La Lune brillait au-dessus de Paris. Les parisiens se faisaient plus rares. La plupart étaient en famille pour la veillée de Noël. Il restait 2h avant les 12 coups de minuit. 2 heures pour que Mathurin atteigne le haut du clocher de Montmartre et fasse tomber la neige. Passé ce délai, ce serait trop tard. Paris serait plongé dans les ténèbres tandis que la honte et l'humiliation suivraient pour toujours Mathurin et tous les pingouins.
Ce soir-là, il y eu beaucoup de bruits dans les fourrés. Quelque chose se préparait. Les chats postés à toutes les intersections sentirent que la course-poursuite commencerait bientôt.
Chat-Filou était prêt. Il était accompagné de deux de ses fidèles pattes-droites : Chat-Féroce et Chat-Méchant.
Ils étaient à bonne hauteur de la butte Montmartre. Le pingouin devrait passer quatre ou cinq ruelles avant d'arriver jusqu'à eux. Mais au cas où, il se tenait aux aguets.
Et grand bien lui fit car il aperçut, au détour d'un bosquet… le pingouin !
Ni une ni deux, les trois chats s'élancèrent à sa poursuite. Le pingouin se mit à monter les marches. Chat-Féroce, le plus rapide, sauta pour l'attraper mais le rata de peu et s'écroula contre un lampadaire. Chat-Méchant, le plus endurant, rattrapa petit à petit le pingouin. Cependant celui-ci fit un bond sur le côté et évita le chat. Chat-Filou, le plus intelligent, s'arrêta et réfléchit à ce qu'il venait de voir.
- Il y a quelque chose de bizarre avec ce pingouin, se dit-il, il est bien plus rapide que je ne le pensais.
Il prit une ruelle sur le côté afin de le prendre de revers. Il tomba sur d'autres chats qui couraient dans l'autre sens.
- Où allez-vous ? Le pingouin est là !
- Non chef, il est par ici !
Et ils partirent.
Chat-Filou continua sa course. Il avait 3 mètres à faire pour le rattraper. Il pouvait le faire ! Il prit tout son élan et accéléra. Puis parvenu au niveau du pingouin, il sauta. Quelle ne fut pas sa surprise quand il vit un autre petit pingouin passer sous ses pattes !
Un deuxième pingouin ? Il était perdu. Bientôt deux autres chats le croisèrent, poursuivant ce deuxième pingouin. Son propre pingouin vint alors s'enfuir sur un côté. Chat-Filou prit de la hauteur et regarda au loin. Dans chaque ruelle il y avait des chats qui poursuivaient des pingouins. La ville était envahie de pingouins !
Comment était-ce possible ? Comment le petit pingouin avait réussi à ramener tous ces congénères du pôle nord ?
Chat-Filou regarde avec plus d'attention l'un des pingouins.
- Décidément il y a vraiment quelque chose qui cloche, se dit-il. Il... il ne court pas normalement. Plus précisément : il ne se dandine pas…
Il devait en être sûr. Il se mit dans un bosquet, attendant que l'un des volatiles passe devant lui en essayant d'échapper à quelques matous. Il déposa un peu de terre devant lui.
En voilà un ! Rapide comme l'éclaire, Chat-Filou n'eut le temps de rien distinguer. Mais il s'approcha et remarqua les empreintes de pas sur la terre.
- Oh non… se dit-il.
Les empreintes étaient très différentes de celle d’un pingouin.
Chat-Filou attendit encore qu'un autre pingouin passe et sauta dessus. Il l'attrapa mais se retrouva deux secondes plus tard à tenir… une peluche de pingouin sortit un rat ! Un rat qui fila bien vite.
Chat-Filou en resta bouche-bé, ou plutôt museau-bé ! Il pensait pourchasser un pingouin, mais se retrouvait à observer des centaines de rats déguisés en pingouins qui arpentaient les rues de Montmartre.
Chat-Filou resta sidéré quelques secondes puis reprit ses esprits.
- C'est une diversion ! cria-t-il. Revenez auprès de moi. Ce ne sont pas de vrais pingouins !
Mais c'était trop tard. Les rats déguisés en pingouins avaient emmené la majeure partie des chats dans une ruelle en cul-de-sac.
- Mauvais plan, dirent les chats. Vous êtes bloqués avec nous.
Les rats enlevèrent alors leur déguisement de pingouin. Les chats poussèrent des cris d’étonnement et de rage.
- Vous ! Nous aurions dû nous en douter, dit l'un des chats qui s'appelait Chat-Furieux.
- Un vrai plaisir de se revoir chers félins, n’est-ce pas ? répondit Gaston le raton quelque peu goguenard.
- Ne fait pas le malin, répondit Chat-Furieux, nous sommes plus nombreux que vous. Vous êtes fait comme des rats !
- Vraiment ? dit Gaston. Il faudra en parler avec nos nouveaux amis.
Surgissant derrière les chats apparurent alors une vingtaine de crocodiles qui fermèrent la sortie de la ruelle. Les chats furent pétrifiés de terreur. Les rats, quant à eux, ne se firent pas prier pour passer par une petite bouche d'égout, laissant leurs copains à écailles garder les chats prisonniers.
A deux rues de là, un étrange cortège fit son apparition. Voyant que la voie était dégagée et qu'il ne restait qu'une dizaine de chats en liberté, un gecko s'élança dans une course effrénée vers les hauteurs de Montmartre en portant sur son dos un petit pingouin, bien réel cette fois.