Chapitre 11 - Pris au piège

Tibère était assis sur le banc de la cuisine, à la table des domestiques. D'un geste devenu expert, il brossait les chaussures d'Isidore de Serocourt et fredonnait une chanson en souriant. Le fait d'avoir réussi à trouver le sommeil au milieu des ronflements de ses collègues avait allégé son humeur.

Cependant, un bâillement coupa soudain son refrain, il cacha un instant son visage dans son coude et essuya une larme qui avait perlé au coin de son œil d'un revers de main. Il était debout depuis l'aube et n'avait eu de cesse de travailler. Après une nuit de repos, son lit lui manquait terriblement.

Il avait nettoyé et rempli d'huile toutes les lampes de la maison, transporté le charbon dans l'arrière cuisine, réceptionné les courses commandées au marché pour la semaine. Ensuite, il avait préparé la table du petit déjeuner pour les autres domestiques ainsi que celle des maîtres, réapprovisionné les cuves d'eau... puis avait aidé des ouvriers venus pour les travaux du domaine pour ensuite préparer de nouveaux la table pour le déjeuner. Il avait aidé le cochet à préparer la voiture d'Isaure et s'était occupé par la suite de certains chevaux, il cirait à présent les chaussures de tous les membres de la maisonnée et irait ensuite servir les invités selon leurs bons désirs...

Marie-Rose débarqua dans la cuisine, un panier couvert d'énormes fleurs sous le bras. Elle posa sa charge sur la table en soufflant :

— Voilà de quoi renouveler les vases ! Vous m'aiderez à changer les bouquets que nous allons faire, ce sera pour les chambres et le salon. Également, il faudra ajouter un couvert en plus ce soir à la table des maîtres.

— Oui, j'ai été prévenu.

— Encore un prétendant, vous pensez ?

Tibère haussa des épaules. Il ne pensait rien. Son anniversaire était proche et bientôt, il serait légalement libre.

Marie-Rose éclata soudain de rire :

— Vous avez du cirage, là, sur votre joue !

Il releva la tête, pour voir la servante se pencher sur lui et approcher ses doigts de son visage. Elle avait un petit sourire au coin et son œil eut un regard étincelant.

En la voyant approcher si subitement vers lui, Tibère s'écarta et frotta sa peau avec le torchon.

Marie-Rose fit la moue et lui dit d'un ton boudeur :

— Vous n'avez pas à vous montrer craintif envers moi, Térence. Je puis vous assurer que je n'ai blessé aucun homme.

Elle papillonna des cils et il comprit qu'elle le pensait sans aucun doute novice en matière de femmes.

Il songea un instant à son oncle et à sa cousine Amélie. Même après ses vingt-cinq ans, il ne cesserait de le harceler et de lui nuire. Il devait absolument trouver le moyen de le faire tomber avant qu'il ne puisse se débarrasser de lui... Mais à son grand malheur, il n'avait trouvé aucun plan pouvant tenir la route.

Peut-être devrais-je attendre que tout cela termine de se tasser ? Je ne suis pas si mal, ici. Peut-être que dans une année, les hommes de Ravignant cesseront leurs recherches. Je pourrais m'établir un peu en attendant, continuer de réfléchir à la suite, sans précipitations. La vengeance est un plat qui se mange froid, comme dit le dicton.

Il lui adressa son plus charmant sourire et vit la jeune femme rougir un peu. La cuisinière arriva dans la pièce et contempla les chaussures cirées ainsi que les fleurs.

— M'enfin, nettoyez-moi ce bazar ! J'ai des quiches à préparer, pour ce soir. Térence, allez me couper de la glace, s'il vous plait. Il nous reste tout un pain dans la cave.

Le cœur léger, le jeune homme remballa le cirage et se baissa pour ramasser les chaussures d'Isidore de Sérocourt, suivit de près par Marie-Rose.

Le soir vint, accompagné par la petite réception organisée par Isaure. Comme à leur habitude depuis l'arrivée des prétendants de la Comtesse au château, le repas se déroula en grande pompe. Il y avait ce soir quelque chose de spécial qui flottait dans l'air, Tibère pouvait le sentir.

L'invité surprise de la jeune femme, qui avait apparemment gardé le mystère tout l'après-midi, fut amené par l'intendant de la maison. C'était un grand homme, particulièrement mince et au visage étroit. Quelque chose dans son regard donna des frissons au jeune valet.

— Monsieur Louis Fouchet, ancien officier de la police des mœurs de Paris, fut-il présenté.

Le jeune homme sentit son cœur glisser dans ses talons et toute la joie de vivre de sa journée s'évapora dans l'air. Il s'écarta discrètement tandis que les hôtes venaient vers cet étrange individu.

— J'ai osé demander à Monsieur Fouchet de venir se joindre à nous ce soir, clama Isaure avec satisfaction, car sa réputation le précède et je voudrais, mes chers amis, vous montrer que nombreuses sont les personnalités qui séjournent dans notre région en ce moment même. Je suis certaine que vous apprécierez la conversation de cet homme de carrière.

Honorine haussa les sourcils et adressa un regard interrogateur à sa jeune amie. Qu'avait-elle derrière la tête ? Il ne faisait aucun doute que la carrière de cet homme ne devait être le principal sujet de conversation d'un repas !

Après plusieurs échanges de courtoisie, les convives s'installèrent et le repas débuta. Les valets apportèrent les plats et servirent le vin dans des gestes calculés. Ils s'éclipsèrent ensuite et les conversations débutèrent.

Isaure ne touchait plus terre. Fourchet, invité pour identifier Darsonval, venait de lui faire un signe discret de la main.

Quel soulagement, Darsonval n'est pas l'héritier recherché !

— Quelle est le motif de votre venue à Montbazon ? demanda courtoisement Isidore au détective.

— Je viens pour affaires.

— Vous possédez une société ?

— C'est cela. Je souhaite cependant garder la discrétion sur mes opérations.

— Vraiment ? fit Darsonval avec étonnement, et pour quelles raisons ?

— C'est à dire que... En ma qualité d'ancien officier de police, j'ai décidé de continuer à mettre mes compétences au service de mes semblables. Je travaille actuellement pour une affaire qui m'a obligé à quitter Paris.

Isaure se pencha discrètement sur Darsonval :

— Que diriez-vous de m'accompagner demain à la dernière fête de la moisson ?

—Avec grand plaisir, Mademoiselle d'Haubersart.

—Je vous en prie, sourit-elle, appelez-moi Isaure.

De longues minutes plus tard, Térence fit son retour afin d'apporter la suite des plats. Immédiatement, il senti qu'une certaine tension régnait entre les invités. Fourchet semblait échanger vivement avec les Serocourt.

— Nous avons longtemps connu la famille Petremand de Frosnier, déclara soudain Honorine en jetant un regard en coin à son mari. Les époux se sont aimés des années durant et leur réputation était très respectable. Il me semble bien que nous ayons déjà fait affaires avec eux, n'est-ce pas, Isidore ?

— Oui, tout à fait. C'était il y a des années, avant leur décès à tous les deux. Ils étaient tout à fait corrects et possédaient de nombreux biens, notamment des mines de cuivres. J'ai déjà entendu parler de Monsieur Ravignant, qui a pris la succession du domaine. Cela risque de plutôt intéresser nos jeunes gens.

Il se tourna vers Darsonval et Emery.

— C'est un armateur de renom, dont les navires sont spécialisés dans le commerce avec les Indes. Il serait tout à fait redoutable lors des négociations et son influence s'étends sur tout le pays.

— L'avez-vous déjà rencontré ? questionna Emery.

Isidore prit un air songeur :

— Rarement. Mais il est ouvert à tous types d'investissements. Je vous recommande de vous présenter à lui, si vous souhaitez faire un jour affaires dans la région. De manière sérieuse, bien sûr, car il n'est point là pour boursicoter hasardeusement. Vous aurez cependant plus de chance de le trouver sur Paris qu'ici, car il ne fréquente point la société locale.

— Malheureusement non, refusa tout net Darsonval. Mon père m'a mis en garde contre lui. C'est un opposant bien trop solide. Il possède le monopole sur beaucoup de marchandises.

Isidore hocha la tête :

— Sa réputation est connue... Beaucoup le craignent.

— Il me semble pourtant qu'il y avait un fils..., dit Louise en fronçant des sourcils. Et également une fille. Il m'est déjà arrivés de les croiser. Je n'ai pas vu le garçon depuis que je suis enfant, et je ne me souviens pas tellement de lui mais la fille de Monsieur Ravignant se rends quelque fois chez la même modiste que moi.

— Vraiment ? lança Honorine en secouant son éventail. Je ne les aie pourtant jamais croisés, lors de réceptions ou fêtes locales.

L'inspecteur Fourchet saisit la balle au bond. Il se pencha vers sa voisine et commença avec une expression d'une discrète connivence :

— C'est que, le fils serait..., commença-t-il.

Les mains de Tibère tremblaient terriblement, de manière si forte que le plateau en argent qu'il tenait s'agitait en tous sens.

— Il aurait fait ses études sur Paris et à la fin de son diplôme, serait retourné chez lui pour travailler avec son oncle. Monsieur Ravignant souhaitait faire de lui son principal associé et avait comme vision de le former, afin qu'il puisse lui succéder. Malheureusement, leur collaboration aurait fort mal tourné. Le jeune homme, trop habitué à sa vie d'étudiant et à vivre sans contraintes, n'avait que les fêtes parisiennes en tête. Après une terrible dispute, il aurait quitté le domaine en prenant avec lui une grosse somme d'argent et ne donnerait plus de nouvelle à sa famille.

— Allons, dit Darsonval en retirant son cigare du coin de sa bouche, il reviendra chez son oncle dès que la bourse sera vide. Sans doute aura-t-il trouvé une jolie fille sur Paris et se croit-il amoureux.

Isidore hocha la tête d'un air entendu.

— Il est jeune et ne réalise sans doute point l'opportunité que lui propose son parent. J'étais également peu enclin à prendre la suite de mon père, à son âge. Nous souhaitons réaliser nos propres réussites, sans comprendre l'importance de posséder de bons appuis.

Louis Fourchet grimaça, il continua avec un air désolé sur le visage :

— Malheureusement, l'histoire n'est pas aussi simple...

Honorine cligna des yeux, intriguée.

— Mais cela ne concerne que la famille de Monsieur Ravignant.

— Enfin, monsieur ! s'agaça la maitresse de maison, vous-êtes venus aujourd'hui pour nous partager vos anecdotes, n'est-ce pas ?

Elle souffla brièvement du nez. Honorine avait suffisamment d'expérience pour reconnaître une personne désireuse de partager un secret bien gardé. Cet homme-là brûlait même d'impatience depuis son arrivée ! Elle jeta un regard désapprobateur à Isidore. Pourquoi Isaure avait-elle amené un individu pareil à sa table ? Elle appréciait être au fait des racontars de la région, mais point de cette manière ! Ce cancanage-là était bien trop évident, bien trop vulgaire.

Elle tapota avec ses ongles le sommet de sa canne, le détective se racla la gorge et pris un air faussement empreint d'humilité.

— En effet, je ne peux maintenant réfuter le fait que je travaille pour Monsieur Ravignant.

Les convives l'écoutèrent avec intérêt, alors que Tibère était en proie à la plus grande panique de sa vie.

— Et bien, c'est finalement une affaire fort triste que je vais vous partager... Le fils des Petremand de Frosnier, dont vous aviez les parents en estime, aurait abusé de sa jeune cousine avant de filer pour la capitale. Je suis à sa recherche afin de le ramener à ses obligations car il est toujours sous la tutelle de son oncle.

Un cri d'horreur parcouru la table. Suant à présent à grosse goute, Tibère fit de son mieux pour ne pas chanceler.

C'est terminé à présent ! Jamais je ne pourrais retourner à Vaufoynard ! Ma réputation est ruinée, toute la région est au courant !

— Le scélérat !

— Voilà une ingratitude et un comportement des plus horrible !

— Pauvre Mademoiselle !

— Il doit payer pour cela !

Honorine se tapota la bouche avec sa serviette, songea qu'effectivement, c'était là une nouvelle d'importance. Elle fit un geste pour être resservie en vin. Tibère s'élança, la bouteille à la main. Il dû faire un effort colossal pour ne pas renverser le liquide rouge écarlate sur la nappe. Il reprit place, les entrailles tordues d'angoisse.

— Mais que faites-vous ici, si le neveu de Monsieur Ravignan est à Paris ? demanda-t-elle.

— J'ai déjà effectué mes recherches et je n'ai trouvé aucune trace de lui. Je pense qu'il a quitté la capitale et vu qu'il ne connait que peu de monde en dehors de ses compagnons de la faculté, il y a des chances pour qu'il se trouve ici, en Touraine.

— Hum, fit Isidore en réfléchissant, ce jeune homme n'est point connu dans ces environs. Nous qui sommes ici depuis plusieurs décennies, nous ne l'avons jamais croisé. Je doute même qu'il fréquente les jeunes de son âge issues des familles locales.

Louise hocha la tête à l'affirmative.

— Peut-être se cache-t-il ailleurs... le fait de n'être connu de personne est le meilleur moyen pour se soustraire à la vue de tous. C'est un savoir élémentaire, pour un ancien policier.

Tibère avala sa salive et maudit sa chance.

Le reste du diner se passa rapidement, Honorine de Sérocourt, dont l'histoire avait chauffé les sangs, sembla vouloir couper court au repas le plus rapidement possible. Elle demanda à ce que les plats soient rapidement apportés.

La conversation ne cessa de s'orienter vers le scandale de Vaufoynard. Tibère, impuissant, ne put échapper à son rôle et continua le service. Il était si déboussolé que le majordome fini par lui saisir un bras en lui intimant de se ressaisir.

— Vous êtes blanc comme un linge et vous transpirez comme un bœuf, Dignard ! Êtes-vous malade ?

— Non, Monsieur, c'est la chaleur, je ne la supporte point.

— Alors essuyez-vous le visage et postez-vous à côté de la fenêtre. Le service est bientôt terminé. Madame ne tardera point à se retirer.

Il serra les dents et se positionna là où on lui ordonna d'aller. Il fit de son mieux pour prendre un air dégagé et garder le regard immobile, fixé sur les boiseries sombres de la pièce.

La lumière à ses côtés piquait sa rétine et il cligna des paupières, cherchant à garder le contrôle de son souffle.

— Je me retire, déclara Honorine de Sérocourt en mettant fin au repas. Je vous laisse profiter du salon avec Monsieur mon mari, qui je suis certaine, écoutera d'autres de vos incroyables histoires, Monsieur Fourchet.

Tibère se précipita pour retirer sa chaise et laisser la dame de la maison se lever.

Les invités quittèrent la table à sa suite, dans un petit brouhaha joyeux. Malgré les divergences de caractères et les intérêts habituels de chacun, l'histoire semblait les avoir passionnés.

Le majordome les guida vers le salon où passeraient le reste de leur soirée, comme il était de coutume dans ces moments-là.

Tibère se retrouva seul et ce fut comme si son cœur se libérait d'une poigne terrible. Il ne put s'empêcher de vaciller sous l'effet d'un vertige. Sans tarder, il entreprit de débarrasser la table avec l'aide des autres valets de la maison.

Il passa le reste de la soirée à aider aux cuisines et prit en passant une collation avec ses collègues. Il demeura froid à l'ambiance de bonne camaraderie et aux discussions légères. Il se sentait à la fois soulagé et terriblement déprimé.

Le fait que son nom de famille soit cité ainsi, dans la bouche des Serocourt lui donnait la nausée. Il réalisa que jamais il ne pourrait se promener librement en Touraine, ni ne participerait aux actions de la société locale. Il serait connu de tous et rejeté, visé par l'opprobre générale. Qui souhaiterait faire affaires avec lui, à présent ? Personne.

Dieu ! Mon oncle m'a bel et bien piégé ! songeât-il subitement.

Son menton trembla et il fit un effort supplémentaire pour ne pas pleurer.

Il pensa à sa vie et aux souvenirs de ses parents. Au dernier moment où il avait été heureux et insouciant, en leur compagnie. Après leur départ, il ne restait finalement que cette vieille maison en pierre. Qu'il était seul, dans sa naïveté ! L'ignorance avait été pour lui une bénédiction. Tout avait basculé lorsqu'il avait compris qu'on avait essayé de l'extraire de ses terres. Si seulement Ravignant l'avait laissé en paix ! Il savait depuis toujours, au fond de lui-même, qu'il était un homme terrible et sans pitié en affaires. Sa réputation n'était point usurpée...

Il essuya rapidement une larme au coin de sa joue, la joie qu'il avait ressentie le matin même était bien loin. Cependant, il eut une lueur d'espoir. Au Château de Couzières, il était en sécurité. Le vieux valet d'Isidore ne supportait plus de faire les trajets sur Paris pendant la saison. Sans doute pouvait-il proposer à se rendre à la capitale.

Ce serait alors l'occasion de faire un trajet de manière sûre et de rester logé. Il pourrait se rendre chez l'ami de ses parents lors de ses jours de repos, lui écrire des lettres, l'accompagner à certains établissements administratifs...

Le majordome l'appela et il se précipita, remettant en ordre son uniforme. Il lui fit signe d'apporter la veste et le chapeau de leur invité du soir et Tibère partit récupérer les affaires de ce dernier, d'un pas lourd. Sa tête lui tournait et une migraine affreuse montait le long de sa nuque et venait lui assaillir les tempes.

D'un geste machinal, il se rendit à l'entrée de la maison et tendit les bras, sur lesquels reposaient le manteau plié ainsi que le chapeau de Fourchet. Les gens de la maison ne tardèrent pas à venir pour raccompagner le détective à la porte.

Ce dernier arriva, un sourire aux lèvres et salua profondément Isaure d'Haubersart.

Le majordome saisit le manteau et aida l'homme à se rhabiller, puis lui donna son chapeau. Immédiatement, Tibère s'éclipsa pour se rendre à l'extérieur par une porte de service, afin de faire venir la monture qui avait accompagné leur hôte.

Le parfum d'Isaure était encore présent dans son esprit, il l'avait senti, fugace et léger... mais de manière si entêtante !

Il traversa la cour d'un pas vif et demanda au palefrenier de sortir le cheval. Il arriva à temps avec la monture pour donner les rênes à Fourchet, qui monta en selle. La vision de sa longue jambe maigre passant par-dessus le cheval inspira à Tibère une patte de sauterelle. Tout le monde salua l'ancien homme de police sur le perron et une fois que ce dernier eu disparut dans le soleil couchant, chacun retourna à l'intérieur. Tibère sentit l'étreinte autour de son cœur se desserrer. Le mauvais pressentiment qu'il avait eu tout le long de la soirée se retira et seule la tristesse demeura au fond de lui.

Il aida les autres à ranger tout ce qui avait été déplacé dans les pièces de services et partit se coucher, appesantit par la fatigue et la lassitude.

Il s'éveilla en sursaut. On tambourinait à la porte de son dortoir. Surprit, ses deux autres camarades se réveillèrent en s'adressant des regards hébétés. Ils allumèrent la lampe à huile, les mains tremblantes.

— Il est à peine cinq heures, s'étonna le valet d'Isidore en observant l'horloge. Un drame serait-il arrivé durant la nuit ?

Précipitamment, le doyen des serviteurs ouvrit la porte, alors que les coups étaient devenus plus virulents.

Sur le palier se tenait Isaure, habillée d'une culotte de soldat et vêtue d'un long manteau de cuir. Elle considéra l'homme en face d'elle, vêtu d'une chemise de nuit et coiffé d'un bonnet de nuit et avisa un regard à l'intérieur.

Son expression était féroce, sa mâchoire contractée et ses membres frémissaient de rage. Face à sa stature et à son attitude peu amène, les trois hommes reculèrent.

— Votre... Votre grâce, continua le vieux serviteur d'une voix tremblante. Que se passe-t-il ? Un malheur est-il arrivé ?

— Oui, déclara sèchement Isaure. Monsieur Dignard, habillez-vous sur-le-champ.

Un malaise les parcourut, les deux serviteurs firent le signe de croix et tous les trois commencèrent à se vêtir.

— Pas vous ! s'agaça la Comtesse en les voyant commencer à enfiler leur uniforme. Seulement Dignard ! Vous êtes mon valet, non ? Soyez prêt dans cinq minutes !

Elle ferma violemment la porte, qui trembla dans ses gonds usés et sembla attendre sur le palier.

Hagard, les yeux brûlant de sommeil et chancelant de fatigue, Tibère entreprit de mettre son uniforme. Ses deux compères s'assirent sur leur lit en ferrailles en poussant de gros soupirs, se jetant des regards d'incompréhension. Était-ce véritablement une urgence ? Cette affaire, qui nécessitait tant de hâte, concernait-elle également les Serocourt ?

Tibère noua ses chausses et son nœud vert autour de son cou, puis quitta la chambrée en saluant ses collègues d'un signe de tête.

Isaure l'attendait toujours, appuyée contre le mur et les bras croisés. Elle portait un bicorne en cuir tâché sur la tête et avaient de vieilles bottes aux pieds. Elle semblait prête à embarquer sur un navire, en partance pour l'Inde ou les Amériques.

Il se sentit soudain ridicule, vêtu de son uniforme brodé et de soie légère. En voyant sa mise, elle ne put elle-même s'empêcher de faire une grimace.

— Venez, ordonna-t-elle.

Il la suivit, clopin clopant. Dans sa précipitation, il avait mal lacé une de ses chaussures. Ils dévalèrent les escaliers de services. Dans les couloirs, tout était encore sombre et vide. Sans aucun doute, ils étaient les premiers levés.

Ils quittèrent la maison en passant par la porte arrière de la cuisine. Dehors, une pluie battante tombait lourdement sur le gravier, son murmure s'élevait au-dessus de la frondaison des arbres, jusqu'aux cieux du jour naissant.

Il faisait encore sombre et Tibère remarquant la lueur d'une lampe, allumée sur le toit d'une voiture qu'il ne connaissait pas. Elle était conduite par un inconnu, un homme trapu, au visage enfoncé dans un mentaux au large col relevé. De l'eau ruisselait de son chapeau. Le conducteur ne leur n'adressa pas un regard quand Isaure s'approcha de la porte du coche. Elle l'ouvrit à la volée et s'adressa à Tibère :

— Montez !

Sa voix était forte, nécessaire pour couvrir le bruit sourd de l'averse.

Tibère obtempéra et monta le premier. Une odeur de renfermée lui saisit la gorge et il prit place sur une banquette défoncée dont le tissu élimé laissait dépasser des fétus de paille.

Isaure alla à sa suite et prit place en face de lui, elle ferma la porte et ils plongèrent dans l'obscurité. Les rideaux des fenêtres étaient tirés et ne laissait pas la moindre place à la lueur de la lampe du conducteur. La Comtesse donna un coup de poing au plafond.

— Allez !

Dans un crissement, la voiture se mit en branle. Les chevaux tirèrent et les suspensions de la voiture s'agitèrent.

Tibère avala sa salive et ne put s'empêcher de songer que tout ceci ressemblait à un enlèvement. Où allaient-ils, si tôt le matin ? Les Serocourt étaient-ils au courant de cette escapade ? A qui était cette voiture ?

Il s'enfonça dans la banquette et se cramponna du mieux qu'il put lorsque la voiture amorça le virage qui le menait à la grande route. Ils semblaient prendre la direction de Montbazon.

Peu à peu, ses yeux s'habituèrent à l'obscurité et il remarqua qu'Isaure se tenait droit devant lui, les bras le long du corps. Elle était impassible aux remous qui agitait le coche et les secouaient de gauche à droite. Son regard semblait fixé sur lui.

— Hum..., commença-t-il, vous semblez aussi habituée aux suspensions de cette carriole qu'un marin sur son rafiot.

— Vous paraissez bien détendu, Monsieur Dignard..., dit-elle d'un ton acide. Ou plutôt devrais-je dire, Monsieur Petremand de Frosnier ?

L'estomac de Tibère descendit illico dans ses talons.

Il garda le silence plusieurs secondes, le cœur battant, fixant l'ombre de son visage. Avait-il véritablement entendu ce qu'elle venait de dire ? Elle n'ajoutait pourtant aucun mot.

Ce n'est qu'au dernier moment qu'il vit entre les mains d'Isaure, le reflet brillant d'une arme à feu. Il se redressa sur la banquette et se tortilla vers le fond de la voiture, le plus loin possible d'elle.

— N'essayez pas de vous enfuir, la voiture est fermée. Et si vous vous avisez de m'attaquer, soyez certains que je saurais me servir de ce pistolet. Je peux sauver des vies, mais je sais également y mettre un terme.

— Que... Que voulez-vous ? questionna-t-il, affolé.

Isaure répondit d'une voix acide :

— Vous êtes un individu en fuite. Je vais évidemment vous livrer à la justice !

— A la justice ? Non, non !

Désespéré, il tenta d'ouvrir la porte de la voiture et confirma qu'elle était bel et bien close. Il secoua le chambranle tant qu'il put mais un coup de botte bien placé sur ses poignets l'arrêta.

Il cria de douleur et secoua les mains. Piégé, il était piégé !

— Vous ne savez pas ce que vous faites..., gémit-il.

Un sanglot de douleur et de désespoir lui enserra la gorge. La poussière remuée provenant des tissus de l'habitacle le fit tousser et l'étrangla.

— Cessez de pleurnicher ! ordonna Isaure en fronçant du nez. Vous n'êtes qu'un malotru, un dandy stupide, un menteur et un tricheur !

— C'est faux !

Isaure se redressa à moitié et manqua de percuter le plafond avec sa tête. Ivre de rage, elle continua :

— Comment osez-vous ? Je vous ai fait confiance ! Vous avez abusé de nous, Honorine, cette pauvre fille, que vous avez engrossé... et moi !

— Vous ne savez rien...

Des larmes lui montèrent aux yeux. Il respira bruyamment, cherchant quelque chose à dire. Mais que pouvait-il vraiment dire ? Rien. Tout l'accablait. Il avait menti, oui. Il avait trompé, abusé de la gentillesse d'honnêtes gens. Il avait déçu une femme aussi belle et formidable qu'Isaure... Ce qu'il avait fait était impardonnable.

Le souvenir du visage de Ravignan lui revint en mémoire, sa figure large, ses grosses mains en forme d'assiette. Il s'imaginait déjà, attaché par ses hommes de main, le visage tuméfié et la queue entre les jambes... trainé de force devant l'autel pour épouser Amélie. Il vit distinctement la face satisfaite de son oncle, pétrit d'orgueil et de réussite, heureux de l'avoir écrasé telle une larve sous sa botte. Cette vision lui fut insupportable.

— Je suis tombée des nues lorsque Monsieur Fouchet m'a prise à part, hier soir, pour me révéler votre identité ! Il avait un médaillon dans sa poche, contenant votre portrait. Vous êtes recherché jusqu'à Lille et au Havre ! Je n'ose imaginer ce que vous auriez pu faire à Louise, ou bien à Marie Rose ! Vous avez réussi à me berner ! Grâce au ciel, vous n'abuserez plus personne, vil pervers !

Elle lui donna un rude coup dans le tibia, ce qui coupa le souffle de Tibère.

— A cause de vous, j'ai failli manquer à mon devoir !

Le jeune homme se tenait la jambe, il tremblait de tous ses membres.

— Il me semble que c'est plutôt vous, qui avez abusé de moi ! s'écria le jeune héritier. Et cela vous a tellement plu que vous n'avez pas hésité à me tenir pour vous satisfaire ! Le seul être pervers ici, c'est bien vous Madame !

Isaure se retint de l'étrangler.

— Vous ferez moins le joli cœur, lorsque vous ferez face à vos responsabilités ! crachat-elle. Tout le monde saura qui vous êtes et personne dans tout l'empire de France ne voudra voir votre visage !

Il haussa des épaules.

— Personne ne désirait le voir avant.

— C'est tout ce que vous avez à dire ? Vous pensez vous en tirer ainsi ?

— Et que voulez-vous que je dise ? hurla-t-il d'une voix brisée. Vous pensez déjà tout savoir ! Vous préférez tenir compte des rumeurs et des mots révélés par l'homme de main de mon oncle, qui m'a spolié mon héritage ! Ma cousine Amélie, que j'aurais abusée et engrossée ? L'avez-vous seulement vu de vos propres yeux, cette grosse oie, aussi stupide que tout un poulailler ? Jamais je ne toucherai cette fille, jamais je ne l'épouserai... la mort plutôt que de me laisser encore toucher par cette...

Un vertige le prit. Il vacilla sur le côté. Il reprit son souffle, haletant, essayant de ne pas être pris par les émotions. Les mains fébriles, il essuya son visage.

— Oui, je suis un lâche ! avoua-t-il, oui, je suis un oisif, indigne de Vaufoynard ! J'ai menti à tous pour me cacher, pour échapper au sort que ma réservé mon oncle. Pensez ce que vous voulez ! Mais je ne laisserai personne détruire qui je suis, ni m'arracher à mon destin. Même le plus brave des hommes craint sa propre mort.

— Qu'est-ce que vous dites ? C'est ridicule..., articula Isaure, qui l'observait toujours.

Elle ne s'était pas attendue à cette réaction. Bien sûr, elle savait que Térence, ou plutôt Tibère, était un homme sensiblement peureux... Mais de le voir si effondré... Cela lui paraissait disproportionné.

— Mais enfin, ne soyez pas excessif, vous n'allez pas à la pendaison ! le rabroua-t-elle. Ce n'est qu'un mariage et vous épousez votre cousine. Votre oncle est aussi votre tuteur, jusqu'à votre majorité. Vous lui devez obéissance.

— Mais je suis majeur ! s'exclama-t-il. J'aurai vingt-cinq ans dans un mois ! Cet imbécile veut me forcer à épouser sa fille !

Isaure se pétrifia. Térence était... plus âgé qu'elle ?

— Térence... Monsieur Petremand... Vous ne pouvez pas...

— Et bien, si ! Je suis votre ainé ! J'ai tous les documents pour le prouver ! Et non, je n'épouserai pas Amélie ! Aussitôt la cérémonie terminée, elle versera du poison dans mon vin d'honneur et héritera de toute ma fortune.

— Vous... vous exagérez...

Tibère perçu le doute pointer dans la voix d'Isaure. Il saisit sa chance :

— A votre avis, pourquoi me suis-je terré durant des mois dans cette ruine moisie, où vous m'avez trouvé ? Avez-vous vu les hommes payés par mon oncle, pour me retrouver ? Connaissez-vous seulement la réputation de Ravignant ? Non. Vous ne savez rien. Vous ne savez pas plus de choses que moi. Vous êtes une étrangère, une fille de soldat qui vient d'hériter un titre et qui se mêle de ce qui ne la regarde pas. Vous agitez votre morale à deux sous devant mon nez alors que votre vertu est aussi émaillée qu'un filet de pêche.

Piquée au vif, elle pointa de nouveau son arme vers lui :

— Et que voulez-vous dire par, je ne suis qu'une étrangère ? Mon sang réunionnais vous dérange-t-il ?

— Vous ne connaissez rien à la Touraine ni aux affaires qui y ont lieux ! Allez fricotter avec vos stupides soupirants et laissez-moi partir !

— Foutredieux ! J'ai hésité un instant à vous accorder le bénéfice du doute, mais maintenant que je vois votre véritable visage, l'envie me vient d'y planter une balle !

— Faites donc, n'ayez pas la main qui tremble ! Car je risque de me la planter moi-même avant que l'on vole mon nom !

Ils se toisèrent en chien de faïence, Tibère était couvert de sueur, ses yeux étaient injectés de sang. Isaure avait jeté son chapeau et ses cheveux tombaient par mèches sur ses épaules. Elle avait le visage empourpré de colère. Sa respiration saccadée faisait se soulever son corsage et ses doigts blanchirent sur la crosse de son pistolet.

Elle vit dans son regard qu'il n'hésiterait pas à se jeter sur elle. S'il commettait ce geste, elle serait dans l'obligation de tirer. Elle pouvait se battre, certes... Mais risquer un coup de feu dans un lieu aussi étroit était également dangereux pour sa propre sécurité.

Elle songea un instant au cocher mais balaya l'idée de faire appel à lui. Il avait eu pour ordre de ne pas intervenir, juste de les conduire à l'auberge où logeait Fourchet.

— Calmez-vous, Petremand, dit-elle avec la plus grande prudence. Il existe des choses pires que la mort.

— Oui, et c'est pour cela que je préfère la rejoindre avant de me retrouver livré.

Il eut un tremblement et sa bouche se tordit. Le jour se levait petit à petit et perçait enfin au travers des rideaux. La lumière était grise, blafarde. Elle reconnut la terreur dans son visage, la véritable peur. Celle que l'on doit affronter quoi qu'il advienne et à laquelle il est impossible d'échapper... La même qu'éprouve un jeune soldat en allant au front pour la première fois, la même qu'un mourant ressent lorsqu'il sent sa vie le quitter et l'obscurité l'envahir, alors qu'il n'est pas prêt à partir irrémédiablement vers l'inconnu.

Elle se rappela de sa première rencontre avec lui, de leurs baisers et de leur première étreinte. La façon dont il s'était donné à elle, si pure et si abandonné.

Elle se souvint aussi de la manière dont Tibère travaillait à Couzières. Il ne semblait pas feindre son rôle de domestique et s'était mis à travailler avec sérieux. Il avait donné du cœur à l'ouvrage depuis la prise de ses fonctions. S'il était un vil séducteur, il aurait pu facilement obtenir les faveurs de Marie-Rose, qui ne cessait de le couvrir des yeux.

— Avez-vous couché avec Marie-Rose ? demanda-t-elle

— Marie-Rose ? Non !

Elle ne put s'empêcher de pousser un petit soupir de soulagement.

— J'ai cependant pensé à l'épouser.

— Pardon ?

La voiture fit soudain un écart sur la route et le cochet poussa un cri. Un coup de feu éclata dans l'air, résonnant dans le ciel et les chevaux hennirent de frayeur.

Tibère se plaqua au sol, contre les jambes d'Isaure. Cette dernière se tenait la tête entre ses mains et son arme chuta sur la banquette élimée.

— Mais vous êtes complètement folle !

— Je n'ai pas tiré ! répondit-elle sur la défensive.

Un second coup retentit dans l'air et la voiture reparti aussitôt en avant, les chevaux galopant à perdre haleine.

— On nous attaque ! hurla le cochet.

Le rythme trépident de sabots remonta jusqu'à eux. Sans aucun doute, des cavaliers étaient à leur poursuite.

— Sainte Vierge, c'est mon oncle ! Ce sont ses hommes ! se lamenta Tibère.

— Tudieux, ressaisissez-vous, Petremand ! fit Isaure en ramassant son pistolet et en s'accrochant tant bien que mal.

L'habitacle se secouait dans tous les sens et dans un rythme effréné, les projetant de gauche à droite. Les chevaux de leurs poursuivants se rapprochèrent... ce qui n'était guère surprenant, étant donné la taille énorme de leur voiture.

Isaure brisa la vitre de la porte avec la crosse de son arme et passa le haut de son corps en dehors de la voiture. Un cahot manqua de la projeter sur la route, Tibère la rattrapa par le bas de son manteau de cuir. La jeune femme leva son arme et visa. Son tir partit rapidement et fit mouche. Ils entendirent un cri de douleur.

— Je l'ai raté ! Je visais sa tête et je l'ai touché à l'épaule !

— Mais vous êtes complètement folle !

Tibère la tira vers l'intérieur de la voiture, pile au moment où cette dernière commençait à ralentir.

— Les chevaux sont épuisés... constata-t-il. Je suis perdu...

— Ils ont ralenti lorsque j'ai tiré, ils sont quatre, l'un d'entre eux s'est arrêté pour aider leur compère blessé. Ils ne sont plus que deux à nous suivre. Ils ne s'attendaient à ce que nous soyons armés.

— Est-ce que vous me croyez, à présent ?

Son ton était suppliant et son regard voilé de larmes. Cela sembla attendrir Isaure, qui répondit :

— Rassurez-vous, personne ne vous emmènera nul part.

Elle lui adressa un sourire éblouissant. Ses cheveux défaits tombaient sur ses épaules et brillaient de gouttes de pluie, elle avait les joues rouges et le regard brûlant. Une odeur de poudre se faisait sentir et il parut à Tibère que cela lui plaisait, car elle inspira à fond.

Elle leva une main pour lui caresser les cheveux, alors que la voiture s'arrêtait. Les chevaux soufflèrent, hors d'haleine.

Le cochet s'agita et cria quelque chose d'incompréhensible, les malfrats eurent tôt fait de les rejoindre et mirent leur monture au pas.

Isaure se plaça à côté de la vitre brisée et attendit. Quelques secondes plus tard, un coup de fusil, provenant du sommet de la voiture, fit sursauter Tibère. Isaure se jeta par l'ouverture et tira à son tour.

Le jeune homme comprit que leur mystérieux cochet était également armé et qu'il ne semblait pas complice de ces hommes de main.

Il y eu des cris, des bousculades. Quelqu'un glissa dans de la boue. Les chevaux hennirent encore, terrorisés.

Tibère s'était plaqué de nouveau au sol, recroquevillé sur lui-même et le visage caché dans ses mains. Son cœur battait à tout rompre et ses oreilles sifflait.

Il y eu encore deux coups échangés entre un des hommes et le cochet, puis plus rien. Qui était mort ? Lui ? L'autre ? Il pensa à Vaufoynard, à son jardin et à sa bibliothèque, au bord de fenêtre contre lequel il aimait s'appuyer pour lire, des journées entières.

Il sentit une main lui tapoter l'épaule :

— Nous sommes saufs.

Il se redressa et croisa les prunelles d'Isaure. Son expression était douce, rassurante. Était-il mort, finalement ? Jamais elle ne l'avait regardé ainsi.

Il reprit place sur la banquette, le souffle court. Sa tête lui tournait et il avait envie de vomir.

Il sursauta en criant, la tête du cochet dépassait au travers de la porte brisée.

— Tout cela n'était pas prévu, dit-il d'un ton grincheux.

— Effectivement... Amenez-moi à votre maître, je tiens à tirer cela au clair, exigea la Comtesse de Bréhément en reprenant place dignement sur son siège. Il m'avait assuré la plus grande discrétion sur cette affaire, il semble avoir préféré prévenir son client avant de s'en remettre à moi.

— Je ne pense pas qu'il ait voulu un meurtre.

— Peut-être, mais en attendant, nous en sommes là. Allons, nous devons nous hâter avant qu'ils ne reviennent avec des renforts !

 

 

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