Chapitre 11 - Dynamique de Groupe

La chambre d'Alex est beaucoup plus petite que celle de Mathieu, et elle se trouve juste en face de la chambre de ses parents. Sam n'a pas eu l'occasion de la visiter, puisque les garçons se sont bien tenus à ne pas aller autre part qu'au dernier étage et au garage, le temps de leur séjour. Avec quelques courts passages dans la cuisine au rez-de-chaussée.

Cependant, le jeune homme n'a pas vraiment le temps de se laisser aller à fouiller la chambre de lycéen de son petit copain, à découvrir ses souvenirs honteux et ses vieux posters de footballeurs ou de groupes de rock.

— On a calculé deux heures.

Les lèvres d'Alex sont sur lui, ses mains dans ses cheveux, et Samuel se sent reculer jusqu'à ce que ses fesses touchent la tête du lit en métal.

— En deux heures, continue Alex, on peut le faire deux fois.

Samuel préfèrerait qu'ils prennent leur temps, mais il y a une lueur dans les yeux d'Alex qu'il commence à bien connaître et qui lui a vraiment manqué. Celle qui dit que son copain va prendre les rennes et que lui, il va pouvoir lâcher prise.

— Tourne-toi, tiens-toi aux barreaux et ne bouge plus.

Samuel sent tout son sang s'accumuler dans son érection.

Oh oui.

 

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— Alors, les garçons, prêts à partir ?

Pour leur dernière soirée, le père d’Alex a sorti le barbecue. Sa mère leur sert de généreuses portions de salades. Samuel a développé un fort goût pour l'oignon dans ce genre de préparation, alors que Pixie tente vainement de faire le tri sans paraître impolie.

En tout cas, ils ont tous super faim. Jusqu'à demander une troisième chipo ou une nouvelle ration de pain et de fromage. Pixie quant à iel fait un sort aux légumes grillés qu'iel partage avec la mère de famille et Mathieu, qui lui a un faible pour le poivron.

Sous la table, Alex lui fait du pied. Chaque contact avec sa cheville envoie des petites décharges de plaisir à Samuel, et des images encore extrêmement vivaces de leur après-midi.

Le froid de la tête de lit sous ses mains, la rugosité de son pantalon glissant sur ses cuisses et lui bloquant les jambes, les mains d'Alex sur sa taille qui l'ont empoigné si fort. Et puis la seconde partie promise, toute douce, alors qu'Alex se balançait lentement au-dessus de Sam, l'acceptant en entier à l'intérieur de lui.

Samuel laisse échapper un long soupir.

— Fatigué ? Comment vous allez vous réveiller à quatre heures demain ?

La question du père lui fait piquer un fard et Samuel replonge dans son assiette.

Quand son regard fait le tour de la table, les parents n'ont l'air de se douter de rien. Mathieu par contre les regarde tour à tour, tous les quatre, avec un gros air de doute dans les yeux.

— Au fait, Samuel, commence Mathieu.

Sam sent tout son sang le quitter, et de façon bien moins agréable que quelques heures plus tôt.

— Je suis allé voir ton compte Patreon.

— Ah.

Ok, rien à voir.

— Oui, Mylène me l'a installé il y a quelques semaines, mais c'est elle qui s'occupe des publications. Je sais pas trop comment ça fonctionne. Et on a pas eu le temps de se pencher dessus avant que je parte.

— Ah ben, tu devrais y aller en fait. Même sans palier extra, t'as déjà quasiment 100 euros par mois, c'est cool.

— Vraiment ?

— C'est malin, il va pas arriver à dormir maintenant, fait Alex. On part tôt demain.

— C'est quoi ce site ? demande Corentin.

Là Mathieu se lance dans des explications auxquelles Samuel ne fait pas très attention. Par contre cela demande peut-être de revoir Mylène un de ces quatre.

— Dis, fait-il par-dessus la table à Alex.

— Oui ?

— Tu peux voir avec Yasmina si Mylène peut nous rejoindre aussi demain ? Si c'est possible ?

— Tu veux pas lui demander ?

— J'ai laissé mon portable dans la chambre.

 

#

 

— Vous avez bien mis le réveil à quatre heures ?

Samuel est déjà à moitié endormi dans le lit. Ça sent un peu le fauve mais il préfère ne pas savoir pourquoi. C'était relativement bien rangé et aéré quand il est remonté tout à l'heure.

— Mon canard...

— Hm...

— On peut laisser Corentin chou dormir avec nous ?

— Rha, purée...

Le jeune homme se laisse rouler, les yeux fermés, jusqu'au milieu du matelas, pile dans les bras de Pixie. Il sent aussitôt sa place prise par Corentin.

— Faites pas de trucs, hein, arrive-t-il à marmonner dans son demi-sommeil.

— T'inquiète pas, fait Pixie. Et puis, on ne fera rien si Alex n'est pas là non plus, ce ne serait pas juste.

Samuel se redresse aussitôt, bien réveillé maintenant. Puis il voit que Pixie le regarde en étouffant un fou rire. De son côté Corentin lève juste les yeux au ciel, tout en baillant, ce qui lui fait faire une grimace extrêmement bizarre.

— Je rigole, finit par s'excuser son amie.

— Si je sens quoique ce soit de louche ici, vous dormez tous les deux par terre, c'est compris ?

Il attend patiemment que Pixie et Corentin acquiescent, avant de se réinstaller confortablement entre eux deux. Cette fois Pixie évite de le prendre dans ses bras, et le jeune homme se retrouve à observer le plafond entre ses deux amis, se rendant compte que le sommeil l'a quitté.

Et merde.

Heureusement qu'il ne conduit pas. Il pourra finir sa nuit sur la banquette arrière qu'ils ont monté dans l'après-midi avant d'aller faire des galipettes. 

Bref.

Pixie finit par passer un bras sur son torse et trouver, par un quelconque miracle, la main de Corentin de l'autre côté. Alors qu'iel dort à poings fermés. D'ailleurs Corentin aussi, même qu'il bave un peu sur son oreiller. Samuel en est réduit à ne pas bouger, ni respirer trop fort pour ne pas les déranger.

Bon.

Il sent que la nuit va être longue.

Et qu'il va réfléchir.

Il pourrait penser à des trucs constructifs comme mettre en avant son compte Patreon, réfléchir à ses prochains dessins, ou au projet de mettre tout leur voyage en illustration pour pouvoir en faire quelque chose à la fin. Il pourrait au contraire commencer à stresser pour leur voyage à Reims et le retour dans la ville où il a grandi. Un sujet parfait pour une nuit d'insomnie.

Mais non.

« On ne fera rien si Alex n'est pas là non plus... »

Comment ça ? Corentin et Pixie auraient un fantasme de voyeurs ? Non le contraire. Dans les pornos ils parlent de public sex. Et ça leur plairait ? Samuel trouve que ça serait plutôt hyper gênant. Voir son ami d'enfance et sa meilleure amie coucher ensemble comme ça. Et prendre plaisir à être regardés...

Non, non, non, non, ne vas pas dans cette direction Sam ! Ok il a été essentiellement éduqué par le porno gay, mais il sait que ça ne fonctionne pas comme ça dans la vraie vie. Enfin pas vraiment. Et en fait... Non en fait il n'en sait rien.

Et si ça se trouve Pixie ne parlait pas de ce genre de truc. Sinon, Samuel suffirait non ? Ou alors iel a des vues sur Alex ? Ce serait compréhensible, Alex est tellement mignon et il fait tellement, mais tellement bien l'amour.

Samuel n'en mène pas large. Insomnie et une érection alors que les deux autres se sont mis à ronfler. Et il ne peut pas se lever. Allez, on respire à fond.

...

...

Et si Pixie parlait de baiser tous en même temps ?

Samuel se prend la tête dans les mains.

Voilà vraiment une pensée qu'il n'avait pas du tout envie d'avoir.

 

#

 

— Ben dis donc, t'as l'air encore plus épuisé que nous.

Samuel grommelle dans son pull et s'installe sur la banquette arrière du fourgon avec un coussin. Il n'a même pas voulu de café. Cinq heures, cinq longues heures à regarder le plafond, dont au moins une à tenter d'oublier qu'il avait une putain d'érection qui ne voulait pas partir.

Allez, il a peut-être réussi à dormir quelque part entre trois et quatre heures du matin.

Les autres s'affairent autour de la voiture.

Le repas de midi est coincé sur la banquette. Le reste du coffre est pris par leurs affaires, la tente, quatre sacs de couchage, et le petit bricolage qui sert de coin cuisine avec la bouteille de gaz et une réserve d'eau. Sans compter le coffre à outil et la trousse de secours.

Alex finit par mettre son ordinateur entre le bac isotherme et son petit ami.

C'est quand Corentin s'installe au volant que Samuel se rend compte qu'il ne les a absolument pas aidés. Et qu'ils ne lui ont rien demandé. Sa nuit blanche doit se lire trop facilement sur son visage. Ce n'est que quand ils s'arrêtent à un feu rouge, que Samuel se redresse d'un coup :

— Mes affaires de dessin !

Devant Alexandre scrolle sur son téléphone et Pixie mâchouille un bout de croissant.

— T'inquiète, répond son petit copain. Tes affaires sont à tes pieds et tes carnets sur mon ordi. Rendors-toi.

Il a à peine le temps d'entendre Alex demander à ses comparses ce qu'ils lui ont fait pendant la nuit, que Samuel arrive enfin à s'endormir.

 

#

 

— On est où ?

— Saarbrücken, capitale du plus petit état fédéral allemand.

— Mais qu'est-ce qu'on fout en Allemagne ? C'est pas la bonne direction ?

Samuel regarde autour de lui. Ils sont garés sur un parking au bord de l'eau, dans une ville très jolie, mais allemande. Il se demande s'il est bien réveillé. Il n'a pas ouvert l'œil depuis leur départ de Strasbourg.

Corentin lui tend une tasse de café et un croissant.

— Si tu avais suivi, on a choisi ce trajet parce qu'il est plus court, moins cher, et que ça nous évite de repasser par Nancy. Pixie voulait voir du pays.

— Mais...

— Au Nord de l'Alsace, c'est encore l'Allemagne, explique Alex. Faudra réviser ta géographie.

— Oh ça va, hein...

Le soleil se lève à peine et il y a peu de monde, si ce n'est des promeneurs à chien et quelques sportifs.

— On reste combien de temps ?

C'est vraiment joli ici.

— On a pris un peu d'avance, il y avait pas de circulation, fait Corentin. Là il est 7 heures et demie. On peut repartir vers 9h. Je ferai bien un somme avant de reprendre le volant.

— Tu veux pas que je conduise ?

— Bah, tant qu'on est hors de France, je préfère pas. On va faire profil bas, la carte grise est pas à mon nom. Même si Yann a tout mis en règle pour l'assurance.

— On traverse juste l'Allemagne ?

Alexandre apporte la carte à Samuel pour l'aider à visualiser. Il est vraiment super nul en géographie. Son doigt suit quasiment la frontière jusqu'à Charleville.

— Allemagne, Luxembourg, Belgique. Ça a l'air long mais en fait on sera à Reims pour quatorze heures, largement.

— Ça fait tard pour Yasmina, non ?

— Elle sera à l'heure parisienne. C'est tout à fait le bon horaire pour manger.

Samuel finit son croissant. Corentin a pris possession de la banquette pour s'allonger un peu. Pixie vient vers eux avec les affaires de Sam et un sourire.

— Tu voulais dessiner, c'est ça ?

— Autant en profiter... Mais je vais rester au stylo.

— C'est comme ça que tu as fait mon premier portrait, fait Alex.

Ils sont assis tous les trois sur un banc, pas très loin de la voiture. Pixie a un bouquin dans les mains, mais iel ne lit pas. Son regard est un peu perdu.

— Ça va, Pix ?

— Ça va, mon canard. Ça fait bizarre d'être au calme comme ça. 

— Ça peut être compliqué à gérer, de s'arrêter, intervient Alex. Mais ça va aller, on est là.

Le stylo de Samuel court sur la page blanche. La rivière, les arbres, les bâtiments autour. Puis il se lève et va s'assoir par terre, en face de ses deux amis. Et il fait leur portrait. En vrai, c'est la première fois qu'il fait celui de Pixie. Et ça fait longtemps qu'il n'a pas croqué Alex. Cela lui prend peu de temps en fait. Le temps que le soleil se lève tout à fait, que Pixie arrive enfin à se plonger dans son roman et qu'Alex se laisse aller à fermer les yeux.

Sam va ensuite dans la voiture, sur le siège avant, et c'est au tour de Corentin. La couverture a glissé, il a une jambe sur le cagibi et une coincée entre la banquette et les sièges avant. Cela doit être très inconfortable. Son pull remonte un peu sur son ventre, dévoilant sa hanche. Ses grandes mains fines se laissent aller, un bras sur les yeux, l'autre derrière la tête.

Un trait, deux, trois.

Qui aurait cru que cela fonctionnerait aussi bien ?

 

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