Chapitre 11 - La lettre intruse (I)

Par Daichi

* L’avant-veille, au matin *

Lyza s’était rendue, sans envie aucune, dans l’amphithéâtre consacré aux leçons théoriques. De sa couverture d’étudiante était exigée une assiduité redoutable, car par l’observation tenait la réussite de ses efforts. Ceux des deux dernières années, à mendier, à jouer, et à parader devant maints professeurs avant d’être acceptée sur ces sièges létaux pour la santé de son dos. Ce matin-ci, cependant, et comme le reste de la semaine, elle n’avait aucune envie ni de lever les yeux ni de tendre l’oreille. Car, tout simplement, il n’y avait rien à regarder ni à écouter ! 

Au sein de l’immense salle du conservatoire impérial, plus d’instruments que de têtes. Au-dessus de ces dernières, des pianos à queue de pie, des gramophones à touches ou encore des basses traversières, suspendues au plafond par des câbles qu’on espérait solides. Un espoir ne concernant que les rares nouveaux élèves de l’endroit. La plupart fréquentaient l’établissement depuis déjà plusieurs années, et ne se préoccupaient plus des diverses étrangetés qui décoraient les différentes salles du bâtiment. D’où étaient visibles non seulement tout Belleville, mais surtout la mer de nuages, qui cachait les mauvais quartiers de la cité. Lyza, elle, dormait simplement sur la table, bras sous sa joue. Peu lui importaient les instruments pendus au-dessus de sa tête.

Sur les sièges inconfortables des bureaux arrondis de la grande salle, les autres étudiants voyaient – sans retenir la risette de ceux qui comprenaient la situation – le proviseur s’installer sur le bureau dominant l’estrade centrale. Depuis le cœur de l’hémicycle, la voix pourtant grincheuse du vieil homme se faisait sans mal entendre jusqu’aux oreilles des moins attentifs, cachés qu’ils le pensaient dans les coins de la pièce.

« À vos élégants sourires, j’en conclus que vous vous imaginez qu’une fois encore, votre professeur n’a pu sortir de son lit pour daigner vous satisfaire de sa présence ! »

Ne retenant leur rire, les élèves laissèrent le directeur ouvrir son grand manuel décoré de partitions, cherchant sa page. Lyza grogna dans son léger sommeil, cherchant à le regagner sans attendre, mais la voix de canard raisonna encore pour la ramener au cours.

« Néanmoins, je me dois de vous rassurer, continua-t-il en levant son monocle en leur direction. La raison de son absence est aujourd’hui tout autre. Il se trouve, et à mon grand étonnement, qu’il a été assigné à la sélection du Dawnbreaker. Et ce depuis ce week-end. »

Cette fois-ci, la vingtaine de jeunes adultes afficha une sincère expression de dégoût, mélangée aux ricanements grossiers de certains. Leur professeur de substitution afficha un sourire compatissant, ne se retenant pas d’essuyer l’imaginaire poussière qui aurait pris place sur son épaule.

« Je partage votre sentiment, mais laissez-moi vous rappeler qu’il ne s’agira que d’une poignée de malheureux, et réservés aux quartiers les plus bas ! Nos examinateurs s’en assurent : de ce que j’ai pu entendre des choix de ce trimestre, nous ne serons nullement dérangés. Vous pourrez respirer en toute… »

Sa tirade fut interrompue par les bruits sonores de la porte d’où lui-même venait. Un jeune adulte, redingote tout juste enfilée et valise sous l’épaule, faisait son entrée jusqu’au bureau, saluant d’un signe de tête son supérieur. Les élèves mêlèrent à leur étonnement un ravissement certain, leur professeur enfin revenu de l’ombre.

Qui voilà donc… Lyza sursauta de surprise, ne s’étant pas attendue pas à le revoir si vite. Les partitions ont dû lui donner moins de fil à retordre que prévu. Mince.

« Mes chers élèves, je vous ai manqués à ce que je vois !

— En un sens, murmura Lyza, yeux à demi ouverts.

— Et comment ! cria l’un.

— Pas plus que ça, minauda une fille d’un sourire malicieux.

— Vous dormiez encore ? », se moqua un dernier. Owlho les ignora tous, posant sa lourde affaire sur le meuble ciré face au vieil homme. Ce dernier, d’abord médusé, fut soulagé d’être ainsi libéré de sa tâche.

« Monsieur Owlho, sourit-il à son encontre, heureux de vous revoir ici ! Néanmoins, je vous attends dans mon bureau en fin de soirée, vous me devez quelques explications quant à vos absences des derniers jours.

— Sans faute, marmonna le jeune professeur sous les rires de ses élèves. Bon, vous pouvez nous laisser, proviseur, nous avons du travail. Beaucoup, de travail ! » Il sortit en premier lieu de sa valise un amas de partitions, décorées de notes rouges, puis les leva au-dessus de sa tête, à la vue de tous. « Vos rendus de la semaine passée m’ont donné tellement de fil à retordre qu’il ne me reste qu’un seul ongle encore intact. La consigne me semblait claire : que vous font ressentir vos lectures quotidiennes ? »

Un silence lourd s’installa, appuyé par l’air penaud de chacun. Affichant sur son visage une expression de sérieux, Owlho finit par la briser d’un radieux sourire, avant de poser les copies corrigées au premier rang.

« J’ai eu beau batailler pour tenter de vous mettre une note en dessous de la moyenne, aucun de vous ne m’a permis de vous laisser cette chance ! D’excellentes copies que voilà… Vous pouvez être fiers de vous, tiens. »

Tous furent rassurés et accusèrent le coup du stress, quémandant les copies qui voyageaient dans les rangs. Les yeux du professeur parcouraient ces derniers, à la recherche d’un visage (fuyant) avant de sautiller sur place et de rejoindre le bureau, non loin duquel était assis le proviseur, toujours désireux d’assister à un de ces spectacles que ce jeune homme appelait des « cours ».

« Néanmoins ! Il me reste ici une copie. Une dernière copie, sans une seule note rouge dessus. Pouvez-vous deviner pourquoi ? »

Il ne quittait pas des yeux le visage qui fuyait le sien, assis au fond de la pièce. Celui à qui il appartenait était tourné vers les autres étudiants en train de se demander les copies, attendant que la sienne lui arrive naturellement. Ce qui ne vint pas.

« Vous avez oublié de la corriger ? tenta de blaguer un des étudiants.

— À ta place, je ne la ramènerais pas, ton onze sur vingt est tout sauf glorieux jeune homme. » Un esclaffement général remit l’élève en question à sa place, vite coupé par un sifflement sortant des lèvres du professeur, imposant le silence. « Non, cette copie est pour ainsi dire absolument prodigieuse. Rares sont les musiciens parvenant à apposer dans leurs morceaux un souvenir si palpable et tangible. Non lié à la moindre lecture quotidienne, il s’agit plutôt de l’expérience gagnée à lire. Ou un rappel de l’enfance. N’ai-je pas raison ? »

Ses yeux se braquèrent une fois encore vers celle qui attirait désormais tous les regards. Penaude, glissant une mèche de cheveux derrière son oreille, Lyza répondit d’un timide hochement de tête, soulevant une exclamation d’admiration de la part de tous les autres.

Ce foutu volatile… Elle se mordait la lèvre, baissant ses iris mauves sur le bois, décoré de graffitis exécutés aux ciseaux, du bureau sur lequel elle s’appuyait.

« Oh oui, vous pouvez l’acclamer ! Une note parfaite. Je n’ai pas souvenir d’en avoir déjà mis. Enfin, me voilà apparaître un espoir pour les générations futures, prenez-en de la graine. »

Ils firent semblant de le huer, regardant les corrections de leurs partitions. Alors que, à la surprise des yeux exorbités du directeur, Owlho sortait de sa valise… une plaque en métal.

Il la posa sur un petit socle préalablement installé sur le bureau, amenant l’intérêt des élèves peu à peu. Il prit au hasard un des archets décorant le mur du fond, puis le sablier présent près de la plaque, qu’il tenta d’ouvrir. Face à ses bras tremblants et son visage virant au rouge, tous partirent d’une nouvelle exclamation de moquerie, le professeur peinant à ouvrir – sans que l’on comprenne pourquoi ! – ce sablier.

« Monsieur Owlho, soupira le proviseur en s’approchant pour l’aider, que comptez-vous donc… »

Il manqua de se cogner le nez lorsque le couvercle quitta son réservoir de verre, puis, ignorant le boucan hilare que provoquait son public, étala le sable sur la plaque. Alors qu’il s’assurait que l’entièreté du métal était recouverte de ces petits grains jaunes, la salle fut parcourue de chahut. Tous se demandaient ce que venait faire ce petit numéro dans un amphithéâtre de conservatoire.

« Bien ! s’exclama-t-il, empoignant son archet. Je ne suis pas aussi fort que ma fille pour manier ce genre d’outils, ma prédilection restant la flute à piston. Mais j’espère pouvoir vous montrer quelque chose de plutôt étonnant. »

Imposant d’un geste de la main le public à clore ses lèvres, il posa l’archet sur le bord du métal, et commença à le bouger. Le son qui sortait de cette curieuse assimilation était plutôt anecdotique, si ce n’était désagréable pour des oreilles entraînées. Aucun étudiant ne grimaça autant que le manieur d’archet ou le vieil homme à son arrière. Mais très vite, la grimace fit place à la fascination : sur la plaque, le sable dansait.

Il prenait différentes formes ! Des soleils, des cercles concentriques, des vagues ou encore des spirales infernales. À chaque note jouée, le sable affichait un nouveau tableau à contempler, suivant les vibrations de la plaque. Owlho continua plusieurs instants de jouer de ses grains amovibles, puis posa l’archet, se massant une oreille.

« Vous voilà affichant une merveilleuse expression, sourit-il en admirant les bouches de poisson ouvertes qui se fermèrent d’un seul tenant. Qu’en dites-vous ?

— C’était quoi, monsieur ? demanda une nouvelle.

— De la musique ! Fort laide j’en conviens, mais tout ce qui est son est musique, tant qu’on choisit d’aligner les bonnes notes. Cependant, même la plus laide des compositions peut permettre au monde de bouger. » Il quitta son estrade pour parcourir les escaliers tranchant les rangs, guettant les réactions de son auditoire. « Ne pensez pas que votre musique n’a comme unique objectif que de plaire à l’oreille. Parfois, il faut oser sortir des sentiers battus pour provoquer des réactions inattendues. De l’imprévisible survient le plaisir de marcher sur un sable neuf. Ce qui compte ! ce sont les réactions que vous entraînez. Sur cette plaque, un soleil m’est apparu, puis des cercles, suivis de vagues. Je n’ai rien décidé de tout cela. Pour autant, c’est bien moi qui faisais bouger les grains.

— Mais, intervint celui qui était désormais près de lui, on ne peut pas décider de quelles notes jouer ?

— Comment ? Bien sûr que si, vous le pouvez. Avec de l’entraînement, vous pourrez savoir quelle note fait bouger tel ou tel grain de sable. Cela se rapproche du travail du chef d’orchestre. Un peu. Lorsque je bouge ma baguette face à vous, je vous laisse jouer, mais j’harmonise le tout. Le dessin qui se formera m’est inconnu, mais je sais qu’il aura été tracé par ma plume. » Il se baladait désormais au fond de l’hémicycle, une plume de cuivre en main, qu’il bougeait telle une baguette d’orchestre. S’étonnant lui-même, il était déjà parvenu aux côtés de celle qui lui avait donné la meilleure des copies. « Mais bien entendu, laisser les notes se jouer d’elles-mêmes, et découvrir quel dessin apparaîtra, cela procure un grand plaisir. Un plaisir presque coupable. Comme dévorer l’entièreté d’un gâteau ! »

Il profita du petit rire des étudiants pour regagner sa place, avant de leur demander à tous de se lever. « Au diable les cours théoriques, j’en vois certains s’endormir. Réveillez-vous donc ! Placez-vous avec vos instruments, comme d’habitude. Nous avons un couronnement à préparer. » À ces mots, il embrassa une dernière fois les yeux mauves de la musicienne parfaite, tapie au fond de l’orchestre, le regard perçant son visage de marbre.

Après une heure de répétition, le professeur libéra ses élèves, qui traînèrent comme à leur habitude, chahutant et bavardant en rangeant leurs instruments.

Enfin fini, fut soulagée Lyza en pliant prestement son saxograme. Il ne semble pas avoir découvert quoi que ce soit, mais il doit se douter de quelque chose. Tâchons de partir…

« Professeur, intervint le proviseur. Je n’ai pas l’habitude d’assister à vos cours, mais vous m’avez habitué à bien mieux par le passé.

— Oh, j’en conviens, répondit l’autre. Mais de petites leçons mystiques ne font pas de mal, principalement lorsqu’on s’adresse à une personne en particulier. Oh, attendez, chère demoiselle ! » Il quitta sans respect son interlocuteur pour accourir vers la musicienne aux yeux d’amande, qui semblait plus que tout désirer quitter les lieux. Elle tourna la tête d’une lenteur hésitante vers lui, son étrange instrument replié dans son dos. « Oui, vous. Je tenais à m’entretenir en privé, concernant votre copie. Êtes-vous disponible dans mon bureau, d’ici cinq minutes ?

— Navrée, répondit-elle à voix basse, j’ai à faire… Et je n’habite pas à côté.

— Parfait, je vous accompagne à mon bureau alors ! l’ignora le professeur, comme si elle avait dit “oui”. Patientez un instant. Laissez votre instrument ici, je vous prie. Proviseur, concernant l’autre jour… »

Le laissant retourner vers le vieil homme, Lyza posa son fidèle saxograme dans un coin prévu aux instruments empruntés. Elle ne manifestait aucun désir d’entendre la moindre parole de celui-là même qui était son ennemi, mais n’avait d’autres choix que d’obéir face au propriétaire du bâtiment, ainsi que son petit favori. Elle attendit donc qu’il eût terminé – très vite, finalement ! – pour le suivre jusqu’à son bureau. Une pièce sordide : aucun instrument. Seulement sur les murs des diplômes et des photos, et sur le petit bureau… un cadre. Rien d’autre. À se demander ce qu’il fait pour occuper ses journées.

« Nous voilà en pleine intimité, se réjouit-il en ouvrant une boîte en fer blanc sur une étagère. Un petit gâteau ?

— Non merci.

— Cela en fera plus pour moi. Bon ! il mastiqua sa sucrerie, en venant ouvrir une fenêtre. Votre copie était bien exécrable, j’ose espérer que vous vous en doutez. »

Owlho rangea le bazar qui occupait les quelques meubles, commode comme une étagère, pareil à s’il recevait une invitée de marque en ces lieux.

« Cela m’étonnait de me trouver au centre de l’attention, avoua l’élève.

— C’était tout l’objectif ! Mais je n’ai pas menti sur la supériorité de votre copie. De zéro, vous passez à deux. J’avais d’abord pensé à moins, mais tout compte fait… Votre musique m’a rappelé ces utilisateurs d’aura. En avez-vous déjà rencontré ? »

Il se tournait vers elle, avant de subitement se replonger sur la déco murale, arrangeant les cadres qui selon lui étaient tordus. « Encore un coup de la femme de ménage », maugréait-il en attendant sa réponse.

« Non, dit-elle simplement. Professeur, je suis pressée et…

— Je n’en ai rencontré qu’un seul. Il accompagnait cette sale araignée repoussante, que vous esquivez avec brio. Un grand homme sale et malodorant, patibulaire au possible. Et je ne parle pas de ses vêtements, pouah ! Mais on ne pouvait douter de son adresse au tir. Evan Buren, vous connaissez son nom, j’imagine.

— Non, répéta-t-elle, indiquant avec empressement l’horloge d’un simple regard.

— Ah oui, celle-ci aussi est mal mise ! » Il bondit sur le cadran, qu’il décrocha du mur pour le poser sur son bureau vide, puis s’assit devant celui-ci. « Le son m’agaçait de toute façon, j’ai l’heure dans ma poche. Non ? vous n’en avez jamais entendu parler ? Un tueur à gages, plus grand tireur de notre époque. Pas comme si ce nom avait un réel intérêt pour cette cité, notamment notre situation privilégiée, mais j’aurais pensé que vous, tout particulièrement, en auriez eu connaissance. Un grand utilisateur d’aura… Qui sait manier ce genre d’arcane peut influencer ce qui l’entoure, et cela peut même passer par la musique. Comme le compositeur Herman Reshmel, en son temps. Certains accusent la triche, d’autres crient au génie. J’y vois personnellement une forme d’art toute nouvelle. J’envie ceux qui, comme vous, arrivent à apposer dans leurs notes des souvenirs !

— Professeur, il est tard…

— Vous avez faim ? Oui, midi approche… Je pourrais vous proposer un petit restaurant sympathique. Ou même chez moi, ma cuisinière est peu douée, mais silencieuse, lorsqu’elle me surveille manger avec ces foutus yeux agaçants et immobiles comme ceux d’un poisson mort… (Il reprit son souffle.) Pardon. Ou, une sucrerie, pour passer le temps ? Ah, non, vous n’êtes pas bouche sucrée. Euh… Oui ? »

Cette fois-ci, Lyza avait simplement levé le doigt, les yeux ennuyés, demandant la parole. Quand elle lui fut enfin donnée, elle soupira et se dirigea vers la porte.

« Monsieur, comme je vous l’ai signifié, j’ai à faire. Nous discuterons de cela une prochaine fois, je vous prie. Navré de ne pas vous avoir rendu de copie de valeur. »

Elle approchait la main de la poignée de la porte, mais une chouette vint s’y poser, piaillant pour l’inciter à reculer. Ce qu’elle fit, prise d’une légère surprise. Une autre lui frôla les cheveux, une troisième souhaita se poser sur son épaule avant d’être chassée d’un pas de côté. Les petits oiseaux arrivaient un à un depuis la fenêtre, s’installant confortablement sur les meubles rangés, les cadres arrangés et le cadran sur le bureau. Le doigt de leur maître caressa tout doucement le bec d’une des chouettes, qui observait son sourire.

« Il se trouve que je n’ai rien de mieux à faire que de vous parler à cette heure-ci. Mais le reste de mon emploi du temps se trouvera fort chargé dans les prochains jours, alors je vous prierai de m’accorder de votre temps dès maintenant. »

Tous ces yeux fixaient la jeune dame, tout juste plus jeune que le professeur qui lui faisait face. Alors que probablement cinq ans seulement les séparaient, et qu’il bougeait jusqu’ici comme un petit garçon excité, elle sentit que cette fois elle se trouvait être l’enfant des lieux. D’un réflexe habitué, elle baissa les yeux.

« Vous acceptez donc ?

— Oui.

— Parfait ! Je nous réserve la journée. Comme dit plus tôt, les prochains jours seront chargés. Riches en amusement, même. Cette virée au Dawnbreaker – notre proviseur vous en a informé ? – m’a fait découvrir quelque chose de… très intéressant. » Il déporta son attention sur l’unique cadre qui se tenait sur le meuble vide, traversé d’un sourire presque chaleureux. Le portrait aux cheveux d’argent qui y figurait était par ailleurs aussi apathique que son invitée. « Il se pourrait bien qu’elle me soit utile.

— Venez-en au fait.

— Oh, je vous en prie… Vous savez déjà pourquoi vous êtes ici. Et, surtout, pourquoi vous ne croupissez pas dans les mines depuis ce matin même. Vous auriez été au chaud là-bas, avec votre ami. »

Lyza cassa un de ses ongles, à la mention d’un « ami ». Cessant de tordre le bout de ses doigts, elle se rabattit sur un jeu de force entre ses dents et ses lèvres.

« J’ignore ce dont vous parlez.

— Vous n’admettrez pas facilement. Mais, je m’en moque, sachez-le bien. » Il se leva et marcha lentement jusqu’à elle. Ou plutôt, jusqu’à son côté, et finalement autour d’elle. Il tourna ainsi un long moment, les yeux scrutant les marques du plafond. « Je sais bien que vous empêcher d’agir serait une bonne chose à faire, sachant que vous détenez une vérité qui mettrait en péril tous mes plans. Mais, si cela peut également servir mes intérêts, tout en chassant quelques gêneurs dans mon sillage, je ne vois pas ce qui me contraint de vous en empêcher.

— Et m’empêcher de, quoi, au juste ? » Lyza regardait la chouette aux yeux colorés présente sur le bureau, qui, plutôt que la fixer elle comme toutes les autres, fixait son maître qui tournait autour d’elle.

« Là est la question ! Oui, de quoi. En deux lettres, il est difficile de comprendre tout cela. J’aurais espéré que vous m’en apprendriez plus…

— Navrée une nouvelle fois de vous décevoir. Je ne pourrais rien vous dire. Puis-je m’en aller, désormais ? »

Il continuait de lui tourner autour, marmonnant quelques paroles à l’adresse du plafond. Quand, d’un coup ! il sauta sur-place, frappant dans ses mains.

« J’aime tourner pour réfléchir, et cela me réussit ! Mais je viens de me surprendre à trouver un meilleur moyen de tourner… Lyza, aimez-vous le thé ? »

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