Le fracas de bois brisé les réveilla en sursaut. Caleb ouvrit les yeux, le cœur battant, et vit Ilana s’éveiller à ses côtés. Jorick grogna doucement dans son sommeil, tandis que Liam, roulé en boule, grommela quelque chose d’inintelligible.
— Qu’est-ce que c’était ? murmura Ilana, la voix encore ensommeillée.
Caleb secoua la tête, incapable de répondre. Un nouveau bruit retentit à l’extérieur, plus proche cette fois : un craquement suivi d’un hurlement qui n’avait rien d’humain. Les yeux de Jorick s’ouvrirent en grand, et Liam, enfin debout, regardait par la fenêtre, bouche bée.
— Les villageois courent partout… on dirait que le village est attaqué !
Caleb balaya la pièce du regard, deux de ses cousines manquaient à l’appel.
— Où sont Cléo et Lys ? demanda-t-il.
Les regards des trois autres se tournèrent vers lui mais aucune réponse ne vint. Une lueur de panique brillait dans leurs yeux.
La porte de la pièce s’ouvrit à la volée et Mara apparut, habillée à la va-vite, une fourche dans la main.
— Les enfants, il ne faut pas que vous restiez là. Ils sont entrés dans le village, ils vont…
Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase. Des griffes noires, telles des ombres, lui transpercèrent la poitrine. Du sang jaillit partout et éclaboussa le visage de Caleb. Mara s’effondra, les yeux écarquillés par l’effroi.
Derrière elle, une silhouette humanoïde se dressa. Sa peau poreuse et fissurée laissait échapper un filet de brume noire. Ses yeux brillaient d’un éclat blanchâtre, avides et cruels.
Caleb resta figé, le souffle coupé. Puis, l’instinct prit le dessus. L’adrénaline jaillit dans ses veines.
— Courez !
Le cri de Caleb claqua comme un ordre. Jorick bondit sur ses pieds, tirant Liam par le bras. Ilana, encore sous le choc, hésita une seconde de trop, mais Caleb la poussa vers la fenêtre.
— Par là ! Vite !
L’ombre humanoïde se pencha sur le corps de Mara, ses griffes toujours dégoulinantes. Puis, lentement, elle releva la tête vers eux, une lueur blanche brillant dans ses orbites creuses. Un râle guttural s’échappa de sa gorge.
Le fracas du verre brisé résonna : Jorick venait d’arracher les volets pour forcer un passage. L’air glacé de la nuit s’engouffra dans la pièce, emportant avec lui les échos de cris, de coups sourds, de bois qui se fracasse. Ils se jetèrent dehors, un à un, atterrissant dans la boue humide de la ruelle. Caleb fut le dernier à passer, refermant le volet derrière lui comme si ce geste pouvait ralentir la créature.
Mais à peine eurent-ils posé le pied dans la ruelle qu’un autre danger les attendait.
Des silhouettes se déplaçaient sur les murs, souples et difformes. Elles bondissaient de toit en toit, leur peau noire luisant comme une membrane huileuse.
— Mais ils sortent d’où… souffla Ilana, la gorge serrée.
Un des monstres sauta du toit et atterrit lourdement devant eux. Ses yeux blanchâtres fixèrent les cousins avec une lueur affamée. Sa gueule, dépourvue de lèvres, découvrait une double rangée de crocs, et un filet de salive noire s’en échappait.
Caleb attrapa un morceau de bois brisé près de la fenêtre. Ce n’était pas une arme, mais au moins un semblant de défense. Son cœur cognait à lui briser les côtes, mais il planta ses pieds dans la boue, prêt à gagner quelques secondes pour que les autres puissent s’enfuir.
Le monstre poussa un sifflement rauque et bondit sur lui, toutes griffes dehors. Caleb leva son bâton de fortune et sentit l’impact lui brûler les bras. Le bois se fendit dans un craquement sec, mais il tint bon. La créature le repoussa violemment contre le mur, son souffle fétide lui glaçant le visage.
— Partez ! hurla Caleb à ses cousins.
Ilana tira Liam en arrière, les yeux écarquillés de peur. Jorick fit mine de revenir vers son frère, mais Caleb lui lança un regard qui ne laissait aucune place à la discussion.
Le monstre claqua ses mâchoires à quelques centimètres de son cou. Caleb, pris de panique, donna un coup de genou, puis enfonça le reste de son bâton dans la gueule béante. Le bois s’enfonça dans la gorge de la créature qui recula en poussant un cri strident, mélange de râle et de grincement métallique. Une vapeur noire s’échappa de sa blessure, brûlant l’air autour d’eux.
Caleb tituba, son bras engourdi par la violence du choc. Mais il ne laissa pas passer l’occasion : il saisit une pierre au sol et la jeta de toutes ses forces sur le crâne du monstre. L’impact fit chanceler la créature, qui s’écroula quelques instants dans la boue.
— Cours, Caleb ! cria Jorick, déjà à l’autre bout de la ruelle.
Il hésita, son instinct hurlant de rester pour achever la bête. Mais un autre sifflement retentit au-dessus de lui : deux nouvelles silhouettes descendaient des toits. Le village grouillait de ces choses.
Sans réfléchir, Caleb tourna les talons et s’élança dans la ruelle, ses poumons en feu, le sang de Mara encore chaud sur sa peau. Les cousins fuyaient devant lui, leurs ombres déformées par la lueur tremblante des flammes qui s’élevaient déjà plus loin dans le village.
Derrière eux, le monstre blessé se redressa dans un gargouillis atroce, ses orbites blanchâtres fixées sur leur fuite.
Caleb courait sans reprendre son souffle, talonné par Ilana et Liam, Jorick fermant la marche. Les ruelles semblaient toutes identiques, étroites, oppressantes, mais un cri au loin guida leurs pas.
— Lys…? souffla Ilana, ses yeux s’écarquillant.
Ils débouchèrent dans une artère plus large et là, au milieu de la rue, se tenait Lysandra, immobile, les yeux rivés sur l’obscurité. Son visage était blême, ses bras tremblaient, mais elle ne bougeait pas.
— Lys ! cria Caleb en se précipitant vers elle.
Elle sursauta, comme si elle sortait d’un rêve, et se tourna brusquement vers eux. Ses lèvres tremblaient.
— Cléo… elle est partie… je l’ai suivie, mais… il y avait… des choses…
Ses mots se brisèrent. Un bruit sinistre, semblable à un chuintement de soie froissée, leur fit lever la tête. Sur les murs, juste derrière Lysandra, deux monstres, différents de ceux qu’ils avaient rencontrés, se tortillaient comme des anguilles de ténèbres. Leurs corps minces se projetaient d’un mur à l’autre, leurs formes indistinctes ondulant dans la lumière de la lune.
— Recule ! hurla Caleb.
Il bondit en avant, tirant Lysandra par le bras pour la ramener vers le groupe. Mais les créatures s’élancèrent aussitôt, rapides comme des vipères. L’une frôla Caleb, et le sol se mit à vibrer sous ses pieds, comme si la pierre avait répondu à sa peur. Il trébucha, croyant rêver, mais derrière lui un pavé s’était soulevé de lui-même et heurta la silhouette ténébreuse, qui vacilla avant de reprendre forme.
— Qu’est-ce que…? souffla-t-il, la gorge sèche.
La seconde créature bondit vers Lysandra. Jorick s’interposa, une planche de bois brandie à deux mains. Mais au moment où il frappa, un jet d’eau jaillit d’une flaque à ses pieds, projeté comme un fouet liquide qui éclaboussa l’ombre et la fit reculer en sifflant. Jorick resta figé, les yeux écarquillés, sa planche tombée au sol.
— Ce n’est pas… moi, balbutia-t-il.
L’ombre se reformait déjà, ondulante et grimaçante, prête à replonger sur eux. Les cousins se resserrèrent autour de Lysandra. Liam se plaça instinctivement devant elle, les poings serrés, comme s’il pouvait arrêter la chose à mains nues. Ses jambes tremblaient, mais son regard brûlait de défi.
— Venez pas ! hurla-t-il, la voix brisée par la peur.
Ilana, le souffle court, leva les mains pour la repousser. Elle n’eut même pas le temps de réfléchir : une chaleur intenable s’empara de son corps, et une langue de feu jaillit de ses paumes.
La créature hurla, consumée par les flammes, avant de se dissiper dans un nuage de brume noire. Mais l’incendie échappa aussitôt à Ilana. La flamme se propagea comme une bête déchaînée et s’élança vers le grand arbre qui trônait au centre de la place. En un instant, son feuillage s’embrasa, projetant dans la nuit une lumière rouge sang.
Tous reculèrent, frappés de stupeur. Le visage d’Ilana s’illuminait de reflets orangés, ses yeux agrandis par l’horreur. Ses mains tremblaient.
— Je… je n’ai pas voulu…
Liam recula à son tour, abasourdi. Ses poings s’étaient ouverts, inutiles. Ses yeux passaient de sa sœur au brasier, et il avait l’air plus perdu que jamais.
Caleb le fixait, le cœur battant à tout rompre. Il sentait encore sous ses pieds la vibration étrange du sol, une force qu’il n’avait jamais appelée mais qui avait répondu à lui. À eux.
Autour d’eux, les silhouettes des créatures se figèrent, comme hésitantes devant cette explosion de pouvoir. Puis, l’une après l’autre, elles se dissipèrent dans l’obscurité, avalées par la nuit.
Le silence retomba, seulement brisé par le crépitement de l’arbre en flammes. L’odeur de bois brûlé piquait la gorge.
Jorick porta une main tremblante à son visage, ses doigts encore humides. Lysandra n’osait plus respirer. Caleb sentit son estomac se tordre. Liam, lui, serrait les mâchoires, les yeux écarquillés, incapable de comprendre pourquoi il était le seul à n’avoir rien fait.
Ils n’étaient pas seulement survivants : ils venaient de déclencher quelque chose qu’ils ne comprenaient pas, et qui faisait autant peur que leurs ennemis.
Caleb, le souffle court, leva les yeux vers l’arbre embrasé. Les flammes d’Ilana dévoraient les branches comme une tempête affamée, projetant des ombres folles sur les murs du village. Autour de lui, la terre encore fissurée vibrait, comme si elle battait à l’unisson de son cœur. Il n’osait plus bouger, incapable de comprendre ce qui venait de se produire.
Et dans ses yeux, une seule image restait : Ilana, immobile au milieu du brasier, ses mains tremblantes illuminées par le feu qu’elle avait elle-même libéré.
Ah là on a vraiment changer d'ambiance ahaa je me demandais si à un moment ça partirait en vrille ça y est aha
J'avais eu tort de pas avoir confiance en Mara, pauvre dame...
Donc maintenant ils découvrent, sans le vouloir, qu'ils ont des pouvoirs. A part Liam.
A voir comment ils vont combinés leurs forces :)
Et surtout où est passé Cléo.
RAS sinon, ça se lit très bien avec fluidité.
A plus ^^