Chapitre 11 : ... il perdit la victoire

Par Rouky

Laurent Lecomte, ou plutôt le Vicaire, s’effondra sur le lit. Ayant trouvé une auberge peu regardant sur ses hôtes, il était parvenu, moyennant un bon prix, à se payer une chambre ainsi que le silence de son hébergeur. Mais il ne devait pas s‘attarder ici. Il était exposé, mal en point, trop près du manoir.

Il alluma le feu dans la cheminée, puis enleva précautionneusement sa chemise, ce qui lui arracha une grimace de douleur.

En fuyant du manoir, profitant de la panique générale qu’avait offert Léon, le Vicaire était tombé nez à nez avec une femme à l’allure étrange. Voulant passer son chemin, elle avait sorti un revolver et lui avait tiré dessus, sans autre forme de sommation. Surpris et souffrant, il avait laissé tomber sa précieuse montre à gousset, avant de s’enfuir à l’intérieur de son véhicule.

Le temps que cette barbare ramasse la montre, et que ce fichu inspecteur en pourpre la rejoigne, le Vicaire était parvenu à s’enfuir assez loin pour ne pas qu’on le rattrape. Mais le temps jouait contre lui, désormais. Pour la première fois depuis très longtemps, quelqu’un avait vu son vrai visage.

Il partit dans le cabinet de toilettes. Le reflet que lui offrit le miroir le fit grimacer une nouvelle fois. Ses cheveux blonds cendrés étaient plaqués sur ses tempes couvertes de sueur. Ses yeux étaient injectés de sang. Il avait le regard fou, ne se reconnaissait même pas. Du sang s’écoulait de son bras meurtri. Par chance, la balle semblait être ressortie.

Il se figea soudain en entendant quelqu’un toquer. Le plus discrètement possible, il prie sa chemise, l’enroula autour de son poing, et fracassa le miroir. Il prit un morceau brisé, et repartit vers la porte de la chambre, armé.

On essaya d’ouvrir la poignée, mais le Vicaire se jeta contre la porte, empêchant quiconque d’entrer.

Un rire cristallin retentit de l’autre côté, et une voix féminine s’éleva :

- Sono tua amica, stronzo !

- Vaffanculo ! Répliqua le Vicaire de sa voix traînante.

Puis il ouvrit la porte, laissant entrer une femme aux cheveux noirs relevés en un chignon. Sa robe rouge détonnait avec l’obscurité de la pièce.

Elle sourit en voyant le jeune homme refermer précipitamment la porte.

- Ne t’en fais pas pour les vieux qui gèrent cet endroit puant, dit-elle. Je m’en suis déjà occupé.

- Comment ?

Elle sourit à nouveau, et leva devant les yeux de son ami un long poignard ensanglanté. Le Vicaire remarqua alors que la robe rouge était prévu par la demoiselle, servant à camoufler les éclats de sang.

- Jolie, Bianca, siffla le Vicaire.

Puis il grimaça de douleur, la douleur à son bras s’étant réveillé.

- Assieds-toi, stronzo, ordonna Bianca Moretti.

Le Vicaire obéit, s’assit sur le rebord du lit.

Bianca posa sa sacoche, en sortit de l’alcool. Puis elle prit le morceau de chemise qui avait servi à briser le miroir, et l’imbiba de vodka. Le Vicaire prit la bouteille et en avala une bonne rasade, devinant ce qui allait suivre.

Bianca tapota la plaie avec le tissu, arrachant un hoquet de douleur à son compagnon.

- Ne fais pas ton gamin, stronzo, le réprimanda Bianca.

- Vaffanculo...

- Par toi, volontiers.

Un instant, ils rirent de bon cœur.

Mais le sourire du Vicaire s’effaça quand il vit Bianca attraper le tisonnier, et placer la pointe sur le feu de la cheminée.

Le Vicaire prit le tissu imbibé d’alcool et le fourra dans sa propre bouche. Il s’allongea sur le dos, prêt à endurer la souffrance. Bianca vint s’assoir sur le torse de son compagnon, bloquant ses bras sous ses jambes. Lentement, elle posa le fer chauffé à vif sur la plaie.

Le Vicaire hurla sous son bâillon, s’agitant dans tous les sens. Mais le corps de Bianca l’empêcha de s’enfuir. La douleur lancinante parcourue tout son corps, lui sembla durer des heures de supplice.

Enfin, Bianca retira le tisonnier et se releva.

Le Vicaire cracha le bâillon, se recroquevilla sur son flanc et ferma les yeux, espérant faire disparaître la douleur. Il sentit Bianca entourait son bras d’un tissu propre. Il la sentit ensuite s’allonger derrière lui. Elle passa ses bras autour du Vicaire, l’enlaçant tendrement.

- Salvatelli veut te voir, dit-elle.

- Pourquoi ? Chuchota le Vicaire.

- Tu as fait beaucoup de bêtises, stronzo. Beaucoup de personnes veulent te punir. Salvatelli, lui, veut te sauver. Viens le voir dans son Palais à Naples, s’il te plaît.

- Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée... Notre dernière rencontre ne s’est pas très bien déroulée.

- Ne t’en fais pas, stronzo, je suis là pour te protéger. Je suis toujours là pour toi.

- Et où étais-tu, quand ce foutu détective et l’autre inspecteur m’ont acculés ? Et quand leur amie m’a tiré dessus ? Ou quand ils ont réduits à néant un plan que j’avais laborieusement préparé depuis des mois ! A devoir jouer l’amant idiot, le stagiaire muet que tout le monde prend de haut ! Et me voilà meurtri, sans même avoir pu récupérer mon trésor...

- Je t’interdis de t’énerver contre moi, César Condé, gronda Bianca.

Le Vicaire, César Condé de son vrai nom, sentit l’étreinte se resserrer dans son dos. Il se tu, en proie à une colère grandissante.

- Tu n’avais qu’à échanger ta place avec Léon, le réprimanda Bianca. Mais non, tu ne voulais pas que quiconque entende ta voix. Et quand le détective est arrivé, tu aurais dû abandonner la Mésange. Tu as pris trop de risques, et maintenant les gens savent à quoi tu ressembles. Tu as toujours été trop entêté ! A ne jamais vouloir lâcher l’affaire. Livrer les hommes de De Guise à la police, fuir les injonctions de Saint-Cyr... Mais qu’est-ce qui t’a pris, stronzo ? Maintenant, ils veulent ta peau !

César Condé ne répondit toujours pas. Plongé dans ses pensées, il hoqueta de douleur quand Bianca le tira par les cheveux, le forçant à tourner la tête vers elle. Les yeux noirs de la belle Italienne étaient chargés de fureur. Une fureur dont César ne souhaitait pas être victime.

- J’irai voir Salvatelli, dit-il d’une petite voix.

- Tu me le promets ?

- Oui, Bianca, je te le promets.

Alors, elle embrassa fougueusement le Vicaire.

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