- Lyna, tu sais bien qu'on va te trouver !
J'étais au milieu de ma cinquième année quand Julian a commencé à devenir de plus en plus menaçant. Les problèmes ont démarré dès la troisième année et se sont au fur et à mesure amplifiés.
- Ça ne va jamais s'arrêter, chuchotai-je.
Une fois cachée dans les toilettes, je n'osais plus en ressortir. Si je me montrais une seule fois, je connaîtrais probablement un mauvais moment. Plus le temps défilait et plus j'avais l'impression que je ne m'échapperais jamais. Sous les manches de ma robe, je croisais les doigts pour me porter chance, peut-être qu'avec ce geste, je m'en irais d'ici en un morceau.
- Lyna ! cria Jordan, l'un des acolytes de Julian. Tu as perdu ta langue ?
Des enfants, ce sont des enfants, qui n'ont pas conscience de ce qu'ils font. Non, justement, ne leur donne pas d'excuses, Lyna, ils ne méritent pas ta pitié.
À 15 ans, je n'avais pas profité à fond de ma jeunesse à cause d'eux. Je trainais un boulet de prisonnier en permanence accroché à la cheville, je ne pouvais pas y échapper ni tenter de faire quelque chose. Porter ce boulet serait mission impossible pour moi.
Avant la sixième année, j'étais plutôt croyante en Dieu et je priais chaque soir pour que ce dernier entende mes prières. C'était une façon de me rassurer, d'être en sécurité, au chaud dans les bras d'une personne imaginaire. Je voulais que ça s'arrête et croiser les doigts mentalement ou physiquement ne me servait à rien si ce n'est qu'à me faire mal aux phalanges devenues blanches à forcer de les serrer.
Les portes des toilettes s'ouvraient une par une avec une rare violence comme si on y mettait un coup de pied dedans. À chaque bruit, je sursautais comme dans un trampoline.
Julian a toujours incarné pour moi une sorte de démon, qui apparaissait dans mes cauchemars la nuit en tentant par tous les moyens de se frayer un chemin dans ma tête pour mieux contrôler mes pensées. C'était une intrusion au plus profond de mon être. Des fois, j'avais peur de réfléchir trop fort pour qu'il ne le devine. La peur s'accentuait quand il fallait être discrète, je retenais ma respiration pour qu'il ne m'entende pas.
Arrête de psychoter ! me dit ma conscience.
Soudain, les pas se figèrent devant ma porte. L'ombre de ses pieds apparaissait sous l'encadrement et devenait de plus en plus menaçante et cette fois, la fin semblait s'annoncer.
- Je sais que tu es là ! chante-t-il avec une voix fluette.
La porte était scellée. Allait-il la déverrouiller malgré tout ?
- Hey, psst ! siffla une autre voix derrière moi.
En me retournant, je vis Mimi Geignarde me faire coucou, le haut de son corps dépassait de la lunette. Elle s'approcha et me dit, en ouvrant grand les yeux, la chose suivante :
- Utilise ta magie ! C'est ton seul moyen de défense !
- Comment ? lui demandai-je doucement.
La voix de Julian se fit entendre, je regardais de nouveau, attentivement, la porte que j'avais bloquée avec le sort Colaporta, l'incantation contraire à Alohomora. Déverrouiller une poignée après ce sort était très compliqué ou bien il fallait être un bon sorcier. Malheureusement, je ne doutais pas de la capacité de Julian à trouver un moyen pour ouvrir cette porte et à arriver à ses fins. Des frissons me parcoururent le corps dès que celui-ci se mit à parler.
- Je sais que tu es là. Tu es coincée maintenant, tu ne peux pas m'échapper.
Mimi Geignarde me susurra à l'oreille la chose suivante :
- Prépare-toi à te défendre ! Lyna, tu n'as pas le choix ! Utilise les sorts comme protego, flipendo et expelliarmus. Trouve quelque chose et bats-toi !
Entre nous, je ne savais pas que Mimi était d'une telle gentillesse quand il le fallait.
- Tu ferais mieux de te montrer, on sera plus clément avec toi, ricana Aidan.
À peine sa phrase terminée, il rit aux éclats suivis de ses quatre acolytes, en train de hennir comme des ânes. Quant à moi, j'étais pétrifiée à l'idée de faire quoi que ce soit. Pourtant, il fallait que je trouve le courage pour m'en sortir.
- Tu peux y arriver, me dit la voix lointaine de Mimi.
- Pourquoi m'aides-tu ?
- Parce que tu es en passe de devenir la plus jeune grande sorcière de tous les temps, Lyna !
Était-elle en train de devenir visionnaire ou est-ce qu'elle disjoncte complètement ?
Elle ajouta aussitôt :
- Et puis... J'en ai marre de les voir traîner dans mes toilettes !
J'adorais le sens de sa répartie. Elle allait droit au but, en disant tout ce qu'il lui passait par la tête de façon juste tout en trouvant les bons mots.
La panique montait en moi petit à petit comme on pourrait grimper un escalier marche par marche. Cette sensation ne m'était pas inconnue. Elle m'était familière depuis deux ans et demi. Je crois qu'elle fait partie de ma vie un peu plus chaque jour, et ce depuis le début de ce cauchemar dont il me tardait de me réveiller.
Je pris mon courage à deux mains et ouvris la porte. Julian se tenait face à moi et me regarda de haut en bas avec un sourire narquois.
- Ah, te voilà ! Je ne pensais pas que-
Soudain, je sortis ma baguette et la pointais sur son visage. Apeuré, il recula jusqu'à la cabine d'en face.
- Qu-Qu'est-ce que tu fais ? fit-il comme une petite chose fragile.
- Tu sais que tu commences vraiment à m'embêter, toi ? demandé-je.
- Je... je... Je ne comprends pas. S'il te plaît, ne me fais pas de mal.
Il s'échappa de mon emprise et s'en alla vers les robinets. Ses amis se mirent derrière lui comme des animaux effrayés. Pour en finir, je devais me transformer en loup pour les empêcher de me nuire davantage.
Ainsi, je devais rentrer dans la bergerie pour les chasser. Au moment où Julian prit sa baguette pour me lancer un sort, je contre-attaquais. Des lumières bleues et oranges jaillirent dans toute la pièce. Tout se déchaînait. Un courant d'air était présent et faisait tanguer les lustres au-dessus de nous.
- Vas-y, Lyna ! cria Mimi derrière mon oreille.
J'avais l'impression d'être enfin maître de ce que je faisais, d'avoir pris le contrôle de mon destin. Rien ne semblait m'arrêter et la force puisée au plus profond de moi me permet de lui rendre la pareille. Pourquoi n'y avais-je pas songé avant ? J'aurais pu lui mettre une raclée depuis le début ! Qu'est-ce qui m'en a empêché ? me demandai-je. Rien, absolument rien. Je n'ai pas arrêté de me dire que ça allait passer. Mais ça n'est jamais arrivé, ça a plutôt continué, pensai-je.
Mon attention se reporta sur Julian quand je vis ce dernier par terre, sur le dos, à bout de force, la respiration saccadée, comme s'il venait de courir un marathon. Il rampait difficilement jusqu'à la sortie. Deux de ses amis étaient partis comme des lâches, ils n'étaient plus que trois à tenter tant bien que mal de sortir. Quant à moi, je n'avais pas remarqué que j'étais assise, mais avec une meilleure forme que mon adversaire.
La force de l'impact porté par le coup final a laissé Julian dans un piteux état. De façon inconsciente, je ne pouvais pas m'empêcher d'être fière de moi. Et si... Non, commence pas à avoir des remords ! me dit ma conscience.
Attendez, j'ai mis la pâté à Julian ! Un des meilleurs et des plus dangereux sorciers de Serpentard !
- Qu'est-ce qu'il se passe ici ? demanda une voix que je connaissais bien. Monsieur Taylor ? Que faites-vous par terre ?
Mince, les autres ont prévenu McGonagall.
- Monsieur Taylor, je vous saurais grée de vous levez et d'avoir un peu de tenue, dit froidement Rogue.
Tout à coup, leurs yeux me fixèrent en même temps, surpris.
- Mademoiselle Hawkings ? fit McGonagall avec son ton habituellement ahuri quand quelque chose n'allait pas dans le bon sens. Qu'est-ce que ça signifie ? Vous êtes-vous battu ?
Je regardais alors Julian. Il me fixa de son regard apeuré, le même qu'un instant avant, lorsque je lui avait braqué ma baguette sous le nez. Mais là, on aurait dit qu'il m'implorait de ne rien dire. S'il croyait que j'allais me taire, il avait tort. .
- Je me suis défendue, Professeur. Julian et ses amis m'ont attaqué.
Ce dernier changea de tête et se leva aussitôt, sans prêter attention à sa tenue, trouée un peu partout.
- Hein ? Elle ment ! s'écria-t-il. Elle a pointé sa baguette sur moi !
- Mais c'est toi qui a commencé à me frapper ! Je me suis défendue comme je pouvais ! Ce n'est pas toi qui t'es enfermée dans les toilettes pour te cacher !
- Bon, ça suffit ! s'énerva McGonagall. Vos chamailleries, ce n'est plus possible ! Monsieur Taylor, votre réputation de fils à papa et d'enfant pourri gâté qui croit qu'il peut faire ce qu'il veut commence sérieusement à me monter à la tête. Vous avez de nombreuses fois enfreint les règles de cette école.
Rogue prit à son tour la parole pour confirmer les propos de McGonagall.
- J'enlève trente points à Serpentard. Soyez tous les trois sûrs que vous faites honte à cette Maison et à cette école.
McGonagall se tourna vers Julian et le fusilla du regard.
- À ce propos, Monsieur Taylor, vous êtes renvoyé jusqu'à la fin de l'année. J'écrirais à vos parents pour leur en faire part.
- J'appuierais la décision du Professeur McGonagall, continua Rogue. Vous quatre, travaux d'intérêt général pour vous ! Maintenant, dehors ! cria-t-il à Julian et à ses sbires.
Une fois partis, il ne restait que moi et le professeur de métamorphose dans les toilettes. Doucement, elle s'approcha de moi et me confia la chose suivante :
- Écoutez, je sais que ce que vous traversez est très difficile. Comme vous avez vu, j'ai pris les mesures nécessaires pour qu'ils ne vous importunent plus.
Elle s'interrompit puis reprit aussitôt :
- Malheureusement, utiliser la magie dans l'enceinte de l'école est interdit. Vous vous êtes défendue, je le comprends et je le prendrais en compte. C'est pour ça que je compte sur vous pour vous tenir à carreaux jusqu'à la fin de l'année. La prochaine fois, je ne serai pas aussi clémente. Vous comprenez ?
- Oui, Professeur.
- Vous êtes une de nos meilleurs élèves, Mademoiselle Hawkings et j'espère que je ne regretterai pas de vous avoir fait confiance. En attendant, allez voir Madame Pomfresh par précaution.
Je sortis des toilettes en même temps qu'elle, puis nous prîmes différents chemins.
J'ai, une fois de plus, vraiment aimé ce chapitre. Ils se font punir, ces délinquants juvéniles, ohlala !
J'aime beaucoup l'idée de revenir une petite année en arrière :)
H. M.
L'expérience " travaux d'intérêt général " m'a fait tiquer parce que je la trouve trop moldu dans le monde magique ahah