Chapitre 11 : La scène

Notes de l’auteur : Voilà donc l'avant-dernier chapitre de cette fic. Merci encore pour vos commentaires et vos encouragements !

Chapitre Onze : La scène

 

 

- Oh mon Dieu ! Fallait me dire que j’étais moche comme ça !

- Ça va Ludovic !

- Non mais, comme tu m’as filmé par en-dessous, ça fait des gueules bizarres ! Remonte-moi ça !

 

Baptiste s’exécuta et redressa la caméra.

 

- Vas-y, tu peux y aller Lulu’.

- Alors, quand je l’ai vue pour la première fois, j’ai paniqué. Je me suis dit « c’est pas possible », je peux pas tomber raide dingue d’elle. Et pourtant, c’est con, hein ! Je suis très fidèle après tout. Elle était là, seule ! Putain, Baptiste, t’aurais vu ses grosses caisses ! J’aurai voulu la prendre, là, maintenant, tout de suite !

- Tu es déjà liée à une batterie Lulu’. Tu peux pas la plaquer pour une autre.

- Oui, mais elle était belle, celle-là.

- La tienne est pas mal, avoue-le…

- C’est vrai…

 

Six mois avaient passé depuis la sortie de l’album des Rescapés. Durant deux semaines, ils étaient restés dans l’ombre. Puis, grâce à une radio nationale très connue qui avait passé Pourquoi tu pleures et ensuite Plaisirs Solitaires, ils avaient entamé une ascension vers les étoiles.

 

- Arrête deux minutes cette caméra Baptiste, j’ai à vous parler ! annonça Matthieu en débarquant dans le nouvel appartement (six fois plus grand que l’ancien) du groupe.

 

Le jeune homme obéit. Au même moment, Florian débarqua de la cuisine.

 

- Qui a bouffé mon pot de miel personnel ? s’écria-t-il, les mains sur les hanches.

 

Il scruta attentivement Ludovic, Baptiste, Sébastien et Clémence. Un de ces visages mentait.

 

- Le coupable est parmi vous ! Et je le trouverai !

- Ouah, on se croirait dans PJ !

- Pas Ludovic, parce qu’il tient trop à sa taille de mannequin ; pas Baptiste, parce qu’il n’aime pas le miel.

 

Clémence et Sébastien se regardèrent, inquiets. Soudain, le jeune homme prit une teinte papier mâché, sa couleur du stress. Florian le remarqua et fronça les sourcils.

 

- Sébastien, c’est toi qui as bouffé mon pot de miel.

- Flo’, tu ne vas pas le gronder quand même, supplia Clémence. Tu n’as pas besoin de manger du miel en ce moment. Ta voix se porte très bien. En plus, ça te fait grossir !

 

Depuis que Matthieu lui avait conseillé de manger du miel pour enjoliver sa voix, Florian ne se nourrissait presque que de cette substance.

 

- Bon Florian, coupa l’agent artistique, tu régleras tes problèmes plus tard. J’ai plusieurs choses à vous donner et une grande nouvelle pour vous.

 

Il posa cinq cartons de taille moyenne devant les cinq membres du groupe. Chaque carton portait un prénom.

 

- C’est quoi ? s’informa Ludovic, intrigué.

- Premières lettres personnelles.

- Ouah ! fit Sébastien, émerveillé.

- Et la grande nouvelle ? demanda Florian.

 

Matthieu sortit une feuille de sa poche et la lut à voix haute.

 

- Le 12 novembre à Paris-Bercy. Le 16 novembre à la Salle Rameau de Lyon. Le 22 novembre au Dôme de Marseille. Le 26 novembre au Zénith de Toulouse. Le premier décembre à la patinoire Mériadeck de Bordeaux. Le 6 décembre à la Trocardière de Nantes. Le 9 décembre au Liberté de Rennes. Bref, et je passe Poitiers, Montpellier, Nice, Ajaccio, Brest, Lille, Strasbourg, le Havre et bien d’autres !

 

Florian se laissa tomber sur le canapé, sonné. Ses amis ne dirent pas un mot.

 

- Vous êtes contents ? demanda joyeusement l’agent artistique.

 

Les Rescapés n’eurent pas la réaction qu’escomptait Matthieu. Ludovic se mit à pleurer, et rapidement, Clémence, Sébastien, Baptiste et Florian l’imitèrent.

 

 

- Je n’arrive pas à le croire.

 

Baptiste et Florian se promenaient en ville. Le ciel était couvert et il faisait froid mais ça ne les empêchait de mettre leurs lunettes de soleil. Ils s’arrêtèrent devant un distributeur automatique et retirèrent un peu d’argent.

 

- T’es déjà allé à Bercy ? demanda Florian.

- Non. Je suis jamais sorti de Lyon sauf pour aller passer des vacances chez Mamie Fernande à Saint-Malo !

- Hallucinant.

- Il y est passé Madonna, Mylène Farmer, bref, tous les plus grands !

- Ouais.

 

Florian s’arrêta devant une bouche de métro.

 

- Hey ! Baptiste ! Si on y allait ?

- Où ça ?

- Bah, à Bercy !

- Maintenant ? Les autres nous attendent !

- Ils attendront encore un peu ! Allez, viens !

 

Il entraîna son ami dans le souterrain et, après avoir consulté une carte immense accrochée au mur, ils embarquèrent dans la première rame venue. Là, ils furent obligés d’enlever leurs lunettes de soleil. Mais personne ne les reconnut. Lorsqu’ils arrivèrent à bon port, ils remontèrent au grand galop dans la rue. À peine sortis, ils se figèrent lorsqu’ils aperçurent la salle où ils allaient se produire.

 

 

- Vous êtes allés à Bercy…sans nous ?!

 

Sébastien semblait offusqué.

 

- Sérieusement, commença Baptiste, on regrette de pas vous avoir amener !

- C’était comment ? voulut savoir Ludovic.

- Immense, c’est le terme, fit Florian. Vu de dehors, on dirait une station spatiale !

- C’est clair ! Y’avait de la pelouse posée sur la façade en pente !

- Y’a une partie du bâtiment qui est en verre !

- Et l’entrée, c’est un grand triangle !

 

Ludovic, Clémence et Sébastien ne comprenaient pas la description de Florian et Baptiste. Ils diagnostiquaient seulement un état de folie chez les deux jeunes hommes.

 

- Bref, vous verrez quand vous y serez ! Mais en tout, c’est trop…chaud !

- Il contient 17 000 places, d’après ce que j’ai entendu dire.

- Clémence, si c’est pour dire des trucs pareils, tu peux aller te coucher ! reprocha Florian, blanc comme un cachet d’aspirine.

 

 

Le mois de novembre pointa son nez si vite que Sébastien pleura lorsqu’il compta les jours qu’il le séparait de sa première « vraie » scène. Trois jours avant, les répétitions commencèrent. Lorsqu’ils avaient découvert la salle de Bercy, ils étaient restés tous pétrifiés et s’étaient montrés infernaux avec Matthieu. Florian ne se nourrissait que de miel et s’était renfermé dans une sorte de mutisme, Clémence était d’une humeur massacrante, Ludovic ne descendait plus des gradins, Baptiste ne voulait plus sortir de sa loge, et Sébastien restait à l’accueil à papoter avec les vendeuses. Il avait fallu que Matthieu hurle et fasse trembler les fondations de Bercy pour que le groupe se mette au travail.

 

Il ne restait plus que deux jours. Ludovic avait finalement rompu son histoire d’amour avec sa vieille batterie et s’en était racheté une nouvelle, beaucoup plus belle. Il y avait remonté ses cymbales et se languissait à présent du douze décembre.

 

- Où est Matthieu ? demanda Florian, assis sur la scène.

- Là-haut, répondit Clémence.

 

Le jeune homme leva la tête. L’agent artistique était assis dans les plus hauts gradins et regardait attentivement le couple.

 

- Dis-lui de descendre.

- Non, fit la jeune fille. Il ne m’entendra pas.

 

Florian fit signe à Matthieu de les rejoindre, ce à quoi il répondit non de la tête.

 

- Je veux t’entendre d’ici Flo’ ! expliqua-t-il dans un petit micro qu’il avait emprunté. Je veux que les personnes qui sont au fond de la salle entendent et comprennent ce que tu dis.

- Tu fais chier ! hurla l’adolescent, le plus fort possible.

- Je ne comprends pas ! Articule !

- Tu…fais…chier !

- Bah tu vois, c’était pas difficile.

 

Lorsque Matthieu redescendit, Florian avait la voix rocailleuse.

 

- C’est ta faute ! brailla-t-il. Faut toujours que tu te débrouilles pour que j’aie la voix pétée à chaque fois qu’il se passe un truc important !

- Flo’, ne commence pas ! Va prendre une cuillerée de miel, et revient après, tu vas répéter avec tes amis.

 

Florian ne se fit pas prier et disparut rapidement de la scène.

 

- Ça va Clémence ? s’informa l’agent artistique.

- Non. Ça s’approche vite et je me sens pas encore prête. J’ai un gros trac. Ça fait hyper longtemps que je ne l’ai pas eu !

- Un artiste est vraiment un artiste s’il a le trac.

- Oui, je sais, mais…

- Tu sais où sont Ludovic, Baptiste et Séb ?

- Dehors, je crois.

 

 

Effectivement, ils étaient dehors, assis devant l’énorme bâtiment. Les deux frères fumaient et Ludovic leur tenait compagnie.

 

- T’as envoyé le chèque à Maman ?

- Ouais, t’inquiètes pas Séb.

- Pourquoi vous lui envoyez un chèque ?

- Pour l’aider financièrement. Elle veut divorcer.

- Et le mois prochain, on lui en enverra un autre.

- Chaque mois, en fait…expliqua Baptiste.

- C’est sympa, commenta Ludovic.

- C’est surtout qu’on tient toujours nos promesses !

- Oula, les mecs, c’est chaud ! Y’a Matt’ qui vient vers nous et c’est sûrement pas pour fumer une clope !

 

Baptiste et Sébastien s’empressèrent d’écraser leurs cigarettes sur le sol. Matthieu s’arrêta devant eux et les toisa du regard.

 

- Je peux savoir ce que vous faîtes là tous les trois ?

- On prend la pause.

- Y’a pas de pause, à ce que je sache.

- Ah bon ? fit innocemment Ludovic.

- Allez, hop ! À l’intérieur, espèce de paresseux !

- Hey, on est pas des paresseux ! On travaille beaucoup, alors on a le droit de se reposer !

- Peut-être Sébastien, admit Matthieu, mais vous vous reposerez juste après le concert ! Pas avant !

 

Les trois jeunes hommes furent donc obligés de rentrer à l’intérieur du bâtiment s’ils ne voulaient pas que les courroux de leur agent artistique s’abattent sur eux. Ils répétèrent toute la journée. Les techniciens réglèrent la sonorisation. Il y eut beaucoup d’essais. Lorsque le soir arriva, le groupe était épuisé. Matthieu leur laissa une bonne nuit de sommeil, et le lendemain, ils travaillèrent davantage. Ils firent une répétition générale et minutieuse qui dura presque quatre heures. L’après-midi toucha à sa fin, et le stress monta de plus en plus.

 

Durant les deux heures avant leur première scène, Clémence fut maquillée et coiffée par des professionnelles, Baptiste fit les cent pas dans sa loge, Sébastien appela sa mère, Ludovic pria plusieurs fois et Florian dormit.

 

- Flo’, réveille-toi, bordel ! C’est pas le moment de dormir ! hurla Ludovic en rentrant dans la loge du jeune homme.

- Pouh, tu m’énerves ! Dormir, ça m’enlève le stress !

- Viens plutôt là que je t’arrange ! T’as l’air d’un gamin qui sort du lit !

- Faut qu’on soit tous beaux ce soir ! claironna Baptiste, en entrant à son tour dans la petite pièce avec son frère.

 

Sébastien s’assit sur un pouf et ouvrit son carton de lettres. Il en prit une au hasard et la lut attentivement. Lorsqu’il releva la tête, il était rouge de honte.

 

- Séb ? Qu’est-ce que t’as ? s’étonna Ludovic.

- C’est une fille qui m’a écrit.

- C’est normal, ça.

- C’est une véritable coquine, pour pas dire une cochonne. Si vous saviez ce qu’elle a écrit !

- Ton fan-club est assez particulier Sébastien, remarqua Florian.

- Bah, c’est pas ma faute si je suis…attends, je cite, « sexy » !

- C’est de famille ! s’exclama Baptiste, fier.

- Peut-être, mais toi, tu reçois pas ce genre de lettres, donc, t’es moins « sexy » que moi !

- Ah non ! C’est toi qui es moins « sexy » que moi ! T’es pas musclé, et t’es hyper petit !

- Je ne suis pas petit ! hurla Sébastien, vexé. Et j’ai un petit peu de muscles !

- Oui, ils sont tellement petits qu’ils sont invisibles !

- C’est pas vrai !

- Si, c’est vrai !

- Voyons, mon chou, avoue que t’es petit et pas musclé. T’as toujours séché les cours de sport ! fit remarquer Ludovic.

- Mais…

- Allez viens là, je vais te faire une coiffure révolutionnaire avec du gel révolutionnaire !

 

Baptiste tira son frère vers lui et brandit un tube argenté sous son nez.

 

- C’est quoi ça ?

- Du gel coloré.

- C’est à cause du gel coloré que t’as le bout des cheveux tout rouge ?

- On dit que c’est une couleur cuivre Lulu’ !

- Ah bon…

- On dirait que ta tête est une flamme, remarqua Florian. C’est blond au début et ça se termine en rouge…enfin, en cuivre.

- Bah ouais, ma foi, c’est le but, fit Baptiste, fier comme un pape.

- Mais ça fait pas mal du tout, objecta Ludovic.

- Je veux pas du rouge dans mes cheveux ! brailla Sébastien, les mains sur la tête.

- C’est pas du rouge, abruti !

- Je veux pas du cuivre dans mes cheveux !

- Mais c’est pas du cuivre, abruti, c’est une couleur argentée !

- Hein ?

- Ta gueule, laisse-toi faire !

 

Baptiste appliqua un peu de gel coloré sur les pointes des cheveux de son frère. Il les releva un peu, tout en faisant glisser la substance colorée. Quand il eut terminé, il montra à Sébastien le résultat.

 

- Ouah, c’est tout en argent au bout ! s’exclama-t-il.

- Et ouais, t’as vu ! vanta son grand frère, fier de sa création.

- Cool ! commenta Ludovic.

- Vous en voulez ? demanda Baptiste. J’ai aussi en doré.

- Non, c’est bon. On a piqué ton gel « effet mouillé ».

- Qu’est-ce qu’elles vont dire les coiffeuses ?

- Elles vont se faire foutre !

- Bon les mecs, lança Florian. Je vais faire un petit tour chez Clém’.

- Petit coquin ! T’en profites parce que t’es beau, hein !

- Bah, si c’est vrai…c’est bien !

 

Le jeune homme laissa ses amis dans la petite pièce et se traversa un petit couloir. Il entra sans frapper dans la loge de Clémence. Celle-ci était au téléphone avec ses parents. Florian sentit un petite vague de désespoir à l’intérieur de son cœur. Ses amis appelaient souvent leurs parents, alors qu’il n’avait sa mère au téléphone seulement le jour de son anniversaire, le jour de Noël et le Jour de l’An. Il lui parlait de façon brève seulement trois fois par an. Et ça le rendait malade.

 

Clémence mit fin à sa conversation téléphonique. Aussitôt, Florian s’approcha d’elle.

 

- Comment tu me trouves ? lui demanda la jeune fille.

- Magnifique.

 

Elle gloussa et l’observa à son tour.

 

- Mon Floflo’ d’amour, t’es trop beau ! s’exclama Clémence en sautant à son cou.

- C’est vrai ?

- Bah oui, gros bêta !

 

Elle se défit de son étreinte et se regarda dans le miroir.

 

- Tu ne crois pas que tu aurais dû t’attacher les cheveux ? Tu vas avoir hyper chaud.

- Oui, je sais, mais je les ai laissés comme ça pour garder une touche de féminité.

- Ouais. D’un côté, t’as raison.

- Comment ça « d’un côté » ?!

- Rien, rien. Écoute.

 

Clémence tendit l’oreille. Un grondement faisait trembler doucement le sol. Bercy venait d’ouvrir ses portes aux personnes venues pour voir les Rescapés. La jeune fille ouvrit la bouche, apeurée. Florian la prit par la taille, pour la rassurer.

 

- Ils entrent.

- J’ai peur Flo’.

- Mais non…

- Si !

 

Clémence sentit une rangée de dents percer son épaule. Lorsqu’elle se rendit compte que c’était le jeune homme qui la mordait si sauvagement, elle le repoussa.

 

- Florian ! Ça va pas la tête ?! Tu m’as fait mal !

- Désolé, fit-il sans le paraître.

- En plus, tu m’as mordu à l’épaule, là où il y’a presque pas de chair !

- Faut bien que j’évacue mon stress, non ?

- Tâche de l’évacuer autrement !

 

À ce moment, Ludovic fit son entrée dans la loge. Derrière lui, il y’avait Baptiste et Sébastien (qui avait sa célèbre couleur papier mâché).

 

- Lulu’ est allé jeter un petit coup d’œil discrètement, expliqua Baptiste.

- Ah ouais ? Alors ? s’informa Florian.

- Alors, heureusement que je suis derrière ! J’aimerai pas être à votre place, parce que vous allez vous en prendre plein dans la gueule !

 

Sébastien semblait au bord de l’évanouissement. Clémence lui donna un sucre et lui tapota un peu sur les joues pour qu’il se remette de ses émotions. La porte s’ouvrit à nouveau sur Matthieu.

 

- Les jeunes, c’est à vous dans dix minutes.

- Tu peux nous laisser seuls ? supplia Baptiste.

- Bien sûr.

 

L’agent artistique laissa donc le groupe dans la loge. Aussitôt, Ludovic déploya ses grands bras et serra ses quatre amis contre lui. Ils restèrent serrés les uns contre les autres pendant de longues minutes, dans le silence le plus complet. Il arriva un moment où Matthieu réapparut, bien embêté de déranger le groupe dans leur intimité.

 

- Il faut y aller, fit-il doucement.

 

Florian prit la main de Clémence, qui prit celle de Ludovic, qui prit celle de Baptiste, et qui prit celle de Sébastien. Ils sortirent de la loge tous ensemble, main dans la main, en file indienne. Un dernier coup de pinceau sur le nez, une dernière vérification technique, et c’était parti pour le grand saut dans l’inconnu.

 

La première chose qu’ils virent en montant sur scène, ce fut tous ces visages braqués sur eux. Il y’avait du bruit, beaucoup de bruit. Tellement de bruit, qu’ils avaient peur de ne pas arriver à le dissimuler sous la musique. Il y’avait de grands cris, des bras levés, des filles assises sur les épaules de leurs copains, dans l’espoir de mieux apercevoir le groupe. Le public les réclamait, les attendait, et ils appréhendaient.

 

- Ouah, fit Sébastien, qui avait perdu toute sa timidité.

- Bonsoir ! s’exclama Florian.

- Flo’, si tu prends pas le micro, ils t’entendront pas.

- Ah ouais, pas con.

 

Il s’exécuta à nouveau et un chœur hystérique lui répondit. Ses amis prirent place devant leurs instruments respectifs. Afin d’éviter tout problèmes et débordements, il avait été convenu que Ludovic ne bougerait pas de sa batterie et que Clémence resterait à la guitare.

 

- Ça va être chaud ce soir ! hurla Baptiste dans son petit micro.

 

De nouveaux cris lui répondirent. Le jeune homme avait un don pour mettre à l’aise les gens, et il savait s’en servir mieux que Florian. De plus, la situation l’amusait. Avant qu’il joue sa première note, Clémence l’interrompit.

 

- Je déteste Paris, confia-t-elle au public.

 

Les hurlements n’étaient plus hystériques, ils étaient coléreux. Certains adolescents osèrent même siffler la jeune fille. Celle-ci reprit, tout sourire.

 

- Prouvez-moi que j’ai tort.

 

Les cris furent forts, si forts, que les tympans de Ludovic tremblaient, même avec les boules Quiès. Heureusement, Baptiste commença à jouer et Florian se mit à chanter. Leur public semblait connaître la chanson par cœur.

 

- Et tu réapparais, comme si je t’attendais…

- Alors va te faire ! résonna la voix du public.

 

Baptiste, Sébastien, Clémence et Florian s’arrêtèrent, choqués. Ludovic fronça les sourcils.

 

- Non mais oh ! hurla-t-il.

- Ça va pas la tête ? s’exclama Florian, les mains sur les hanches, face au public.

- T’as vu comment tu nous parles là ? s’énerva Baptiste.

- Non mais vraiment !

- On vous a jamais appris la politesse ou quoi ?!

 

Cinq clins d’œil plus tard, Ludovic frappa brutalement sur ses caisses et la chanson repartit.

 

- Alors va te faire ! hurla le groupe entier.

 

Les chansons défilèrent à grande allure, et les Rescapés ne les virent pas passer.

 

- Est-ce qu’il y a des filles qui sont venus avec leurs amoureux ? demanda Clémence, lorsqu’un morceau toucha à sa fin.

 

Des bras se soulevèrent, en même temps que les cris.

 

- Et est-ce qu’il y a parmi vous, des mecs qui sont venus avec leurs petits copains, et des filles qui sont venues avec leurs petites copines ? s’informa Sébastien.

 

Le groupe entendit beaucoup de « non » et très peu de « oui ».

 

- Moi, je dis…commença Florian.

 

Il entendit quelques secondes pour bien s’assurer que tout le monde l’écoutait.

 

- Je dis, total respect.

 

Les applaudissements tombèrent du ciel et les Rescapés interprétèrent « la chanson de Ludovic », rebaptisé Les garçons portent du rose. Ensuite, Baptiste accompagna Florian pour chanter Émilie. Ils jouèrent plusieurs reprises, dont quelques-unes en anglais. Après plus d’une heure de spectacle, ils se rendirent compte qu’ils ne restaient plus que deux chansons avant la fin de leur concert.

 

 

Je suis celui que l'on déteste Celui qu'on oublie souvent Celui qu'on ne remarque jamais Regarde, je suis celui qui reste

Quand les autres ont le temps Qu'on aime quand il se tait et marche… Seul, je suis seul Je suis là, qu'on me veuille ou pas Je marche seul, je suis seul Je reste là, qu'on me veuille ou pas

Je suis comme ça... Je suis celui que l'on évite Dont on parle doucement Celui que l'on n’écoute jamais Tu sais, j'aimerai que l'on me défende Qu'on parle un peu de moi Mais fatigué d'attendre, je marche… Seul, je suis seul Je suis là, qu'on me veuille ou pas Je marche seul, je suis seul Je reste là, qu'on me veuille ou pas

Je suis comme ça... Mais qu'est-ce qu'on attend de moi ? Est-ce qu'on m’attend ou pas ? Je cherche des réponses, mais toujours… Seul, je suis seul Je suis là, qu'on me veuille ou pas Je marche seul, je suis seul Je reste là, qu'on me veuille ou pas

Je suis comme ça... Je marche seul

Je suis seul Je suis là, qu'on me veuille ou pas Je marche seul, je suis seul Je reste là, qu'on me veuille ou pas

Je suis comme ça...

 

Florian avait écrit cette chanson lorsqu’il se trouvait encore en Angleterre. Il se revoyait assis sur son petit lit comme un solitaire, avec sa guitare en bois verni et son bloc-note tout neuf. Dehors, la pluie ne cessait de tomber. Il se revoyait penser à Clémence, qui l’avait quitté ; à Sébastien, qui était en pleine croissance et qui ne mesurait pas plus d’un mètre 55 ; à Baptiste, qui lui avait donné plein de combines pour écrire une partition ; et à Ludovic, son confident de toujours. Il pensait tellement à Clémence, qu’il en oubliait Ann, sa petite amie provisoire issue de ses expériences adolescentes. Ann était belle et blonde mais Florian ne l’aimait pas. Il préférait les brunes aux visages doux ; mais il n’en connaissait qu’une seule dotée de cette qualité. Quand les autres adolescents lui faisaient remarquer qu’il n’avait pas d’amis, il leur répondait toujours qu’il en avait trois merveilleux en France. Quand on lui demandait des nouvelles de sa petite amie, il répondait toujours qu’elle lui manquait et il se mettait à la décrire passionnément. On lui disait qu’Ann n’était pas brune, qu’elle n’avait pas les yeux bleu myosotis et qu’elle ne savait ni chanter comme un rossignol, ni jouer de la musique comme les plus grands musiciens d’époque, ni danser comme une Étoile de l’Opéra. Florian répliquait qu’il ne parlait pas d’Ann, mais de Clémence. Alors, les adolescents allaient raconter à l’Anglaise son amour pour la jeune fille. Et Ann pleurait. Et Florian s’enfermait dans sa chambre… Ah ! qu’il était mignon ce jeune Français seul et perdu…

 

Lorsque la musique s’arrêta, il avait les larmes aux yeux. Il considéra gravement le public.

 

- Merci, murmura-t-il.

 

C’était le seul mot qu’il pouvait lui dire.

 

Les Rescapés interprétèrent une dernière chanson, leur reprise de Lara Fabian, que Florian chanta en duo avec Clémence. Après, Ludovic se leva de son petit tabouret et rejoignit Baptiste, Sébastien, Clémence et Florian. Ils firent face au public, les yeux humides, et le saluèrent. Ils se tenaient fermement par les épaules ou par la taille, comme s’ils ne voulaient pas se séparer.

 

Dés qu’ils descendirent de la scène, ils se ruèrent dans la loge de Florian, sans entendre les félicitations et les applaudissements de Matthieu. Ludovic ôta son T-shirt trempé, Baptiste but de grandes gorgées d’eau, Sébastien vida sa bouteille sur sa tête et se trouva mouillé jusqu’aux os, et Florian se laissa tomber sur une pile de coussin, épuisé. Clémence s’attacha les cheveux et s’agenouilla auprès de lui. Elle passa son bras sous sa nuque pour relever un peu sa tête et le fit boire doucement de l’eau fraîche.

 

- Ça va Flo’ ? s’inquiéta-t-elle en se penchant sur lui.

- Non…j’ai l’impression d’être mort…

 

Il n’avait presque plus de voix.

 

- Sébastien ! gronda Baptiste. Tu vas attraper mal !

- Mais j’ai chaud !

- C’est pas une raison pour te verser de l’eau glacée sur la tronche ! C’est comme ça qu’on attrape la crève !

 

Le jeune homme saisit une couverture et frictionna son petit frère.

 

- Vous savez à quoi j’ai pensé tout au long du concert ?

- Vas-y, dis-nous Flo’.

- J’ai pensé à nous. J’ai revu tout ce qu’on a fait ensemble depuis qu’on se connaît. Je t’ai revu, Ludovic, mal dans ta peau. J’ai revu Alexandra pleurer. J’ai revu ma mère. Je me suis revu embrasser pour la première fois Clémence dans un cinéma pourri.

- C’est drôle, moi aussi, répondirent quatre voix en même temps.

 

Le groupe resta silencieux. Florian posa sa tête sur les genoux de Clémence et ferma les yeux.

 

- Hey, les mecs, vous savez quoi ? commença-t-il. Je crois qu’on a enfin touché notre but…

 

 

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Sunny
Posté le 12/03/2008
Aha ! ^^ J'ai décidé il y a dix minutes de retourner faire un tour par ici, et c'est bien ce que je pensais. J'avais pas lu les deux derniers chapitres ! Malheur !! xD A peine deux de tension je suis. C'est tout bien ce chapitre. ^-^ Bon, je m'en vais lire le dernier...Reponse de l'auteur: Oh le petit poisson rouuuge ! XD Enfin, merci pour ta reviews, ça fait toujours plaisir ! ^^ Smawks
Nascana
Posté le 02/08/2010
Pour le miel, je comprend Florian, c'est trop bon le miel ^^ !
"Je déteste Paris"-} moi aussi. Je trouve ça triste et trop pollué.
Un chapitre très émouvant avec les souvenirs de Florian. Et puis, je suis contente que la mère de Sebastien et de Baptiste divorce. Je pense que ça va leur faire du bien.
Est-ce que Florian va se réconcillier avec sa mère ?
J'ai peur, il ne reste qu'un chapitre.
 
 
La Ptite Clo
Posté le 02/08/2010
=)
Ben moi, j'aime et je n'aime pas Paris. Je n'aime pas, par principe (quand on habite à côté de Marseille, on nous inculque une éducation anti-Paris dès le berceau, un peu comme l'OM, quoi ^^). Mais d'un autre côté, c'est une ville tellement belle et tellement riche au niveau du patrimoine... Honnêtement, j'adorerai y vivre... si c'était pas au Nord, et s'il pleuvait pas aussi souvent. xD
Bref, je suis contente cela t'ait plu. En effet, le divorce était la meilleure solution au problème de Baptiste et Sébastien... Quant à la réconcilliation entre Flo et sa mère... je garde le silence, comme tu l'as dit, il ne reste plus qu'un chapitre. ;)
Merci beaucoup pour tous tes commentaires, Nascana. :)
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