—On est mort, chuchota Loréa. On va se faire attraper, on va nous virer de l’Académie et même du royaume. C’est la fin pour nous !
Alma soupira et lui donna un coup sur la tête.
—Arrête d’imaginer le pire on n’a pas le temps pour ça là.
Elle fit une pause avant de reprendre.
—Je peux essayer un sort mais ça ne va peut-être pas marcher et ça va laisser des traces donc il faut que vous me disiez.
—Franchement on n’a plus rien à perdre, dit Hasper qui tenait la torche au milieu de tout le monde.
Alma hocha la tête et se dirigea au fond de la pièce faisant signe aux autres de la suivre.
Soan fit grincer le sol.
Alma s’arrêta, surprise.
—Ça… grince ?
Leurs regards se croisèrent.
—Oh par les Joyaux ! enlevez les papiers et libérez le sol ! leur dicta-elle.
Les papiers qui recouvraient le sol volèrent dans tous les sens. Alma avait vu juste. Le sol était en pierre, bien que le bazar l’eût caché, elle l’avait remarqué. Mais à un seul endroit, le sol était fait en bois. A force de marcher dessus, il a fini par grincer. Pour leur plus grand bonheur.
—Par les joyaux, une trappe ! s’étonna Soan.
—Qui l’aurait cru.
En hâte ils cassèrent le loquet rouillé et vieillit par le temps. La trappe grinça et sans prendre le temps de regarder ce qu’il y avait en dessous, Loréa poussa Hasper dedans, lui arrachant une exclamation de surprise. Elle s’élança à son tour. Pendant une demi-seconde ils tombaient en chute libre mais ralentirent leur chute avec leurs ailes, peu surs de ce qu’ils auraient pu trouver en dessous. Soan quant à lui n’en avait malheureusement pas… Il atterrit sur Hasper qui s’écrasa au sol sous son poids.
—Punaise tu aurais pu prévenir je t’aurais rattrapé ! Alma l’entendit crier.
Avant de sauter à son tour, elle fit l’éviter tous les parchemins et livres qu’ils avaient enlevés au dessus de sa tête. Quand elle sauta, elle se concentra pour maintenir sa magie tout en fermant la trappe. Quand elle claqua, son sort s’annula et le bois fût normalement aussitôt recouvert.
Avec un soupir général, ils se détendirent.
—Normalement personne ne devrait voir qu’on a trouvé un passage, dit-elle.
—Tant mieux. Maintenant on fait quoi ? demanda Soan.
Autour d’eux, de la pierre. Partout. Ils avaient atterri dans ce qu’ils présumaient être une autre salle en dessous du sous-sol de la bibliothèque. L’air y était humide, il faisait froid et quand Loréa toucha la pierre, elle était gelée. Si Hasper n’avait pas gardé sa torche, ils auraient été plongés dans le noir complet. Quelques caisses en bois délabrées trainaient çà et là, complètement délaissée et abimées par le temps.
—C’est quoi ce bordel ? demanda Hasper.
—Bonne question, souffla Loréa.
Au-dessus d’eux, la trappe grinça à nouveau. Quelqu’un venait de passer dessus.
—On ferait déjà mieux de ne pas rester ici, conseilla Soan.
—Hasper tu veux bien éclairer vers le fond pour qu’on voit s’il y a un passage pour sortir ?
Il hocha la tête. La boule de feu de la torche l’évita au gré du doigt d’Hasper, longeant les murs. Mais ce n’était pas une sortie qu’ils trouvèrent. Quatre tunnels se présentaient à eux. Soan jura.
—Wouah.
—Vous saviez qu’il y a des tunnels sous le royaume ? demande Hasper.
Trois paires d’yeux se retournèrent vers lui.
—A ton avis ? répondit Loréa sarcastique.
—Je pense que personne ne le sait, répondit plus sérieusement Alma. Ils ne sont indiqués nulle part sur les plans.
Loréa s’assit lourdement sur le sol avec un soupir.
—Y’a trop de choses secrète dans ce royaume c’est épuisant.
La vérité qu’elle venait d’énoncer en fît soupirer plus d’un et ils l’imitèrent. Ils avaient mis le doigt sur quelque chose dont ils ne savaient plus comment s’en défaire. Ils pourraient bien sûr tout abandonner et faire comme s’ils n’avaient rien découvert. Mais cela allait contre leur nature. Ils étaient tout aussi curieux que perturbés.
—Vous penser que les hauts placés sont au courant pour ces tunnels ? demanda Hasper.
Alma but une gorgée dans sa gourde et répondit :
—Aucune idée. Et puis même s’ils savaient on ne saurait pas s’ils savent.
—Ils ont l’air aussi très anciens peut-être pensent-ils qu’ils ont été bouchés ou alors ils ont oublié leur existence, supposa Loréa qui prit la gourde d’Alma et bu une gorgée à son tour.
Alma haussa les épaules.
—Je me demande quand même ce qui se passe là-haut. La reine est une bonne personne et gère bien le royaume mais il y a quelque chose de louche.
—Je suis d’accord. Quelque chose ne va pas, dit Loréa.
Un long silence s’ensuivit. Ils étaient tous fatigués, perdus et aucun d’eux n’avait de réponse à apporter à toutes leurs interrogations.
—Vous pensez qu’on est les seuls à avoir des doutes ? demanda Soan.
—Non je ne pense pas mais personne n’ose parler de ce genre de chose. Ceux qui ne sont pas allés à l’Académie n’étudient pas l’Histoire donc ils ne voient pas le problème. Mais ceux qui comme nous l’ont étudié, soit ont suivis ce qu’il leur a été demandé de faire sans chercher plus loin, soit n’ont osé en parler à personne jusque-là et ont abandonné leurs doutes parce qu’ils ne pouvaient pas chercher ou n’ont rien trouvé. Exactement comme nous.
—Vous avez pensé à prendre des casse-croutes ? J’ai trop faim, avoua Hasper qui coupa le sérieux d’Alma.
—Quand est-ce que tu n’as pas faim hein ? elle constata.
—Quand je dors.
Loréa feint un rire sans joie.
—On devrait tous se séparer et emprunter un chemin, proposa Soan qui se mis debout soudainement.
—C’est trop risqué, le contra Alma qui l’imita en s’époussetant. On pourrait se perdre et à part si tu métrises la télépathie, ce que je doute fort, on n’a rien pour communiquer au cas où.
Il se sentit offensé par sa réponse le temps d’un instant. Ce n’était pas comme s’il y avait d’autres solutions après tout. Ils étaient cloitrés dans un sous terrain humide et presque crasseux, sans nourriture et clandestinement alors ils devaient bien sortir d’ici à un moment et ça ne pouvait pas se faire par la trappe qu’ils venaient de passer.
—On ne sait pas où mènent ces tunnels, stata-t-elle. Certains peuvent être bloqués voire tous.
—Oui mais en attendant on ne va pas rester cinquante ans ici. Il va peut-être falloir sortir à un moment et je ne crois pas que par la bibliothèque ce soit trop possible tu vois, cracha-t-il.
Loréa souffla face à leur nouvelle dispute. Ces deu là ne savaient pas discuter sans se prendre le chou.
—Il a raison, trancha Hasper. On devrait prendre chacun un chemin et on saurait où ils mènent. Peut-être qu’ils pourront nous servir dans le futur. On pourrait être les seuls à avoir une carte des tunnels sous-terrain du royaume.
Trois têtes surprises se tournèrent vers lui.
—J’avais oublié qu’il t’arrive de réfléchir, lui répondit Loréa.
Hasper grimaça.
—On est deux pour. Loréa ?
Elle répondit par un hochement de tête avant d’adresser un sourire d’excuse à son amie.
Alma se pinça l’arête du nez. Elle n’avait pas le choix que de les suivre. Son ego prit un coup mis elle s’efforça de l’ignorer.
—Tch, fit-elle doucement.
Soan, fier que son idée fut suivie lui adressa un sourire supérieur qui lui valut un regard noir en retour. Reprenant son sérieux, il sortit de son sac à dos un parchemin abimé qu’il déchira en quatre petit bout.
—Je n’ai pas quatre crayons mais je ne doute pas que vous trouverait un moyen d’écrire avec votre magie, commença-t-il en distribuant les morceaux. On devrait tous dessiner notre chemin et notez les croisements que l’on rencontre ou les détails qui pourraient être importants.
—Excellente idée ! s’écria Loréa.
Alma leva les yeux en l’air.
—Je te laisse la torche comme tu ne peux pas contrôler le feu, dit Hasper lui passant le bout de bois.
Il sourit.
—Merci. A la sortie on devr…
—On ne sait pas quelle heure il est mais on devrait approcher le lever du soleil. On se donne rendez-vous où à la sortie ? le coupa Alma sans gêne.
Soan grinça des dents.
—On pourrait aller chez Hasper ? Il a une grande maison et on pourra se poser dans sa chambre personne ne nous entend là-haut, proposa Loréa.
—Ok on fait ça alors, valida Alma.
Hasper écarquilla les yeux.
—Ça vous dirait de me demander mon avis avant ?
—Où est-ce qu’il habite ? demanda Soan ignorant Hasper qui haussa finalement les épaules.
—On se rejoint à la colline des résidences et on ira ensemble ça sera plus simple, expliqua-t-il.
Soan acquiesça.
—Alors on est parti. Qui prend quel tunnel ?
—Gauche, s’empressa Hasper.
—Droite, répondit Loréa.
—Mi-gauche, dit Soan.
—Alors c’est parti. Espérons qu’on arrive tous à ressortir. Si vous avez un problème vous revenez en arrière ou vous criez très fort ok ?
Loréa sourit.
—Ça va boss on sait tous se battre. Et je ne pense pas qu’on va croiser qui que ce soit d’autre par ici, lui assura-t-elle.
Alma hocha la tête. En réalité elle n’était pas si rassurée que ça. Elle avait un mauvais pressentiment mais préféra se taire. Ils savaient tous se débrouiller et elle leur faisait confiance. Enfin peu importe ce qui pouvait arriver à Soan, lui qui était aussi louche que ces tunnels.
Sur ces paroles et avec leur parchemin en main, ils s’engagèrent dans leur chemin respectif.
******
Pendant que les autres magiciens volaient dans leur tunnel, Soan lui, devait courir. N’ayant pas les mêmes capacités, il devait se débrouiller comme il pouvait. Pourtant après ce qui lui paraissait des heures de course, il ne semblait pas le moins du monde essoufflé.
Le feu avait mangé sa torche de moitié. Les murs étaient sales et humides. Il était sûr que ces galeries étaient très anciennes et il pensa qu’elles avaient dû être utilisées pendant la guerre de mille ans. Cette guerre dont il a tant besoin d’en savoir plus. Il se dit étrangement, que son futur dépendait de toutes les informations qu’il récolterait mais surtout, de ce qu’il en ferait.
Ses pas résonnaient atrocement fort entre les deux murs mais il s’interrompit brusquement, laissant un silence encore plus assourdissant.
Frappé par son instinct, il lança sa torche qui tomba au sol.
Au contact de l’objet, le sol se déroba sous ses yeux dans un vacarme. Les pierres atterrirent dans ce qui s’emblait être de l’eau. Une rivière souterraine peut-être. Le feu s’éteignit pendant sa chute. Il se retrouvait désormais dans le noir complet et sans une once de lumière ou de chaleur, un frisson le parcouru violemment.
—J’ai eu chaud, se dit-il.
Les tunnels étaient bien vieux et en mauvais état. Il était parfaitement logique qu’à certains endroits les sols soient complètement fichus. Il avait eu de la chance de ne pas être tombé sur un trou avant. Il prit soin de le noter sur son parchemin avec une petite croix. Deux intersections qu’il avait rencontrées plus tôt étaient également notées ; deux carrefours menant à droite, à gauche et tout droit. Pour éviter toute mauvaise surprise il avait décidé de continuer tout droit à chaque fois. Et puis il s’était dit que si lui avait des intersections, les autres en avaient surement également et ils arriveraient bien à tout faire coïncider en partageant leurs plans.
Reprenant finalement son chemin après quelques minutes comme si l’obscurité n’avait aucun effet sur lui, il sauta par-dessus le trou et continua sa course.
Parce qu’en réalité, il voyait dans ce tunnel, comme on voit en plein jour. Après tout il n’était pas un garçon très ordinaire.
Quelques instants plus tard, il sentit une légère brise l’effleurer. Enfin. Mais sa tranquillité fût vite troublée quand dans sa poche, une chose vibra.
C’était un petit miroir de poche qui ne reflétait pas son visage mais celui d’un homme beaucoup plus âgé, avec une barbe et des cheveux grisonnants mais aux yeux aussi verts et vifs que ceux de Soan.
—Ça fait longtemps, répondit-il. Malheureusement je ne vais pas pouvoir te garder je suis en mission.
—Qu’est ce qui est plus important qu’une discussion avec moi ? dit le vieil homme en haussant les sourcils.
Soan sourit en coin.
—Une aventure très intéressante.
—Hum, je vois. Tu me raconteras plus tard alors.
—Bien sûr papa.
La connexion s’interrompit aussi brusquement qu’elle avait commencé. Et il reprit son chemin, en marchant cette fois. Il avait senti la sortie proche alors pourquoi s’épuiser ?
Le mur qu’il toucha quelques minutes plus tard le fit sourire. Une échelle en bois était suspendue pour atteindre la trappe au-dessus de sa tête. Comme sous la bibliothèque il trouva des caisses et des matériaux délabrés. Il hésita à ouvrir une des caisses mais se résigna. Il voulait sortir d’ici le plus vite possible.
Bien qu’il n’ait aucune idée de l’endroit il avait atterri, il n’hésita pas à ouvrir la trappe brutalement. Elle résista au premier coup mais céda sous la force du deuxième.
Une brise encore fraîche l’accueilli et le fît frissonner. Il se trouvait dehors, entouré d’arbres et de verdure alors que le soleil venait à peine de se lever. Il sortit en hâte et admira un instant le spectacle sublime qui s’offrait à lui. Les rayons de soleil passaient à travers les arbres et le vent faisait chanter les feuilles. Après avoir passé des heures dans la pénombre et l’obscurité, le décalage était impressionnant. Il prit une grande inspiration d’air frais avant de relâcher l’air poussiéreux de ses poumons et se laissa tomber par terre avant de s’allonger dans l’herbe encore humide.
Il ne se retint pas et ria. Un rire nerveux. Passer des heures dans le noir et sans personne lui rappelait des souvenirs dont il aurait préféré oublier l’existence. Il regardait le ciel, vidé et ne voulant qu’une seule chose : dormir. Pourtant il devait rejoindre ses camarades pour partager ce qu’ils avaient vu alors il se releva dans un élan de courage.
Refermant la trappe, il se rendit compte qu’elle était couverte de mousse et de terre. Après des années sans être ouverte il comprenait pourquoi elle avait eu du mal à s’ouvrir du premier coup. Il prit soin de noter tous les détails sur son parchemin, même les plus insignifiants.
Rapidement il comprit qu’il était dans la forêt au pied de la grande falaise. Il venait de traverser tout le royaume. La bibliothèque est à l’ouest. Et la grande falaise, à l’est. Il avait fait sa course du matin.
Heureusement pour lui, la colline des résidences dont parlait Hasper n’était pas très loin. A cette heure, tout le royaume dormait encore, à quelques exceptions près. Il croisa un boulanger qui transportait un chariot remplit de sac de blidi et vit quelques volets s’ouvrir en grinçant.
Il arriva en baillant et aperçu Alma au sommet en train de récupérer la nuit qu’elle venait de manquer.
En s’asseyant et l’observant quelques instants il se dit qu’elle était jolie, il n’allait pas se mentir. Seulement il était dommage qu’elle ne fût pas aussi innocente et paisible quand elle était réveillée.
Alma avait d’ailleurs dû sentir une présence parce qu’elle ouvrit les yeux d’un coup. On pouvait lire une infinie surprise sur son visage quand elle vit Soan allongé à côté d’elle en train de dormir à son tour.