Chapitre 11 - Mal étendu

Notes de l’auteur : Salut tout le monde, cette semaine, je vais poster deux chapitres, celui-là et un autre demain, pour faire plaisir à M.P Lenoir ^^

Le lendemain de son essayage, Lya n'avait toujours pas trouvé le courage d'aborder le sujet du changement de couleur de ses yeux avec ses amis. Ce bouleversement la préoccupait, mais elle repoussait sans cesse l'échéance. Après tout, ils n'avaient jamais l'occasion d'être seuls assez longtemps pour en discuter, et avec les préparatifs de la cérémonie qui accaparaient toute leur attention, cette révélation pouvait bien attendre un peu.

Alors qu'elle se dirigeait une nouvelle fois vers la bibliothèque pour poursuivre ses recherches sur la prophétie, une voix familière l'interpella :

-Lya !

Elle se retourna pour voir Amanda s'approcher d'un pas vif.

-Salut !, répondit-elle avec un large sourire.

-Je te cherchais. Nous avons reçu nos assignations pour la cérémonie. Toi, Emrys et moi, nous serons chargés d'accompagner la famille du futur seigneur.

Lya hocha la tête, soulagée.

-Merci pour l'info. Je suis rassurée que l'on soit ensemble. Si tu es là, tout se passera bien !

Elles échangèrent un regard complice, savourant cette certitude rassurante, avant qu'un bruit de course précipitée ne détourne leur attention. Un Matt essoufflé surgit devant elles.

-C'est toi que je cherchais !, lâcha-t-il entre deux respirations.

Amanda et Lya se désignèrent mutuellement du doigt, perplexes.

-Non, euh... Je veux dire toi, Amanda !, précisa-t-il en se tournant vers la concernée. 

Il inspira profondément, visiblement nerveux. 

-S'il te plaît, écoute-moi et surtout, ne m'interromps pas avant que j'aie fini. Ça fait un moment que j'essaie, mais je ne trouve jamais le bon moment, alors je le fais maintenant !

Lya et Amanda échangèrent un regard surpris devant l'urgence dans sa voix.

-Amanda... reprit-il, le ton plus sérieux. Veux-tu venir avec moi au bal ?

Sa demande était sincère, presque solennelle. On pouvait deviner son pouls s'emballer sous l'effet du trac.

Amanda écarquilla légèrement les yeux, prise au dépourvu.

-Oh... 

Elle hésita, comme si elle pesait soigneusement ses mots. 

-Ça aurait été avec plaisir... Si tu me l'avais demandé en premier, j'aurais accepté. Mais je suis désolée, je ne peux pas. J'ai déjà promis d'y aller avec Lya.

Un éclair de déception traversa le visage de Matt. Il baissa légèrement les épaules, comme si tout l'air venait de s'échapper de ses poumons. Amanda, quant à elle, semblait peinée, bien qu'elle tenta de le dissimuler.

-D'accord... Je comprends..., murmura-t-il.

-Allez-y ensemble !, intervint Lya, levant les mains en signe d'apaisement. Je ne vais pas mourir d'être seule, vous savez ! Et puis, Amanda, je t'avais dit ça comme ça, tu n'as pas à refuser juste à cause de moi.

Amanda fronça les sourcils, partagée entre la fidélité à sa promesse et l'envie de ne pas décevoir Matt.

-Non, on avait décidé d'y aller toutes les deux et...

-Je n'en ferai rien !, la coupa Lya avec un sourire encourageant. Je t'assure, ça ne me dérange pas du tout !

Un éclat d'espoir brilla aussitôt dans les yeux de Matt.

-C'est vrai ?!, demanda-t-il avec une lueur d'enthousiasme mal dissimulée.

-Oui, si je vous le dis !

Sans attendre, Matt se jeta dans ses bras, soulagé et ravi. Tout contre son oreille, il lui murmura avec gratitude :

-Je te le revaudrai.

Brusquement, une douleur fulgurante transperça le crâne de Lya, si violente qu'elle en eut le souffle coupé. Encore nichée dans les bras de Matthew, son corps se tendit sous l'intensité du choc. La souffrance irradia jusqu'au plus profond de son esprit, comme si des éclats de verre s'y enfonçaient, vrillant chacun de ses nerfs. Un gémissement étouffé lui échappa tandis qu'elle portait instinctivement ses mains à ses tempes, cherchant en vain à apaiser l'agonie qui lui déchirait la tête.

-Lya ?!, s'alarma tout de suite Amanda en s'avançant d'un pas vif, prête à la soutenir.

Matthew, tout aussi inquiet, raffermit sa prise sur elle.

-Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu te sens mal ?

La jeune fille secoua faiblement la tête, le visage crispé sous l'effet de la douleur.

-Je... J'ai juste mal..., souffla-t-elle d'une voix à peine audible, brisée par la souffrance.

Amanda échangea un regard inquiet avec Matthew, avant de reposer son attention sur Lya, scrutant ses traits tirés.

-Encore ces maux de tête... murmura-t-elle, une ombre de contrariété voilant son expression. Ça devient de plus en plus fréquent, pas vrai ?

Matthew hocha lentement la tête, son front barré d'une ride soucieuse.

-Et surtout, de plus en plus violent... Ce n'est pas normal, Lya.

-Ça va passer... comme d'habitude..., tenta-t-elle de les rassurer, mais le manque de conviction dans sa voix ne trompa personne.

Elle aurait voulu balayer leurs inquiétudes d'un revers de main, prétendre que ce n'était rien de plus qu'un malaise passager, mais elle ne pouvait plus se mentir. 

Depuis quelque temps, ces crises s'étaient intensifiées. Au départ, ce n'était que de simples étourdissements, un voile de vertige qui s'accrochait à elle l'espace de quelques secondes. Mais récemment, la douleur s'était faite plus vive, plus brutale, la frappant sans prévenir comme une tempête dévastatrice. Chaque fois, c'était la même sensation : un étau invisible se resserrant autour de son crâne, l'écrasant sans pitié.

-On t'emmène à l'infirmerie, déclara Amanda d'un ton qui ne laissait place à aucune discussion.

-Non, répliqua Lya en secouant doucement la tête, malgré la douleur qui pulsait encore. J'y suis déjà allée plusieurs fois, et d'après eux, ce n'est rien. Ils disent juste que je dois boire plus d'eau...

Amanda et Matthew échangèrent un regard perplexe.

-Boire plus d'eau ?, répéta Matthew, une pointe d'irritation dans la voix. Ils se moquent de qui ? Une douleur pareille, ce n'est certainement pas dû à un simple manque d'hydratation.

Amanda posa une main légère mais ferme sur l'épaule de Lya, cherchant son regard.

-Promets-moi que si ça empire, tu ne laisseras pas passer ça, d'accord ?

Lya hésita une seconde avant d'acquiescer lentement. Pourtant, un éclat de crainte passa fugitivement dans ses prunelles assombries. Au fond, elle savait qu'ils avaient raison, mais elle ne voulait pas y penser.

 

*****

 

En ce froid début d'après-midi, alors que le ciel restait voilé d'un gris mélancolique, les élèves se rassemblèrent pour leur tout premier cours de magie commune. Lya, bien qu'encore légèrement sonnée, avait fini par calmer ses maux de tête et se joignit aux autres dans l'amphithéâtre.

À la dernière minute, Archibald surgit en trombe, essoufflé, et s'installa à côté de ses camarades.

-Tu étais où encore, toi ?!, chuchota Matthew en jetant un regard accusateur à son ami, alors que le professeur s'apprêtait à commencer.

-À la bibliothèque, évidemment, répondit Archi d'un ton argneux. Je vous y attendais d'ailleurs !

-Lya était très mal, répliqua Matthew, son irritation laissant transparaître une inquiétude sincère.

Avant qu'Archibald ne puisse répondre, une voix grave et autoritaire coupa court à leur échange.

-Mesdames et messieurs, un peu de silence !

Un homme d'âge mûr, à la stature imposante et au regard perçant, se tenait face à eux. Il était leur professeur de magie commune.

-Je tiens d'abord à m'excuser de ne pas avoir pu assurer les cours au début de votre scolarité. Mais désormais, je suis là, et nous allons rattraper rapidement notre retard.

Archi se pencha discrètement vers Lya et murmura :

-Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

-Encore un mal de tête, souffla-t-elle sans trop vouloir s'attarder sur le sujet. Mais rien de grave, ne t'inquiète pas.

Il fronça légèrement les sourcils, réfléchissant.

-Toujours ces crises... Ce n'est pas normal...

Lya hésita, baissant brièvement les yeux. Pourtant, ce n'était pas ce qui la troublait le plus. Elle inspira profondément avant de lâcher, presque à voix basse :

-Et il y a autre chose qui n'est pas normal... Croyez-le ou non, mais... la couleur de mes yeux a changé.

-QUOI ?!, s'exclama Archibald sans même réaliser qu'il venait de parler trop fort.

Le brouhaha ambiant s'éteignit aussitôt. Tous les élèves se tournèrent vers lui, curieux de savoir ce qui avait bien pu provoquer une telle réaction.

Le professeur plissa les yeux, visiblement peu impressionné.

-Monsieur Archibald, c'est bien cela ? ,demanda-t-il d'une voix calme, mais empreinte d'une certaine sévérité. Puisque vous semblez particulièrement loquace depuis le début de mon cours, pourriez-vous donc nous dire ce qu'est le sort "Occultamento minimo" ?

Un silence gênant s'installa, seulement troublé par le ricanement de quelques élèves.

-Mon prénom est Archi, commença-t-il, intrensigeant.

Puis il poursuivit, sans hésitation.

-"Occultamento minimo" est un sort de dissimulation physique. Il permet de masquer certaines parties de son corps.

Le blondinet balaya la salle du regard et s'arrêta sur les personnes qui avaient rigolé, un sourire en coin.

-Par exemple, il peut camoufler des boutons disgracieux... n'est-ce pas, Cécilia ?, lança-t-il d'un ton faussement innocent avant de se tourner vers un autre camarade. Ou une calvitie naissante... Plutôt utile, hein, Liam ?

Un calme gêné s'abattit instantanément sur la classe. Les visés détournèrent les yeux, leurs sourires moqueurs s'évanouissant aussi vite qu'ils étaient apparus. Satisfait, Archi se réinstalla confortablement, les bras croisés.

Le professeur haussa un sourcil mais ne fit aucun commentaire sur l'échange.

-C'est exact, monsieur Archi.

Il marqua une courte pause avant d'ajouter : 

-Ce sort, au-delà de son usage esthétique, est également très utile dans un cadre plus stratégique. Il permet notamment de cacher sa marque runique.

D'un geste fluide, il releva légèrement sa manche, révélant une fine cicatrice sinueuse sur son poignet, preuve indéniable de son passage dans une école de magie.

-Cela peut s'avérer précieux lors de missions d'infiltration, où la discrétion est de mise.

Sans effort apparent, il passa sa main au-dessus de la marque et celle-ci disparut instantanément, comme si elle n'avait jamais existé.

Matthew, impressionné, se tourna vers Archi.

-Tu savais ça ?, demanda-t-il à voix basse.

-C'est de la magie basique..., répondit le blondinet avec un léger haussement d'épaules. Pas besoin de passer devant une prêtresse pour pouvoir l'utiliser. 

Puis, son expression se fit plus sérieuse. 

-Enfin bref, on fait quoi pour Lya ?

-Eh oh, je suis là !, protesta la principale concernée, agacée d'être mise de côté.

Matthew l'ignora sciemment et poursuivit :

-Je pense qu'il faut qu'on en parle à quelqu'un.

-Mais à qui ?, hésita Archi en s'affonçant . On ne peut pas se permettre de faire n'importe quoi, ça pourrait nous attirer des ennuis.

Lya les fixa un instant, son regard déterminé.

-Moi, je sais.

 

*****

 

Tous trois se tenaient devant la porte massive du bureau du directeur, une tension palpable flottant dans l'air. 

Matthew soupira, jetant un regard inquiet à ses camarades.

-Je ne sais pas si c'est une bonne idée..., murmura-t-il, l'ombre du doute transpareçant sous ses traits.

-Pour une fois nous sommes d'accord, renchérit Archi en croisant les bras. Il nous cache des choses depuis le début.

-Et il est proche du PC, ajouta Matthew, sa voix légèrement plus basse, comme s'il redoutait que quelqu'un puisse l'entendre.

Lya, elle, ne semblait pas disposée à faire marche arrière. Ses yeux se firent plus dur tandis qu'elle les fusillait du regard.

-Vous avez une meilleure idée, peut-être ?, lança-t-elle avec agacement. Le directeur est le seul à avoir les réponses que l'on cherche. Et puis, ça fait des mois qu'on est ici, et rien ne nous est arrivé. S'il voulait nous nuire, il aurait eu mille occasions de le faire. Pourtant, il s'est tu.

Archi et Matthew échangèrent un regard. L'argument se tenait, même s'il ne les rassurait pas pour autant.

-D'accord..., concéda finalement Matt à contrecœur.

Avant qu'ils n'aient le temps de poursuivre leur discussion, la porte s'ouvrit dans un léger grincement, sans que personne ne l'ait touchée. Un courant d'air frais s'infiltra, leur donnant un léger frisson.

À l'intérieur, le bureau du directeur était plongé dans une lumière tamisée. L'homme se tenait au fond de la pièce, assis derrière un imposant bureau de bois sombre. Il ajusta lentement ses lunettes et plissa les yeux pour distinguer les visiteurs.

-Oh, l'équipe 3 !, s'exclama-t-il avec un sourire bienveillant. Entrez, entrez ! Que me vaut cette visite ?

Les trois élèves échangèrent un dernier regard avant de s'exécuter. Une fois à l'intérieur, la porte se referma automatiquement derrière eux dans un claquement discret mais définitif.

Le directeur, vêtu d'une lourde tunique grise ornée de broderies argentées, les observa avec attention.

-Je ne vous avais pas vus depuis quelque temps, fit-il remarquer d'un ton cordial. J'espère que votre scolarité se déroule bien ?

-Notre scolarité, oui..., répondit Archi avec retenue.

-Mais nos vies, un peu moins, enchaîna Lya avec une assurance qui contrastait avec l'ambiance pesante de la pièce.

Le directeur haussa un sourcil, posant ses coudes sur son bureau et croisant ses doigts sous son menton.

-Et en quoi puis-je vous aider ?, demanda-t-il posément.

-Peut-être en nous disant enfin la vérité, intervint Archi, son ton à peine voilé d'impatience.

Un silence pesant s'installa. Le directeur resta immobile, ses yeux sombres scrutant les trois élèves comme s'il tentait d'évaluer jusqu'où ils étaient allés dans leurs découvertes. Finalement, il se leva lentement et contourna son bureau, avançant de quelques pas dans la pièce.

Il se frotta le menton, le regard plongé dans le vide, comme perdu dans des pensées profondes. On aurait dit qu'il pesait chaque mot avant même d'ouvrir la bouche.

-Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, finit-il par dire, mais son ton manquait cruellement de conviction.

Lya fit un pas en avant à son tour, son regard brûlant d'une détermination sans faille.

-Je vous en prie, insista-t-elle, sa voix vibrante d'émotion. Plus de non-dits. Nous savons pour la prophétie d'Eohl.

Le directeur sursauta légèrement, comme si le simple fait d'entendre ce mot était une transgression dangereuse.

-Comment... ?

-Ce n'est pas la question, l'interrompit Matthew d'une voix ferme. Ce qui compte, c'est de savoir si nous sommes en danger.

Talford ouvrit la bouche, puis la referma aussitôt, comme si les mots lui échappaient. Son regard se perdit un instant, trahissant une hésitation inhabituelle.

-Je...

Il marqua une pause, cherchant visiblement la meilleure façon de formuler sa réponse. 

-Je ne sais pas encore...

Lya, elle, ne comptait pas se contenter de cette réponse vague. Son cœur battait fort contre sa poitrine, un mélange de frustration et d'appréhension lui nouant l'estomac.

-Et pourtant, quelque chose a commencé, murmura-t-elle, la voix chargée d'émotion. Je le ressens... au plus profond de moi. Depuis mon arrivée, je ne suis plus la même. Monsieur, mes yeux... 

Elle laissa une légère pause, cherchant son souffle. 

-Mes yeux ont changé de couleur.

Le visage du directeur se ferma instantanément. En une fraction de seconde, il s'approcha d'elle avec une urgence inhabituelle, scrutant son regard avec une intensité troublante.

-Puis-je ?, demanda-t-il en tendant la main vers son menton.

Lya acquiesça sans un mot, et Talford la saisit délicatement pour mieux observer ses prunelles. Son regard analytique passa de l'un à l'autre, cherchant un détail invisible aux yeux des autres.

-Heureusement..., souffla-t-il après un long moment de silence. Je ne vois rien d'alarmant. Du moins, pour l'instant.

Lya déglutit difficilement avant d'ajouter d'une voix plus hésitante :

-J'ai aussi des maux de tête... de plus en plus fréquents et violents.

Le directeur releva les yeux vers elle, une ombre de préoccupation traversant son regard.

-Quand ces crises surviennent-elles ?

-Il n'y a pas de schéma précis, expliqua-t-elle. Elles surgissent sans prévenir.

Elle s'arrêta un instant, cherchant ses mots, puis planta son regard dans celui du directeur.

-Dites-nous la vérité. Qu'est-ce qui m'arrive ?

Talford expira lentement, comme si la question pesait une tonne.

-C'est difficile à dire pour l'instant... Je dois poursuivre mes recherches.

Matt, jusque-là resté silencieux, s'appuya légèrement contre le bureau, un éclat de défi dans les yeux.

-Ou peut-être devrions-nous en parler à des personnes plus compétentes ?, lança-t-il d'un ton acéré.

Le directeur se figea. En une fraction de seconde, son expression changea du tout au tout.

-Vous ne devez en parler à PERSONNE !, s'exclama-t-il, une lueur de panique pure dans ses prunelles. Vous ne comprenez pas que j'essaie de vous protéger ?

-Comment pouvons-nous en être sûrs ?, rétorqua Archi, serrant les poings. Vous ne nous dites rien !

-Alors dites-nous au moins ce que signifie Eohl, insista Lya, sa voix plus suppliante cette fois. Si nous savions, nous pourrions nous protéger.

Talford secoua lentement la tête, son regard empreint d'un mélange d'inquiétude et de regret.

-Les prophéties ne fonctionnent pas ainsi..., déclara-t-il d'un ton grave. C'est précisément lorsqu'on les comprend qu'elles s'accomplissent. Si je vous révélais tout, cela pourrait être...

Il s'interrompit un instant, pesant ses mots, puis laissa tomber d'une voix plus sombre :

-Le début de la fin du monde... et votre propre fin.

Un silence pesant s'installa dans la pièce.

-Mais croyez-moi, reprit-il plus doucement, je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour empêcher cela. Vous en revanche, vous devez simplement rester des élèves normaux. Ne posez pas de questions. Ne vous faites pas remarquer. Et tout ira bien.

À peine eut-il terminé sa phrase que Lya chancela.

Une douleur fulgurante explosa dans sa tête, plus intense que jamais. C'était comme si quelqu'un fouillait son cerveau à mains nues, retournant chaque pensée, chaque souvenir, avec une brutalité inhumaine.

Elle fit un pas en arrière, tituba, puis s'effondra à genoux, ses mains tremblantes se refermant sur ses tempes.

-Lya !, s'écria Matthew.

Mais elle ne l'entendait déjà plus. Son souffle était court, erratique. Ses doigts crispés s'enroulèrent dans ses cheveux blonds, tirant avec une force presque désespérée, comme si elle cherchait à arracher la douleur à la racine.

Quelque chose était en train de se réveiller en elle.

Et ce n'était pas normal.

Un hurlement déchirant s'échappa de sa gorge, emplissant la pièce d'un écho irréel. Un cri de douleur pure, brute, qui semblait venir d'un endroit bien plus profond que son propre être.

Presque aussitôt, une vibration sourde se fit sentir sous leurs pieds. À peine perceptible au début, comme un battement de cœur sous la pierre, elle se propagea lentement à travers le bureau. Les murs tremblèrent. Les étagères gémirent sous la pression. Puis, dans un fracas sec, les premiers livres s'effondrèrent, leurs pages jaunies projetées en l'air comme des feuilles mortes balayées par un vent furieux.

La secousse s'intensifia brutalement. Un chandelier de bronze bascula et s'écrasa au sol, manquant de peu Matthew, tandis qu'une fissure sinueuse se forma sur le mur du fond, s'élargissant inexorablement sous leurs yeux.

-Lya !

Sans réfléchir, Matthew et Archi se précipitèrent vers leur amie. Ils s'agenouillèrent de chaque côté d'elle, leurs mains trouvant aussitôt ses poignets tremblants.

-Lya, écoute-nous !, s'écria Matthew, sa voix tendue par l'urgence. Ça va passer, d'accord ? Respire !

-Regarde-nous !, ajouta Archi d'un ton plus ferme. C'est dans ta tête, Lya. Tu peux le contrôler.

D'un même mouvement, presque instinctif, ils posèrent leur main libre sur ses joues glacées, forçant son regard à rencontrer le leur.

Ce fut comme une déchirure dans le chaos.

Le contact de leurs yeux déclencha une onde silencieuse, une force invisible qui balaya tout sur son passage. En un instant, le sol cessa de vibrer. L'air, chargé d'électricité quelques secondes plus tôt, se vida de toute tension. Même le chant des oiseaux, au-dehors, s'était éteint, comme si le monde entier retenait son souffle.

Un silence total.

Un vide absolu.

Leurs respirations étaient les seuls sons perceptibles, rapides, haletantes, comme si chacun d'eux venait de traverser un ouragan.

-C'est... plus grave que je ne le pensais..., murmura le directeur, sa voix à peine audible.

Mais aucun des trois élèves ne répondit. Ils restèrent figés, accrochés les uns aux autres, comme retenus par une force qui les dépassait.

C'était indescriptible. Une chaleur diffuse s'était installée entre eux, un lien invisible, plus fort que tout ce qu'ils avaient pu ressentir jusque-là. Une présence. Une certitude.

Leur connexion n'avait jamais été aussi évidente.

Ce n'était pas une simple amitié. Ce n'était pas un hasard. Ils le savaient maintenant. Sans qu'aucun mot ne soit échangé, une vérité s'imposa à eux avec une intensité vertigineuse : ils étaient liés d'une manière que ni le temps, ni la distance, ni même la mort ne pourraient briser.

Des âmes-sœurs.

Une union absolue.

Puis, comme si ce lien avait consommé toutes ses forces, Lya trembla. Ses paupières papillonnèrent, son souffle saccadé se fit plus court.

Et sans un mot, elle s'effondra dans leurs bras.

 

*****

 

Après un passage express à l'infirmerie, où l'on s'était contenté de prescrire à Lya du repos et quelques recommandations alimentaires, la jeune fille retrouva enfin la chaleur rassurante de son dortoir. Avec Matthew et Archi, ils avaient convenu d'un mensonge simple mais efficace : un malaise dû à un manque de sucre. Une explication crédible qui évitait d'attirer trop d'attention sur l'incident. Quant au directeur, il leur avait assuré qu'il poursuivrait ses recherches et qu'il leur ferait part de ses découvertes... dans la mesure du possible.

Installée sur le canapé du dortoir, Lya tentait de retrouver un semblant de normalité. Emrys, assis à côté d'elle, l'observait avec une inquiétude à peine dissimulée. À quelques mètres, Amanda, Anita, Nata et Nathalie étaient penchées sur leurs devoirs, échangeant parfois des murmures studieux.

-Tu es sûre que ça va mieux ?, demanda doucement Emrys, rompant le silence.

-Oui, ne t'en fais pas. Pas la peine d'en faire tout un drame, ce n'était rien, répondit-elle avec un sourire qui se voulait rassurant.

-Vraiment ? Avec ce tremblement de terre en plus, ça n'a pas dû arranger tes affaires..., insista-t-il, le regard scrutateur.

Lya haussa légèrement les épaules, préférant éviter le sujet.

-Certainement...

Un moment de calme s'installa, avant qu'Emrys ne prenne une profonde inspiration, comme s'il s'apprêtait à dire quelque chose d'important. Il se redressa, plus sérieux.

-D'ailleurs... je ne sais pas si c'est le bon moment, mais... je voulais te demander si tu accepterais d'être ma cavalière pour le bal ?

Le bal ?

Avec tout ce qui s'était passé, cet événement lui était complètement sorti de l'esprit. Mais à peine eut-elle le temps d'enregistrer la question qu'un autre détail lui sauta aux yeux : Nathalie.

Son regard avait immédiatement dérivé vers elle, et ce qu'elle vit lui glaça le sang. La jeune fille, qui n'avait pas perdu une miette de la conversation, la fixait avec une intensité brûlante, un mélange de reproche et de colère contenue dans les prunelles.

-Je... euh...

Les mots restèrent bloqués dans sa gorge.

Face à son hésitation, l'enthousiasme d'Emrys s'effondra comme un château de cartes. Son sourire se figea avant de disparaître totalement, laissant place à une expression déçue.

-Oh... 

Il baissa légèrement les yeux. 

-Je pensais que... que tu voulais aussi y aller avec moi... Tu sais, l'autre jour, quand tu as dit que tu attendais que je t'invite...

-Mais... quand j'ai dit ça, je pensais à quelqu'un d'autre..., lâcha-t-elle, presque à regret, sa voix trébuchant sur les mots.

Une ombre passa sur le visage d'Emrys. Il se recula légèrement, comme si ces quelques syllabes venaient de le heurter de plein fouet.

-Ah... je vois..., dit-il d'une voix bien plus terne. Je suis désolé, je crois que j'avais mal compris.

Lya ouvrit la bouche pour tenter de rattraper la situation, une pointe de culpabilité lui serrant le ventre.

-Mais je serais ravie d'y aller avec toi, c'est juste que...

Elle n'eut pas le temps de finir, car un bruit sec retentit dans la pièce.

Dans un geste brusque, Nathalie s'était levée d'un bond, repoussant sa chaise si violemment qu'elle grinça sur la pierre.

Rouge de colère, elle lança un regard noir à Lya, un mélange de frustration et de blessure à vif. Puis, sans un mot, elle tourna les talons et sortit du dortoir en claquant la porte derrière elle.

Un silence pesant s'abattit immédiatement.

Amanda, Anita et Nata échangèrent des regards interdits, visiblement surprises par la scène qui venait de se jouer sous leurs yeux. Puis tous les regards finirent par converger vers Lya et Emrys, toujours assis sur le canapé. 

La blondinette, le cœur battant, réalisa que tout venait de devenir encore plus compliqué.

- Attends, Nath ! Ce n'est pas ce que tu crois !, s'écria-t-elle, se levant précipitamment du canapé.

Mais Nathalie était déjà partie.

Emrys, toujours assis, fronça les sourcils, visiblement perdu. Son regard oscilla entre Lya et la porte, cherchant désespérément à comprendre ce qui venait de se passer.

-Je... j'avoue que je ne saisis pas, finit-il par avouer, un peu hébété.

Lya poussa un soupir, mal à l'aise. Elle passa nerveusement une main dans ses cheveux avant de prendre une profonde inspiration.

-Quand je t'ai dit que quelqu'un attendait ton invitation... 

Elle marqua une pause, hésitant, puis se lança. 

-Je parlais de Nathalie. Pas de moi.

Le déclic se fit instantanément. Les yeux d'Emrys s'agrandirent sous l'effet de la réalisation soudaine. Une légère teinte rosée monta à ses joues, trahissant sa gêne. Mais aussitôt, son expression changea et de la tristesse s'installa.

-Oh..., souffla-t-il simplement, comme s'il digérait l'information.

Le silence inconfortable continua. 

Lya se mordilla la lèvre, cherchant une façon de détendre l'atmosphère. Puis, sans vraiment réfléchir, elle lâcha d'une voix plus douce :

-Mais tu sais... je suis vraiment contente que tu me l'aies proposé. Si ce n'était pas avec Amanda, je ne me voyais pas y aller avec quelqu'un d'autre que toi, à vrai dire...

À peine avait-elle prononcé ces mots qu'elle regretta instantanément.

Mais qu'est-ce que je raconte ?!

Elle s'insulta intérieurement pour son manque de retenue, mais le mal était fait.

Le visage d'Emrys s'illumina d'un sourire radieux. Son regard, qui était encore empli de doute un instant plus tôt, s'adoucit, brillant d'une lueur sincère.

-Alors on se retrouvera là-bas !, s'enthousiasma-t-il, retrouvant son entrain.

Il se leva, comme électrisé par la nouvelle tournure des événements. Avant de quitter le dortoir, il se retourna vers Lya avec un petit sourire malicieux. Puis, en passant près d'Amanda, il lui lança un clin d'œil complice.

Lya, intriguée, tourna immédiatement son regard vers son amie. Un sourire interrogateur flottait sur ses lèvres, une expression qui semblait dire : "Tu y es pour quelque chose, toi, non ?"

Amanda haussa simplement les épaules, l'air de rien, mais son large sourire trahissait sa satisfaction. Comme si tout s'était passé exactement comme elle l'avait prévu.

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
M.P Lenoir
Posté le 10/04/2025
Hey !
C'est tellement gentil d'avoir pensé à moi, je suis en retard cela dit, une personne chère est malheureusement décédé dans des circonstances violentes alors il me fallait du temps pour reprendre petit à petit la lecture. ( Et plus encore l'écriture ).

Pour ma part, je ne trouve pas que le romantisme s'installe trop vite, au contraire, c'est plutôt surprenant d'apprendre qu'ils sont des âmes soeurs étant donné leurs relations respectives avec les autres ( notamment matt et Amanda, que je verrais bien ensemble ).

Ça avance doucement mais sûrement, tu pose ton cadre, tes péripéties et ça c'est vraiment bien.
Concernant Archi, je trouve que son caractère se développe comme il faut, sans en faire de trop.
La lecture est agréable, et que dire de Lya. J'imagine que c'est l'éveil des ténèbres qui lui causes tous ces mots. A voir par la suite.

En tout cas, heureuse d'avoir pu reprendre ton récit ! Ça m'avait manqué de me plonger dans un univers tout autre.

Juste une petite correction, car dans cette phrase, il y a deux verbes " : de la tristesse passa s'installa dans son expression."

Voilà, on se retrouve de suite dans les prochains chapitres !
DSWritter
Posté le 11/04/2025
Oh, toutes mes condoléances... J'ai une pensée pour toi et pour la personne qui t'était chère <3
Je suis contente si mon histoire peut te sortir un instant d'un moment compliqué.

Comme je l'ai dit, le romantisme est ce qui me plait souvent le plus à écrire, (avec les situations dramatiques). Si tu me dis que ça ne va pas trop vite, cela me rassure, car j'ai parfois l'impression de me dépêcher pour aller aux scènes qui m'intéressent le plus.

Merci pour la correction, je vais modifier ça tout de suite !
M.P Lenoir
Posté le 11/04/2025
Merci, ça commence à aller mieux. Mais comme la personne est décédé d'un seul coup, dans les mêmes circonstances que dans mon livre, alors l'envie d'écrire reste mais il y a comme un petit blocage...

Franchement, non, je ne pense pas que ça aille vite, même entre Matt et Amanda ou encore Lya et Emrys, il y avait déjà quelques petits indices pour notifier leur intérêt commun, de même pour le lien d'âme soeur, certes c'est assez surprenant en trio mais en soit c'est une bonne continuité dans leur développement.

Pas de quoi ! Je me corrige aussi, dans mon commentaires, ce sont " maux " au lieu de " mots ", cela m'apprendra à écrire trop vite.
DSWritter
Posté le 12/04/2025
Oui, je comprends que ça ne doit pas être facile alors, c'est sûr. Reçoit tout mon soutien, aussi mince soit-il pour toi.
M.A.Frogerais
Posté le 01/04/2025
pdv lectrice: je vais tous les étripé.... amanda savait pour nath alors pk? et le dirlo a raison mais c frustrant con****
pdv plus constructif: les chose s'enchaine peut etre un peut vite, se chapitre est dense et j'ai eu tendance a oublier les evenement essenciel pour l'histoire au profit des rebondisement amoureux... sa n'ecessite peut etre un peu d'aire
DSWritter
Posté le 01/04/2025
Tu m'as fait rire x)

Effectivement, j'ai peut-être tendance à trop enchainer les évènements sans pauses, je vais essayer de travailler dessus à l'avenir.
Mais pour ma défense, j'avais très envie d'explorer le romantisme, maintenant que les bases commencent à être vraiment posées ^^
Vous lisez