Les jours passèrent et les visions nocturnes de Richy ne s’améliorèrent pas. Pourtant, il fallait qu'il en finisse avec ces hallucinations et ces violents maux de tête. Pour cela, il devait mettre la main sur les coordonnées d’Ajal Pamuk ou d’un homologue pour faire machine arrière, à moins que ce soit encore possible... En l’absence d'Albane, le jeune-homme se mit donc à fouiller dans le bureau de feu Riccardo. Sa mère s’immisçait dans sa vie jusqu’à son identité propre, il ne se sentait pas intrusif le moins du monde d’en faire autant.
Un après-midi où Richy avait fini les cours plus tôt, il se précipita à la maison pour avoir le temps de continuer ses recherches dans le bureau. Il verrouilla la porte d’entrée à doubles tours pour s’assurer d’avoir le temps de déguerpir de la pièce secrète, s’il entendait la clé dans la serrure. Il s’agenouilla entre le bureau et les casiers, sur la moquette rouge brique. Il avait déjà fouillé les trois premières rangées de tiroirs le jour précédent. Rien d’intéressant : toutes les affaires de son père étaient religieusement entreposées dans les deux premières. La troisième comprenait tout l’administratif concernant la maison. Il plongea ses mains dans le quatrième placard, rempli de paperasse en désordre. Ce devait être l’œuvre de sa mère, bien plus brouillonne que Riccardo. Tant, mieux, il aurait plus de chances d’y trouver quelque chose d’intéressant. C’est alors qu’entre une facture et son acte de naissance, il tâtonna une grosse enveloppe craft. Il l’ouvrit et trouva les informations sur une clinique qui pratiquait la Fécondation In Vitro et le clonage thérapeutique. En haut de chaque feuille du paquet, il s’aperçut avec surprise que le cachet était celui d’une clinique suisse. Il découpa soigneusement le logo et le mis dans sa poche. Sur une autre feuille, un nom : Elisabeth Brown. C’était donc la fameuse scientifique avec laquelle sa mère voulait poursuivre le programme ! D’après ce qu’il avait compris, c’est cette même femme qui l’avait fait naître clone, et c’est elle aussi qui avait recommandé l’opération du docteur Pamuk. Richy devait absolument parler à cette personne qui semblait être partout dans sa vie mais qu’il n’avait jamais vu. Un numéro de téléphone était associé au document. Le garçon s’empressa d’appeler :
— Free mobile, bonjour, ce numéro n’est plus attribué -bip-.
Comme Christophe, cette scientifique ne répondait plus au télépone... Richy se promit d’économiser pour pouvoir se rendre à Genève le plus vite possible. Sa mère surveillait ses comptes mais il ferait un petit boulot au black, du baby sitting par exemple. S’il lui manquait encore une cinquantaine d’euros il les emprunteraient à un copain du club de basket. Il avait le droit de partir. Albane ne pouvait pas l’en empêcher. Il était majeur, après tout. Il avait droit à sa propre identité.
Les semaines qui suivirent sa décision, Richy chercha activement un job étudiant… Il trouva un travail de livreur de repas sur une plateforme en ligne et son inscription fut presque immédiate. Il leur donna le RIB de son meilleur ami avec lequel il s'était arrangé. Richy se déplacerait à vélo, Lille n’avait pas de secret pour lui. Il n’hésita alors pas à sécher les cours de l’Université de sciences lorsqu’une commande l’appelait à l’ordre. Le temps passa, et le quotidien continuait. Richy adopta un comportement pacifique mais superficiel avec Albane. Il fallait qu'elle ne se doute rien. Il fallait ravaler sa fierté et courber l'échine encore une fois, mais plus pour longtemps.
*
Après deux mois et demi de labeur, Richy partait pour Genève ! À 20 ans, il avait enfin l’impression, et ce pour la première fois, qu’il prenait une grande décision par lui-même, et pour lui-même. C’était la première fois qu’il voyageait seul pour une destination autre que la maison de ses grands-parents.
— Bonjour monsieur, chantonna une jeune stewart blonde lorsqu'il entra dans l'avion.
Déjà, la Suisse le charmait. L’oiseau de fer décolla, Richy regardait le paysage du Nord de la France devenir minuscule, comme sur une carte postale. Ses yeux brillaient. L'adolescent était impatient, avide de connaissance et d’aventure. Enfin une journée qui n’était pas planifiée par sa mère ! L’heure passa rapidement. L’avion atterrit sur l’eldorado francophone. Du ciel, Richy avait pu apercevoir des bribes du profond lac Léman et la verdure qui grignotait d’imposantes montagnes aux crânes dénudés. Dans la vallée, le temps était couvert et orageux. En descendant de l’avion, Richy ralluma son téléphone : un appel en absence et deux messages non lus. Assurément, c’était sa mère qui lui demandait où il était. Il soupira, en rangeant son téléphone dans la poche de son pantalon de toile bleu marine. « Plus tard », pensa-t-il. Richy sortit de l’aéroport pour prendre un bus qui rejoindrait la capitale. Le vent fouettait son visage. Pourtant, cela ne le dérangeait pas. Pour une fois, il se sentait vivre.
Sinon, j'aime beaucoup voir Richy enfin oser et sauter le pas. J'espère vraiment qu'il prendra goût à sa liberté et, désolée pour Albane, qu'il ne reviendra pas forcément ou du moins pas tout de suite
Ca pour oser se déplacer sans réponse je suis très comme ça alors ça ne m'a pas choquée XD mais je devrais montrer plus de détermination "il ne perd rien de toute façon"