Chapitre 12 - Faites tomber les masques

Notes de l’auteur : Dès le prochain chapitre, nous allons commencer à rentrer dans une partie plus sombre de l'histoire, j'espère que vous aimerez tout autant.

Les quelques jours séparant l'invitation d'Emrys du début des deux jours de cérémonies s'étaient écoulés à une vitesse vertigineuse. Le domaine avait nécessité un nettoyage minutieux : les arbres avaient été taillés, les lieux de célébration aménagés, et l'ordre rétabli dans le chaos laissé par ce que l'on appelait déjà le « tremblement de terre ». Chaque recoin avait été scrupuleusement préparé, tant la venue des invités revêtait une importance capitale.

Durant cette période, Nathalie n'avait plus adressé la parole à Lya. La jeune fille, visiblement contrariée, semblait nourrir une rancœur palpable. La jeune fille était clairement vexée de voir l'attention d'Emrys se détourner d'elle pour se concentrer sur la petite blonde. Pour compenser cette frustration, elle s'était rapidement rapprochée d'un autre garçon : Célian. Les échanges entre eux, aussi brefs que furtifs, semblaient pourtant suffisants pour occuper l'esprit de Nathalie.

Le matin de la cérémonie, aux alentours de sept heures, le domaine avait déjà une allure solennelle. Tous les élèves étaient alignés le long de l'allée centrale de l'école, dans une discipline de fer. Ils furent rapidement rejoints par l'ensemble du corps enseignant ainsi que par tous les employés de l'ESSM. Cette foule imposante, vêtue de leurs uniformes impeccables, se tenait figée dans l'attente, les yeux rivés sur l'horizon, prêts à accueillir les invités prestigieux. 

Le trio 3, bien que placé vers la fin du cortège, se tenait côte à côte, les regards suspendus à chaque mouvement, comme si un simple geste pouvait déclencher un événement capital.

Puis, après un silence chargé de tension, le portail s'ouvrit. Un tumulte de clameurs enthousiastes traversa la petite foule, saluant l'arrivée des premiers invités. On leur avait ordonné d'applaudir tout au long de la procession, mais certains étaient tellement excités qu'ils criaient de joie.

Les invités commencèrent à faire leur apparition, et l'allée, d'une longueur interminable, les laissait se dévoiler petit à petit. Les premiers semblaient être, d'un groupe de prêtres et de prêtresses, dont la prestance frappait immédiatement. Vêtus de vert et de marron, leurs tenues semblaient se fondre avec le paysage, leur peau mate denotant avec la froideur de l'air extérieur, luttant contre la morsure du vent glacial. Les hommes, torse nu, semblaient invincibles, tandis que les femmes, portant seulement une bande autour de la poitrine, laissaient entrevoir leurs abdos sculptés et leurs tatouages mystiques. Ces derniers semblaient vivre et vibrer au rythme de l'énergie qui les entourait, ajoutant à leur apparence une aura presque surnaturelle.

-Ils me rappellent quelqu'un, observa Lya en continuant d'applaudir, son regard suspendu sur ces figures à la fois étranges et familières.

-C'est normal, c'est la famille de Nata, répondit Archi, sans ciller, son attention entièrement portée sur le défilé.

Lya se tourna brusquement vers lui, un éclair de surprise traversant son regard.

-Comment tu le sais ?

Archi, impassible, haussant les épaules, répondit avec une certaine nonchalance :

-D'abord, tout le monde sait qu'il vient de la tribu des prêtres soigneurs. C'est le dernier héritier de la lignée des Moaka. Il est assez connu, tu sais. Et ensuite, il faudrait être aveugle pour ne pas faire le lien !

Lya, maintenant plus attentive, chercha Nata du regard parmi la foule, mais l'équipe 18 était bien trop loin pour qu'elle puisse distinguer qui que ce soit.

-Je n'ai pas vraiment compris tout ce système de tribus, de prêtres, et tout le reste..., avoua-t-elle, un peu perdue dans ses pensées.

-Ce n'est pas si compliqué, lui expliqua Archi avec une légère lueur de satisfaction dans les yeux. En gros, chaque type de magie a ses représentants, ceux qui la maîtrisent à la perfection et qui consacrent leur vie à la transmettre et à la représenter. Leur pouvoir est souvent héréditaire, donc chaque génération prend la relève de la précédente. Il peut y avoir plusieurs tribus pour un même type de magie, mais aujourd'hui, seules les familles les plus puissantes sont présentes.

-Mais... la dame qui nous a unifiés à la cérémonie d'accointance, elle, elle est spécialisée dans quoi alors ?, demanda Lya, la curiosité désormais piquée au vif.

-Elle est spécialisée dans la magie elle-même. C'est une tribu à part, et il n'y en a qu'une. Ces gens-là sont des mages, mais ils n'ont pas de pouvoir magique à proprement parler. C'est encore plus rare que les mages de combat. Par contre, leur lien avec l'essence même de la magie est unique. En théorie, ils ne sont pas très puissants, mais ce sont eux qui sont censés être capables de débloquer totalement le potentiel d'un mage. C'est justement pour cela qu'ils dirigent la cérémonie d'accointance, afin d'équilibrer les pouvoirs des sorciers.

Lya, stupéfaite par cette explication, laissa échapper un léger souffle.

-Wouah... Tu sais vraiment tout, toi. C'est impressionnant !

Elle ne pouvait s'empêcher d'être émerveillée par l'étendue des connaissances de son camarade. Il semblait toujours avoir une réponse à tout, comme si le savoir était gravé dans son esprit depuis toujours.

La jeune femme se tourna enfin vers Matt, mais elle le remarqua immédiatement tendu. D'habitude, il était le genre à rire, à faire des blagues et à diffuser une énergie positive autour de lui. Mais aujourd'hui, il ne semblait pas du tout en phase avec l'ambiance festive. Fixant droit devant lui, ses mains bougeaient mécaniquement, applaudissant sans même prêter attention à ce qui se passait autour de lui. Il était là, présent physiquement, mais absent mentalement, comme pris dans un tourbillon intérieur.

Les invités défilaient un à un, et le temps semblait s'étirer à l'infini. Les applaudissements, qui avaient progressivement diminué au fil des minutes, redoublèrent soudainement d'intensité. 

La foule s'excitait, des cris de joie éclatant çà et là. Intriguée par ce changement soudain d'atmosphère, Lya se pencha en avant pour découvrir la source de cette effervescence. Elle n'eut pas à chercher bien longtemps avant de repérer Valma, qui défilait au cœur d'un petit cortège, attirant immédiatement tous les regards.

Elle ne put retenir sa question, surprise par l'apparition de la professeure dans un tel contexte.

-Mais attends, pourquoi la professeure défile ?

-Parce que c'est l'une des filles de la famille Obscuda, répondit Archi, d'un ton presque détaché.

Il pointa du doigt une femme élégante, au port altier et à l'air impérieux.

-Ça, c'est sa mère, et elle fait partie du PC.

-Quoi ?! Du Pouvoir Central ?!, s'écria Lya, à peine croyant ce qu'elle venait d'entendre.

-Tu pensais vraiment qu'ils allaient laisser passer l'intronisation d'un seigneur sans être présents ? Ce sont eux qui le placent sur le trône, donc évidemment, ils ont envoyé des représentants.

Lya resta bouche bée. Elle savait que les membres du Pouvoir Central étaient parmi les personnes les plus influentes du pays, mais leur discrétion était telle qu'on ignorait même leur nombre exact, voire qui ils étaient. Avoir l'opportunité de les apercevoir de si près la plongeait dans un mélange d'émerveillement et d'incrédulité.

-Valma est une légende de la magie par ses exploits en guerre, mais elle est egalement ici car sa famille est plus qu'influente.

Lya acquiesça, essayant d'intégrer le flot d'informations que son ami lui partageait. 

-Et à côté d'elle, c'est son pére, poursuivit Archi. Il n'est autre que le général de la division rapprochée du PC.

Lya observa le groupe avec attention, son regard s'attardant sur le général. D'une quarantaine d'années à peine, il dégageait une assurance glaciale, son sourire empreint d'une condescendance qui lui donna instantanément la nausée. Une vague d'inconfort la traversa, envahissant son corps d'une peur sourde, teintée de colère. 

Sans comprendre pourquoi, elle sentit une pression étrange s'intensifier dans sa poitrine, comme si une main invisible s'était refermée sur son cœur. Elle ne pouvait ni détourner son regard de lui, ni contrôler les émotions qui bouillonnaient en elle. Sa vue se brouilla et un mal de tête violent surgit.

Elle s'agrippa instinctivement à Matt, cherchant à se stabiliser.

-Lya, s'inquiéta-t-il immédiatement. Tu veux sortir de la foule pour respirer un peu ?

-N-non, balbutia-t-elle difficilement. Est-ce que... je peux juste me reposer sur toi, quelques instants, s'il te plaît ?

-Bien sûr, répondit-il sans hésiter.

Sous le regard inquiet d'Archi, Lya s'appuya contre Matt, posant sa tête sur son bras pour se soutenir. Le garçon passa une main rassurante dans son dos, prêt à la rattraper si elle venait à faiblir. Dans la chaleur de sa proximité, Lya sentit peu à peu ses tensions se dissiper. Bien qu'elle eût retrouvé une certaine clarté d'esprit, elle resta quelques instants de plus contre lui, profitant du calme que lui apportait sa simple présence.

-Merci, murmura-t-elle, sa voix tremblante de gratitude, avant de doucement se détacher de lui.

-Pas de problème, princesse, répondit-il en lui offrant un sourire chaleureux. Toujours là pour toi !

 

*****

 

Une heure s'était écoulée au rythme de la parade. Les pieds des élèves commençaient à les faire souffrir, chaque piétinement devenant plus pénible que le précédent, tandis que leurs mains étaient rouges et douloureuses à force d'applaudir sans relâche. Lya se demandait combien de temps encore elle pourrait tenir. À ce rythme, elle doutait qu'elle ait l'énergie de se rendre au bal ce soir. L'épuisement commençait à la gagner, et la lourdeur de la fatigue envahissait l'air.

-Ça ne doit plus durer longtemps, je pense, murmura Archi, comme s'il avait pu lire dans ses pensées.

À cet instant, les élèves et les enseignants qui se trouvaient au début du cortège commencèrent à les rejoindre, formant une foule dense tout en suivant un dernier groupe d'invités qui avançait lentement au centre de l'allée. 

Ce devait être les derniers invités, ceux qui occupaient une place éminente dans cette procession interminable.

-Et eux, c'est qui ?, demanda Lya, son regard accroché au groupe qui venait d'apparaître.

Archi mit un moment à répondre, un air préoccupé sur le visage. Il semblait absorbé dans ses pensées. Sa voix, lorsqu'il parla, portait une gravité qu'elle ne lui connaissait pas.

-L'homme devant, c'est aussi un membre du Pouvoir Central, répondit-il, ses yeux scrutant la scène. Et la femme à côté de lui, c'est son épouse. Elle fait partie de l'administration, elle est la comptable en chef.

-Et les enfants derrière eux ?, insista Lya, la curiosité la poussant à en savoir plus.

Archi sembla hésiter un instant, comme s'il n'était pas certain de vouloir partager ces informations. Mais finalement, il répondit d'un ton lourd.

-Ce sont leurs enfants...

Lya, prise de surprise, l'interrompit avant qu'il n'ait le temps de finir sa phrase.

-Quoi ? Ils en ont beaucoup ? 

Il devait y avoir sept enfants et adolescents et Lya n'avait jamais vu une famille aussi nombreuse.

-Et comment s'appellent-ils ?

-Angels, souffla Matt, sa voix basse, presque rauque.

Le grand brun, qui jusque-là semblait calme, était soudainement devenu une silhouette tendue de colère. Ses poings étaient si serrés que les veines de ses bras saillaient comme des câbles sous la peau. Ses jointures blanches trahissaient la force avec laquelle il se contenait. Son visage, habituellement si détendu, était désormais marqué par une grimace de dégoût et de rage. 

Lya ne comprenait pas d'où venait cette violence intérieure, mais elle ressentait une urgence dans son besoin de calmer son ami. Sans réfléchir, elle attrapa doucement son poignet, un geste simple, mais qui disait tout. Elle voulait lui signifier qu'elle était là, qu'il n'était pas seul. Mais sous ses doigts, son avant-bras était aussi dur que du béton, comme s'il était prêt à exploser à tout moment.

Elle détourna ensuite son regard pour se concentrer à nouveau sur le défilé. Et alors qu'ils passaient juste devant elle, un garçon au milieu des enfants Angels attira son attention. Il avait probablement le même âge qu'elle. Un petit blond impeccablement soigné, avec un regard concentré, presque trop sérieux pour un jeune de son âge. C'est alors qu'un éclair traversa son esprit, un déclic étrange.

-Archi, c'est marrant, mais il y a un garçon qui te ressemble énormément, observa-t-elle, sans se douter de la portée de ses mots.

Elle tourna la tête vers lui pour capter sa réaction, mais Archi baissa immédiatement les yeux. Il respirait profondément, comme si chaque inspiration était un effort, et un voile de tristesse semblait avoir recouvert son visage. 

Toute trace de joie avait disparu.

-Archi... ?, demanda-t-elle doucement, inquiète.

Matt fixa son coéquipier, son regard aussi tranchant qu'une lame, rempli d'une telle intensité qu'il en devenait presque palpable. Si un simple échange de regards pouvait blesser, celui-ci aurait pu tuer.

-Comment ai-je pu être aussi aveugle..., grogna-t-il, sa voix remplie de frustration et de dégoût. Ce garçon là-bas... il a un frère jumeau... qui s'appelle... Archibald.

Lya sentit un frisson parcourir son échine en entendant ce nom. L'identité d'Archi se révélait dans toute sa splendeur et sa complexité. 

Archi n'était pas seulement un camarade, un simple coéquipier... il appartenait à l'une des familles les plus influentes du pays, les fameux Angels. Cela expliquait non seulement la profondeur de ses connaissances, mais aussi sa facilité à reconnaître les visages et les noms des personnalités les plus puissantes. Elle comprenait enfin pourquoi il paraissait toujours si calme, si détaché, comme s'il portait en lui un secret lourd, un héritage qui lui imposait de rester en retrait.

Mais avant qu'elle n'ait le temps de digérer cette révélation, la situation bascula. 

Matthew, dans un éclair de colère, sauta sur Archi. Les deux jeunes hommes furent projetés hors de la foule avec une telle violence que personne ne sembla remarquer ce qui venait de se passer dans le tumulte environnant. Les applaudissements, les acclamations, et l'excitation ambiante continuèrent comme si de rien n'était, noyant les bruits de la confrontation dans un océan de réjouissances.

Lya se figea un instant, abasourdie. Puis, prise d'une soudaine panique, elle se fraya un chemin à travers la masse. Chaque mouvement semblait plus difficile que le précédent, comme si elle était immergée par des vagues humaines. Les gens se bousculaient autour d'elle, riaient, applaudissaient, mais tout cela paraissait lointain, étouffé par un bruit sourd qui montait en elle. Poussant fermement avec ses coudes, elle réussit enfin à se dégager de l'étreinte de la foule, le souffle court, les yeux battus par la confusion.

Son cœur battait à tout rompre, chaque pulsation résonnant dans sa poitrine, comme un tambour d'alarme. Elle scruta les alentours, frénétiquement, la terreur saisissant ses entrailles. Où étaient-ils ? Elle devait les retrouver, elle devait être là pour eux, quoi qu'il en coûte. Un frisson glacé parcourut son échine alors que des images terrifiantes s'invitaient dans ses pensées.

Et si l'un d'eux se blessait ? Et si le pire arrivait ?

Non, ce n'était pas possible. Il fallait qu'elle intervienne, qu'elle les empêche de s'entretuer. Il fallait qu'elle les résonne, qu'elle leur fasse comprendre... qu'ils étaient amis avant tout.

Son instinct, allié à une inquiétude brûlante, la poussa à se diriger vers un coin plus reculé de l'école, loin du cortège qui continuait sa procession. Ses pas la menèrent rapidement derrière un bâtiment, où enfin, elle les aperçut.

La scène qui s'offrait à elle la figea dans son élan. Matt, le visage marqué par une colère dévorante, tenait Archi par le col, le soulevant dans les airs comme un jouet inerte. Le plus petit des deux, ne touchait plus le sol, ses pieds battant l'air sans soutien. Lya, pétrifiée par la violence de la scène, se précipita en avant, les jambes tremblantes mais déterminées, cherchant désespérément à s'interposer entre les deux garçons.

Elle n'avait jamais vu Matt dans cet état. Pas comme ça. Pas aussi perdu dans sa rage.

-Espèce de fils de pute !, hurlait-il. J'aurais dû m'en rendre compte ! J'aurais dû savoir que tu faisais partie de cette famille dégénérée ! Ta tête ! Ton air suffisant !

-Je ne sais pas ce que mes géniteurs t'ont fait mais...

Archi parlait difficilement, l'oxygène lui manquait.

-Ferme ta gueule ! T'entendre me rend encore plus en colère !

-Matt !

Lya se jeta sur l'un de ses bras pour qu'il lâche son camarade.

-Je ne sais pas ce qui se passe mais tu n'as pas à en arriver là.

-Tu ne sais pas, tu ne sais rien Lya ! Les Angels... ils ont ruiné ma vie !

Matt se tourna et, d'un geste brutal, projeta Archi au sol avec une violence inouï. Il finit par sauter à cheval sur sa proie, qui ne se débattait même pas.

-Tu vas le tuer !, s'égosilla la jeune femme.

-C'est le but ! Je les tuerai tous un par un !

Il leva son poing, menaçant de l'abattre sur sa victime. Son amie sentit de l'énergie magique s'accumuler dans la main fermée du garçon. Il voulait utiliser la magie de combat. Avec sa force et à cette distance, ce n'étaient pas des menaces en l'air, il pouvait réellement le tuer.

-Mais vous êtes amis ! Rappel toi tout ce qu'on a vécu ensemble !

-LYA ! Ils ont tué ma mère !

Son cri résonna dans l'air, déchirant et insupportable, comme une fléche qui s'enfonce dans une chair tendre. Il était si chargé de douleur qu'on aurait dit qu'il venait directement du plus profond de son âme, une souffrance brute et inavouable. 

Le visage d'Archi, lui, restait impassible, figé dans une expression vide, dénuée de toute émotion. Il n'était ni révolté, ni triste, ni même en colère. C'était comme si tout cela n'avait plus de signification pour lui. Comme si chaque cri, chaque menace, chaque éclat de violence faisait partie d'un cycle qu'il connaissait trop bien. Il n'avait plus de place pour la peur. Même la rage de Matt, dévastatrice, semblait glisser sur lui sans le toucher, résigné.

Les premières gouttes de pluie commencèrent à tomber, lentes et régulières. Une puis deux, comme des perles froides contre sa peau, traçant des chemins invisibles sur ses joues marquées par la douleur. L'eau s'infiltrait dans ses cheveux, ses vêtements, mais il ne bougea pas. Il ne semblait même pas la ressentir.

-Je... je te déteste plus que tout au monde... 

La voix de Matt se brisa, tremblante, submergée par des vagues de colère et de chagrin. Ses larmes coulaient librement. La haine déformait son visage, le rendant méconnaissable, tout en intensifiant la tragédie de ce moment où, pour la première fois, il se retrouvait face à ce qu'il croyait être l'origine de son malheur.

-Alors tue-moi.

-Archi !, le sermonna Lya.

-Tue-moi si ça peut te faire du bien. De toute façon, je ne pourrais jamais réparer tout le mal que ma famille a fait. Alors tue-moi, que mon existence ait au moins eu un peu de sens.

Le vent soufflait fort, indifférent aux tourments humains qui se jouaient en dessous de ses rafales impitoyables. Puis soudainement, un déluge s'abattit, d'abord presque timide, mais rapidement plus dense, plus persistant.

Chaque goutte semblait essayer d'effacer lentement les marques de la douleur et de la lutte sur le visage du garçon à terre.  À adoucir l'atmosphère devenue lourde de souffrance. Mais la pluie n'effaçait rien. Elle n'apaisait rien non plus.

Lya s'approcha alors, ses pas hésitants, presque réticents, comme si chaque mouvement lui faisait mal. Mais, déterminée à intervenir, elle tendit la main, et d'un geste calme, presque fragile, elle saisit le poing de Matt dans ses mains. Ses doigts tremblaient, et elle ressentit la chaleur de ses paumes se mêler à celle de son ami, dans une étreinte silencieuse mais puissante, dans une tentative désespérée de communiquer sans paroles.

-Ça ne changera rien, murmura-t-elle, sa voix douce, presque brisée. Ça ne ramènera pas ta mère. Alors lâche-le, s'il te plaît.

Pendant un instant qui sembla durer une éternité, plus rien ne bougea. L'air se figea autour d'eux, comme suspendu dans le temps. Puis, dans un éclat de violence, le bras de Matt s'abattit soudainement. Par réflexe, Lya se jeta sur Archi, cherchant à protéger son ami de la fureur qui s'abattait sur lui. Mais au moment où elle s'attendait au choc, rien ne se produisit. Rien de ce qu'elle craignait.

Le cœur battant à la chamade, elle se redressa, incertaine. Ce qu'elle vit la glaça. Matt se tenait debout, le regard vide et le corps tendu. Sa main, désormais ouverte, était maculée de sang. 

Pas le sang d'un autre, mais le sien.

-Matt..., souffla Lya, une voix pleine de douleur et de confusion, mais il n'entendait déjà plus. Il tourna les talons et s'éloigna sans un mot, sans un regard.

Elle voulut le suivre, mais quelque chose la retint. Ses yeux se posèrent alors sur le sol, près de la tête d'Archi, et son regard s'arrêta sur un trou profond, d'à peine la taille d'un poing, qui s'était formé dans la terre meuble sous eux.

 Le silence sembla plus lourd encore, avant qu'Archi le brise, d'une voix monotone.

-Tu n'aurais jamais dû l'arrêter.

-Il t'aurait tué..., constata Lya, le regard toujours fixé sur le cratère. 

-Justement, ça aurait été mieux ainsi.

-Ne dis pas ça s'il te plait !

-C'est vrai pourtant. Tout ce qu'il a dit est juste.

-Mais moi, je te connais ! Je ne sais pas ce que tes parents ont pu faire exactement, mais je suis certaine que tu n'es pas comme eux Archi !

-J'ai essayé. 

Sa voix semblait enfin trembler d'un peu démotion, fissurent son impassibilité.

-Je fais tout ce que je peux pour ne pas leur ressembler, mais qu'est-ce que ça peut bien changer aux yeux des autres ? 

Il soupira.

-Je serai toujours vu comme un Angels, et un jour, je finirai par faire du mal à des gens, c'est dans mon sang.

Les mots d'Archi résonnaient comme une condamnation. Lya sentit son cœur se briser un peu plus en écoutant la détresse de son ami. 

En un geste plein de douceur et de tendresse, elle s'allongea à ses côtés, l'enlaçant de ses bras, cherchant à lui apporter une chaleur réconfortante, une promesse qu'il n'était pas seul. Elle pouvait presque toucher la douleur qu'il portait en lui, une souffrance qu'il n'avait jamais partagée, cachée derrière ses silences et son arrogance. 

Grandir sans famille, était au final, sûrement mieux que de grandir dans "sa" famille.

-Vous deux !, hurla soudainement un surveillant à distance. Qu'est-ce que vous faites là ? Il pleut des cordes, rentrez à l'intérieur !

Il s'approchait, menaçant, mais Lya eut juste le temps de se relever avant qu'il n'arrive à leur hauteur. Elle essuya discrètement ses larmes et tenta de reprendre une attitude plus calme.

-Qu'est-ce qu'il a ? Il ne va pas bien ?, demanda l'homme en s'arrêtant un instant pour observer Archi.

-Non, ça va, mentit Lya d'une voix aussi calme qu'elle le pouvait, son regard fuyant.

Le surveillant haussa un sourcil, peu convaicu. Toutefois, il changea de sujet.

-Oh, c'est toi, Archi, dit-il d'un ton plus mesuré. Tes parents...

Il s'arrêta net, ses yeux s'élargissant d'horreur en réalisant ce qu'il venait de dire devant Lya. La situation devenait un peu plus complexe que ce qu'il avait imaginé.

-Je veux dire... on te demande, rectifia-t-il rapidement, un peu gêné.

Sans un mot, Archi se leva mécaniquement, comme un automate, et suivit le surveillant d'un pas lourd. Lya se tendit, son instinct protecteur, la poussait à intervenir, mais avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit, Archi se releva, lui faisant face.

-Ça va aller, mentit-il, son sourire trop forcé pour être sincère. Tu devrais aller le retrouver, avant qu'il ne fasse quelque chose qu'il regrettera. Tu es la seule qu'il écoutera.

Il laissa ses derniers mots flotter dans l'air emportés par les bourasques de vent. Puis, sans plus de cérémonie, il se sépara de la main de Lya qui le retenait encore et partit sans un regard en arrière. Sans se retourner.

 

*****

 

L'esprit, jusque-là vide d'Archi, se remplit de pensées en tout genre. 

Alors que le surveillant le laissa devant la porte, une angoisse l'envahit. Cette peur, seuls ses parents pouvaient le lui faire ressentir. Il commença à trembler. Pourtant, dégoulinant dût à son passage sous la pluie, ce n'était pas froid qui le faisait vibrer, mais l'appréhension.

Il aurait vraiment dû me tuer, pensa-t-il en toquant à la porte.

Ce fut son jumeau qui lui ouvrit, toujours avec cet air sévère qu'il lui connaissait si bien.

-Bonjour Jean, le salua-t-il.

Son frère ne lui répondit pas et ferma juste la porte derrière lui. 

-Bravo !

Une voix agacée retentit au fond de la pièce.

-À ce que je vois, tu fais toujours autant honneur à ta famille !, poursuivit-elle ironiquement.

-Bonjour père.

Un homme d'une cinquantaine d'années, mais encore très bien conservé, sortit de l'ombre. Il avait une moustache noire, parfaitement taillée et deux gros sourcils toujours froncés. Sa démarche allait avec ses habits élégants. À sa ceinture, était enfilé un fleuret dans son fourreau richement décoré.

-Bonjour mère.

Comme le jour de son entrée à l'école, la femme ne dénia même pas tourner sa tête pour le gratifier d'un regard. 

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M.P Lenoir
Posté le 10/04/2025
Bon, je ne m'attendais pas à ce qu'ils se battent. Mais ça met de l'action.
Encore un très bon chapitre.

Cela dit, j'espère que l'on découvrira que Archi n'y est pour rien, qu'il est détaché de sa famille malgré ses dires. A voir avec le temps.
DSWritter
Posté le 11/04/2025
Surprise !

Suite au prochain chapitre…
M.A.Frogerais
Posté le 01/04/2025
2 chose: lya ne tik pas que matt a couché avec une femme marier? elle ne savait pas que valma etait marié, comment ille ne peut pas tiker quant archi lui dit?
et "l'odeur de la fatigue"? la fatigue stimule beaucoup de sens mais je croit pas que l'odora soit un bon choix
sinon, j'adore se chapitre, matt etant rentré dans l'ecole poursuivit, je pensait qu'on verrait sa famille. c'est un tres tres bon plot twiste
DSWritter
Posté le 01/04/2025
Merci beaucoup d'avoir relevé ces erreurs !

En effet, je ne parle pas du "mari" de Valma mais de son père. J'ai très mal tourné ma phrase x)
Et j'ai également modifié pour l'odeur, qui effectivement n'était pas très heureux (Parfois, je me lance dans des envolés lyrics, il faut que me restreigne !)

Je suis contente que tu aimes la tournure des évènements 😊
M.A.Frogerais
Posté le 01/04/2025
ha, c'est le marie de sa mere!!! j'avait pas compris
j'imaginait matt avoir couché avec une femme marié....
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