Chapitre 12 : A l'origine du monde (2/2)

Par arno_01
Notes de l’auteur : Voici la fin qui arrive, a grand pas. J'avais longtemps hésiter à arrêter le récit, mais vous aurez le droit à encore quelques lignes, pour le chapitre suivant.

« DAVYYYYYYYYYYYYYYYYYYYY !!! »

Le cri que l'ange poussa était grave, endiablé, il transpirait la haine, le désespoir. En le voyant charger, Davvy se rappelait des autres cris, dans cette même salle, qui étaient plus humains, accueillants et joueurs. Celui que El avait lancé lors de leurs nombreuses ‘premières rencontres’, entre deux phases d’oublis. Et déjà, comme dans son souvenir, El le soulevait de terre, et le faisait sortir de la salle, par les fenêtres. A peine furent-ils dehors, que Davvy se sentit tomber, voyant El qui s'éloignait dans le ciel, dans un cri dément.

Tandis qu'il tombait, Davvy s'attela à la partie la plus délicate, et finit de sangler sa wingsuit. Concentré pour sangler la dernière voile, entre son bras droit et son corps, il vit tardivement le toit d'une chapelle qui arrivait droit sur lui. Et il ne pût l'éviter qu'en se fracassant l'épaule dessus. Une fois assez éloigné, du bâtiment il put écarter ses bras et ses jambes. Avec la wingsuit et ses trois voiles, une entre les jambes, et deux autres qui descendaient de chaque bras vers ses hanches, il pouvait désormais contrôler sa chute, et voler quasiment à l'horizontale.

Après cette première structure, d'autre se mirent en travers de sa route, l'obligeant à manœuvrer pour les éviter. Les bourrasques qui glissaient le long de leurs parois l'envoyaient valdinguer de droite à gauche, et c'était tout juste s’il ne les heurtait pas. Plus d'une fois il dut se résoudre à se replier sur lui-même, chutant d'un coup de plusieurs dizaines mètres, pour passer sous un rocher volant. Tout son esprit était concentré sur son vol. L'idée d'une autre chute où les bâtiments l'avaient laissé passer émergeait bien dans son esprit. Mais le souvenir ne faisait que l’effleurer, sans point d'ancrage.

Tournant la tête dans tous les sens pour deviner d'où viendrait la prochaine attaque, il ne saisissait que les formes, les ombres. Souvent, une petite pierre arrivait à le surprendre au dernier moment. Son cœur battait alors à des rythmes jamais atteints.

Les stoës tournaient de manière irréaliste, certains s'entrechoquant même pour lui barrer son chemin. Les vrilles, torques, tonneaux, ou repliés, vus en entraînement, lui venaient les unes après les autres, sans repos. Malgré le vertige, le sang qui affluait parfois d'un coup à la tête, il continuait de trouver des passages dans le labyrinthe de stoës, qu'était devenue la cité.

Une douleur dans le dos, qui dévia sa trajectoire, le surpris. Davvy n'avait vu aucune pierre arriver derrière lui. En plein dans le bas du dos, du côté droit. La douleur l’élançait sérieusement, mais il réussit à de nouveau déplier ses voiles, tendant son corps droit. C'est alors qu'il vit El, qui l'avait rejoint. Il devait vouloir s'assurer de la fin en personne.

Ce devint une course poursuite, enfin plutôt un vol-poursuit, ajusta Davvy dans ses pensées, tandis qu'il zigzaguait entre les stoës. Certains stoës s'approchaient de la trajectoire de Davvy pour mieux exploser, envoyant des pierres qui fusaient dans toutes les directions. Les bras et jambes écartés, Davvy tentait de contrôler au mieux sa trajectoire, repérant les courant chaud pour reprendre de la hauteur.

Les ailes de l'ange présentaient des avantages par rapport à la wingsuit de Davvy, et El le rattrapait aisément, prenant souvent de la hauteur, afin de mieux redescendre sur sa proie. Davvy subissait alors les coups donnés par El, cherchant seulement à limiter la douleur, et s'enfuir de nouveau. Davvy trouvait de courts moments de répits, quand il passait dans des interstices trop fins pour que l'ange puisse suivre – à cause de ses grandes ailes.

Il profitait de ce repos, pour se repérer dans la cité. Malgré les courants chauds, ils étaient descendus énormément depuis le haut de la cité. Bien plus bas, il devinait la mer, et entre les deux, la Plaine de l'annonciation, la plus grande des structures de la Cité. Mais il ne parvenait à trouver le lieu de la bataille, à part El et lui-même – et si on exceptait les bâtiments qui explosaient – la Cité paraissait morte.

Ces instants de répit ne duraient jamais longtemps. El faisant vite le tour de l’obstacle pour charger de nouveau sur Davvy. Celui-ci évitant, à droite une pierre qui filait, à gauche le coup de pied de l'ange, se sentait faiblir de plus en plus. A l'assaut suivant, n'écoutant pas la raison, plutôt que d'esquiver El, il le laissa venir, puis s'agrippa à une jambe et un bras. El fut déstabilisé, et à deux, ils commencèrent à chuter en tourbillonnant. El s'épuisait à rétablir leur équilibre, il aurait pu les porter tous les deux – comme si souvent dans le passé – à conditions que le poids soit bien réparti. Davvy se cramponnait au côté droit d'El, et comptait bien maintenir ce déséquilibre, pour ne pas être à la merci de l'ange.

Davvy voyait les ailes fatiguer, se courber, puis plier sous leur poids, et la force des vents. La chute devint alors encore plus incontrôlable pour El. La cité tournait de plus en plus vite devant leurs yeux, et déjà aucun d'eux ne tentait rien contre l'autre, trop déconcentrés par le tourbillon dans lequel ils étaient.

Regardant en bas, Davvy vit une structure se rapprocher d'eux inévitablement. La Plaine se déployait sous eux, et ils ne pouvaient en aucun cas l'éviter. L'adolescent lâcha alors El, écarta bras et jambes pour déployer les ailes de sa combinaison. Le vent tournant l'en empêcha, et il ne réussit à n'avoir que le coté de gauche de déplié, avant de se retrouver sur le dos, à l'horizontale, survolant la plaine.

L'herbe grasse et la boue amortirent un peu son atterrissage, mais n’empêchèrent pas Davvy de s'être fouler la cheville. Son autre genou avait doublé de volume, et dans le dos, un liquide chaud coulait, collant son t-shirt à son dos. Sa combinaison était toute déchirée, seule la voile droite semblait intacte. Il défit les sangles pour bouger plus librement. Se levant à moitié, il s'attendait à recevoir les coups de pied de la part d'El, mais il ne le vit pas à l'horizon.

Une fois debout il vit au loin une forme blanche étalée dans le gazon. El devait avoir fait un piqué dans le sol. Davvy refoula l’inquiétude pour l’ange, et se détourna pour ne plus le voir, ne pas se sentir forcé de s'en rapprocher. Il avait encore sur lui un couteau, dans une des poches de sa combinaison, mais préférait ne pas s'approcher de son ancien ami, quel que soit son état.

La Plaine portait bien son nom. Elle était plate, et recouverte d'herbe. Des îlots de fleurs parsemaient cette étendue verte, qui ondoyait sous le vent marin. L'air marin se faisait de plus en plus fort, regardant l'horizon de la terre, il eut l'impression, que la structure descendait. Dans le ciel, les stoës filait eux aussi vers le sol, à des vitesses différentes.

A la gauche de Davvy, à l'opposé d’El, une stèle blanche contrastait avec l'herbe qui l'entourait. De cette stèle, émanait une aura douce et bienveillante, non pas mystérieuse mais de vérité. En l'observant l'adolescent comprit qu'il y avait là, les réponses à toutes les questions que El avait voulu ignorer. Doucement, à la vitesse que son corps blessé lui permettait, traînant ses jambes l'une après l'autre, Davvy avança vers la dalle.

Sur la dalle, un simple livre, avec des feuilles jaunies par le temps. Il semblait attendre que quelqu'un l'ouvre, le lise. Sa curiosité le dévorant, Davvy se plongea dedans, sans un regard pour l'ange étendu au loin. Le livre était écrit dans la langue des anges, et pendant un instant Davvy crût qu'il allait lire les mêmes histoires que dans la salle du livre. Celles inventées par El, pour créer une explication, une raison, à leurs vies. Mais l'histoire racontée était totalement différente. Tellement différentes que Davvy sût au fond de lui-même qu'elle n'était pas inventée par El.

Plongé dans le livre, Davvy ne vit El qu'une fois ce dernier de l'autre côté de la stèle. Une de ses ailes était cassée, et traînait sur le sol. Des traces des boues et d'herbes s'étalaient partout sur sa tunique blanche. Mais aucune autre trace de blessure n'était présente. Ses yeux paraissaient vides, son visage fatigué, jusqu'au moment où il sembla enfin prendre conscience de Davvy. A ce moment son visage devint dur, ses yeux reflétèrent la haine.

« Que fais-tu ?! Tu n'as pas le droit d'être ici, ni de le lire. Tu n'es même pas un ange. »

Sans se préoccuper des paroles d’El, Davvy continua la lecture. L'histoire était différente de tout ce qu’il n’avait jamais pu lire. Au fond de lui, les mots réchauffaient son cœur. Il ne comprenait pas tout, mais son esprit s'apaisait à cette lecture, comme si dans ces phrases se cachait une vérité douce et chaleureuse.

« Davvy ! » El ne supportait pas ce dédain. Comment le livre pouvait-il être plus captivant que ses propres mots ? Et quand il cria une seconde fois « Davvy ! », il y mit la force du vent.

Les pages du livre se rabattirent dans tous les sens. Davvy manqua de tomber, tomba finalement, et ne put se relever durant la bourrasque. Mais le livre resta en place. Se relevant Davvy regarda son ancien ami, toujours de l'autre côté de la stèle.

« Pourquoi ?! Pourquoi ne nous avoir jamais raconté cette histoire ? Pourquoi avoir inventé tant de raison alors que tout était écrit ? Noir sur blanc !!! Tout est là. » La force qu'il avait mis au début, cherchant ses mots, mais avec ardeur, se perdait face au terrible constat. La suite sortie à peine de ses lèvres. « Tu le savais, n'est-ce pas ? »

« Tu n'avais pas le droit de lire ce livre, Davvy. Maintenant tu dois tout oublier, de nouveau. Mais définitivement. On recommencera comme avant. Toi, moi et le monde entier. On sera les maîtres, les seigneurs des vents. On contrôlera les vents, le temps, les souvenirs aussi. Nous pourrons effacer tout ce qui ne nous plaît pas. Toi, moi, pour le monde entier. Il suffit juste que tu oublies. »

La voix de El, s'était faite insinueuse, plus douce, plus subtile. Et déjà, El recommençait à sourire.

« Ce n'est pas compliqué, tu as déjà tellement oublié. Un peu plus, un peu moins. Seul le présent compte.

- NON ! Jamais je n'oublierais. Plus jamais désormais. » La force de ses mots cachait la peur que Davvy avait d'oublier à nouveau. Son cœur battait à tout rompre devant cette terreur.

D'un geste d’El, le vent se mit à souffler. Si Davvy ne s'y était pas préparé il serait tombé d'un coup. Au lieu de cela, il encra ses jambes dans le sol meuble, et s'agrippa au livre. El, les bras tendus, forçait le vent à souffler de plus en plus fort. Le vent assourdissant entourait Davvy de toute part. Il voyait El lui parler, mais aucun mot ne parvenait à ses oreilles. Tous les sons étaient broyés dans le maelström qui les entourait.

Le vent s'engouffrait partout, Davvy le sentait effleurant sa chair malgré ses vêtements. Déjà ses pieds ne touchaient plus le sol, et seules ses mains agrippées au livre – miraculeusement immobile – le maintenaient. Des rafales de vents plus fortes se fracassaient contre sa tête, déchiraient peu à peu son t-shirt. En relevant la tête il voyait El, lui crier. Sans l'entendre il savait ce que son ami lui ordonnait : oublie. Mais il n'oublierait pas.

Désormais « Souviens-toi » était un mot d'ordre qui s'inscrivait dans tout son être, dans toute sa chair. Il n'oublierait pas la première rencontre avec les anges, puis les multiples premières rencontres avec El. La première ou El, ne connaissait pas même son nom. Les suivantes où El l’avait jeté dans le ciel. Ou encore il l’avait juste enlacé, pleurant, s’envolant dans les étoiles.

Il n’oublierait pas les archanges, ni l'aide de Ratziel, ni la torture de Gabrielle. Il se souviendrait de la toute première fuite qui l'avait entraînée vers la cité. De ces mains, de ces poings, qui l’avaient atteint. Meurtri, dans sa chair, mais également dans sa confiance.

Autour d'eux les stoës se fracassaient sous l'impulsion du vent. Aucun son ne parvenait jusqu'à Davvy, mais il voyait les stoës se briser les uns contre les autres, puis chuter jusqu'à la mer. Il voyait parfois des plumes volées jusqu'à lui. Davvy comprit alors que les anges eux-mêmes disparaîtraient dans cette tempête infernale.

Tandis que Davvy repassait un à un tous ses souvenirs, s'assurant de leur présence, de leurs couleurs, El s'approchait de lui, lentement, luttant lui-même contre le vent. Il ne cherchait plus à parler, trop concentré pour maîtriser l'ouragan qu'il avait fait naître.

Le vent éreintait la peau de Davvy, créant parfois des éraflures, peu profondes, mais nombreuses. Un éclair de douleurs, lui fit lâcher le livre de sa main droite. Il se cramponna d'autant plus de la gauche, dernière amarre avant un envol définitif.

Il regarda sa main droite, et fut stupéfait de la quantité de sang qui s'en écoulait. Son poignet était d'un rouge luisant, ou dansait des vaguelettes portées par le vent. Blessure qui semblait irréelle, car aucune douleur ne lui parvenait. Seule sa fatigue qui grandissait rapidement, lui indiquait qu'il perdait bel et bien beaucoup de sang.

Il se rappelait tout. Un peu embrumé, certes. Mais maintenant qu’il connaissait le prix de l’oubli, il n’oublierait plus. C’est avec cette certitude qu’il regarda son ancien ami s’approcher.

Voyant que Davvy tenait encore, tout en s'approchant de plus en plus, El fit un mouvement de sa main. L'adolescent sentit une nouvelle douleur au poignet gauche, une nouvelle entaille. Sa main lâcha le livre, puis d'un spasme involontaire, retint sa prise au dernier moment.  La fatigue se répandait dans tout son corps, et déjà dans sa tête le monde s’obscurcissait. 

El avait réussit à atteindre le livre, et d'une main tenta de faire lâcher prise à Davvy. N'y arrivant pas, il y mit les deux mains, et les doigts de Davvy commencèrent à céder. Quand ses deux premiers doigts lâchèrent, ce fut un choc pour Davvy, le réveillant momentanément. Il vit El s'acharner sur les trois qui tenaient encore. L'adolescent mobilisa ses forces. Le pouce céda. De son bras gauche il se ramena vers El, et du bras droits réussi à repousser son ami. 

L'ange surpris, et déséquilibré par son aile cassée, dût faire plusieurs pas en arrière pour tenter de se rétablir. Il y réussit. Au moment même ses deux ailes furent emportées par le vent. Pendant une demie seconde, qui sembla une éternité à Davvy, l'ange parut résister, réussir à se maintenir au sol. Puis, à cause de ses ailes invalides, il s'envola, subissant le vent.

Au plus profond de lui, Davvy sentit qu'il chutait. Il était toujours accroché au livre, l'ouragan soufflait toujours, il sentit son cœur remonter dans la poitrine. Mais avant qu'il se soit posé d'autres questions, il sombra dans l'inconscience.

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Edouard PArle
Posté le 08/09/2021
Hey !
Première fois que je suis aussi proche de la fin d'un livre sur PA, que d'émotions ! xD
Fin vraiment surprenante mais je n'en dis pas plus ^^ Pressé de voir ce que tu réserves dans l'épilogue.
El et Davvy se retrouvent, cela se termine comme cela avait commencé. J'aurai préféré plus d'échanges verbaux et moins de description personnellement mais c'est personnel.
Quelques remarques :
"A peine firent-ils" -> furent-ils
"dû se résoudre à se" -> il dut
"lui venait les unes après les autres," -> venaient
"n’empêchèrent pas Davvy de s'être foulé la cheville" -> de se fouler la cheville
" il vit au loin, une forme blanche" virgule en trop
"enfin prendre conscience de Davy. la présence de ses jambes dans le sol meubles, et" -> meuble
"et agrippa au livre." -> s'agrippa
"Des rafales de vents plus fortes se fracassait contre sa tête, déchirait" -> fracassaient déchiraient
"de la quantité de sang qui en partait." -> qui s'écoulait
"du bras droits réussi à repousser" -> réussit
"L'ange surprit, et" -> surpris
Bien à toi !
arno_01
Posté le 12/09/2021
Merci beaucoup pour ton commentaire, et ta relecture.

Il est vrai que rajouter des échanges verbaux permettrait de personnifier d'avantage l'enjeu. J'en prend bonne note.
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