Chapitre 11 : Jouet détraqué

Par Malodcr
Notes de l’auteur : Merci de lire ce chapitre ! Il semblera peut-être ennuyant mais il n'en est pas moins utile pour comprendre la suite des événements.

N'hésitez à laisser un commentaire, je prendrai à cœur de vous répondre :)

La détresse d'Emy après cette nouvelle altercation avait renforcé certaines de ses craintes, Léon avait peur d'assister à une rechute violente. Mais au contraire, Emy semblait aller bien, selon leurs critères.

Il ne savait pas par quelle manière mais Emy avait réussi à passer outre la récente colère de Léa et même de sa crise de panique, ou bien est-ce ce qu'elle voulait faire croire ? Il avait des doutes sur la capacité de la jeune fille à lui cacher de telles émotions, malgré tout il devait prendre en compte qu'elle avait réussi à lui cacher à quel point elle comptait sur lui pendant qu'il se torturait l'esprit, il n'était simplement pas sûr de la manière dont il devait interpréter les choses bien que cela l'ait rassuré sur certains aspects.

Du côté d'Emy, elle était surprise de son propre calme après cette situation, elle conservait des doutes sur ce qui l'avait réellement apaisé : les paroles ou le baiser, tous deux de Léon. Peut-être même l'ensemble des deux éléments. Cela avait démontré à quel point elle dépendait de lui, bien loin de l'effrayer cela l'apaisait davantage de savoir qu'elle pouvait se reposer sur lui, et elle se le répétait souvent depuis un long moment.

Dorénavant, elle passait ses journée à alterner entre le puzzle, le dessin et la télévision, elle mangeait de petites quantités et essayait de conserver une hygiène de vie. Le soir quand Léon rentrait, elle lui racontait sa journée et il l'écoutait avec une attention particulière comme si elle lui présentait un événement important, et c'est cette intérêt qu'il lui portait qu'elle appréciait chez lui : un encouragement. Il y avait beaucoup de choses qu'elle aimait chez lui même si elle l'oubliait trop fréquemment.

En prenant sa deuxième douche de la semaine, en tâchant de ne pas regarder son corps, elle réalisa qu'elle ne ressentait pas de difficulté avec celle-ci, pas de sentiment négatif, on pouvait même dire qu'elle savourait cette douche. Un soulagement total lui permit de se détendre les épaules

Il n'y avait pas eu de jours "sans" depuis un moment, si bien que septembre laissa place à octobre dans une paix unique. Elle n'allait pas mieux mais elle n'y pensait plus, elle refoulait cette vérité : tout est éphémère pour elle. Alors au lieu de penser à quand elle craquerait de nouveau, elle envisageait plutôt de réfléchir à quoi faire et d'en parler à Léon pour que, peut-être, plus jamais il ne soit prit de doutes.

Les jours passants, ils se ressemblaient, Emy vivait et Léon veillait sur elle. Il ne vivait pas la même jeunesse que bon nombre de personne mais il n'en éprouvait aucun regret. Il accompagnait Emy lors de sorties qu'elle proposait, il préparait des repas et lui conférait des félicitations pour le plus minimes des progrès. Il en était venu à croire qu'elle serait bientôt guérit à mesure que les jours passaient, laissant ses craintes de côté. Mais il ne s'appuyait pas sur cet espoir infondé. La Dépression est malicieuse, elle vous utilise et vous condamne à errer avec vous-même.

À la mi-octobre, alors que le soleil brillait, Emy s'installa à son bureau, juste en face de sa fenêtre, à mesure que le crépuscule gagnait du terrain, son coeur se serrait. Elle vit alors une pie voler, gracieusement et libre. Une point de jalousie s'empara d'elle. Elle regarda ses mains, d'abord avec une certaine fascination puis les haït. Emy souleva les pants de son jogging et revit les cicatrices qui marquaient ses jambes, elle se remit à les détester. Elle releva ses manches et adressa à ses bras un regard à ses bras représentant l'aversion qu'ils lui inspiraient. Se regarder la répugnait, de la même manière que quelqu'un puisse mépriser une autre personne, tous ses ressentiments lui étaient proprement adressés. Emy fixa ses bras nus et commenca à gratter son avant bras gauche, doucement puis petit à petit elle augmenta la vitesse et la pression, avec une telle rage qu'elle en perdait la raison. Elle ecorchait sa peau pour l'effacer.
Quand elle se stoppa enfin, la totalité de son avant-bras était rouge, saignait par endroit et elle garderait très certainement des marques. Ses yeux ne comprirent pas tout de suite ce qu'ils voyaient, le cerveau refusait de l'interpréter. Emy se mit à pleurer, désespérer de son prorpe comportement. Elle croisa ses bras sur le bureau et y enfouit sa tête pour qu'elle ne se regarde plus et s'oublie.

À partir de ce jour, les humeurs alternèrent de nouveau dans la même journée ou d'un jour à l'autre dans les meilleurs cas. Léon laissait Emy tranquille mais lui imposait de nouveau certaines chsoes, cela permettait à Emy de garder un certain cadre de vie assez stable, malgré sa propre fragilité. Léon ne chercha pas à savoir quel avait été l'élément déclencheur de cette nouvelle instabilité - il n'était pas sûr qu'il y en ait un - mais il agissait avec sang froid et fermeté. Il lui préparait de petites quantités, la sollicitait pour des tâches légères et lui indiquait quand on s'occuper de son hygiène.

— Emy, à la douche.

—Léon, j'ai pas envie.

— Ce ne sera pas douloureux et pas long, rince toi juste si tu veux, il faut que tu gardes certaines habitudes.

— Si c'est pas douloureux t'as qu'à venir, tiens !

La remarque resta en suspend, faisant passer les deux amis d'une couleur à une autre. Emy s'empressa d'entrer dans la salle de bain et Léon reprit sa découpe d'oignon en se convaincant que sa rougeur était dûe à l'aliment. 
Ainsi, depuis ce quiproquo, Emy obéissait aux indications de Léon sans demander son reste.

Début octobre, Emy était stable dans son instabilité, cela avait rendu les jours plutôt agréable, maintenant elle est juste instable, complètement. Parfois joyeuse, l'instant d'après elle se renfermait dans son coin. Léon ne tentait pas de la brusquer lors de ces mauvaises phases mais cela revenait au point de départ car il n'y avait rien à faire, juste veiller sur elle.
Quand Emy l'acceptait, ils sortaient même quelques minutes, pour respirer un autre air. Ils déambulaient dans les parcs ou bien ils retournaient dans la jachère pour s'y installer et faire une sieste. Quelque part cela équilibrait les jours "avec" et les jours "sans", malgré que dans un même jour cela soit imprévisible, cela permettait à Emy de profiter des instants où elle allait bien.
Des instants de plus en plus rares. À mesure qu'octobre passait, Emy était de plus en plus régulièrement distante, vide et même, absente, une situation qui progressait perceptiblement face à laquelle Léon était le seul frein. Sans lui, cela aurait été beaucoup plus rapide, Emy n'aurait pas eu de répit et personne pour l'aider à se battre contre elle-même.

La nuit du 31 octobre, Léon avait les yeux grands ouverts, incapable de s'endormir. Il lui était rare de faire des insomnies.

— Alors, ça dort pas ?

La voix l'avait fait sursauter et émettre un cri ridicule duquel Emy s'était immédiatement moquée peu discrètement.

— Je constate que toi non plus, se contenta-t-il de répondre l'air renfrogné.

— Mais moi, ce n'est pas exceptionnel, lui adressa-t-elle avec ce qu'il pensa être un clin d'oeil.

La réponse interloqua le garçon.

— Tu fais des insomnies ?

— Oui, je dirais trois ou quatre fois par semaine.

Elle déclara cela sur le ton de la conversation.

— Pourquoi ? les mots s'échappèrent tandis qu'il se redressait sur un coude.

— J'imagine que mon cerveau pense trop et quand il daigne me laisser dormir, il me gratifie de ses meilleurs cauchemars, trop réalistes à mon goût.

Emy agrandit soudainement ses yeux.

— Mais, et toi ? Tu ne fais pas de cauchemars ?

Léon réflechit mais hocha la tête en signe de négation.

— À la différence de toi, je pense que j'ai eu des appuis pour pallier ceux-ci, je n'ai pas vaincu mes traumatismes mais je les ai oublié.

— On n'oublie pas.

— Ils vont me revenir en pleine face un jour, je le sais mais pour le moment mon cerveau a décidé de me faire oublier.

— Léon, je pense que ton cerveau n'a pas totalement tout refoulé.

Il parut surpris de cette déclaration.

— Pourquoi ça ?

— Parce que tes nuits son agitées, tu transpires, tu remues et on dirait que tu veux hurler.

Cette confidence le destabilisa : il se sentit soudainement vulnérable. Il avait tout à coup la sensation de ne pas être solide.

— Je dois avouer qu'au début je ne comprenais pas. Puis après notre sortie à la plage, cela a pris sens. Cela m'a aussi rassuré, tu n'es pas un robot.

Léon pouffa légèrement mais assez pour satisfaire Emy. Le garçon jeta un coup d'oeil au réveil qui indiquait "2h38".

— Tu veux continuer à parler ? demanda Léon.

— J'apprécierai, oui.

— Alors viens, dit-il en tapotant le metelas gonflable.

Emy s'emmitoufla dans son plaid et le rejoingit. Ils se mirent tous deux en tailleur. Emy se surprit à se sentir rassuré qu'il porte un tee-shirt, pendant quelques secondes son esprit avait dérivé. Pour penser à autre chose, elle lanca la conversation.

— De quoi veux-tu parler alors ?

— Hm...Tu as un sujet qui t'intéresserait ?

Elle tenta de réfléchir mais ne trouvait pas de sujet hormis sa crise d'il y a une semaine maintenant. Par instinct elle reserra le plaid sur elle pour camoufler ses bras et jambes. Geste que Léon fit mine de ne pas avoir vu. Il prit alors la parole.

— Avant d'en parler, j'aimerai que tu me dises si ça te dérange d'en parler.

— Dis toujours.

— J'ai dû mal à croire que tu aies été seule, que personne n'ait été là. Tu as des amies au centre-équestre. Dis moi qui a été là pour toi, parle moi de cette personne.

Emy pinça ses lèvres, un soupçon de culpabilité sur le visage et finalement, elle expira.

— Tu es perspicace.

— Pourquoi l'as-tu sciemment écarté de tes explications ? la curiosité piquait sa voix.

— Parce que j'estimais ne pas avoir le droit de parler d'elle. Mais j'imagine qu'à toi, je peux, elle fit apparaître un sourire empreint d'une tristesse lointaine.

Elle planta son regard incertain dans celui de Léon, qui lui, lui vouait toute son attention. Heureusement que l'obscurité de la pièce permettait de masquer ce que les yeux de Léon provoquaient en elle.

— Elle s'appelle Clara, commenca-t-elle, je l'ai rencontré au centre équestre et comme beaucoup d'amitié, au début je ne l'appréciais pas plus que ça. Mais au bout d'un an, on a fini par ne plus se lâcher. On ne se voyait que les samedi mais on parlait tous les jours. Quand mon harcèlement a commencé, je ne lui en ai pas parlé et comme nous nétions pas dans le même collège, elle n'avait aucune raison de l'apprendre. Quelques fois, je ne suis pas allée au club, quand j'étais blessée physiquement ou moralement dans l'incapacité d'y aller. À cette époque je n'avais pas encore Athos pour me reposer dessus et je refusais d'imposer mon état à Clara, elle n'avait pas besoin de savoir. Et je m'en était convaincue. De ma cinquième à ma troisième, je ne lui ai rien dit, je souffrais seule et en silence, volontairement, une partie ingrate espérait peut-être qu'elle le voit d'elle-même. Mais la voir, rigoler avec elle, passer du temps ensemble même hors équitation c'était ma bouée. C'était ma meilleure amie, elle m'aidait sans le savoir. Quand j'y pense, elle devait savoir qu'il se passait quelque chose parce que même moi je me sentais parfois distante.

Emy se stoppa pour reprendre son souffle, la partie difficile de l'histoire aller commencer.

— Lors de ma rentrée, j'entrais en seconde, à cette même période j'ai rencontré Athos, sur lequel j'ai commencé à déverser le poids de mes émotions, je crois qu'il comprenait. Signant une sorte de nouveau départ, j'avais décidé d'inviter Clara chez moi avec la volonté de lui révéler la vérité sur tout ce qu'il s'était passé. Je l'ai fait, je lui ai montré mes cicatrices. Elle était horrifiée et je n'oublierai jamais son visage quand j'avais finis mes révélations. Elle a d'abord pleuré, puis m'a prise dans ses bras et s'est remise à pleurer. Le lendemain, nous avions passé une très bonne journée, mais le soir avant de partir, elle m'a dit qu'elle s'en voulait de n'avoir rien vu, qu'elle ne savait pas quoi faire. Dès que la voiture s'est éloignée j'ai su qu'on ne se parlerait plus. Je l'avais mise à l'écart en pensant la protéger et croyant qu'elle n'y changerait rien. Au final, sans être au courant, elle m'a tout donné et je suis restée silencieuse, pourtant elle attendait que je m'ouvre à elle, que je me confie, sans jamais m'y forcer, elle voulait que je me sente en sécurité. Le samedi, elle n'est pas venue au cours d'équitation, les suivants non plus, personne n'a su me dire pourquoi. J'ai fini par apprendre qu'il y avait des tensions entre elle et les autres membres de notre groupe, elle ne se sentait pas de continuer dans de telles conditions, et moi je n'avais rien vu. Devant son casier vide j'ai pleuré très longtemps et me suis haïe. C'est auprès d'Athos que j'ai pu me relever et de nouveau resprirer. J'ai fini par changer de groupe aussi et rencontrer Cécile. Pendant mes années lycée j'ai tenté de me réparer et d'ignorer le Mal qui me rongeait. La suite est là.

Léon resta un peu silencieux avant de reprendre la parole.

— Il y a eu des torts des deux côtés, vous vouliez vous protéger mutuellement mais cela a décousu votre relation. Cependant je ne pense pas que ce soit irréaprable, j'en suis même persuadée même si cela fait quatre ans.

— Oui, tu as sans doute raison mais pour le moment je ne la mérite pas.

Le jeune homme ébouriffa les cheveux de la jeune fille.

— Laisse du temps au temps, Emy.

Elle lui adressa un sourire.

— Je suis contente de t'avoir parlé d'elle, elle le mérite, ses yeux brillaient de fierté.

— Et moi, je suis heureux qu'elle ait été là pour toi.

Des mèches noires tombèrent sur le visage radieux de Léon, Emy réfréna son envie de les lui replacées. 

— Et toi, ton meilleur ami ?

— Tom ? Je t'en parlerai à la prochaine insomnie.

— Tricheur ! s'insurgea-t-elle.

— Je sais, glissa-t-il avec un sourire espiègle sur le visage.

Ils passèrent encore quelques heures de la nuit à alterner entre jeux et anecdotes de leur passé respectifs. 
Ils finirent par s'endormirent tous deux sur le matelas, Emy libérée d'un poids qu'elle ne pensait pas aussi présent.

 

À suivre...

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