, Emilie !

Elle n’a pas le temps de protester, ni moi, qu’il l’a déjà assise de force sur un siège.

Anthony rit doucement et va s’installer.

Je souffle, pas sûr d’apprécier, et les rejoint autour de la table basse.

- Bière ? propose Simon.

- C’est quoi ? demande Emilie, intéressée.

- Blanche, avec un peu d’agrumes. 

- Parfait ! s’exclame-t-elle joyeusement.

Genre elle s’y connaît en bière ?

- Alors…, reprend mon ami. Comment tu as fait pour percer la carapace de notre chevalier des cœurs ?  

Il bat des cils.

- Oh, bah c’est facile. J’ai refusé de coucher avec lui. 

Simon recrache sa gorgée, et hilare, se tient les côtes. Anthony n’est pas en reste et dissimule difficilement qu’il pleure de rire.

- Tu sais, tu n’es pas obligée de répondre avec autant d’honnêteté, je lui dis.

- Oui, mais ce ne serait pas drôle, rétorque-t-elle amusée, dans un sourire irrésistible. 

Et elle avale une gorgée de bière avec satisfaction.


 

Je cherche ce qu’on pourrait boire de plus fort dans ma cuisine quand Emilie me rejoint.

- Ça va ? Tu me dis s’ils te saoulent. 

- Non ils sont supers. Je comprends que ce soit tes meilleurs amis. Belle brochette ! 

Je trouve une bouteille de rhum et une autre de gin. Je lui montre les deux.

- Rhum, elle choisit. Simon …il est gay, non ? »

Je ricane doucement.

- Ah bah bravo les préjugés! Mais t’inquiète pas, t’es pas la première à te tromper et tu seras pas la dernière. Méfie-toi, sous ces grands airs, ce mec, c’est un piège à filles. 

Elle baisse la tête et sourit légèrement en méditant mes paroles.

- Hum. Oui …je comprends. 

- Et Anthony, tu as un avis sur lui ? je demande curieux et amusé.

- Je l’avais déjà aperçu à la fac. Il paraît réservé mais il est très, très beau … 

Mon visage se tord dans une grimace. Elle s’en aperçoit.

- Tu es …jaloux ? demande-t-elle incertaine.

- Oui, j’avoue.

Elle plonge son doux regard dans le mien.

- Je pourrais coucher avec lui. Mais ça ne me ferait jamais autant d’effet que si c’était toi. 

Je crois que je rougis. Ce n'est pas une sensation qui m’est familière.

Je lui tends la bouteille de rhum, murmure « bad girl » à son oreille avant d’attraper quatre verres à shooter. On retourne dans le salon.

- Emilie, tu joue au poker ? demande Simon.

- Oui.

- Et si on faisait un strip poker ? 

Emilie s’étrangle avec sa gorgée d’alcool. Je tapote son dos et ris.

- Il te taquine M’, je la rassure. Ou il ME taquine, je sais pas trop.

 Je le regarde à moitié sérieux et mime un couteau que je fais glisser de la gauche à la droite de ma gorge. Il lève les mains au ciel en signe de repentance.

Emilie reprend un peu contenance et lui demande :

- Martin m’a dit que tu étais en IUT d’informatique. Mon coloc est là-bas, tu le connais peut-être : Hugo Chasal. 

- Oui je le connais bien! On a fait pas mal de soirées ensemble, il est cool comme gars. Il sait bien s’amuser ! 

- Il me fait un peu penser à toi, Martin, ajoute-t-il.

Je ne sais pas pourquoi mais je n’aime pas cette information. Et maintenant que je connais mieux Emilie, j’ai du mal à comprendre comment elle peut habiter avec un garçon.

- Faudra qu’on fasse des soirées ensemble ! ajoute mon ami.

Elle hoche la tête mais je sais bien qu’elle n’est pas très soirée en gros comité.

- Cette fois, essayez de ramener des filles, intervient Anthony.

- T’en as pas assez dans ta promo ?  le nargue Simon.

- Je ne serai pas contre un peu de nouveauté. 

Il jette un coup d’œil discret à Emilie. Malgré ce qu’elle m’a dit tout à l’heure, je ne peux pas m’empêcher de craindre mon meilleur ami. Elle ne veut pas coucher avec moi parce qu’elle souhaiterait qu’on ait une relation officielle. Mais peut-être qu’avec quelqu’un comme Anthony, elle se laisserait aller à des relations charnelles parce qu’elle n’attendrait rien d’autre … Elle serait même capable de lui faire vouloir plus.

Je la vois froncer les sourcils et regarder mon ordinateur sur lequel des playlists sont jouées aléatoirement.

- Je peux ? elle me demande.

- Éblouis-nous, Beauté.  

Je la vois rougir de m’entendre l’appeler ainsi devant mes potes et ça me fait rire. Elle pianote un peu sur mon PC, concentrée.

Puis du David Guetta se fait entendre. Très vite, sa petite tête commence à s’agiter en rythme. Elle monte un peu le son. J’ai l’impression qu’elle modifie la chanson.

Curieux, Anthony sort de sa réserve et vient se placer derrière son épaule. Il paraît impressionné.

- J’ai téléchargé un logiciel de mixage audio sur lequel j’ai un compte, elle lui explique.

Je souris. Elle ne finit jamais de me surprendre, c’est presque prévisible.

Simon se lève et se met à danser. Malgré un petit embonpoint, c’est un dieu de la danse. Il faisait des compétitions de danse de salon au lycée. Il a toujours fait fureur dans les soirées.

Emilie lui jette des coups d’œil, en souriant. Je la vois de plus en plus lâcher prise face au pouvoir que la musique exerce sur elle. Est-ce qu’elle ira jusqu’à chanter ? J’avoue que j’espère l’entendre. Je remplis son verre et lui amène.

Elle lève son regard impénétrable vers moi et verse l’alcool au fond de sa gorge. C’est vraiment difficile de ne pas vouloir l’embrasser, surtout dans cette ambiance festive. Elle me rend le verre vide sans me lâcher du regard. Message compris.

Je serre tout le monde et on trinque. Emilie retourne derrière le PC, complètement détendue. Même Anthony, pourtant aussi timide qu’Emilie, commence à se mouvoir aux côtés de Simon. Moi j’ai dû mal à détacher mes yeux d’elle. Parfois, je l’aperçois fermer les yeux, transportée par le son et ses lèvres chantent doucement mais suffisamment bas pour qu’on ne l’entende pas. Quand « Shut up and dance » de Walk the Moon passe, j’en profite. Je connais les paroles et commence à chanter en m’approchant d’elle. J’ai une voix tout à fait quelconque mais je sais chanter juste. Je me mets derrière elle, pose mes mains sur ses hanches et continue, l’entraînant à danser avec moi.

Son visage s’illumine d’un sourire à croquer. Quand les paroles disent « This woman is my destiny, She said, "Ooh-hoo" » elle commence à fredonner un peu nerveusement mais amusée. Ravi, je l’encourage, et maintenant elle danse et chante plus franchement avec moi sans me quitter des yeux. Je la fais tournoyer, on se prend les mains, se rapproche l’un de l’autre, puis s’éloigne, on s’amuse comme des enfants, complètement déconnectés du reste. Puis Simon me saute sur le dos et je flanche un peu sous poids. « Shut up and dance with me » il beugle dans mes oreilles. Emilie rit. Elle va chercher les mains d’Anthony pour l’inviter à danser. Je jette un regard inquiet à celui-ci mais il me rassure d’un léger hochement de tête.

Au changement de chanson, Simon réquisitionne Emilie pour une danse. Je vois qu’elle est un peu intimidée par mon ami qui maîtrise très bien cet exercice. Mais celui-ci sait à merveille se mouvoir de façon à mettre toujours en valeur sa partenaire. Elle paraît surprise que leurs mouvements soient si fluides et elle finit par se laisser aller. Elle est tellement belle. Simon la guide avec pour seul effet de la sublimer. Petite et mince comme elle est, il en fait ce qu’il veut et la balade à sa guise. Ils sont harmonieux, Anthony et moi en sommes subjugués. Quand ils ont terminé, elle semble sans voix et aux anges, et elle lui embrasse la joue pour le remercier. Il fait mine de défaillir puis lui tire une révérence. Ce clown, il ne s’arrête jamais. D’autres musiques plus entraînantes viennent rythmer nos pas. Je n’aurais jamais cru qu’une simple soirée avec mes potes finisse comme ça.

Au bout d’un moment, à bout de souffle, elle s'assoit sur le sofa.

« One more time » de Daft Punk passe.

Je m’assieds à ses côtés.

Elle essaie encore de reprendre sa respiration, la tête posée contre le canapé. Elle tourne la tête et me regarde.

- Tu te débrouilles bien en chant, me dit-elle, étonnée.

- J’ai appris au lycée, j’explique.

- Chante encore s’il te plaît, je l’implore presque.

Quand le rythme ralentit, elle obtempère pour moi :

« One more time

You know I'm just feeling

Celebration

Tonight

Celebrate

Don't wait too late

Mhmmm... no

We don't stop, you can't stop

We're gonna celebrate … »

Je dévore sa bouche du regard, hypnotisé par les sons mélodieux qui en sortent.

Mais quand le rythme remonte, elle s’arrête avec un sourire désolé.

Je lui pince gentiment la joue et la remercie.

Elle regarde l’heure.

- Je vais y aller.

- T’as bu, je lui rappelle.

- Je vais rentrer à pied. Alcoolisé, les distances paraissent plus courtes. 

- Tu ne rentres pas seule. 

A ce moment-là, la tête de Simon surgit de derrière le canapé.

- On te raccompagne tous ! S’exclame-t-il.

- Je ne veux pas vous déranger …

- On n’est peut-être pas des gentlemen, mais on ne va pas te laisser rentrer seule de nuit, intervient Anthony.

- All right, let’s go ! je dis en sautant sur mes pieds et en lui tendant la main.

- Ah et donne-moi tes clés de voiture, je te la ramènerai demain matin près de chez toi et je mettrai les clés dans ta boîte aux lettres. 

-Merci, vous êtes des amours, dit-elle dans un sourire tendre.


 

*Martin

- Frère, tu fous quoi ? Cette meuf elle est extra, si tu l’épouses pas je le fais ! s’écrie Simon une fois qu’on a déposé Emilie chez elle.

- Et c’est moi qui étais trop sous l’emprise de l’alcool ou elle chante comme une GODDESS ?! il ajoute.

Je souris.

- J’avoue que cette nana …elle ne laisse pas insensible, rêvasse Anthony un sourire coquin aux lèvres.

Je m’arrête deux secondes devant lui :

- Antho : YOU. DON’T. TOUCH. HER. 

Et je reprends la marche. Il rit de mon attitude.

- So … touch her ! réplique-t-il avec un mauvais accent anglais.

- Elle ne veut pas sans relation sérieuse. 

Simon me donne une tape derrière la tête.

- Hey ! je m’indigne

- You’re a stupid idiot, s’excuse-t-il.

Je souffle dans l’air froid.

- I know that guys.

- Je te laisse …aller …trois mois, réfléchit-il.

- De quoi tu parles ?

- Je te laisse trois mois pour sortir officiellement avec elle. Passé ce délai, plus de ‘potos’ qui ne tiennent, je tenterai ma chance, m’explique-t-il joyeusement.

- Oh hell no ! je grogne.

- Tu sais, si c’est pas moi, ce sera quelqu’un d’autre, rit-il pourtant, en passant un bras autour de mes épaules affaissées.

 

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