Chapitre 13

Notes de l’auteur : / ! \ scène de meurtre / torture

N'hésitez surtout pas à me le signaler, si j'ai oublié de mettre des warning sur les chapitres précédents (ou les suivants)

Lien illustration du chapitre 13 (pas d'inquiétude, nul besoin de warning avec cette illu) : https://www.instagram.com/p/CvRnNxytyd6/

     Une fois Zhen YuJin parti de la chambre, Chan YinMai attrapa le broc d’eau et se servit un verre tout en se dirigeant vers la fenêtre. Il eut le temps de voir son ami d’enfance et Zhang JingXi bondir sur leurs épées avant de s’éloigner dans la rue. En d’autres circonstances, sûrement aurait-il souri à la pensée que ces deux-là allaient passer un petit moment ensemble. Mais aujourd’hui, il n’était pas d’humeur à imaginer ce que serait l’avenir si ses deux amis décidaient de se rapprocher un peu plus intimement.

     Il avala son eau d’une traite et se laissa tomber sur son lit où il sombra dans un sommeil de plomb.

     Il ne dormait plus, mais son corps ne parvenait pas à bouger correctement. Chan YinMai tenta d’ouvrir les yeux, sans succès. Il se sentait fiévreux et nauséeux.

     Depuis quand les deux autres étaient-ils partis ?

     À nouveau, le Musivateur voulut ouvrir les paupières et se relever dans le lit. Il en fut tout bonnement incapable. La porte de sa chambre s’ouvrit et il entendit nettement des pas s’approcher. Deux personnes se penchèrent sur lui :

     — Il a l’air sacrément endormi, celui-là.

     Le son du verre que l’on prenait, puis que l’on reposait sur la table de chevet parvint à ses oreilles. En un clin d’œil, il comprit que quelque chose avait été mis dans l’eau qu’il avait bue un moment auparavant. Il avait manqué de prudence, trop fatigué pour se méfier du broc, trop confiant sur le fait que personne n’oserait s’attaquer à lui dans sa chambre.

     Quelle erreur...

     Impuissant, il sentit l’un des deux individus le soulever du lit.

     — Et les autres ?

     — Pas encore revenus. Prenons déjà celui-ci, c’est une chance inespérée.

     Son esprit était embrouillé. Cette voix qui venait de parler, il était certain de la connaître, mais d’où… ?

     — A-Mai ?! A-Mai, où es-tu ?

     Zhen YuJin l’appelait avec inquiétude. À travers ses paupières closes, Chan YinMai vit son ami l’appeler dans la chambre. Il poussa un long soupir résigné, persuadé que personne ne le retrouverait à temps.

     Il allait mourir, comme Ping Yu.

     Non sans effort, il parvint à ouvrir enfin les yeux, pour constater que son corps se trouvait étendu sur une table. La même où il avait vu son compagnon agoniser. Comme son bien-aimé, il était torse nu et attaché solidement par les quatre membres. L’éclat d’une lame brilla à nouveau et il se cabra en hurlant de douleur lorsqu’il la sentit déchirer la chair de son ventre. Le coup n’avait pas été porté pour le tuer. Ses bourreaux, réunis en groupe autour de lui, avaient quelque chose de précis en tête. Chan YinMai se tortilla dans ses liens alors que la morsure de l’arme cheminait dans ses entrailles. Il pouvait à peine bouger, encore moins réussir à se libérer et à se défendre. La souffrance était telle que d’innombrables spasmes agitaient son corps. Il pria pour que son tourment cesse sous peu, tout en espérant que ses amis ne subiraient pas le même sort.

     Alors qu’il se faisait cette réflexion, il parvint à tourner la tête pour découvrir Zhang JingXi allongé sur le sol en pierre d’un souterrain, en train de presser une main sur son épaule blessée.

     — A-Mai…

     Tout à coup, la douleur et la sensation de ne pas pouvoir bouger s’estompèrent. Le décor dans lequel il se trouvait disparu au profit de celui de la tente qu’il utilisait lors de ses voyages avec…

     — Ping Yu… murmura-t-il en voyant son amant assis sur les couvertures.

     Le Musivateur lui adressa un sourire et répéta son nom à mi-voix :

     — A-Mai, je suis désolé d’avoir dû partir si vite et de te laisser en arrière.

     Chan YinMai sentit des larmes rouler sur ses joues, incontrôlables. Il se précipita dans les bras de son compagnon qui l’étreignit fermement en soufflant :

     — Je ne peux pas rester… C’est déjà une chance que je puisse te voir à cet instant et communiquer avec toi. Mais n’aie pas peur, d’accord ? L’homme que tu vas rencontrer n’est pas ton ennemi. Et dès que tu le peux, quitte l’auberge au plus vite pour rejoindre tes amis.

     Il redressa le menton vers Ping Yu qui lui caressa délicatement les joues, avant de s’estomper lorsque le vent s’engouffra dans la tente.

     Frissonnant, Chan YinMai baissa la tête, mais ne put s’empêcher de sourire tristement, certain d’avoir senti le souffle d’un baiser sur ses lèvres qui ne provenait pas de la brise.

     Lorsque Chan YinMai rouvrit les yeux une seconde plus tard, une vague d’effroi lui noua instantanément le cœur.

     Premièrement, il n’arrivait pas à bouger le reste de son corps, seule sa tête pouvait très légèrement remuer. Deuxièmement, un homme était penché sur lui. En le voyant reprendre connaissance, l’intrus plaqua aussitôt sa main sur la bouche de Chan YinMai et chuchota :

     — Ne parlez pas. Si tant est que vous en soyez capable.

     « L’homme que tu vas rencontrer n’est pas ton ennemi. »

     La voix de Ping Yu résonna avec clarté à ses oreilles et il acquiesça avec difficulté. Avec prudence, l’homme retira sa main et tourna légèrement la tête en direction de la porte. Il pesta entre ses dents :

     — On n’a plus le temps… Mes excuses si ce comportement est inapproprié.

     Incapable de pouvoir résister de toute façon, le Musivateur se sentit soulevé par l’inconnu qui s’empressa de passer agilement par la fenêtre. Au lieu de sauter dans la rue, il se hissa sur le toit. Déposant Chan YinMai sur les tuiles, il en retira quelques-unes en silence, avant de sortir une gourde de ses manches. Son geste se suspendit alors que des bruits provenaient de la chambre qu’ils venaient de quitter, juste en dessous d’eux. Le trou dans le toit leur permettait d’entendre ce qu’il se passait et Chan YinMai retint machinalement son souffle en sentant une goutte de sueur froide couler dans son dos. Le début de son rêve se serait certainement réalisé, sans l’intervention inattendue de ce Cultivateur sortit d’il ne savait où !

     — Eh bien ?! On nous avait dit que l’un des trois venait de monter se reposer !

     Il frissonna en reconnaissant bel et bien les deux voix de son cauchemar. Comme un écho de son songe, il entendit également le son du verre soulevé, puis remis sur la table :

     — Quelqu’un a clairement bu, pourtant. Il n’a pas dû aller bien loin, surtout qu’il n’avait pas l’air en bonne santé.

     — Et les autres ?

     — Pas encore revenus et mieux vaut pour nous qu’ils ne trouvent pas ici. Allons faire un tour dans le secteur pour voir si on le retrouve.

     Les pas s’éloignèrent et Chan YinMai entendit la porte de la chambre se refermer. L’homme vêtu de bleu se pencha alors sur lui et lui redressa le buste en approchant le goulot de la gourde de ses lèvres :

     — C’est pour atténuer les effets du paralysant, expliqua-t-il en gardant la voix basse.

     Vaguement humilié de se retrouver ainsi à la merci de cet inconnu, mais en même temps reconnaissant de son intervention, le Musivateur avala docilement le contrepoison qu’on lui proposait. Il tremblait de fièvre et n’arrivait plus à savoir si c’était l’œuvre de l’eau du broc ou la suite logique de son état du matin. L’homme le rallongea sur le toit, referma la gourde, et remit les tuiles en place, patientant jusqu’à ce que Chan YinMai reprenne possession de ses mouvements. En attendant de pouvoir à nouveau bouger, le Musivateur étudia son sauveur et parvint à demander dans un souffle :

     — Qui êtes-vous ?

     L’inconnu répondit par un geste évasif de la main.

     — Comment vous avez su… ? insista le Musivateur.

     Sentant la boisson commencer à agir, il se redressa difficilement sur un coude. Ses muscles tremblaient et l’individu vint aussitôt l’aider à s’asseoir correctement :

     — Vous n’êtes pas les seuls à enquêter et j’ai eu de la chance de me trouver au bon endroit, au bon moment, répliqua son interlocuteur. Dès que vous aurez repris un peu plus de forces, envoyez un message à vos amis. Si vous comptez rester dans le secteur, ne dormez surtout pas ici.

     Chan YinMai se passa une main tremblante sur le visage et la retira trempée de sueur. Même en étant assis, il constata que s’il bougeait la tête trop vite, le décor tanguait dangereusement dans son champ de vision.

     Son mystérieux sauveur observa les mouvements de la rue durant quelques instants, puis reporta son attention sur lui. Le Musivateur, dont le regard tentait tant bien que mal de rester concentré sur un point précis sans avoir le tournis, fut frappé par la beauté et la noblesse de ses traits. Une noblesse qui contrastait avec sa tenue qui, bien que d’excellente facture à l’origine, apparaissait usée par endroit. S’il décidait de mettre la capuche de son manteau sur sa tête, Chan YinMai était certain que l’homme passerait totalement inaperçu. Il n’y avait aucun ornement dans ses cheveux et aucun protège avant-bras, pourtant le Musivateur ne pouvait s’empêcher d’avoir la sensation qu’il devait en porter régulièrement et qu’alors il attirait toute l’attention sur lui.

     À la fois visible et invisible, selon son bon vouloir. Mais qui est-il ?

     — Venez, ils viennent de quitter l’auberge, retournons provisoirement dans votre chambre.

     Chan YinMai préféra obtempérer, conscient que de toute façon si cet inconnu désirait finalement lui faire du mal, il n’avait pas la force de se défendre. Il s’efforça de gagner l’avant du toit, les membres tremblants de fatigue. Sans lui poser de question, l’homme en bleu le hissa sur son dos comme s’il ne pesait rien, attendit qu’il soit accroché aussi fermement que possible, et se laissa glisser de leur perchoir pour revenir agilement dans la chambre.

     Reposant pied-à-terre, le Musivateur frissonna et l’inconnu l’aida à s’asseoir à la table basse. Il alla ensuite tracer un sceau sur la porte, afin que personne ne puisse entendre qu’il y avait du bruit dans la pièce :

     — Envoyez une lettre à vos deux amis. Dites-leur de ne pas rentrer à l’auberge, c’est trop dangereux.

     Sortant de quoi écrire de ses manches, Chan YinMai hésita malgré tout :

     — Il faut que je puisse leur donner un endroit où se retrouver.

     Tout en vérifiant la fenêtre, l’autre répondit dans l’instant :

     — Au sud-ouest de la ville, à environ deux kilomètres, il y a une forêt où vous pourrez vous rejoindre. Je vais vous y conduire personnellement dans quelques instants.

     Tout en baissant le nez sur sa missive, faisant de son mieux pour ne pas avoir la main tremblante tandis qu’il écrivait, le Musivateur sentait les questions tourbillonner dans sa tête. L’inconnu savait qu’il allait se faire attaquer, avait sur lui de quoi annuler les effets d’un paralysant et n’ignorait pas l’existence de Zhang JingXi et Zhen YuJin. Étaient-ils espionnés depuis plusieurs heures ? Peut-être même plusieurs jours ?

     Durant quelques minutes, le silence plana, finalement interrompu par le son du papier que Chan YinMai replia quelques instants plus tard. Rassemblant ses maigres forces, il envoya la missive à son ami d’enfance en espérant qu’il l’ouvrirait rapidement. L’homme en bleu eut un hochement de tête approbateur :

     — Parfait, nous allons pouvoir nous mettre en route.

     Le Musivateur se redressa avec difficulté et désigna le mur qui le séparait de la salle voisine :

     — L’un de mes amis a occupé cette chambre, j’ignore s’il est parti ce matin en prenant toutes ses affaires…

     L’autre leva la main pour lui faire signe qu’il s’en chargeait :

     — Je vais aller voir, ne bougez pas.

     Sur ces mots, il sortit par la porte avec la discrétion d’une ombre. Chan YinMai réalisa à cet instant qu’il ne l’entendait absolument pas se déplacer, le plancher ne vibrait même pas sous ses pieds. Il dissimulait sa présence avec une aisance rare. Certes, le Musivateur était malade et ses perceptions s’en trouvaient forcément amoindries, toutefois il était certain que même en pleine possession de ses sens, il n’arriverait pas à sentir la présence de cet inconnu si ce dernier ne le souhaitait pas. Il se demanda si Zhen YuJin, dont l’ouïe était réputée pour être fine, y parviendrait… ce dont il n’était pas sûr du tout.

     Machinalement, il guettait le battant resté entrouvert pendant l’absence de l’homme en bleu. Il le vit s’ouvrir un peu plus grand à son retour, quelques instants plus tard. Comme il s’y attendait, il ne l’avait absolument pas senti ni entendu, revenir dans sa direction.

     — C’est bon, pas d’effets personnels à côté. Nous pouvons partir ?

     Chan YinMai hocha la tête et décida de mettre ses interrogations de côté pour le moment. Il devait focaliser toute son énergie sur le trajet qui l’attendait. Peut-être qu’il fonçait droit dans un piège. La pensée lui traversa brièvement l’esprit. Toutefois, l’homme ne paraissait pas menaçant à son encontre et l’avait aidé. Il n’aurait eu aucun intérêt à l’éloigner des deux autres individus, si c’était pour le jeter dans leurs bras peu après. À moins qu’il y ait une machination tordue visant à l’utiliser pour attirer ses compagnons de route dans la foulée, mais Chan YinMai n’y croyait pas une seconde. Ping Yu lui avait clairement dit de ne pas s’inquiéter à son sujet. Et puis ses perceptions, même affaiblies, lui indiquaient que cet homme ne représentait pas une menace pour le moment. Beaucoup de questions restaient à éclaircir, mais le plus important sur l’instant était de se mettre en sécurité rapidement.

     L’inconnu retira son manteau, l’enveloppa avec et rabattit la capuche sur sa tête :

     — Vos cheveux blonds sont un peu trop reconnaissables. Ne l’enlevez pas tant que nous ne serons pas sortis.

     Il l’aida ensuite à quitter des lieux en passant par la fenêtre et l’entraîna dans son sillage en utilisant les rues les moins fréquentées. Chan YinMai se concentra sur chaque pas à faire, l’un après l’autre. Le sol n’était pas stable sous ses pieds, mais la crainte de finir ligoté et poignardé sur une table restait une motivation suffisante pour réussir à trouver la force d’avancer malgré ses jambes flageolantes.

 

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Sly King
Posté le 30/01/2024
Coucou !
Je réitère ce que j'ai dit à la fin du chapitre précédent : Pauvre YinMai ... ! J'aime beaucoup les chapitres avec lui. Et nouvel arrivant au sein de l'intrigue, apparemment ?
AlodieCreations
Posté le 05/02/2024
Heyooo !

Eh oui, pauvre YinMai. Toujours Bébou dans nos coeurs~

Nouvel arrivant au sein de l'intrigue,hmmmm oui et non OwO peut-être. Ou pas. ça se pourrait. Ou pas. Son nom de code, c'est "Mystic Blue" (on l'appelle comme ça en coulisse, en attendant que son identité officielle soit donnée)
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