Le lendemain, la caravane reprit la route en direction de Lynn. Ainsi qu’il l’avait subodoré, Elindel avait trouvé de la compagnie pour la nuit. Il l’avait aperçue qui sortait d’une tente, nue comme au jour de sa naissance, tenant une robe dans une main. Elle n’avait pas voulu réveiller son partenaire, comptant sur l’heure matinale pour ne pas être surprise. Elle n’avait pas envisagé que Rifar, en tant que chef de la caravane, se levait le premier – bien avant Fenkys – pour superviser les préparatifs de départ. Pour éviter de la mettre mal à l’aise, il avait préféré ne pas se montrer. Il était allé voir comment se portaient les deux stoltzint. Il ignorait donc si elle était rentrée telle qu’elle chez elle ou si elle avait fait une escale pour se rhabiller.
Les deux femmes dormaient, mais leur sommeil n’avait rien de paisible. La drogue qu’on avait fait boire la veille à Ksaten ne parvenait pas à supprimer ses mouvements convulsifs et on devinait ses yeux qui roulaient derrière ses paupières closes. Saalyn semblait plus calme. Il suffisait cependant de la toucher pour constater que ses muscles n’étaient pas détendus comme ils auraient dû. Il restait à espérer que leur organisme arriverait à évacuer le jasmin de leur sang.
Après avoir vérifié l’état des deux malades, il s’était rendu à la ferme pour porter quelques écus à Elindel. La nourriture qu’elle avait offerte était sans commune mesure avec le service qu’il rémunérait. Elle accepta en rougissant un peu. Était-ce par gène ou parce qu’en le voyant habillé et rasé de près, elle avait compris qu’il l’avait surprise en train de s’enfuir.
En rentrant, il croisa Pelas et Damon, deux membres de la caravane, qui s’occupaient de préparer le repas du matin. Cela tombait bien, Rifar devait leur parler, bien qu’il n’en ait pas particulièrement envie. Il prit une grande respiration avant de se placer entre eux et leur passa un bras autour des épaules.
— Vous allez bien tous les deux ? demanda-t-il.
— Oui, répondit Pelas. Pourquoi ?
— Vous ne vous êtes pas montré très discret cette nuit.
— Et alors. Quelqu’un s’est plaint ?
— Non, mais nous ne sommes plus en Yrian. La Nayt n’est pas aussi tolérante que nous.
— Ça n’est pas interdit, objecta Damon.
— Pas explicitement. Il vaudrait pourtant mieux éviter de vous faire remarquer. Et à Lynn, je vous conseille de vous abstenir. Les autorités y sont assez chatouilleuses.
— Nous ferons attention, promit Pelas.
— Parfait.
Rifar s’éloigna des deux amants. Il avait besoin d’une rasade d’hydromel. Il détestait se mêler de la vie privée de ses hommes. Seulement, ces derniers avaient tendance à oublier que l’Yrian et la Nayt étaient deux pays aux coutumes très différentes. Et si le premier était assez libéral dans le domaine des mœurs, le second était plus strict. Et si les relations entre hommes n’y étaient pas comme au Sambor un crime puni de mort, elles n’y étaient pas très bien considérées.
Dalbo s’était levé et avait commencé à réveiller tout le monde. Acron procédait de même avec ses hommes. Le ciel s’était suffisamment éclairci pour y voir, mais Fenkys ne perçait pas encore au-dessus de l’horizon. Il s’en fallait encore de plus d’un calsihon. Quand le disque de l’astre du jour émergea à l’horizon est, la caravane était prête à partir.
La tendance observée ces derniers jours se confirmait. Plus ils allaient vers le sud, plus le pays devenait verdoyant. Aussi près du désert empoisonné, la végétation était loin d’être aussi luxuriante que celle de sa région natale. Peu d’espèces supportaient un tel taux de particules de feu dans le sol sans dépérir. Toutefois, au milieu des bosquets d’arbres morts, on en trouvait toujours un qui portait des feuilles. Malgré tout, Rifar ne se berçait pas d’illusions, la vie mettrait des siècles à se restaurer dans cette région de la Nayt. Le pays ne subsistait que par une incroyable chance : les vents dominants soufflaient en direction du désert au lieu de s’en éloigner. Sinon le territoire situé entre Massil et Lynn n’aurait été que terres stériles, impropres à la vie. Et il était probable que la plus grande partie du continent entier aurait été dans la même situation, y compris des contrées aussi lointaines que le Salirian et l’Helaria.
Ils passèrent au pied du tumulus qui portait le monument à la mémoire des morts de la guerre contre les feythas. Au sommet, plusieurs statues rendaient hommage aux peuples d’Uv Polin qui s’étaient unis pour abattre la tyrannie. Les deux qui représentaient les stoltzt étaient, si Rifar avait bien compris, un frère et une sœur de Saalyn. Il n’était finalement pas plus mal que la stoltzin dorme. Elle aurait eu le cafard à voir ce tombeau.
— Ça fait beaucoup de terre, fit remarquer Dalbo.
— Elle aurait été plus utile étalée dans les champs, ajouta Rifar.
— Ça aurait été une erreur de l’y remettre après tout le mal qu’on a eu à la retirer, les contredit Bayne.
— Comment ça ? s’étonna Rifar.
— Elle a été contaminée par les armes des feythas. Le simple fait de marcher dessus pouvait tuer.
Rifar constata que même Meghare était attentive aux paroles de la prêtresse.
— On n’a pas fait ça à Miles.
— L’Yrian se situe loin de la zone polluée. Et puis, les feythas n’allaient pas détruire leur propre territoire.
— Ils se seraient condamnés.
— Mais ici, c’est différent. Leur arme maléfique s’est abattue sur notre capitale et la moitié de notre territoire est inhabitable.
— J’ignorais que les Feythas avaient attaqué Ambes, intervint Dercros.
— Pas Ambes. Pers, le corrigea Bayne. Tolos avait également été fortement endommagée. Du coup, Ambes est devenue de facto la capitale, bien que Pers reste notre capitale officielle malgré le fait qu’elle soit totalement inhabitée. À l’époque, ni Burgil ni Massil n’avaient intégré la Nayt. Cette attaque a failli nous anéantir, expliqua Meghare.
— Vous ne pouvez pas trouver un sujet plus gai ? protesta Rifar.
— Excusez-nous, c’est la proximité de ce monument qui nous donne le bourdon.
Heureusement, un appel en provenance de la charrette sanitaire détourna leur attention. Rifar la laissa le rattraper. Dès qu’elle fut à sa hauteur, il passa de son cheval à la banquette du conducteur puis entra à l’intérieur. Meghare admira l’acrobatie. Le jeune homme était un cavalier accompli.
C’était Ksaten qui s’était réveillée. Rifar s’accroupit au niveau de sa tête.
— Ça va ? demanda-t-il.
— J’ai l’impression d’avoir des milliers d’aiguilles plantées dans le corps, répondit-elle légèrement agressive.
— Je compatis.
— Compatissez en silence alors.
— C’est vous qui avez appelé, lui fit-il remarquer.
Ksaten se tut un long moment avant de reprendre.
— J’ai soif.
Rifar sortit une gourde équipée d’une paille de son logement. Elle était à moitié pleine. Il glissa le chalumeau entre les lèvres de la stoltzin qui aspira goulûment.
— Ne vous retenez pas, d’après Arda, vous devez boire beaucoup pour éliminer le poison.
— Qu’est-ce que c’était ?
— On pense que c’est le jasmin.
— Le jasmin ! Comment ai-je absorbé cette fleur ?
— Elindel en a infusé dans le thé.
— C’est bien d’une Osgardienne de mettre des fleurs dans une boisson.
— Détrompez-vous. J’ai trouvé ça très bon. Mais on ignorait son effet sur les stoltzt.
Ksaten se contorsionna pour avoir Rifar dans son champ de vision.
— J’aurais quand même préféré qu’une autre se porte volontaire pour l’expérience.
Rifar sourit.
— Comment va Saalyn ?
— Mieux que vous, mais elle en a moins bu.
— J’ai hâte qu’elle se réveille. Il faudra qu’elle m’explique comment elle a perdu sa robe alors que je porte encore la mienne.
Rifar éluda la question.
— Puisque vous allez mieux, je vais vous détacher, proposa-t-il.
— Non. Ça ne serait pas une bonne idée. Les visions sont toujours là, tapies au fond de mon esprit. Si elles revenaient au premier plan, je pourrais redevenir violente.
— Je vais faire confiance en votre jugement.
— N’empêche, cinq mecs costauds pour me maîtriser.
— Ils ne voulaient pas vous faire de mal.
— Personnellement, je ne m’en suis pas privé. J’ai fait des dégâts ?
— Un nez cassé et une lèvre fendue.
Ksaten resta silencieuse un long moment.
— Je vais avoir des excuses à faire, dit-elle finalement.
— Ne vous inquiétez pas. Ce sont des durs à cuire. Ils ont déjà pris les armes pour le compte du royaume. Des coups, ils en ont subi plus que leur part.
— Ce n’est pas une raison.
Elle n’avait pas tort, mais il savait aussi que ses hommes ne lui en voudraient jamais. Ils n’étaient jamais contre une petite bagarre. Cette escale qui s’était si mal terminée il y a quelques jours le prouvait. Ce qui les avait chagrinés, c’était de ne pouvoir rendre les coups qu’ils recevaient. D’une part parce que Ksaten était une femme, d’autre part parce que c’était une alliée.
— Où est-on ? demanda soudain Ksaten.
— Environ quatre-vingts longes au nord-est de Lynn.
— Deux jours de voyage donc.
— Comptez trois. Sur ce chemin, nous n’allons pas vite.
— Quand j’entrerai en ville, je veux le faire sur mon cheval et pas allongée comme une impotente.
— C’est promis.
Il se leva en se tenant aux montants qui soutenaient la toile pour ne pas trébucher sous les cahots.
— Je dois retourner surveiller mes hommes.
— Allez-y. Vous n’êtes pas obligé de servir de garde-malade.
Il la salua avant de passer rejoindre le conducteur.
Les deux bivouacs suivants bénéficièrent de la protection d’un refuge. Plus ils approchaient de la capitale, plus les équipements étaient fonctionnels. Au départ du deuxième, les stoltzint purent quitter leur chariot pour remonter sur leur cheval. Après un monsihon de chevauchée, Saalyn se plaça à côté de Rifar.
— Comment allez-vous ? demanda-t-il.
— Cette drogue n’efface pas la mémoire. Je me souviens de tout ce que j’ai fait. Je tiens à m’excuser.
— De quoi ? En fait, je trouve plutôt flatteur que vous ayez jeté votre dévolu sur moi.
— En temps normal, je ne me comporte pas comme ça.
Un ricanement de Dercros détourna son attention. Saalyn lui renvoya un regard qu’elle aurait voulu sévère. Mais elle était incapable de se mettre en colère contre lui et la noirceur de ses yeux était compensée par un sourire attendri. Rifar se demandait quel était le secret du jeune homme. Son charme marchait sur Ksaten, Meghare, et même sur Bayne. Seule Daisuren semblait imperméable à sa séduction ; était-ce dû à sa jeunesse ou à sa prévention contre les stoltzt ? Rifar se rendit soudain compte que Saalyn continuait à lui parler, mais il n’écoutait pas. Il l’interrompit.
— Qu’avez-vous vu lors de vos hallucinations ? demanda-t-il.
— Pourquoi ?
— Le moment aurait pu être agréable pour moi, si vous aviez été en possession de vos moyens. Mais il sonnait faux, comme si malgré la sensualité de vos gestes, vous vous forciez à les faire.
Saalyn hésita longtemps avant de répondre.
— Autrefois, quand j’étais une guerrière, quand l’Helaria n’était encore qu’une île perdue au milieu de l’océan, j’ai participé à des expéditions de sauvetage ou des escortes. Une fois, j’ai dû racheter une otage par ce moyen. Ce n’est pas le moment de ma vie dont j’ai le meilleur souvenir.
Jusqu’alors, Rifar s’était senti flatté. Maintenant qu’il découvrait la raison derrière le geste, il était déçu. Ainsi il rappelait à Saalyn un truand, malhonnête et violeur de surcroît.
— Comment ai-je pu vous faire penser à cette sorte d’individu ? s’enquit-il négligemment.
— La taille, le renseigna Saalyn, cet homme était grand, musclé et une coupe en brosse, tout comme vous. En revanche, il était blond.
Rifar était soulagé, ce n’était qu’une simple ressemblance physique.
Au bout d’un monsihon de chevauchée, un grondement lointain commença à se faire entendre. Quelques calsihons de plus et il était devenu si puissant qu’il rendait les discussions difficiles.
— D’où vient ce bruit ? demanda Meghare.
— Les chutes de la Lynn, répondit Rifar.
— Un spectacle grandiose, ajouta Bayne.
— On y sera dans trois calsihons, termina Rifar.
Un instant plus tard, ils atteignirent une rivière. La route la longeait sur la rive droite. Elle était assez large, une centaine de perches, et coulait rapidement vers le sud.
— La Lynn, annonça Rifar, la seule rivière de la région qui se jette dans la Burgil.
— Mais comment est-ce possible ? s’écria Meghare. Le cours de l’Ambes nous sépare de la Burgil.
— Vous allez comprendre, répondit Rifar d’un air mystérieux.
Malgré toutes questions ultérieures, Rifar resta silencieux.
Enfin, ils atteignirent les chutes. À cet endroit, une immense faille s’ouvrait dans le sol. La Lynn s’y jetait dans un bruit assourdissant. Meghare descendit de cheval et s’approcha du bord. Un garde-corps permettait aux gens de se pencher sans tomber. Elle regarda vers le bas. La rivière se déversait en demi-cercle jusqu’au fond, une centaine de perches sous le niveau de la plaine pour continuer sa course endiguée au fond de ce canyon.
Meghare se tourna vers Rifar, les yeux pétillants d’émerveillement. Elle s’appuya contre la barrière et attendit, son visage éclairé d’un léger sourire. Rifar la rejoignit. Il s’arrêta en face d’elle. Elle ne bougeait toujours pas. Rifar lui prit les joues entre les mains. Il déposa ses lèvres sur celles, pulpeuses, de la jeune femme. Elle referma ses bras autour du cou du cavalier, dissipant les appréhensions qu’il éprouvait. Le baiser sembla interminable.
Un peu à l’écart, les autres voyageurs attendirent, gênés. Saalyn toussota. En réaction, Meghare et Rifar se séparèrent légèrement.
— Il faudrait reprendre la route, conseilla Rifar.
Elle ne répondit pas, mais en retournant vers son cheval, elle laissa traîner ses doigts le plus longtemps possible sur le corps de Rifar. Quand elle fut en selle, il rejoignit sa monture.
— Pas de commentaires ! lança-t-il à Dalbo qui patientait.
— Je ne me le permettrais pas, se défendit-il.
Il donna le signal et la caravane reprit la route.
Dercros rejoignit Rifar.
— Je peux poser une question.
— Allez-y.
— Si ce canyon coupe la Nayt en deux, sachant que Lynn est de ce côté et que les trois quarts de la Nayt sont de l’autre côté, comment communique-t-elle avec le reste du pays ?
— Pour que je vous révèle mes secrets, pensez-vous disposer de meilleurs arguments que Meghare ?
— Non, se récrimina-t-il. Je laisse Meghare tenter sa chance.
La réaction du jeune stoltz amusa Rifar.
— Il y a un pont à Lynn. Et ce canyon ne dure pas indéfiniment.
Bayne les rejoignit.
— La petite soubrette a de la ressource, le taquina-t-elle.
— Ce n’est pas une soubrette, protesta Rifar. Son père est un bourgeois aisé.
— Je m’en doute. Une soubrette n’aurait jamais pu aller étudier en Yrian. Et si elle a choisi d’apprendre la comptabilité et le commerce, c’est pour aider aux affaires familiales. Mais elle n’est pas la seule à cacher son identité.
D’un mouvement de la tête, elle désigna Dalbo.
— Je n’ai jamais menti sur mon identité, se défendit celui-ci.
— Vous avez juste employé un faux nom.
— Mon nom de guerre.
— Vu votre rang, le plus élevé de tous les membres de cette caravane, vous devriez commander. Pourquoi n’est-ce pas le cas ?
— Je n’ai aucun rang. Je ne suis pas comte. Je suis fils de comte, et même pas héritier. Deux frères me précèdent dans la succession.
— Et votre père n’a aucun intérêt dans cette expédition ?
— Financière uniquement. Et je ne le représente pas. Il a suffisamment confiance en Rifar pour ne pas le faire surveiller. Je suis ici en vacances.
Bayne dévisagea le jeune chef de caravane, puis juste à côté Meghare. Un sourire éclairait toujours le visage de la jeune femme.
— Ma chère, dit-elle, vous avez jeté votre dévolu sur la mauvaise personne.
Rifar tourna brusquement la tête vers Bayne. À son air réjoui, il comprit qu’elle le taquinait.
— Je ne crois pas, répondit Meghare. Je n’ai que faire d’un fils de comte, serait-il héritier direct du titre de son père. Le seul que je veux c’est Rifar.
Elle jeta un coup d’œil énamouré à l’élu de son cœur. Ce dernier se redressa fièrement, la tête bien droite. Il fit exécuter quelques pas de parade à son cheval. Cette réaction déclencha un sourire aux participants, amusés pour la plupart, admiratif en ce qui concernait Meghare.
— Vous avez bien parlé de comte ? releva Dercros.
— Dalbo est le fils du comte du Than, expliqua Saalyn. Son père commande la cavalerie de Miles.
— Et où se trouve le Than ? demanda Meghare.
— Au nord-est de Miles. Juste au nord des terres Farallon, la renseigna Dalbo.
— Farallon ? intervint une nouvelle fois Dercros.
— Les ducs de Miles, l’éclaira Saalyn. C’est leur nom de famille.
Arda se tourna alors vers Rifar.
— Et vous jeune homme, êtes-vous né sur les terres du Than ?
— Sur celles du duc, répondit Rifar, mais j’ai passé beaucoup de temps au Than.
— Si je comprends bien, le comte du Than est le vassal du duc de Miles, déduisit Meghare.
— Qui est lui-même vassal du roi d’Yrian, ajouta Arda.
— Ça ne devrait pas ! s’écria Rifar. Quand l’Yrian a été créé, le traité prévoyait que la couronne passerait alternativement aux lignées de Miles et d’Elmin. Or à la mort du dernier roi Farallon, Miles a bien transmis le pouvoir aux Alminatii. Mais depuis, ils refusent de le rendre.
— Quelle raison invoquent-ils pour cela ? s’enquit Meghare.
— Que cette rotation du trône entre les duchés pouvait marcher quand il n’y en avait que deux. Mais avec la création de ceux de Sernos, Karghezo et maintenant Ortuin, ce n’est plus d’actualité.
Silencieusement, Saalyn résuma la situation. Elle voyageait en compagnie du fils du commandant de l’armée de Miles et d’un soldat milesite patriote. Rifar était un cavalier émérite et un bon combattant. Il était sûrement officier dans cette armée. Et plusieurs des gardes qui les entouraient ressemblaient beaucoup à des soldats. Cette caravane avait de plus en plus l’allure d’une expédition militaire. Quoiqu’en y réfléchissant, si Dalbo avait investi beaucoup d’argent dans ce projet, il semblait normal qu’il veuille le surveiller tout en confiant sa réalisation aux gens les plus compétents : Posasten pour le commerce et Rifar pour assure sa protection. Sans compter que Dalbo et Rifar se connaissaient depuis longtemps. Ils paraissaient avoir le même âge, ils avaient dû se rencontrer en faisant leurs années de service.
C’est l’exclamation de Meghare qui la tira de ses méditations.
— C’est magnifique !
— Ça vaut le détour en effet, confirma Dalbo.
Si même l’impassible Dalbo était surpris, c’était que l’endroit devait être incroyable. Saalyn regarda ce qui avait éveillé leur enthousiasme et s’émerveilla à son tour.
Sur une colline, à l’horizon, se dressait la ville de Lynn. En face, sur l’autre rive du canyon, s’étalait Naerre. Une immense arche naturelle enjambait le vide, reliant les deux villes. Et si elle en jugeait par les miroitements qu’elle voyait, une rivière coulait au-dessus. Aussi incroyable que cela puisse paraître, en cet endroit, deux fleuves se croisaient sans mélanger leurs eaux. Saalyn resta presque un calsihon à admirer ce miracle géologique. Puis son attention se porta sur Lynn.
Rifar était raison, la ville était magnifique. Les Naytains n’avaient pas construit une cité, mais un monument digne de la grandeur de leur pays. Ils se trouvaient encore trop loin pour en distinguer tous les détails, mais même d’où ils étaient, ils pouvaient voir les éclats lumineux que produisait le soleil en se reflétant sur le marbre des bâtiments. Et au sommet de cet ensemble architectural, le palais de l’archiprélat, immense, dominait la ville de sa présence.
— C’est là que nous allons ? demanda Daisuren de sa voix timide.
— Non, nous allons à Naerre, juste en face, expliqua Rifar. Lynn est encore en travaux, on n’y trouve pas d’hôtel. Et le jour où ils le construiront, il sera hors de portée de notre bourse.
— Je compte aller me recueillir dans la chapelle de Nertali. Si tu veux, tu peux m’accompagner.
Daisuren ne répondit pas, mais la proposition d’Arda lui fit plaisir à en juger par son sourire.
— Moi aussi je dois honorer mon dieu, intervint Meghare.
— Nous irons tous visiter Lynn quand nous serons installés à Naerre dans notre hôtel, décréta Rifar.
— Excellente idée, approuva Saalyn. Venir ici et repartir sans voir cette ville serait dommage.
La route qu’ils suivaient ralliait un boulevard qui reliait Lynn à Naerre en passant par le pont naturel. En l’atteignant, ils tournèrent le dos à la magnifique capitale naytaine pour rejoindre sa banlieue. L’arche était large de presque une centaine de perches. Le fleuve qui la traversait en occupait la moitié. De part et d’autre, une voie à sens unique avait été tracée. Sur le reste, les Naytains avaient aménagé un jardin verdoyant et fleuri. Ils avaient toutefois évité les arbres de peur que leurs racines n’affaiblissent la roche et n’entraînent l’effondrement de la structure. Aucune plante ne dépassait la hauteur d’un homme, il n’était donc pas possible de s’abriter du soleil sous leur feuillage. Les Naytains avaient pallié ce problème en disposants de nombreuses tonnelles ombragées un peu partout.
En découvrant cette beauté, Daisuren descendit du chariot qui la transportait et courut vers le carré d’herbe le plus proche.
— On peut ? demanda-t-elle.
— Bien sûr, répondit Bayne.
L’adolescente se précipita vers le bord du pont et s’agrippa au garde-corps. Elle regarda vers le fond du canyon.
— C’est haut ! s’écria-t-elle.
Saalyn la rejoignit et se pencha à son tour. Elle éprouva un haut-le-cœur et recula.
— Pourquoi faites-vous des barrières aussi basses alors que vous êtes si grands !
— On n’est pas censé se pencher par-dessus, répliqua Arda.
— On n’est pas censé s’en approcher tout court, riposta la stoltzin.
— Et c’est bien ce que les Naytains ne font pas. Seuls les gamins et les chanteuses stoltz commettent ce genre d’imprudence.
Au lieu de remonter sur sa selle, Saalyn prit son cheval par la bride et marcha à côté de Ksaten. Daisuren continua à explorer ce jardin incroyable.
Enfin, ils arrivèrent au bout et entrèrent dans Naerre. Les caravansérails se trouvaient dans la bordure de la ville située du côté opposé au ravin. La caravane suivit le boulevard jusqu’à la porte est. Ils atteignirent leur destination. L’établissement choisi était connu de Rifar qui y était déjà descendu plusieurs fois. Et comme il l’expliqua à Saalyn, les Alminatii ne le fréquentaient pas. Ce qui leur garantirait des nuits dans un lit plutôt que dans une cellule de prison.
'elle avait compris qu’il l’avait surprise en train de s’enfuir.' ponctuation : 'elle avait compris qu’il l’avait surprise en train de s’enfuir ?'.
'deux membres de la caravane, qui s’occupaient de préparer le repas du matin.' en général tu as la ration des chevaux avant de pouvoir t'occuper de toi. De l'avoine le matin. Du maïs floconné, énergétique pour les longues chevauchées, le soir.
Ah car l'Yrian est tolérante ? Je me faisais une vision plus refermée suite à la paysanne. Toléré mais mal vu ?
Comment expliques tu géologiquement que les fleuves ne se croisent pas ?
Comment Saalyn n'a t elle pas relevé que les gardes ressemblaient à des soldats ? Elle les a vu à l'œuvre avec l'attaque des Bawcks.
Quel est le travail qu'à débauché Ksaten ?
Peut être que quelques indices montrant que la caravane n'est pas 100% une caravane banale pourrait susciter la curiosité le long du voyage ?