Les larmes traçaient des sillons brillants sur ses joues salies par la suie. L’arbre continuait de brûler, ses branches noircies craquant dans un bruit sinistre, et le vent avait porté les braises jusqu’au toit de chaume d’une maison. Désormais, les flammes s’étaient propagées, et les villageois formaient une chaîne humaine pour tirer l’eau du puits et tenter de sauver ce qu’il restait.
Chaque jet d’eau résonnait en elle comme un coup de marteau. C’est moi. C’est moi qui ai déclenché tout ça.
Elle regarda ses mains trembler devant elle. Sa peau paraissait encore rougie, comme si des braises couvaient sous sa chair. Elle avait l’impression que le feu continuait de brûler dans son corps, prêt à jaillir de nouveau. Comment… comment ça avait pu arriver ?
Des chuchotements s’élevaient autour d’elle, des regards rapides qu’on détournait aussitôt. Était-ce de la peur ? De la colère ? Elle ne voulait pas savoir. Son cœur battait trop fort, l’air se coinçait dans sa gorge.
Un bras se posa alors sur ses épaules. Elle sursauta, mais la chaleur familière suffit à apaiser sa panique. Jorick s’était approché, ses yeux d’un bleu calme ancrés aux siens. Elle n’y vit ni crainte ni reproche, seulement cette douceur tranquille qu’il avait toujours eue pour elle.
— Ça va, Ilana ? demanda-t-il doucement.
Elle resta muette. Non, ça n’allait pas. Rien n’allait. À cause d’elle, une famille venait peut-être de perdre son foyer, des villageois avaient été blessés. Et elle ne savait même pas comment cela s’était produit.
— Qu’est-ce que j’ai fait ? murmura-t-elle, la gorge nouée.
Jorick la serra un peu plus fort.
— Ce n’est pas de ta faute, ça a jailli de toi sans que tu puisses le contrôler. Ce… ce pouvoir, il a pris le dessus, c’est pareil pour moi.
Ilana écarquilla les yeux.
— Quoi ?
— Tu n’as pas vu ? L’eau… elle a frappé la créature quand j’ai essayé de me défendre. Ce n’était pas normal, Ilana.
Elle fouilla dans ses souvenirs, confuse. Elle revoyait l’eau d’une flaque éclabousser l’ennemi comme si elle avait obéi à un ordre invisible, mais tout était brouillé dans sa mémoire.
Avant qu’elle n’ait le temps de répondre, un cri fendit l’air, sec et désespéré :
— ILANA !
Cléo surgit dans la foule, son visage décomposé par la panique. Elle courut droit vers elle et se jeta dans ses bras, tremblante, comme si elle craignait de la perdre encore. Jorick s’écarta pour les laisser profiter de cette étreinte. Ilana la serra contre elle, sentant le cœur de sa sœur battre à tout rompre. Elle voulait dire quelque chose mais aucun mot ne sortit. Les larmes brouillaient sa vision, et la fumée de l’incendie lui piquait les yeux.
— Et vous êtes qui vous ? dit Liam, la voix tremblante.
Ilana s’écarta lentement de Cléo pour voir à qui il parlait. L’étranger, dont le visage était dissimulé par une grande capuche, se tenait derrière Caleb et le dépassait d’une bonne tête, lui qui était déjà grand.
— Je vous présente Syn, déclara Cléo en se plaçant à côté de lui. Il pourra répondre à nos questions.
Le dénommé Syn retira sa capuche, révélant un visage qui ne ressemblait en rien à ce qu’Ilana connaissait. Ses grandes oreilles légèrement pointues trahissaient une origine étrange, et sa peau blanche d’albâtre semblait presque luminescente dans la fumée de l’incendie. Autour de ses yeux bruns, de larges cercles jaunes semblaient accentuer chaque expression, donnant à son regard une intensité à la fois perçante et bienveillante. Une fine ligne rouge, tatouée de son front à son menton, donnait l’impression qu’un fil de feu coulait sur son visage.
Ses traits étaient à la fois doux et énigmatiques, comme sculptés par une main experte, mais une force tranquille émanait de lui. Il dégageait une aura qui calmait instinctivement ceux qui l’entouraient, comme si sa simple présence insufflait un peu de sécurité au milieu du chaos. Ses mains longues et fines, couvertes de tatouages discrets, bougeaient avec assurance.
Il portait une grande cape brunie par le voyage, légèrement déchirée sur les bords, et chaque pas qu’il faisait semblait presque silencieux, comme s’il ne touchait pas tout à fait le sol. Il y avait quelque chose dans sa posture et dans ses gestes qui faisait comprendre, même sans un mot, que cet homme n’était pas un étranger ordinaire : il connaissait le monde, ses dangers, et ses secrets mieux que quiconque.
Syn laissa son regard parcourir les flammes encore vives qui léchaient les toits, puis revint sur elle. Un sourire mince étira ses lèvres, sans chaleur.
— Charmant accueil, souffla-t-il d’une voix basse et légèrement rauque. J’arrive et je trouve un village en feu. Vous avez vraiment le chic pour vous faire remarquer.
Ilana baissa les yeux, honteuse, persuadée qu’il visait ses mains encore rougies.
— Tu as l’air de découvrir que tu en as deux, dit-il, une lueur amusée dans le regard.
Elle serra les poings.
— J’ai… j’ai mis le feu à tout ça.
Syn haussa légèrement les épaules, comme si elle venait d’énoncer une évidence banale.
— Oui, c’était spectaculaire. Pas très précis, mais spectaculaire.
Ilana sentit son ventre se nouer. Elle baissa la tête, honteuse, mais Syn poursuivit d’une voix plus douce :
— Ne crois pas que je me moque. Tu as eu peur, et ce que tu portes en toi a répondu avant même que tu puisses réfléchir. C’est ainsi que ça se passe, au début.
Son regard plongeant dans le sien. Derrière le cynisme de ses mots, elle perçut une réelle compréhension, une expérience qu’il n’avait pas besoin de détailler.
— Le feu n’attend pas qu’on lui demande la permission, reprit-il. Il détruit d’abord, et c’est à toi d’apprendre à le tenir en laisse. Sinon, c’est lui qui te tiendra.
Syn laissa sa phrase flotter dans l’air, le poids de ses mots s’insinuant comme une braise dans le silence du village.
Ilana baissa les yeux, incapable de soutenir plus longtemps ce regard qui semblait tout voir. Elle sentit une main se poser brièvement dans son dos : le geste discret de Jorick, comme pour lui rappeler qu’elle n’était pas seule.
— Tu débarques de nulle part, tu crois tout savoir, et tu juges. On n’a pas besoin d’un étranger pour nous rappeler nos failles., intervint Caleb en croisant les bras.
Un mince sourire passa sur les lèvres de Syn, plus tranchant que bienveillant.
— Si vous croyez encore que vos failles n’intéressent personne, vous allez vite déchanter.
Il recula légèrement, ses yeux glissant de l’un à l’autre avec une curiosité presque moqueuse, comme s’il prenait la mesure de ce groupe prêt à le défier malgré la peur et la fatigue.
— Stop, ça suffit ! lança une voix claire.
Cléo se plaça entre Syn et ses cousins, ses mains levées comme pour séparer deux combattants.
— On n’a pas besoin de ça maintenant. Le village est en feu, les gens sont blessés, et nous… nous avons d’autres problèmes à régler que vos piques stupides.
Syn arqua un sourcil, son sourire mince toujours accroché à ses lèvres, mais il garda le silence.
Liam, resté un peu en retrait, croisa les bras et la fixa d’un air accusateur.
— Et toi ? Où t’étais passée, Cléo ? On se battait, on essayait de comprendre ce qui nous arrive, et toi tu réapparais… avec lui.
Son menton désigna Syn d’un geste sec.
Cléo soutint son regard sans faillir, même si une lueur d’embarras traversa ses yeux.
— Je cherchais des réponses. Et je les ai trouvées.
Elle tourna la tête vers Syn, comme pour confirmer ses propres mots.
— Quoi qu’il vous en coûte de l’admettre, il sait ce qu’il se passe. Et si on veut survivre, on doit l’écouter.
C'est sûr que si d'un coup des flammes sortent de mes mains je vais sacrément flipper ahaa
La peur de leurs pouvoirs est chouette et réaliste.
J'ai juste pas trop comprit l'histoire des "failles", humaines ou leurs pouvoirs ?
"Si vous croyez encore que vos failles n’intéressent personne, vous allez vite déchanter." -- ça fait à peine quelques jours qu'ils sont là, pas sûr qu'ils se soient dit ça. Enfin, j'ai peut-être oublier quelque chose aha
Sinon pour le reste rien à dire :)
je continue, voir ce que Syn a à leur dire :)