CHAPITRE 12
- clin d’œil -
Les profondeurs du lac n’étaient plus les mêmes, au point que Marco peinait à reconnaître son lieu de vacances. Lui qui en avait connu chaque roche, chaque aspérité, chaque grain de sable par cœur, voilà que tout était nouveau. Les algues avaient pris des couleurs d’arc-en-ciel et le fond regorgeait de vie. Poissons, coquillages aux formes tarabiscotées, petits êtres étranges au corps de crevettes et pinces de crabes.
Mais toujours pas de tortue. Bien que désormais multicolores, pétillant depuis les profondeurs et miroitant de mille facettes dorées et argentées, les rochers étaient toujours des rochers, les algues des algues et la vase de la vase. La poudre n’avait pas changé cet immense amas de pierre et de lichens en carapace, pattes et bec. Alors, où était-elle ?
Après avoir flotté en surface pendant de longues minutes à se laisser bercer par les flots, Marco sortit la tête de l’eau et recracha son tubas. Il garda son masque, de peur que l’eau ne vienne enlever son maquillage.
— Je vois toujours pas de Tortue, dit-il à Lili qui venait de le rejoindre.
— Toujours pas ? Elle a été recouverte de vase et d’algues depuis des milliers et des milliers d’années qu’elle est là.
— Ben du coup je la vois pas.
Lili réfléchit. Puis elle sembla avoir une idée.
— Viens ! lança-t-elle.
Marco nagea à sa suite, se dirigeant vers ce qui devait être la tête de la Tortue. Le vent avait encore forcit et l’eau devenait franchement agitée, mais il n’aurait abandonné pour rien au monde.
— Je vais plonger, dit Lili, reste en surface, mais regarde bien !
Marco réemboucha son tuba et mis sa tête sous l’eau, juste assez pour pouvoir suivre Lili du regard mais pas trop pour pouvoir continuer à respirer.
Les vagues le faisaient monter et descendre, rendant la tâche difficile. Mais il parvenait à voir Lili qui plongeait vers un point du rocher, assez peu éloigné de lui ; elle nageait avec la même aisance que les poissons qui l’entouraient, ses longs cheveux ondulant autours d’elle. Arrivée au rocher, il la vit poser sa main sur une anfractuosité et fermer les yeux.
Alors l’eau, d’un coup se calma. Les vagues s’étalèrent jusqu’à disparaître, diluées dans le grand large. Soudain immobile, Marco se sentit figé dans l'espace et dans le temps. Il ne voyait plus que Lili, il ne voyait plus que le rocher de tête. Le rocher qui lentement, plus lentement encore que le déplacement des nuages, se mit à bouger sous la main de la petite fille. Une commissure qu’il n’avait pas remarquée se dessina doucement et, petit à petit, s’ouvrait. Le cœur de Marco se mit à battre à plein régime. D’abord simple ride, la déchirure dans la roche devint ouverture, s’élargissant sur plusieurs mètres. Une ouverture qui révélait peu à peu une gigantesque goutte d’eau noire, luisante, au milieu de laquelle se dessinait une pupille plus grande que lui. Une pupille qui mollement se redressa, doucement bascula vers le haut jusqu’à rencontrer celles de Marco. Marco dont l’âme plongea tout entière dans ce puits sans fond.
— Marco ! entendit-il au loin. Marco !
C’était la voix de son père qui l’appelait depuis la plage.
Le temps repris son cours d’un coup, les vagues forcirent de nouveau et Marco, projeté au loin du rocher faillit boire la tasse.
Il refit surface et retira masque et tuba.
— Marco ! Revient sur la plage, le vent est trop fort, c’est dangereux.
Marco ne se le fit pas dire deux fois. Il nagea tant bien que mal jusqu’au sable où son père l’attendait, près à le réceptionner. Entre les roches, il vit le vieux monsieur commencer à ramasser ses affaires pour s’en aller, et sa mère, toujours assise, guetter son fils, inquiète.
Lorsqu'il put enfin se redresser et marcher sur la plage, Marco se retourna. Lili n’était plus en vue. Elle avait sans doute plongé pour rejoindre sa grand-mère, de l’autre côté du lac. Marco avait hâte de la revoir, pour lui parler de la Grande Tortue, de son oeil, de son appel à l’aide qu’il avait bel et bien ressenti en sombrant dans son regard.
Le vent soufflait maintenant assez fort, faisant voler les pages du livre du père de Marco et les bords de la serviette de sa mère.
— Tu peux jouer sur le sable, lui dit son père, mais ne retourne pas dans l’eau, c’est trop dangereux avec les rochers.
— D’accord, dit Marco.
— Qu’est ce que tu as sur le visage, il est tout sale, attends.
Le père de Marco lui frotta les joues et le contours des yeux, enlevant le peu de poudre que les vagues n’avaient pas encore emporté.
Le monde était redevenu le monde, simples roches sombres sur lit de sable blanc. Ciel bleu, nuages de cotton et les vagues s’échouant sur la rive. Mais là, sous ses pieds, Marco savait qu’il y avait la carapace d’une Grande Tortue et que là-bas, juste un peu plus loin, se trouvait son immense tête et son insondable regard. Il l’avait vu ; cette fois bel et bien vu.
Il prit son seau et sa pelle, s’éloigna de ses parents et fit de son mieux pour tenter de creuser et construire un prémisse de château, mais son esprit était bien loin de là. Son cœur battait fort et il ne tenait pas en place. Une excitation qu’il n’avait pas connue depuis bien longtemps s’emparait de lui.
Il y avait une Grande Tortue sous l’île et elle avait besoin d’aide, de son aide. Lili le lui avait dit, mais cette fois, il l’avait vu et savait que c’était vrai de vrai.
J'ai lu avec curiosité le commentaire d'Adela. C'est une version réécrite maintenant ? En tout cas, j'ai bien visualisé Marco sous l'eau pour cette rencontre intense avec l'œil de la tortue. Que forcément j'appelle Moïra dans ma tête. ^^'
Je trouve le tout super cohérent. La réaction des parents est logique. J'ai hâte de découvrir la raison de ce détachement, de cette froide colère de Marco vis-à-vis d'eux, surtout sa maman.
;)
ses longs cheveux ondulant autours d’elle --> autour ?
j'ai fait quelques modifs oui, mais peu, cela se joue souvent à rien, c'est la beauté de l'écriture ^^ En tout cas je suis contente si tu as bien perçu que tout se passait sous l'eau !
Haha, je ne dirais rien pour le reste, mystère ; )
Je suis contente de te revoir et de pouvoir continuer cette histoire. J'ai eu un peu peur que cela ne s'arrête. Ca aurait été dommage.
Ce chapitre était très bien, beau. J'ai bien aimé le passage, un plus décrit, de la plongée, même si j'en aurais aimé encore plus.
C'était très étrange de découvrir cet oeil et émouvant. L'interruption des parents est aussi assez troublante. Ne voient-ils pas l'oeil ? Fallait-il la poudre pour cela ? Où est-ce que c'était un angle mort pour le père ?
J'ai noté :
- de crevettes ... de crabes. Pas de "s" il me semble.
J'attends la suite.
merci pour ta lecture et ton message : )
Alors pour moi l'œil est sous l'eau, ce n'est peut-être pas hyper clair du coup... avec ou sans poudre de toute façon les parents qui sont hors de l'eau ne pourraient pas le voir, mais je vois que ce n'est pas évident du tout, il va falloir que je réécrive cela pour bien faire comprendre que tout se passe sous la surface... je vais corriger cela dans ma réécriture ! : )
Merci pour ta remarque !
À très bientôt pour la suite : )