Archi referma la porte derrière lui et s'avança dans la pièce austère, laissant derrière lui les échos étouffés de son affrontement avec Matthew. Chaque pas qu'il faisait résonnait sur la pierre froide, laissant une traînée de boue et d'eau sur son passage. Il savait que cela n'allait qu'attiser la colère de son père, mais à vrai dire, il n'en avait plus rien à faire.
Justement, ce dernier se leva brusquement de son fauteuil en cuir, un regard chargé de mépris posé sur lui.
-Dans quel état es-tu ?, le réprimanda-t-il, les bras croisés sur son torse imposant. Tu crois qu'avec ton nom de famille, tu peux te promener ainsi ?
Archi était trempé de la tête aux pieds. Sa chemise était en lambeaux, certains boutons ayant cédé sous la pression de la bagarre. Des traces de boue maculaient son visage et ses cheveux cendrés, donnant à son apparence un air misérable et indigne de son rang.
-Je suis désolé, père, souffla-t-il en baissant la tête, bien qu'il sache que ses excuses ne serviraient à rien.
Son père le toisa un instant, avant de détourner légèrement le regard, comme s'il ne méritait même pas son attention.
-Bref, ça fait longtemps que tu ne peux plus me décevoir de toute façon... Je voulais savoir si tu avais passé tes examens de rentrée avec succès ?
Archi savait ce que son père voulait entendre. "Avec succès" signifiait une seule chose dans sa famille : intégrer le cercle prestigieux des mages de combat, comme tous les hommes de la lignée Angels avant lui.
Il prit une grande inspiration avant de répondre :
-Non, père. Comme vous le saviez avant que je rentre ici, je ne suis pas un mage de combat, mais un mage de...
-Il n'y a donc rien qui fera de toi un vrai Angels ?
Le ton était chargé de mépris, chaque mot pesant comme une gifle.
-Tu seras toujours une honte pour ta lignée, conclut-il en secouant la tête.
Archi releva les yeux et soutint son regard. Il en avait assez de ces accusations, de cette attente perpétuelle qui le plaçait en porte-à-faux avec son propre sang.
-Je préfère être une honte qu'un salaud, répliqua-t-il froidement.
Une étincelle terrible s'alluma dans les yeux de son père. Son visage se durcit, et un rictus inquiétant tordit ses lèvres.
-Tu crois que puisque tu es ici, tu es protégé ?
Son sourire était carnassier, celui d'un prédateur qui vient de débusquer une proie affaiblie.
-Je ne me suis jamais rangé à vos idées, ça ne commencera pas aujourd'hui, rétorqua Archi, sa voix ferme malgré le poids des menaces.
Son frère jumeau, qui jusque-là était resté silencieux dans l'ombre, s'avança. Sans un mot, il attrapa l'arme accrochée à la taille de leur père et la garda contre lui avec une révérence presque religieuse. Leur mère, elle, se leva lentement, quittant la pièce sans un regard en arrière. Sans un regard pour son propre fils.
Elle fut suivie de près par Jean, qui referma la porte derrière eux, laissant son frère seul face à leur père.
Le silence qui s'installa était lourd, oppressant. Archi n'aurait pas dû se sentir intimidé, mais il savait ce qui allait suivre.
-Ton manque de respect est à la hauteur de la déception que tu représentes, lâcha son père en défaisant lentement les boutons de sa veste.
Il l'installa soigneusement sur un cintre, comme s'il s'apprêtait à accomplir une tâche méticuleuse. Il se dirigea ensuite vers un petit coffret à bijoux posé sur un bureau, en sortit plusieurs bagues massives qu'il enfila méthodiquement à presque tous ses doigts.
-Si ça ne tenait qu'à moi, je t'aurais tué de mes propres mains depuis bien longtemps, murmura-t-il en remontant lentement ses manches.
Il tourna lentement autour de son fils, le jaugeant comme un bourreau jaugerait son condamné. Chaque mouvement était calculé, mesuré, chargé d'une tension qui fit frissonner Archi malgré lui. Puis, avec une lenteur terrifiante, il détacha sa ceinture.
-Mais malheureusement, tu es de mon sang. Alors tout ce que je peux faire, c'est te faire rentrer le message, autant de fois qu'il le faudra.
Il fit claquer la lanière de cuir entre ses mains, testant sa résistance. Archi serra les poings. Il savait ce que cela signifiait.
-Tu essaies d'agir comme un adulte devant moi ? Alors prends la responsabilité de tes paroles, comme un homme.
Archi ne broncha pas. Il planta son regard dans celui de son père, puis, lentement, il saisit les restes de sa chemise et l'ôta sans un mot. Sa peau portait encore les stigmates des leçons précédentes.
-Je ne broncherai pas, déclara-t-il simplement.
Son père esquissa un sourire cruel.
-On verra ça.
Satisfait, l'homme asséna le premier cou de ceinture. Mais comme promis, Archi ne bougea pas, ni à celui-là, ni à l'avalanche des autres qui suivirent. Son géniteur tapait principalement dans son ventre et ses épaules. La peau blanche du garçon se teinta de diverses couleurs, comme une toile qui se remplissait petit à petit.
Malgré toute cette violence, Archi ne vacillait pas et prenait même un malin plaisir à regarder son assaillant droit dans les yeux, ce qui eut pour effet de mettre l'homme hors de lui.
-Je vais te faire passer l'envie de me défier ainsi !
Il jeta sa ceinture et le cogna directement avec ses poings sertis de bagues. D'abord dans ses côtes, puis ses bras et enfin dans son visage.
Jamais il n'avait osé toucher aux parties visibles de son fils. Il fallait pouvoir tout cacher, la réputation de sa famille passant avant toute chose. Mais à cet instant, il sentait que le garçon lui échappait pour de bon et il ne pouvait pas le laisser s'en tirer ainsi.
*****
La pluie tombait irrémédiablement, martelant le sol détrempé alors que Lya courait, son souffle saccadé se mêlant au vacarme du déluge. Chaque pas éclaboussait l'eau stagnante sur le chemin, trempant davantage ses vêtements collés à sa peau frissonnante. Des mèches de cheveux dégoulinantes lui barraient la vue, et l'eau, se mêlant à ses larmes, brouillait encore plus son regard.
Je dois le retrouver !
Son cœur tambourinait contre sa poitrine alors qu'elle poussait violemment la porte de son dortoir. Un claquement sourd résonna, interrompant la quiétude des lieux et faisant sursauter les quelques étudiants présents.
-Vous avez vu Matt ?!, haleta-t-elle, les yeux affolés.
Le petit groupe s'échangea des regards, visiblement interloqué, puis secoua la tête en signe de négation.
-Lya, qu'est-ce qui se passe ?, s'inquiéta Amanda en s'approchant d'elle.
-Je... je ne peux pas te le dire... mais il faut absolument que je le retrouve, c'est important.
L'urgence dans sa voix fit taire toute objection. Amanda hocha simplement la tête, comprenant que ce n'était pas le moment de poser des questions inutiles.
-D'accord. Je vais rester ici, et s'il revient, je te préviens immédiatement.
Lya esquissa un maigre sourire de reconnaissance, mais déjà, son esprit était ailleurs. Un éclair de compréhension traversa ses yeux, et sans un mot de plus, elle tourna les talons et s'élança à nouveau sous la pluie battante.
Elle courait, fendant les hautes herbes et les branches qui lui lacéraient les bras et les jambes, ignorant la douleur et la fatigue qui brûlaient ses muscles. L'humidité pénétrait chaque fibre de son être, rendant sa progression plus ardue, mais elle ne ralentit pas. Son instinct lui hurlait qu'elle était sur la bonne piste.
Lorsqu'elle atteignit enfin la clairière, son cœur manqua un battement.
Vide.
Un instant, la panique revint, mais elle ne s'autorisa pas à faiblir. Reprenant son souffle, elle fonça vers la maisonnette bancale. La porte en bois pourri céda sous son poids dans un grincement sinistre.
L'intérieur était sombre, humide. L'odeur de terre mouillée et de renfermé emplit ses narines. Ses yeux s'accoutumèrent rapidement à l'obscurité, et elle le vit.
Dans un coin de la pièce, recroquevillé sur lui-même, un homme. Son dos tremblait légèrement, sa tête enfouie dans ses bras.
Le soulagement balaya toute la panique accumulée. Il était là.
Lya avança doucement, évitant les planches branlantes du sol. Elle s'adossa à la paroi croulante du mur et se laissa glisser au sol à ses côtés. Sans un mot, elle posa délicatement sa tête blonde sur son épaule.
Ils restèrent ainsi, dans un silence empli de mille non-dits.
-J'aurais dû le savoir..., finit par murmurer Matt, sa voix rauque et fatiguée.
-Ça n'aurait rien changé, répondit Lya doucement.
-Si... Je... Je ne me serais pas attaché à lui. Je n'aurais pas rigolé avec lui... Tu te rends compte que sa famille a détruit la mienne ?
Lya ne bougea pas. Elle savait que ces mots n'étaient que le reflet de sa douleur.
-Sa famille, pas lui, souffla-t-elle.
-Ils sont tous pareils, cracha-t-il amèrement.
Finalement, il releva la tête, dévoilant son visage ravagé par les pleurs. Ses yeux rougis croisèrent ceux de Lya, pleins de bienveillance et de détermination.
-J'aurais dû le tuer... Mais tu ne me laisseras pas faire, n'est-ce pas ?
Il détourna à nouveau le regard, incapable de soutenir plus longtemps celui de son amie.
Lya esquissa un sourire triste.
-Tu me connais bien !, s'amusa-t-elle, un brin de légèreté tentant d'effacer le poids de la situation.
Le silence revint, mais il était moins pesant. Dans cette cabane délabrée, loin du tumulte du monde, ils étaient juste deux âmes égarées tentant de trouver un sens à ce chaos.
-Ma mère... C'était l'une des personnes les plus merveilleuses de ce monde. Tu veux que je te raconte ?
Lya hésita un instant, observant la lueur douloureuse dans ses yeux.
-Seulement si ça te fait du bien.
Il inspira profondément avant d'acquiescer.
-Je pense que oui. Je n'ai jamais pu en parler avec quelqu'un. Mon père... ça lui fait trop de mal.
Lya, en un geste doux et réconfortant, passa son bras sous celui du garçon et entrelaça ses doigts aux siens. Son contact était léger, mais porteur d'un soutien silencieux.
-Tu sais, ma famille faisait aussi partie de l'administration centrale avant. Pas au sommet, loin de là. Mes parents étaient tout en bas de l'échelle, mais ils se débrouillaient bien. Mon père était soldat et ma mère accomplissait diverses tâches plus ou moins ingrates. Mais elle était incroyablement intelligente.
Un sourire mélancolique effleura ses lèvres alors qu'il poursuivait.
-Tellement intelligente, que bien qu'elle ne soit issue d'aucune grande famille, elle a quand même réussi à gravir les échelons. Elle a atteint le fameux plafond de verre. Tu sais, ce mur invisible où, peu importe ton talent, tu ne vaudras jamais plus qu'un héritier d'une lignée prestigieuse. Mais ce n'était pas grave. Ma mère était satisfaite. Elle gagnait bien sa vie et elle aimait son travail de comptable pour l'administration.
Son sourire s'effaça, laissant place à une expression plus sombre.
-Mais ça n'a pas plu à sa supérieure... Elisabeth Angels.
Lya sentit son estomac se nouer.
-La mère d'Archi.
-Oui...
Il déglutit.
-Cette femme... toute sa famille, en réalité ! Ils méprisent tous ceux qui ne sont pas de "sang pur", ceux qui n'ont pas de nom illustre. Et ma mère... elle était tout ce qu'Elisabeth détestait : une femme issue de nulle part qui prouvait qu'elle pouvait réussir sans héritage ni privilège. Ça la rendait folle.
Il marqua une pause, son regard se perdant dans le vide avant qu'un rictus amer ne lui échappe.
-Mais ma mère n'était pas du genre à se laisser faire. Elle savait se défendre. Quand elle avait quelque chose à dire, elle le disait, haut et fort. Trop fort, apparemment.
Il serra un peu plus la main de Lya.
-Alors, Elisabeth Angels a décidé de lui faire payer. Elle a commencé par des coups bas, des accusations subtiles, des tâches impossibles à réaliser dans les délais, mais ma mère était trop intelligente pour tomber dans ses pièges. Elle a tenu bon. Alors, ils ont visé mon père. Ils l'ont acculé jusqu'à ce qu'il soit contraint de démissionner. Et quand cela n'a pas suffi, ils se sont attaqués à moi...
Lya sentit son cœur se serrer.
-Qu'est-ce qu'ils ont fait ?
-J'ai été expulsé de toutes les écoles de la ville. J'ai été contraint d'abandonner mes études.
-Tu avais quel âge ?
-Neuf ans, répondit-il, la voix tremblante. Neuf ans... et je ne comprenais pas pourquoi tout ça arrivait. Ma mère, elle, refusait de plier. Elle s'est battue. Jusqu'au jour où ils ont franchi la ligne.
Son souffle devint plus court, plus instable.
-Des larbins de la famille Angels sont venus chez nous. Ils ont tout saccagé. Et moi... moi, j'étais là. Ils m'ont tabassé et envoyé à l'hôpital.
Lya retint son souffle, horrifiée.
-Ma mère est sortie de ses gonds. Pour elle, on pouvait toucher à tout... mais pas à moi. Ce sont les dernières paroles qu'elle m'a adressées avant de partir. Elle s'est précipitée directement dans le bureau d'Elisabeth. J'ai entendu dire qu'elle avait hurlé sur elle, devant tout le monde. Certains disent même qu'elle lui a mis une claque. J'imagine que la vieille peau n'avait jamais été remise à sa place comme ça auparavant !
Un instant, une lueur nostalgique illumina son regard.
-J'aurais tout donné pour voir sa tête.
Puis son sourire disparut aussi vite qu'il était venu. Son regard s'emplit d'une tristesse infinie. Il plongea ses yeux dans ceux de Lya, comme s'il cherchait un ancrage dans la tempête de ses souvenirs.
Une larme roula lentement sur sa joue.
-Le lendemain... on l'a retrouvée pendue à côté de son bureau.
Un silence glaçant s'abattit entre eux. Lya sentit sa gorge se serrer, incapable de trouver les mots. Alors, au lieu de parler, elle serra simplement sa main plus fort.
Parfois, le silence était la seule réponse possible à l'injustice.
-Lya, elle ne se serait jamais suicidée. Elle ne nous aurait jamais abandonnés. Elle l'a tuée ! Mon père et moi, on a tout perdu. Plus personne ne voulait faire affaire avec des parias, avec les rejetés de la famille la plus puissante du pays. Tu comprends maintenant ? Tu comprends cette haine que j'éprouve envers les Angels, tous, peu importe qui ils sont !
Les mots de Matt frappèrent Lya comme une gifle. Son cœur se serra sous le poids de la douleur de son ami, une douleur brute, inaltérable, forgée dans les cendres d'une injustice implacable. Cette situation, elle le savait, était bien plus complexe qu'elle ne l'avait imaginée. Elle ressentait chaque fibre de cette souffrance, chaque nuance de rage et de désespoir qui vibrait en lui.
Pourtant, une part d'elle résistait à l'idée qu'Archi puisse être compté parmi les bourreaux. Comment expliquer à un enfant qui a perdu sa mère que les fautes des parents ne doivent pas peser sur les épaules de leurs enfants ? Comment lui faire comprendre qu'un nom ne définit pas une personne, que l'ombre d'un père ne doit pas obscurcir l'âme de son fils ?
Elle prit une profonde inspiration avant de parler, cherchant les mots justes, ceux qui pourraient atteindre Matt sans le heurter davantage.
-Les Angels, ce sont les Angels. Mais Archi, c'est Archi. Je pense le connaître assez pour être sûre qu'il n'a rien en commun avec ses géniteurs. Tu te rappelles ? Ensemble pour toujours !
Matt détourna le regard, un pli barrant son front.
-Ce n'est pas si simple..., murmura-t-il. Tu dis ça parce que tu as le cœur pur, Lya. Tu cherches toujours le bien chez les autres, même là où il n'existe pas. Mais... ce n'est pas si facile.
Malgré la tension, Lya perçut un léger changement dans son attitude. Son souffle était moins saccadé, sa mâchoire moins crispée. Avoir enfin pu partager son histoire semblait lui avoir ôté un poids, ne serait-ce qu'un instant.
Un silence s'installa, pesant mais nécessaire. C'est à cet instant que Lya remarqua enfin la main blessée de Matt. Du sang séché marbrait sa peau, la plaie rougie par le contact de la terre et de l'humidité ambiante. Avec une douceur infinie, elle prit sa main entre les siennes.
-Ça fait mal ?
Il haussa les épaules, l'ombre d'un sourire au coin des lèvres.
-Un peu, oui...
-Je vais te soigner.
-Non, c'est bon. Rappelle-toi de tes cours de magie de soin : "plus on soigne un corps avec la magie, plus ce dernier en devient dépendant. À terme, il ne pourra plus se guérir de lui-même".
Lya haussa un sourcil, un brin amusée.
-Comment tu sais ça toi ?
-Vous faites beaucoup de bruit quand vous révisez, toi et...
Il s'interrompit, hésitant.
-Archi, son nom c'est Archi, corrigea-t-elle doucement.
Il soupira.
-Ouais...
Lya ne chercha pas à insister. À la place, elle afficha un sourire malicieux.
-Enfin bref, tu as raison pour la magie de soin. Mais aujourd'hui est un jour spécial. Sans ta main, comment vas-tu faire danser Amanda au bal ?
Le garçon écarquilla les yeux, visiblement pris de court.
-Le bal ! J'avais complètement oublié...
Il se passa ses doigts dans ses cheveux courts, nerveux.
-Et tu as intérêt à lui faire passer une soirée mémorable ! Je ne t'ai pas laissé ma cavalière pour rien, d'accord ?!
-Ok, ok !, capitula-t-il en levant les mains en signe de reddition.
Lya esquissa un sourire avant de poser sa paume sur la plaie. Une lumière douce et dorée en émana, scellant la blessure en quelques secondes. Matt grimaça sous l'effet des picotements, puis observa sa main, désormais intacte.
-Merci...
-De rien !
Elle se releva et lui tendit son bras. Il hésita une fraction de seconde avant de l'attraper et de se hisser sur ses jambes.
Ils prirent la direction du dortoir, mais à mi-chemin, Matt ralentit avant de s'arrêter net.
-Il sera là ce soir... Je ne sais pas comment je vais réagir.
Lya le regarda avec douceur.
-Premièrement, tu es assez grand pour l'ignorer. Deuxièmement, il ne sera peut-être même pas présent. Juste après votre altercation... sa famille l'a appelé.
Un rictus sarcastique tordit les lèvres du jeune homme.
-Le fils à papa rentre au bercail.
Lya baissa les yeux, le cœur serré par une inquiétude sourde.
-Mais il n'avait pas l'air de vouloir y aller. Matt... J'ai peur pour lui.
Il la fixa un instant, puis détourna la tête.
-Les Angels s'en sortent toujours, Lya.
Ses mots étaient durs, mais dans sa voix vibrait quelque chose d'indéfinissable. Une faille, une hésitation. Un doute.
*****
En rentrant au dortoir, Lya chercha Archi du regard, mais ses affaires étaient intactes, comme si elles n'avaient pas été touchées depuis son départ. Une boule d'angoisse se forma dans son ventre.
Il n'était toujours pas revenu.
Où était-il ? Était-il seulement en sécurité ? Pourtant, elle savait qu'elle ne pouvait rien faire pour l'instant. Alors, avec un soupir résigné, elle se força à se concentrer sur autre chose et se prépara enfin pour le bal.
Dans la chambre des filles, l'agitation régnait. Des rires et des exclamations enthousiastes fusaient tandis que les demoiselles enfilaient leurs robes, toutes plus sublimes les unes que les autres. Le doux parfum des poudres et des crèmes flottait dans l'air, mêlé à l'excitation de la soirée à venir. Amanda, déjà apprêtée, ajustait sa robe devant le miroir. Son élégance naturelle n'avait rien à envier aux nobles dames des grandes familles.
Lya, elle, peinait à boutonner son corset. Son amie s'approcha et l'aida avec délicatesse.
-Il est rentré alors ?, demanda Amanda d'une voix douce en serrant le dernier nœud.
Lya hocha lentement la tête.
-Oui, c'est bon... Mais, prends soin de lui ce soir, s'il te plaît... il en a besoin.
Un sourire tendre étira les lèvres de la brunette.
-Pas de problème, tu peux compter sur moi.
Les deux amies rejoingnirent ensuite le salon, où Matt les attendait déjà. Il s'était préparé en un temps record, troquant son allure négligée contre un costume trois pièces parfaitement taillé. Il était élégant, mais bien sûr, fidèle à lui-même, il n'avait pas pris la peine de dompter sa tignasse ébouriffée.
Lya roula des yeux en voyant l'état de ses cheveux et s'approcha pour arranger le tout.
-Tu aurais pu au moins faire un effort, se moqua-t-elle en lui ébouriffant encore plus la tête avant de lisser quelques mèches rebelles.
Matt rit légèrement et haussa les épaules.
-Merci.
Puis, son regard s'adoucit tandis qu'il l'observait avec attention.
-Au fait..., murmura-t-il. Tu es très belle, une vraie princesse.
Lya rougit légèrement et lui rendit son sourire.
-Merci, toi aussi tu es plutôt pas mal dans ton genre !
Elle s'écarta ensuite pour laisser place à Amanda. Dès que Matt posa les yeux sur sa cavalière, un air théâtral se peignit sur son visage.
-Mais qui êtes-vous ? Qu'avez-vous fait à cette très chère Amanda ?!, s'exclama-t-il, faussement dramatique.
La concernée leva les yeux au ciel en croisant les bras.
-Ne commence pas ! Moi qui allais justement te complimenter...
-Ah oui ? Sur mon physique parfait ou ma personnalité lumineuse ?
Amanda arqua un sourcil malicieux.
-Juste ton goût en matière de vêtements.
Matt éclata de rire et lui tendit son bras avec un sourire joueur.
-Allez viens, avant que tu ne te transformes en citrouille à minuit !
La jeune femme lui donna une légère tape sur l'épaule avant de finalement accepter son invitation. Alors qu'ils se dirigeaient vers la sortie, Amanda se retourna brièvement vers Lya.
-Au fait, Emrys t'attendra directement à la fête. Ne le fais pas trop attendre !, lança-t-elle avant de refermer la porte derrière elle.
Lya resta un instant figée, son cœur battant un peu plus vite à l'évocation du jeune homme. Elle inspira profondément avant qu'une voix douce ne la sorte de ses pensées.
-Ils vont bien ensemble, murmura timidement Émilie, qui l'avait rejointe en silence.
Lya hocha la tête avec un sourire attendri.
-Oui, ils sont faits l'un pour l'autre.
Un appel joyeux résonna depuis l'autre bout de la pièce.
-Viens Lya !, s'exclama Anita en agitant un pinceau. Je vais te maquiller !
Avec un léger rire, Lya s'avança vers elle, tout en gardant une pensée inquiète pour Archi.
Devant le grand miroir encadré de bois noueux, Anita tenait un pinceau encore suspendu entre ses doigts. Ses joues, légèrement rosées, luisaient sous l'effet du maquillage qu'elle venait d'appliquer avec une précision d'orfèvre.
Autour d'elle, c'était un véritable capharnaüm : des flacons entrouverts dégageaient des effluves sucrées, des palettes de fards aux couleurs chatoyantes étaient disséminées sur la coiffeuse, et une multitude de pinceaux, éponges et autres instruments de beauté s'éparpillaient en un désordre artistique. Pourtant, Anita, loin d'être perturbée par ce chaos ambiant, arborait un sourire satisfait, fière de son travail.
-Tu es sûre... ? Je n'ai pas l'habitude de tout ça..., hésita Lya en scrutant son reflet, incertaine.
Anita posa une main rassurante sur son épaule et secoua doucement la tête.
-Fais-moi confiance ! Tu es déjà superbe au naturel, je ne vais que t'apporter une petite touche de lumière.
Nathalie, occupée à parfaire son rouge à lèvres d'un geste précis, leva les yeux au ciel en soupirant. D'un mouvement agacé, elle les contourna et se dirigea vers la sortie.
-Vous m'excuserez, mais Célian m'attend !, lança-t-elle sèchement avant de disparaître dans le couloir.
Lya cligna des yeux, surprise. C'était la première fois depuis des jours que Nathalie lui adressait la parole, même si c'était sur un ton sec.
Elle n'eut pas le temps de s'attarder sur cette pensée qu'Anita reprit la conversation d'un ton léger.
-Ne fais pas attention à elle, elle finira par se détendre. Elle peut être excessive parfois, mais elle a un bon fond.
-De toute façon, il était évident qu'Emrys allait t'inviter, fit remarquer Émilie en lissant sa robe.
Lya haussa un sourcil, perplexe.
-Comment ça, évident ?
Anita lui lança un regard malicieux à travers le miroir.
-Allons, arrête de jouer l'innocente ! Tout le monde a vu la façon dont il te regarde. Il n'a d'yeux que pour toi depuis la rentrée !
Lya sentit une chaleur lui monter aux joues. Elle détourna le regard, mal à l'aise.
-Je crois que vous exagérez..., marmonna-t-elle en tortillant une mèche de ses cheveux.
-Bon, assez de modestie et plus de mascara !, trancha Anita en reprenant son pinceau.
Pour changer de sujet, Lya se tourna vers Émilie et demanda d'un ton curieux :
-Et toi, tu n'y vas avec personne ?
La jeune fille secoua la tête, ses joues prenant une teinte rosée.
-Des garçons m'ont proposé mais... j'ai été trop timide pour dire oui..., avoua-t-elle à voix basse.
Anita, toujours aussi enjouée, posa son instrument sur la table avant de lui adresser un clin d'œil complice.
-Ne t'inquiète pas, avec tous les damoiseaux esseulés qui chercheront une cavalière ce soir, tu seras la reine du bal, crois-moi !
-Tu crois ?, demanda Émilie, entre le scepticisme et l'espoir.
-J'en suis certaine ! D'ailleurs, si tu veux, je peux te prêter mon cavalier. Arthur est un vrai boute-en-train, il met tout le monde à l'aise. Je te le présenterai !
- Oh non, quand même pas..., murmura Émilie, prise de court par la proposition.
Anita éclata de rire avant d'admirer son œuvre.
-Et voilà, c'est terminé !, annonça-t-elle fièrement en s'écartant légèrement.
Lya leva lentement les yeux vers son reflet et fut surprise du résultat. Anita avait su trouver le juste équilibre : un maquillage subtil, mettant simplement en valeur ses traits naturels. Ses yeux étaient soulignés d'un trait délicat d'eyeliner, ses cils rehaussés d'un peu de mascara, et ses lèvres arboraient un rouge à lèvres neutre qui rehaussait leur couleur naturelle.
-Alors, qu'est-ce que tu en penses ?, demanda Anita, seon expression satisfaite.
Lya esquissa un sourire reconnaissant.
-Merci, Ani ! C'est parfait.
- Ce n'est pas difficile quand la base est déjà une œuvre d'art !, répliqua la maquilleuse d'un ton enjoué.
Les trois jeunes filles éclatèrent de rire. L'ambiance légère et complice dissipait peu à peu le stress de la soirée à venir.
-Ça vous dit d'y aller toutes ensemble ?, proposa Lya en se levant.
Les deux autres échangèrent un regard et acceptèrent avec enthousiasme. D'un même mouvement, elles quittèrent la salle de bain, prêtes à affronter la magie de cette nuit tant attendue.
*****
La pluie avait enfin cessé, laissant place à une nuit claire et dégagée. L'air était chargé d'une douce fraîcheur, et les derniers rayons du soleil avaient, depuis un moment, dispararuent derrière les imposantes façades des remparts.
L'excitation était palpable, les murmures enthousiastes des étudiants résonnaient tandis qu'ils approchaient de l'entrée, curieux de découvrir la métamorphose du réfectoire pour l'occasion.
Les jardins, baignés dans une lumière tamisée, offraient un spectacle enchanteur. Des roses blanches, soigneusement disposées, parsemaient chaque recoin, leur parfum délicat flottant dans l'air. De grandes arches fleuries, où s'entremêlaient lierres et rubans de mousseline claire, ornaient les entrées. L'ensemble conférait à l'événement une atmosphère féérique, digne des plus beaux récits romantiques.
Lorsque Lya et ses amies pénétrèrent enfin à l'intérieur, elles furent frappées par la splendeur du lieu. Des centaines de lumières illuminaient le marbre poli du sol et des murs, projetant des reflets scintillants. Les imposantes colonnes étaient drapées de voiles gracieux, flottant légèrement sous l'effet de la brise qui s'infiltrait par les fenêtres ouvertes. Au centre de la pièce, plusieurs couples s'étreignaient déjà sur la piste de danse, se laissant guider par les mélodies envoûtantes d'un orchestre en tenue d'apparat. Tout le monde était habillé avec une élégance rare, formant un tableau digne des plus somptueux contes de fées.
Malgré la magnificence de la scène, Lya avait un seul objectif en tête. Elle balaya la salle du regard, son cœur battant légèrement plus vite. Mais de toute évidence, Archi n'était pas là.
Peut-être qu'il va réellement passer la soirée avec sa famille..., songea-t-elle, une pointe de déception dans la poitrine.
Son moment de réflexion fut interrompu par la voix légèrement tremblante de son cavalier.
-Wouah..., s'étouffa Emrys, visiblement sous le choc. Tu es... je ne pensais pas que tu pouvais être encore plus belle que d'habitude.
Les joues de Lya s'empourprèrent malgré elle. Elle leva enfin les yeux vers son compagnon de la soirée et le découvrit dans un costume trois pièces élégant, parfaitement ajusté à sa silhouette élancée. Le noir profond de sa queue de pie contrastait avec le bleu roi éclatant de sa lavallière, un détail qui attira immédiatement son attention.
-Oui, je sais, reprit-il avec un sourire gêné. C'est peut-être un peu tape-à-l'œil, mais je voulais quelque chose qui rappelle la couleur de tes yeux.
Le geste la toucha sincèrement, la laissant sans voix pendant un instant, bien que la couleur de ses pupilles étaient un sujet sensible.
-Tu détestes, c'est ça ?, lança-t-il en arquant un sourcil, un brin inquiet.
-Non, non !, protesta-t-elle vivement. Au contraire... Tu es vraiment très beau, Emrys.
Un sourire satisfait éclaira son visage.
-Il fallait au moins ça pour être à ta hauteur, déclara-t-il avec assurance.
Lya détourna légèrement le regard, troublée par l'intensité de ses paroles. Elle observa une fois encore la salle, toujours avec cet espoir secret d'apercevoir Archi. Mais il restait introuvable.
-J'ai l'impression d'être dans un des contes de mon enfance, murmura-t-elle presque pour elle-même.
-Eh bien, je vais essayer de faire en sorte que ce soit encore mieux que ça !, s'exclama Emrys avec un enthousiasme contagieux. Tu veux danser ?
La jeune femme hésita, sa nervosité transparaissant dans son regard.
-Hmmm... oui, mais...
-Je mène et tu suis, ça te va ?, proposa-t-il avec douceur, lui tendant la main avec une confiance désarmante.
Après une brève hésitation, Lya posa finalement sa main dans la sienne, prête à se laisser emporter pour la soirée.
J'ai hâte de connaître le dénouement entre Matt et Archi. Bien qu'il soit de la famille Angels, il n'y a rien à voir avec sa famille. C'est un peu comme le mouton autour de loup.
J'espère sincèrement que cela va s'arranger entre eux.
Emrys est tellement mignon avec Lya ! Son envie de lui plaire, ses petites attentions, c'est le romantisme que j'aime.
Par contre, j'espère que le père va s'en mordre les doigts, il est temps que son fils le remette à sa place. Les familles de ce genre, sont vraiment des plaies et des nids à emprise psychologique.
Bon, nous sommes jeudi alors je n'aurais pas à attendre trop pour la suite !
A bientôt ici ou ailleurs.
Les actions vont maintenant commencer à plus s'enchainer comme les bases ont été posées. J'espère que la suite te conviendra.
Encore merci pour tes commentaires qui me font toujours aussi plaisir. J'attends qu'un nouveau chapitre sorte de ton côté pour que je puisse en lire trois d'un coup !
PS : J'adore ta nouvelle image de profil ^^
Ne me remercie pas, ça me fait plaisir de te soutenir dans cette oeuvre. Elle mérite d'avoir son lot d'attention. J'ai hâte de découvrir un peu plus ton univers.
Alors pour mon histoire, comme expliquer, je suis un peu bloquée, j'ai tellement envie d'écrire mais en même temps, me replonger dedans me fait penser à cette personne qui nous a quitté, je ne promets rien mais je vais essayer d'écrire pour ce soir ou demain.
( Merci beaucoup ! Alliés chat, lecture et tarot, tout ce que j'adore :) )
je te donnerais mes exemple personnel par message privé