Chapitre 12 : Histoire de famille

Notes de l’auteur : Bonjour, bonsoir ! ^___^ J'espère que vous allez bien ! Je poste ce soir un autre chapitre, le douzième. C'est une sorte de creux dans l'histoire, un chapitre "routine" (il n'est pas exceptionnellement terrible mais que voulez-vous, il y a des hauts et des bas partout), où Valentin est transpercé à jour. Voilà ! Bonne lecture, et merci encore pour vos gentilles reviews ! xD
PS : par contre, j'aime tout particulièrement l'extra trois. ;-)

Chapitre Douze : Histoire de famille

 

Elle avait bien préparé ses mots. Elle avait défini l’ordre de son discours. D’abord, la Saint-Valentin. Ensuite, son anniversaire. Elle savait qu’il n’apprécierait pas trop de se réveiller en se rendant compte qu’il avait trente ans. Gabrielle observa le jeune homme dormir. Voilà plus d’une heure qu’elle était éveillée et qu’elle attendait qu’il fasse de même. En vain. Elle décida donc de le faire sortir de ses songes, en douceur, bien entendu (elle ne se sentait pas d’humeur à supporter ses râlements).

 

- Valentin…murmura-t-elle en caressant sa joue.

 

Il grogna et lui tourna le dos. Réaction typique d’un réveil.

 

- Bonne fête mon chéri !

 

Elle se trouvait affreusement ridicule, mais elle savait aussi qu’il aimait ce genre d’attention. Il ouvrit enfin ses yeux, lentement.

 

- On est quel jour ? marmonna-t-il en s’étirant.

- Le 14 février.

- Oh cool, c’est la Saint-Valentin…

 

Le jeune homme eut deux secondes de réflexion, avant de se redresser comme un ressort.

 

- Putain ! J’ai trente ans ! Non ! Non ! Je nage en plein délire ! Oh rage, oh potage, oh malheur !

- Voyons Valentin, il ne faut pas vous mettre dans ces états. Joyeux anniversaire, au fait.

- Vous ne vous rendez pas compte ! Dans dix ans, j’aurai accompli la moitié de ma vie.

- Et alors ? répliqua Gabrielle, en se glissant hors du lit. Quand arrêterez-vous de vous focaliser sur des nombres idiots ? Si vous continuez à avoir ce genre de pensées, vous n’allez pas pouvoir profiter de la vie. Et ça, ça serait beaucoup plus regrettable que d’avoir trente ans.

- Je sais, mais c’est plus fort que moi. Ça fait déjà plus de six mois que ma mère est morte, et croyez-moi, c’est pas facile.

- Je comprends.

 

Elle ouvrit l’armoire et se hissa sur la pointe des pieds pour récupérer les deux cadeaux qu’elle avait soigneusement cachés. Dès qu’elle les eut en main, elle les tendit à Valentin. Le plus gros paquet contenait une veste noire, longue et en velours. C’était une veste qu’il réclamait depuis longtemps, et il était bien content de l’avoir enfin.

 

- Comme ça, commenta le jeune homme en reniflant, je serai bien au chaud dans mon petit manteau.

 

Car, manque de chance pour lui, pour ses trente ans, Valentin était enrhumé. Après s’être mouché bruyamment, il ouvrit son second cadeau, impatient. C’était un sac en cuir.

 

- Le tien, il est dépassé, expliqua Gabrielle.

- Comment ça, il est dépassé ? s’enquit-il, vexé.

- Il est tout usé.

- C’est pas vrai !

- Bon, si mon cadeau ne vous plait pas, je peux le reprendre si vous le voulez !

- Mais non, ça me fait très plaisir ! En plus, il est assorti avec ma nouvelle veste.

- Je suis rassurée…

 

Valentin lui sourit de toutes ses dents, et lui fit signe de s’approcher. Elle s’exécuta aussitôt.

 

- ‘Zou, réclama-t-il.

- Je vous demande pardon ? s’étonna Gabrielle.

- ‘Zou.

- Val’, si tu veux que je te comprenne, articule !

- Bi-sou.

- Ah. Non. Votre rhume…vous allez me le refiler !

 

Mais le jeune homme ne l’écouta pas, et la fit tomber sur lui pour l’embrasser.

 

- Vous êtes incroyable…soupira-t-elle.

- C’était pour vous dire merci. D’ailleurs, reprit-il, gêné, j’aimerais vous demander si ça ne vous dérangeait pas que je vous souhaite votre Saint-Valentin plus tard. Dans quelques mois…

- Mais non, ça ne me dérange pas, s’empressa de dire Gabrielle.

 

Elle était surtout très étonnée. Il n’était pas du genre à retarder une fête comme celle-là.

 

- Non, parce que tu comprends, j’aimerai un peu attendre avant de t’offrir mon cadeau, donc, tu l’auras un peu plus tard. De toute façon, ça ne change rien au fait que je t’amène quand même au resto ce soir !

- Bien sûr. Il n’y a pas de problème.

- Et j’aimerai aussi te demander une faveur…

- Vas-y.

 

Il se tut, sans en dire davantage. La jeune femme remarqua qu’il se tordait les mains, ce qui montrait clairement qu’il était intimidé et stressé.

 

- Tu sais…continua Valentin, la voix tremblante.

- Oui ? encouragea Gabrielle.

- Ton grain de beauté, lâcha-t-il tout d’un coup. J’aimerais que tu te le fasses enlever.

- D’accord, fit-elle après un silence.

 

Elle ne comprenait absolument pas pourquoi il voulait qu’elle fasse cela, mais elle ne voulait pas le lui refuser. Elle avait le sentiment que ça lui tenait à cœur.

 

- Parce que tu vois, expliqua-t-il, de plus en plus gêné, il y’a des grains de beauté qui…qui peuvent être cancéreux. Et je n’aimerai pas du tout que ça t’arrive.

- Valentin, je connais le risque, mais je l’ai toujours fait surveiller.

- Oui, je sais, mais je ne veux pas te perdre aussi. Je veux être rassuré.

- D’accord, répéta-t-elle.

 

Le jeune homme soupira, soulagé. Gabrielle lui sourit franchement et le serra contre elle. Il en profita pour enfouir sa tête au creux de sa poitrine. Ils restèrent dans cette position pendant plusieurs minutes.

 

- Dis…murmura soudainement Valentin.

- Quoi ?

- Je t’aime.

 

 

 

 

La vie continuait au quai des Orfèvres. Toujours. Au 36, près de 200 000 personnes se succédaient chaque mois pour des raisons diverses. Pour certains, y entrer sans menottes et en ressortir libre était déjà une grande satisfaction. Pourtant, Valentin et Gabrielle ne semblaient pas s’en apercevoir. Peut-être parce qu’ils avaient quelques pouvoirs et une certaine responsabilité à l’intérieur.

 

Un matin, alors qu’ils ne s’y attendaient pas, le chef de la Brigade Criminelle vint leur rendre une petite visite dans leur bureau.

 

- Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Baudot est parti à la retraite, et j’ai décidé que de Caumont prendrait la relève de son groupe. Mademoiselle, préparez vos affaires, vous changez de bureau.

- Hein ?! s’écrièrent Valentin et Gabrielle.

- Pas de négociation possible.

 

Valentin ouvrit grand la bouche, et laissa échapper un « Malheur ! », avant de se ressaisir et de sourire de toutes ses dents à son supérieur.

 

- Juste une question, reprit-il. Pourquoi ?

- Je viens de vous le dire. Votre collègue remplace un officier à la retraite…

- Mais pourquoi pas un autre ? Enfin, je veux dire, on n’a rien fait de mal pour être séparé comme ça !

- Non, répondit le commissaire divisionnaire, mais c’est comme ça et pas autrement.

 

 

 

 

Quand l’un des brigadiers entra dans le bureau que partageaient Corentin et Anthony avec d’autres flics, il explosa comme une bombe atomique.

 

- Berthier ! Cavelier ! Nexon ! Perrin ! Ricard ! Venez ici, tout de suite !

 

Les cinq gardiens de la paix accoururent, inquiets.

 

- C’est quoi tout ce bordel ?! On ne retrouverait même pas une grand-mère là-dedans !

- Du bordel ? s’étonna faussement Anthony. Où tu vois du bordel, toi ?

- Nulle part, répliqua Corentin, l’air comme si de rien n’était.

- Allez ! hurla le brigadier. Rangez-moi ça ! Je ne veux plus rien qui traîne !

- Oui chef, répondirent mollement cinq voix.

 

Leur bureau était, en effet, dans un état pitoyable. Des tonnes de feuilles et de photocopies traînaient sur le sol, tout comme des vêtements, des sachets plastiques, des stylos et des pochettes cartonnées. Sur une petite commode trônait la cafetière. Quant aux tasses qui allaient avec, elles étaient cachées on ne sait où dans la pièce, peut-être sous des feuilles, par terre ou à côté d’un ordinateur. Un bureau type du 36, quai des Orfèvres.

 

- Si ma femme voyait ça, je crois qu’elle divorcerait sur-le-champ, commenta Berthier.

- Ça peut se comprendre, fit l’ex-élève. Moi, je recevrais deux ou trois claques de ma mère. Et privé de dessert pendant six mois. Et de sortie. Et de Sophie.

- Putain, râla Perrin, qui venait de trouver quelque chose dans un tas de sachets plastiques, y’a vraiment de tout et de rien ici ! Je viens de trouver quatre bouteilles d’eau vides !

- Ça se trouve, on va trouver une bouteille de pastis, n’est-ce pas Ricard ?

- Ta gueule Anthony.

 

Les cinq flics éclatèrent de rire, même le pauvre Ricard, qui n’avait jamais choisi son nom de famille. Ils essayèrent de ranger tant bien que mal leur bureau, mais le gros problème, c’était qu’ils ne trouvaient aucune place pour mettre leurs feuilles, stylos, et autres fournitures. Puis, sans prévenir, le lieutenant Valentin Levesque fit interruption dans la pièce, et ne vit malheureusement pas les bouteilles d’eau vides sur le sol. Il marcha dessus et trébucha. Il se rattrapa au bureau de Nexon, ce qui lui évita de s’aplatir par terre.

 

- Bordel de merde ! rugit-il. Qui a foutu ces putains de bouteilles là ?! Hein ?! Qui ?! Vous voulez ma mort ou quoi ?! Malheur à moi !

- Euh…fit Anthony, embarrassé.

 

C’était lui qui avait posé les bouteilles dans le coin, pour ne pas qu’elles ne les gênent dans leur rangement. Mais ça, plutôt démissionner de son poste que de l’avouer à l’officier. Anthony n’était pas fou ; il tenait à sa vie.

 

- Bon, je ferme les yeux…pour cette fois. Berthier, faut que je te parle. C’est hyper important.

 

Le gardien de la paix hocha la tête et Valentin l’entraîna dans son propre bureau, que Gabrielle avait déjà commencé à vider.

 

- Qu’est-ce qui se passe ? s’inquiéta-t-il, en refermant la porte derrière lui.

- Gabrielle et moi sommes séparés.

- Hein ?!

- T’as bien entendu. Elle part diriger l’ancien groupe Baudot.

- Non ?!

- Si.

- Mais comment ça se fait ?

- Franchement, je n’en sais rien du tout. Oh malheur ! Qu’est-ce que je vais faire sans ma petite Gabrielle ?!

- Pourtant, il n’y a personne qui est courant que vous…

- Non, personne, et je pense qu’on est assez discret quand même.

- Ça dépend pour quoi…taquina Berthier.

- Qu’est-ce que tu sous-entends là ?

- Rien du tout, mais disons que la dernière fois, tu as fermé la porte de votre bureau à clé, et je me suis sérieusement posé des questions…

- Euh…c’était pour qu’on nous fiche la paix !

- Bien entendu…

- Mais tu te rends compte ? Séparé d’elle ?! Je vais être insupportable !

- Ça va Val’ ! N’en fais pas un flan ! Elle reste à la Brigade Criminelle, au même étage… Vous pourrez même vous croiser dans les couloirs ! Tu vas pouvoir survivre, non ? ironisa Berthier, avec un sourire moqueur.

 

 

 

 

- Je ne veux pas ! Je ne veux pas ! Ils me détestent, Valentin ! Ces hommes sont de vraies ordures ! Vous avez bien entendu ce qu’ils ont dit sur moi il y’a un an ? Ils ne peuvent pas me voir en peinture !

- Arrêtez de vous tracasser pour rien. C’est vous qui les commandez, et s’ils ne sont pas contents, c’est pareil !

 

Le grand jour était arrivé. Celui où Valentin et Gabrielle étaient séparés pour la première fois de leurs vies. La jeune femme appréhendait beaucoup son nouveau poste, d’autant plus que les hommes qu’elle dirigeait à présent n’avaient jamais fait trop d’éloges sur elle.

 

- Et puis, entre nous, vous êtes plus épanouie que jamais. Vous verrez, ça ira tout seul. Les gens vont voir que vous avez beaucoup changé.

 

Ils entrèrent dans la cour du Quai des Orfèvres, puis dans le bâtiment, où ils prirent la direction de l’interminable escalier menant à la Brigade Criminelle. Une fois sur le palier, les deux flics se regardèrent longtemps. L’un devait aller à gauche, l’autre à droite.

 

- Je t’accompagne, décida Valentin.

- J’ai peur.

- Mais non, t’inquiètes pas.

 

Ils s’engouffrèrent dans le couloir mal éclairé, mais ils s’arrêtèrent en milieu de chemin lorsque le son de chaussures à talons parvint à leurs oreilles. Ils reconnurent immédiatement la démarche de Martine Monteil.

 

- Et bien ? s’étonna la Directrice, dès qu’elle vit le couple. Valentin, votre bureau n’est-il pas de l’autre côté ?

- Si…mais j’accompagnais ma collègue jusqu’au sien. Elle redoute un peu.

- C’est normal, je comprends. Mais après, au boulot. Clair ?

 

Le jeune homme hocha la tête, et elle repartit dans la direction inverse. Les deux officiers continuèrent eux aussi leur chemin, jusqu’à une porte où il était collé une plaque neuve avec écrit « Groupe de Caumont ». Dès qu’ils firent leur entrée dans le bureau, cinq têtes levèrent le nez de leurs occupations pour les observer.

 

- Bonjour, murmura Gabrielle, le regard fuyant.

- Alors, je vous préviens, menaça Valentin, malheur au premier qui l’emmerde ! Celui-là, il apprendra à mieux me connaître ! C’est bien compris ?

 

Cinq hochements plus tard, l’officier partit. La jeune femme hésita à parler, puis finalement, elle se tue. Elle s’assit à son nouveau bureau, en faisant mine de prendre connaissance de l’affaire actuelle. Des tonnes de questions se bousculaient dans sa tête. Comment se rapprocher de ses hommes ? Comment améliorer la performance du groupe, si elle ne s’entendait pas avec ? Comment oublier les paroles blessantes qu’ils avaient prononcées auparavant ? Comment détendre l’atmosphère ? Et si l’intervention de Valentin la faisait encore plus détester des autres ?

 

Il y avait un silence pesant, déstabilisant. Gabrielle avait l’impression de revivre les premiers mois de collaboration avec Valentin. À la différence, l’officier n’avait jamais été fermé à la communication. Elle était consciente qu’elle avait beaucoup changé depuis qu’elle connaissait le jeune homme, mais à cet instant, elle avait la désagréable sensation de redevenir une femme au tempérament glaciale et supérieure.

 

- Quelqu’un peut m’expliquer ? demanda-t-elle, la gorge sèche.

 

Ils la regardèrent tous comme si c’était un fantôme.

 

- Quelqu’un peut m’expliquer sur quoi vous êtes en ce moment ? répéta-t-elle, de plus en plus sévère.

- Un incendie probablement criminel, répondit un flic.

- Des pistes ?

- Disons que pour le moment, nous sommes en train de contacter des ingénieurs pour…

- Est-ce que vous avez des pistes ?! s’écria Gabrielle. Putain, mais il faut vous répéter les questions combien de fois ?!

 

Elle se rendit compte aussi que Valentin avait déteint sur elle. Elle s’emportait plus facilement, et son langage était un peu plus brut.

 

- Pas encore, répondit un homme beaucoup plus âgé qu’elle et qui s’appelait Germain. Nous ne sommes sur cette affaire que depuis deux jours.

- Et en deux jours, vous n’avez rien trouvé ?! Lamentable.

 

La jeune femme allait encore les sermonner, mais son téléphone personnel sonna, à son plus grand étonnement. Et pour accroître davantage sa stupéfaction, c’était Valentin à l’autre bout du fil (ou de l’autre côté du couloir). En l’entendant, Gabrielle ne put s’empêcher d’éclater de rire et oublia bien vite sa mauvaise humeur.

 

- T’es pas croyable ! Tu m’appelles déjà ?!

- Et bah écoute, on se refait pas ! Ça se passe bien ?

- Plus ou moins.

- Tu veux que je vienne ?

- Non, ça ira.

 

Les cinq flics écoutaient discrètement l’officier parler au téléphone. Ils ne savaient pas que Valentin était l’interlocuteur, mais ils n’en revenaient pas de découvrir une Gabrielle si différente, si agréable et souriante.

 

- T’as du boulot ?

- Ouais, un incendie criminel dans le vingtième.

- Okay, bon, je vais te laisser bosser alors. Le bureau est bizarre sans toi. Je suis tout seul.

- Pas normal.

- Comment ça ?

- Rien… Dis-moi, ce soir, tu rentres chez toi ?

- Ouais.

- D’accord, je serai là, alors.

 

Ses hommes l’entendirent dire « moi aussi » avant de raccrocher. Ils restèrent perplexes. À quelle phrase Gabrielle pouvait-elle répondre « moi aussi » ?

 

- Allez ! On bouge ! s’écria-t-elle joyeusement en se levant de son bureau.

- Hein ? s’étonnèrent les cinq flics.

- On va sur le terrain.

- Mais, on n’a pas terminé nos recherches…

- J’ai dit qu’on bouge ! Et plus vite que ça !

 

 

 

 

Gabrielle, lunettes de soleil sur le nez et mains sur les hanches, avait le visage tourné vers le ciel. La façade de l’immeuble qui avait brûlé était noir charbon, ce qui était toujours surprenant à voir. Il était situé dans une rue très étroite, où jouaient du matin au soir des enfants d’immigrés. C’était, en plus, un quartier très mal fréquenté où il ne fallait pas s’attarder dans les ruelles.

 

- Y’a encore une p’tite odeur de cramé…remarqua un flic.

- Est-ce qu’il y’a eu des victimes ? s’informa la jeune femme.

- Non. L’alerte a été donnée assez tôt, et ils ont pu quitter le bâtiment just in time par les escaliers de secours. Maintenant, ils sont dans un foyer d’accueil en attendant de retrouver un logement. Je suppose que vous savez que ces immeubles ne sont pas sûrs du tout, parfois sans chauffage ni électricité. Ce sont généralement des familles réfugiées, où ils sont parfois entassés à six ou sept dans une pièce.

- Les origines ?

- En majorité, africaine. Du Nord comme du Sud.

- Qu’en pensent les scientifiques ?

- Bidon d’essence renversé dans la cage d’escalier en pleine nuit. C’est absolument volontaire, donc, criminel. On n’a pas d’autres traces.

- C’est sûrement un acte raciste, conclut Gabrielle. Bon, on va s’organiser de la façon suivante. Vous deux, vous vous rendez dans ce foyer d’accueil et vous interrogez les victimes. Je veux des témoignages. Les autres, vous me suivez, nous allons commencer une enquête de voisinage. Je veux qu’à la fin de la journée, on ait avancé, c’est clair ?

 

 

 

 

L’enquête de voisinage n’avait pas été très concluante, et le groupe de Gabrielle n’obtint que quelques témoignages très flous. Tout le monde dormait la nuit. Pourquoi faire comme si ce n’était pas le cas ?

 

- On repart au 36, décida-t-elle.

 

Au même moment, une femme qui descendait le long de la ruelle posa son regard sur elle et prit aussitôt un air hargneux.

 

- On n’en voit pas souvent des belles dames riches se promener par ici…

 

L’officier fronça les sourcils pour tenter de dissimuler sa honte.

 

- La belle dame travaille pour gagner sa vie, répliqua Germain. Et elle fait un métier où peu de femmes osent s’aventurer.

 

La femme allait répliquer, mais Gabrielle la coupa.

 

- Ça suffit. Madame, si vous savez quelque chose sur cet incendie, c’est maintenant qu’il faut parler.

- J’n’ai rien à dire.

- Dans ce cas, continuez votre route et laissez-nous travailler.

 

Elle se tourna vers ses hommes, et leur fit signe de la suivre.

 

- Allez, on rentre, fit-elle tristement.

- Oh, il ne faut pas vous prendre la tête avec ça !

- C’est vrai, ça, ces gens ne vous connaissent même pas !

- Vous voyez que dans ce milieu où ils vivent, tout ce qui porte des chaussures, des vêtements habillés, et qui sentent le propre, c’est forcément du luxe pour eux !

- Faut pas se fier aux apparences, vous savez !

- Ça vous va bien de dire ça, ironisa Gabrielle. À un moment, vous ne valiez pas mieux que les autres ! Enfin, il vaut mieux que je m’arrête là sinon je vais péter un câble.

 

Les trois flics se regardèrent, stupéfaits. Voyant que la jeune femme était déjà loin, ils se hâtèrent de la suivre sans poser de questions. Le chemin du retour fut assez silencieusement. Personne dans la voiture ne parlait, jusqu’au moment où le téléphone portable du flic qui conduisait sonna. Il voulut répondre, mais Gabrielle ne l’entendait pas de cette oreille.

 

- Je vous interdis de conduire tout en téléphonant.

- Mais…

- C’est sa femme !

- Et alors ?! Pas une raison pour nous tuer non plus ! Jérôme, vous n’avez qu’à vous arrêtez ici, et répondre, conseilla-t-elle en prenant soudainement un air doucereux.

 

Maintenant qu’elle sortait avec Valentin, elle comprenait absolument l’envie de dialoguer avec son conjoint. Un an auparavant, si la même situation s’était déroulée, elle aurait refusé catégoriquement que Jérôme parle avec son épouse au téléphone.

 

- Alors ? s’écria le flic, dès qu’il eut décroché. C’est quoi ? Non ?! Bah si, je suis très content, tu parles !

 

Il raccrocha peu de temps après ; il ne voulait pas abuser de la générosité de sa supérieure.

 

- Alors, c’est quoi ? demanda un flic, impatient.

- Une fille !

- Au top !

- Votre femme est enceinte ? s’étonna Gabrielle.

- Oui, de presque quatre mois. Aujourd’hui, elle passait la seconde échographie.

- Et ne vous ne l’avez pas accompagnée ?!

 

Les flics regardèrent la jeune femme, surpris. Elle qui n’avait jamais voulu que l’un d’entre eux manque à l’appel, s’étonnait maintenant que Jérôme n’ait pas accompagné sa femme à l’échographie de leur futur enfant. Gabrielle n’était vraiment plus ce qu’elle était avant.

 

- Mais voyons, ça devait être très important pour votre épouse que vous l’accompagniez ! Ce genre d’évènements n’arrive pas tous les jours !

- Mais, et le boulot alors ?

- Le boulot passe après la famille. Voyons, si vous m’en aviez parlée plus tôt, je vous aurais accordé votre journée ! Ce que les hommes peuvent être cons parfois !

 

Sa remarque fit sourire ses hommes, qui se sentaient de plus en plus à l’aise avec elle.

 

- Vous avez des enfants, vous ? demanda l’un, curieux.

- S’il vous plaît, tutoyez-moi. Et non, je n’en ai pas.

- Et tu comptes en avoir ?

- Peut-être, je ne sais pas. Sûrement, oui.

- Mais t’as un copain ?

 

Gabrielle hésita à répondre, puis hocha finalement la tête.

 

- Oh ! s’exclamèrent-ils tous en cœur.

- Tu ne nous l’avais pas dit !

- Petite cachottière !

- Non mais voyez-vous ça !

- Bon, ça va, pas besoin de pousser Mémé dans les orties ! s’irrita la jeune femme.

 

Ils l’observèrent longtemps, sans un mot, pour enfin éclater de rire. Très vite, elle les imita. Elle avait vraiment changé.

 

 

 

 

Le soir, chez Valentin. Celui-ci avait écouté attentivement Gabrielle raconter sa journée.

 

- Non, mais je rêve ! À moi, vous m’avez hurlé dessus, vous m’avez giflé, vous m’avez humilié en public, et tout, et tout ! Et avec eux, vous êtes gentille, vous êtes marrante, vous les libérez plus tôt que prévu et vous vous faites adorer malgré votre horrible caractère ! C’est vraiment injuste ! Moi, j’ai dû faire beaucoup d’efforts pour que vous m’appréciez un peu, et à eux, vous…

- Suffit, Valentin.

- Non, mais c’est vrai ! Dans l’histoire, c’est moi qui subis tout ! Et franchement, je ne comprends pas pourquoi vous êtes si gentille avec eux, alors qu’ils vous ont cassé par derrière ! Franchement, c’est vraiment…

- Stop !

- Puisque c’est comme ça, je boude !

 

Il ne fit pas la tête très longtemps. Gabrielle savait se faire pardonner rapidement.

 

- Vous n’êtes vraiment pas croyable, soupira-t-elle alors qu’il se blottissait contre elle.

- Je sais. Je suis unique comme personne. Mais bon, c’est ce qui fait mon charme, non ?

- Laissez-moi méditer.

- Hey ! La réponse coule de source !

- Vraiment ?

- Malheur ! Qu’ai-je fait pour avoir une femme qui ne reconnaît même pas mes grandes qualités ?

- Bon ça va Valentinou, pas la peine d’en faire un flan, ça risquerait d’allonger ta liste de défauts.

- Et dernière chose : arrête de m’appeler Valentinou. Tu sais que ça peut être une cause de divorce ça ?

 

 

 

 

Valentin prenait peu à peu l’habitude de ne plus travailler avec la jeune femme. Au début, il lui téléphonait souvent, et les hommes de Gabrielle ne comprenaient pas pourquoi il venait sans cesse dans leur bureau. Il prétextait des renseignements, et puis finalement, il leur avait expliqué qu’il était son chaperon. Ce jour-là, elle portait un chandail décolleté et tous sans exception y avaient perdu leurs regards.

 

- Regardez ailleurs ! s’était écrié Valentin, énervé et pourtant impuissant. Et vous, qu’est-ce qui vous prend de porter des trucs comme ça, hein ?!

 

Plus tard, les hommes de Gabrielle s’étaient habitués à le voir régulièrement et à la surveiller comme il le pouvait.

 

- Dis Val’, t’es quand même bien informé sur sa vie privée ! lui firent-ils remarquer un jour.

- Ouais, et je sais même son petit surnom.

- Ah ouais, et c’est quoi ?

- Ah non, je vous en prie ! avait supplié Gabrielle.

- Pitchounette.

 

Ils avaient beaucoup rigolé, sans pour autant se moquer d’elle. Quand l’officier était parti, ils s’étaient tournés vers la jeune femme, étonnés.

 

- Il le prononce bien quand même Valentin.

- C’est normal, avait-elle répondu. Pitchoun est un mot d’origine niçoise, et il se trouve que Valentin est Niçois.

 

Elle s’était rendue compte juste après, qu’elle venait de dévoiler presque tous les indices permettant de découvrir sa relation avec le jeune homme. Pourtant, à son plus grand soulagement, les flics, même travaillant à la Brigade Criminelle et réputés pour leurs flairs, n’avaient rien relevé et avaient replongé le nez dans leur enquête.

 

 

 

Un matin, au 36, quai des Orfèvres. Gabrielle discutait avec deux de ses hommes au rez-de-chaussée.

 

- Tu sais Gabrielle, ça fait vraiment bizarre de te voir comme ça, mais en même temps, c’est assez chouette. Tu sembles plus épanouie.

- Vraiment ?

- Bien sûr.

- C’est d’ailleurs pour cela, reprit le second flic, que je voulais te demander si tu accepterais de délaisser ton mec pour une soirée avec moi.

- Non, désolée.

- Il est si jaloux que ça ?

- Tu ne peux pas savoir à quel point.

- On peut le comprendre.

 

La jeune femme rougit de plaisir. Depuis qu’elle s’entendait mieux avec ses hommes, ceux-ci cherchaient plus à la connaître au point de vouloir sortir avec elle. Elle allait sans doute répliquer, mais un visiteur l’interrompit.

 

- Excusez-moi Madame…

- Mademoiselle, répliqua-t-elle sèchement.

- Euh…Est-ce que je peux voir Monsieur Levesque ?

 

Alors qu’elle l’observait, elle avait l’impression d’être face au visage familier d’une personne qu’elle n’avait pourtant jamais rencontré. C’était un jeune homme brun, avec des airs un peu bourgeois. Cependant, quelques traits de son visage lui rappelaient ceux de Valentin, et au final, ce visiteur avait des yeux noir charbon.

 

- Valentin ? s’étonna-t-elle. Je suis désolée Monsieur, il travaille sur une affaire assez sérieuse en ce moment, et…

- Je vous en prie, c’est vraiment très important.

 

Elle céda et lui fit signe de la suivre. Elle conduisit jusqu’à l’escalier menant à la Brigade Criminelle, et dès lors qu’elle eut monté la première marche, il rouspéta.

 

- Quoi ? Il faut que je monte tout ça ?

- Oui, pourquoi ? Ça vous pose problème ?

- J’ignore absolument le nombre de marches qu’il y’a, mais…

- 148. Mais peut-être que Monsieur ne peut pas faire comme tout le monde ? Il faut peut-être un ascenseur à Monsieur ?

 

Gabrielle n’aimait pas les gens qui se croyaient au-dessus de tout.

 

- Vous n’en avez pas ? s’étonna-t-il.

- Et bien, non, nous n’en avons pas. Et si vous êtes trop feignant pour monter quelques marches, alors vous pouvez prendre la sortie, qui est de l’autre côté.

- Vous êtes flic ?

- Et dans une vie antérieure, j’ai été pape.

- J’aurai dû m’en douter. Les flics ont toujours un sale caractère.

 

Bien résolu à rencontrer Valentin Levesque, le jeune homme la devança et commença à monter les escaliers tout en soufflant. La jeune femme le suivait et l’écoutait se plaindre des locaux de la police judiciaire.

 

- Vraiment, que c’est sale ! Vous avez des femmes de ménage ici ? Je me demande vraiment comment vous faites pour travailler dans ces conditions ! Seigneur, regardez-moi ces murs !

 

Gabrielle cachait sa fureur. Elle n’appréciait pas les critiques que l’on pouvait faire aux locaux du quai des Orfèvres. Il était vrai que les murs étaient vieux et délabrés (le bâtiment avait été construit en 1891) mais elle aimait travailler dans cet endroit qui lui tenait beaucoup à cœur.

 

- On nous promet des rénovations depuis des années, expliqua-t-elle finalement, mais on s’y sent vraiment bien. C’est comme une seconde maison.

 

Il ne l’écoutait pas. Dès qu’il arriva sur le palier du troisième étage, il se tourna vers elle.

 

- C’est où ? demanda-t-il.

- Suivez-moi.

 

Elle le conduisit à travers un couloir où certaines portes étaient ouvertes. Son visiteur pouvait entendre certains flics discuter entre eux. Il regardait aussi les photos des policiers morts en service et du Président de la République accrochées au mur. Gabrielle s’arrêta soudainement devant une porte en bois clair. Elle toqua et dès qu’elle eut une réponse positive, elle entra dans le bureau de Valentin. L’officier travaillait tranquillement, mais dès qu’il vit le jeune homme pénétrer dans la pièce, il s’irrita au plus haut point.

 

- Cet homme voulait vous voir, et…expliqua sa collègue.

- Putain ! Qu’est-ce qu’il fout là lui ! Hors de ma vue !

 

Il se leva et agrippa son visiteur par le col.

 

- Mais Valentin, tu ne me reconnais pas ?

- Oh si, je te reconnais, et c’est pour ça que je ne veux déjà plus voir ta tronche de cake !

 

L’officier le poussa hors de son bureau, et appela le chef de la sécurité.

 

- Albert ! Tu me jettes ce détritus tout de suite ! Je ne veux plus qu’il mette un pied dans cette baraque !

 

Sur ces paroles brusques, Valentin tourna les talons et s’enferma dans son bureau. Gabrielle décida de le suivre, curieuse d’en savoir plus sur l’origine de sa colère.

 

- Et bien alors ? Qu’est-ce que vous me faites ?

- Pourquoi vous l’avez amené ici ? demanda le jeune homme, toujours énervé.

- Au départ, je ne voulais pas, mais il a insisté.

- Je ne veux plus le voir dans le coin, d’accord ?

 

Gabrielle hocha la tête. Elle s’approcha de Valentin pour lui ébouriffer tendrement les cheveux.

 

- Qui c’était ? chuchota-t-elle à son oreille.

- Personne.

- Vraiment ? Il te ressemblait.

- Je ne ressemble pas à ce salaud ! hurla l’officier, qui avait perdu tout son calme.

- D’accord, d’accord, tu ne lui ressembles pas. C’était personne.

- Exact. Je t’en prie Gabrielle, embrasse-moi et retourne travailler.

- À vos ordres chef !

 

 

 

 

Plus tard, dans les locaux de la Crim’, Valentin essayait de faire le point avec Gabrielle sur l’affaire qu’elle menait. Depuis qu’ils avaient été séparés, le jeune homme travaillait de plus en plus en étroite collaboration avec le patron de la brigade. Il était présent sur tous les lieux et prenait de l’importance. Sa collègue pensait que ses supérieurs essayaient de le ménager dans la perspective de lui donner un poste plus haut placé. Quand elle lui en avait parlé, il lui avait pourtant affirmé que personne n’avait évoqué devant lui son évolution de carrière.

 

- Bon, pour revenir à votre incendie, reprit Valentin, vous avez des suspects ?

 

Gabrielle ne l’écoutait quasiment pas. Elle regardait par la fenêtre. Ses yeux étaient rivés sur la cour du Quai des Orfèvres où une fourgonnette de la B.R.I. était stationnée. La personne arrêtée avait été surprise sous la douche et les flics n’avaient éprouvé aucune pitié. Ils ne l’avaient pas laissé s’habiller. Il ne portait qu’une serviette de bain, qui était en train de se détacher doucement. La jeune femme pouffa de rire.

 

- Gabrielle ? Tu m’écoutes ?

- Hein ? Oui, oui…

- Qu’est-ce que tu regardais ?

 

Il s’approcha de la fenêtre, l’air curieux. Lorsqu’il détourna son visage vers elle, elle se rendit compte qu’il ne riait pas et il semblait blessé. Il lui fit volte-face et la laissa seule dans le couloir, sans un mot. Il partit s’enfermer dans son bureau.

 

- Mais Valentin ! appela la jeune femme, en le suivant. Qu’est-ce que vous me faites là ?

- Rien du tout, grogna-t-il en se laissant tomber sur son fauteuil en cuir.

- Tu sembles fatigué. Tu n’as pas de fièvre au moins ? s’enquit-elle en posant la main sur son front.

- Pas du tout. Je suis seulement fatigué de voir comment vous regardez les hommes et comment les hommes vous regardent. Franchement, ça me fatigue, et ça m’énerve. Et j’ai envie de tous les taquer.

- Je n’ai absolument rien fait !

- Non, tu n’as rien fait du tout, tu matais seulement un mec presque à poil !

- Je ne le matais pas ! Je trouvais simplement amusant que la B.R.I. arrête ces hommes toujours quand ils sont sous la douche ! C’est pas la première fois ! Et en plus, il n’est pas terrible ! Franchement, vous valez cent fois mieux qu’un malfaiteur ou un quelconque bandit, alors pourquoi vous en faire autant ? Vous ne me faites pas confiance ?

- C’est à eux que je ne fais pas confiance. Toi, tu ne vois pas les choses arriver.

- Si !

 - Non, la preuve, tu crois que je ne suis pas au courant qu’un de tes hommes t’ait demandé un rendez-vous ?

- J’ai refusé.

- Peut-être mais quand même. Bon, stop, va travailler, j’en peux plus là.

 

Gabrielle s’exécuta. Au moment où elle franchit la porte, l’officier la rappela.

 

- Dis, le mec qui est venu ce matin, il t’a dragué ?

- Non.

- Bon, ça va alors. Tu peux y aller.

 

 

 

Quand Gabrielle rentra chez Valentin, le soir, elle fut surprise de découvrir l’appartement dans le noir. Il avait baissé tous les rideaux. Elle ne le trouva pas dans le salon, alors elle tendit l’oreille. Le son de l’eau jaillissante dans la salle de bain parvint jusqu’à elle. Le jeune homme était sous la douche. Après une minute de réflexion, elle décida de le rejoindre.

 

Il ne l’avait pas vue venir. Dès que leurs peaux se frôlèrent, il tressaillit et se retourna pour faire face à Gabrielle.

 

- Ça ne va toujours pas ? demanda-t-elle doucement en le serrant contre elle.

 

Valentin secoua la tête.

 

- Je suis un peu bouleversé en ce moment…ça passera, t’inquiètes pas.

- Vous ne voulez toujours pas m’en parler ?

- C’est rien.

 

Ils passèrent en tout et pour tout une demi-heure sous la douche. Quand ils en sortirent, le jeune homme se posta devant le miroir pour s’observer.

 

- Dis Gabrielle, qu’est-ce que tu me trouves ? Parce que, quand on regarde bien, je ne suis pas vraiment pas terrible comme mec.

- Valentin, ça va ?

 

Elle n’en revenait pas. Lui qui avait toujours été très sûr de lui dans tous les domaines, semblait maintenant complexé par son physique, alors qu’il n’y avait rien à redire.

 

- Bah quoi ? Je ne comprends pas trop ce qui t’attires chez moi. Tu mérites mieux, non ?

- Sérieusement, je pense que je suis très gâtée, fit-elle, bien que surprise.

 

Alors qu’il continuait à se scruter minutieusement, Gabrielle avait posé sa tête sur son épaule.

 

- Qu’est-ce qui t’arrive ? demanda-t-elle dans un murmure.

- Rien. Je me pose juste des questions.

- Inutile.

- Non mais c’est vrai ! Je ne suis pas très…

- Stop ! Qui t’a bourré ça dans le crâne ?

- Personne.

 

La jeune femme prit un air buté. Elle ne voulait pas en rester là, ce que Valentin avait très vite compris.

 

- Bon, mon but, ce n’est pas de te faire partir vers un autre, hein ! s’empressa-t-il de rajouter. Je suis bien content de savoir que tu es là !

- Ce n’est pas mon intention non plus, répondit Gabrielle, en sortant de la salle de bain.

 

Il s’habilla en hâte, et fila la rejoindre dans le salon. L’officier s’assit à côté d’elle sur le canapé, et la serra contre lui.

 

- Bien, fit-elle en faisant de grands gestes avec ses bras. Maintenant que nous sommes confortablement installés, et que tu affiches toujours ton petit air triste, dis-moi, ô Grande Bouille Râleuse, la personne et les causes responsables de ce bouleversement…

 

Valentin resta un long moment sans répondre. Gabrielle avait vu défiler dans ses yeux beaucoup d’émotions, bien différentes les unes des autres.

 

- Tu sais, ce mec de la dernière fois…commença-t-il tout doucement.

- Celui que tu as envoyé paître ? Et qui te ressemble ?

- Il ne me ressemble pas !

- Bien sûr, acquiesça la jeune femme.

 

La pièce retomba dans le silence, et il s’avoua enfin vaincu.

 

- Ce connard est mon demi-frère.

- Je me disais bien que…

- Bon, ça va, hein !

- Franchement, je ne comprends pas pourquoi tu lui as parlé sur ce ton.

- C’est qu’un con.

- Je ne sais rien de lui.

- Tu ne rates rien. Il n’est pas intéressant. Mis à part que Monsieur est le plus intelligent, Monsieur est le plus beau, Monsieur a plein d’amis, Monsieur est déjà médecin spécialiste à son âge, Monsieur était le meilleur de sa classe, Monsieur était même en avance par rapport aux autres… À côté de ça, Valentin est un petit con, Valentin n’est que flic, Valentin n’était pas le meilleur de sa classe, Valentin est insolent, Valentin est minable, Valentin est la honte de la famille, patati patata, alors tu comprends bien qu’au bout d’un moment, Valentin en a ras le cul !

 

Sous l’énervement, le jeune homme avait tout déballé d’un coup, et Gabrielle n’eut pas de difficultés à comprendre la situation. Il avait visiblement souffert d’un complexe d’infériorité par rapport à son demi-frère.

 

- Mais quelle est la personne qui te rabâchait tout ça ? Ton père ?

- Malheur ! Ne me parle pas de cet enfoiré ! Je n’ai pas de père !

- Mais Valentin…

- Pitié ! Il me dégoûte ! Il me donne envie de gerber !

- Ne dis pas ça…

- Oh si, je le dis, je le hurle même ! C’est le plus grand salaud que ce monde n’ait jamais connu ! Sais-tu quel âge a la grosse tête qui me sert de demi-frère ? Deux ans de moins que moi. Fais le calcul, tout en sachant que mes parents sont restés mariés jusqu’à mes onze ans ! Selon toi, pendant combien d’années il a trompé ma mère et lui a caché qu’il avait un enfant d’une autre femme ?! Et encore, peut-être que ça date de plus de neuf ans, parce que si ça se trouve, il couchait avec elle depuis bien plus longtemps ! Crois-moi, quand on sait ça, on finit bien par comprendre pourquoi ma mère est tombée malade !

- Ça ne veut rien dire Valentin, les cancers ne sont pas forcément liés aux…

- Je m’en fous !

 

Le jeune homme laissa retomber sa tête sur l’épaule de Gabrielle et poussa un long soupire.

 

- J’avais essayé d’oublier, mais dès que j’ai revu ce type, tout m’est revenu. Je pense qu’il y a certaines choses que je ne pourrais jamais effacer.

- Bien sûr, mais c’est le cas de tout le monde.

- Bref, on peut parler d’autre chose ?

- Pourquoi pas…de quoi veux-tu qu’on parle ?

- J’aimerai bien avoir ton avis, commença-t-il, les yeux à nouveau pétillant de malice, sur l’épisode de Desperate Housewives ; tu sais, celui où le mari de Gabrielle trafique sa plaquette de pilules pour qu’elle tombe enceinte. Tu crois que ça marcherait aussi pour nous ? Je devrais peut-être essayer, non ?

- Mon pauvre Valentin…je crois que si tu oses essayer cette méthode, tu ne reverras jamais la lumière au bout du tunnel…

 

 

 

 

Les plantes vertes du 36, quai des Orfèvres ennuyaient bien le demi-frère de Valentin. Ces flics qui faisaient le planton devant l’entrée de la police judiciaire avaient reçu pour ordre de ne pas le laisser entrer. Voilà deux jours qu’il attendait devant le bâtiment, en vain. Le jeune homme fit les cent pas dans la rue, et s’arrêta aussitôt lorsqu’il aperçut Gabrielle sortir de sa voiture.

 

- Madame ! Madame ! héla-t-il en lui faisant de grands signes.

- Aux dernières nouvelles, j’suis pas mariée…

 

Elle se retourna pour lui faire face, les mains sur les hanches.

 

- Qu’est-ce que vous voulez…vous ?!

- Entrer là-dedans, répondit-il en pointant le numéro 36.

- Essayez toujours, mais vous allez vous fatiguer pour rien. Valentin ne veut pas vous parler.

- C’est très important !

- J’en doute. À part lui casser la pipe, je ne pense pas que vous avez grande chose à lui apporter.

 

Il ouvrit de grands yeux ronds, choqué. Gabrielle lui adressa un joli sourire et s’échappa vers le bâtiment.

 

- Hey ! Attendez ! s’exclama-t-il.

- Écoutez Monsieur, je n’ai pas de temps à perdre avec vous. Je suppose que votre tête est trop enflée pour comprendre que je dois m’occuper de choses plus importantes. Vous voyez ces deux flics ! Un seul mot de ma bouche, et ils vous font reculer jusqu’à la sortie de Paris.

- Je vous demande simplement de le convaincre de me laisser lui parler.

- Lui parler ? Ou le critiquer ?

- J’ai des nouvelles à lui dire.

- Je ne pense pas qu’il soit intéressé.

- Je vous en prie ! Il vous écoutera, vous !

 

Ils se regardèrent une minute et, finalement, la jeune femme céda.

 

- Bon, d’accord. Mais je vous préviens qu’au moindre faux pas, vous vous ferez éjecter !

- Oui, oui.

 

Elle traversa la rue qui les séparait du bâtiment, le demi-frère de Valentin à ses talons. Dès qu’ils les virent, les deux gardiens de la paix qui gardaient l’entrée froncèrent les sourcils.

 

- Paix ! Il est avec moi.

- Okay, lieutenant.

 

Alors qu’ils traversaient la cour, le visiteur regardait la façade d’un air curieux. Il n’avait jamais pris le temps d’observer l’endroit. Puis, son regard se posa sur une fourgonnette de la B.R.I. très mal stationnée. Comme à leur habitude, ces flics revenaient de chasse, et aussi bizarre que cela puisse paraître, Gabrielle éclata de rire.

 

- Bah alors ? s’exclama-t-elle à un de ses collègues. Vous nous l’avez pêché d’où celui-là ? De la douche ?

- Non, il était aux chiottes. On en a profité !

 

Les rires de l’officier redoublèrent. Le malfaiteur qui venait d’être arrêté n’avait pas eu le temps de remettre correctement son jean. Celui-ci lui retombait petit à petit et maladroitement sur les cuisses. La jeune femme tira sur la cagoule du flic, tout sourire.

 

- Bon boulot ! Allez va te changer ! Mais la prochaine fois, vérifiez que Val’ ne soit pas sous la fenêtre !

- On y pensera, t’inquiètes !

 

Elle reprit sa route vers la Brigade Criminelle, le demi-frère de Valentin toujours à sa suite. Dès qu’il vit l’escalier, il soupira -il n’avait pas vraiment envie de le remonter à nouveau. Pourtant, il ne dit rien de plus et le gravit docilement. Sur le palier, Gabrielle l’arrêta.

 

- Restez-là. Je reviendrai vous voir dès que j’aurai fini de parler avec lui. Mais attendez-vous à une réponse négative.

 

Il hocha la tête et la jeune femme repartit en direction du bureau de Valentin. Elle toqua à la porte, et dès qu’elle reçut une réponse favorable, elle entra dans la pièce. L’officier semblait d’assez bonne humeur ; il l’accueillit bras ouverts.

 

- Ah ! Il ne me manquait plus que vous pour que je me sente super bien ! Alors, dites-moi pourquoi vous venez me voir alors que vous avez du pain sur la planche. En quoi puis-je vous aider, Mademoiselle de Caumont ?

 

Elle ne put réprimer un sourire.

 

- Et bien, vous savez, votre demi-frère…

- Non, je ne sais pas. Attendez ! Ne me dites pas qu’il est encore à Paris, ce fils de…

- Chut ! Vous n’allez pas commencer à râler.

- Je vous vois très bien venir. Vous avez laissé entrer ce type ici, alors que je vous l’avais interdit.

- Mais Valentin, il n’a sûrement pas fait tout ce chemin pour rien !

- Si, pour me pourrir la vie. Et vous voyez qu’il a bien réussi.

- Il a dit que c’est très important, sinon il serait déjà reparti !

- Je l’emmerde.

- Oh Val’ !

- Quoi ? répondit le concerné avec mauvaise humeur.

- Si tu agis de la sorte, tu prouveras à ton demi-frère et à ton père que…

- Qui ça ?

- Valentin !

- Non, franchement, je ne vois pas de qui tu parles.

- Tu ne fais rien pour remonter dans leur estime !

- Leur estime, je leur fous là où je pense !

 

Gabrielle fronça les sourcils, et se rapprocha de la porte.

 

- Très bien, puisque tu ne fais aucun effort pour leur montrer que tu vaux plus que ce que tu montres, je vais tout de suite dire ta réponse à ton frère…

- Demi-frère, s’il te plaît. C’est déjà assez difficile de savoir qu’on partage le même arbre généalogique, alors n’en rajoute pas !

- Et comme ça, continua-t-elle sans l’écouter, l’idée que ton père a de toi se renforcera davantage, et tu resteras la honte de la famille.

 

Elle allait sans doute quitter le bureau mais Valentin avait réagit dans la seconde qui suivit ses dernières paroles. Il s’était brutalement levé de son fauteuil en cuir et son teint était devenu étrangement pâle.

 

- Non ! Gabrielle !

 

La jeune femme se retourna pour le toiser. Il s’avança jusqu’à elle, ferma la porte et prit ses mains dans les siennes.

 

- Je te déçois ? Tu m’en veux ?

- Ce n’est pas vraiment la question…soupira-t-elle. Disons que je pense que tu laisses s’envoler ta seule chance de fermer sa gueule à ton père. Tu es quelqu’un de bien Valentin.

- Tu veux que je le reçoive ?

- Qui ?

- Le petit con…enfin, l’autre qui poireaute.

- J’aimerais, oui.

- Bon. Fais-le entrer alors.

 

Un grand sourire s’étira sur les lèvres de Gabrielle. Valentin, qui s’était vu obligé d’accepter cette requête, était tout de même satisfait de lui avoir fait plaisir. La jeune femme se dépêcha donc d’aller chercher le demi-frère en question, qui attendait toujours, soucieux. Elle lui fit signe de la suivre et, pour la seconde fois, reprit le chemin du bureau de l’officier.

 

- Je vous préviens Monsieur, lui fit-elle au pas de la porte. Au moindre faux-pas, je vous vire.

 

Il hocha la tête, et pénétra dans la pièce. Valentin avait repris sa place à son bureau et était occupé à ranger les dossiers encombrant son bureau. Son demi-frère ne le salua pas sur le moment. Il observait l’endroit d’un œil critique mais il ne disait rien.

 

- Tu comptes rester planté là comme un piquet ?

- Bonjour Val’.

- Pour toi, c’est Valentin. Pigé ? Bon, qu’est-ce que je peux faire pour écourter ta visite mon cher Daniel ?

 

L’officier essayait de rester agréable, mais il n’y arrivait pas. Revoir son demi-frère lui faisait l’effet d’un poignard en plein cœur.

 

- Bon, je vais vous laisser.

- Non, Gabrielle ! Reste s’il te plaît !

 

La jeune femme le regarda, suspicieuse, et comprit qu’il avait besoin de soutien.

 

- Vous avez de la chance, ironisa-t-elle en se tournant vers le dénommé Daniel. Tant que je suis là, il ne vous jettera pas par-dessus la fenêtre !

 

Elle l’invita à s’asseoir face à Valentin, et s’installa elle-même sur une chaise, en retrait.

 

- Bon, qu’est-ce qui t’amènes ? Qu’as-tu à m’annoncer de si important ?

- Et bien…Ton père se marie.

- Qui ça ?

- Bah… Ton père. Mon père. Notre père…qui se marie avec ma mère.

- Tiens, ils sont encore ensemble ?

- Oui.

- Il ne l’a toujours pas trompée ? Il continue à se foutre de sa gueule ?

 

Gabrielle fit de gros yeux à l’officier, lui revendiquant mentalement de se reprendre. Il saisit le message, et dévia la conversation.

 

- Ouais, donc, il se marie. Et voilà. Tu viens me voir pour me dire ça.

- Oui.

 

Valentin plongea son visage dans ses mains, visiblement bouleversé.

 

- Malheur ! Cet abruti est bien mon frère ?

- Et tu es invité au mariage, termina Daniel, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. Tiens, c’est quoi, ça ?

 

Il saisit un dossier qui trônait sur le bureau, et l’ouvrit sans éprouver la moindre gêne. Cependant, l’officier réagit et le lui arracha des mains.

 

- Non, mais ça va pas ?! Tu te sens bien là ?! Je te rappelle que t’es pas chez Mémé ! Non mais t’as vu ça où toi, de regarder les dossiers de mes clients ?!

 

Évidemment, les clients du jeune homme n’étaient plus vivants, mais c’était tout comme.

 

- Désolé.

- Merde, comment ta mère t’a éduqué !

 

Gabrielle lui fit à nouveau signe de se taire, et Valentin toussota avant de reprendre.

 

- Donc, quoi ? Je suis invité ? C’est une blague ? Poisson d’avril ?

- Bah…non.

- Ah, ah, ah, très drôle…Non.

- Quoi ?

- Non, plutôt crever que de venir à ce foutu mariage.

 

Au même moment, quelqu’un frappa à la porte, et c’est la jeune femme qui se hâta d’aller ouvrir. C’était l’un de ses hommes.

 

- Gabrielle, on a enfin le mec sous la main. Qu’est-ce qu’on fait ?

- Commencez à l’interroger, chuchota-t-elle, je viendrais vous voir tout à l’heure.

 

Le flic repartit et elle se rassit silencieusement sur sa chaise.

 

- Bon, c’est tout ? s’informa Valentin. T’as fait le voyage Strasbourg-Paris comme le bon petit chien à Papa qui avait la flemme de se bouger le cul pour m’annoncer qu’il allait se marier ?

- Oui. C’est dommage que tu ne viennes pas, fit son demi-frère avec un petit air naïf.

- Oh con… Écoute-moi bien, face de courge, je m’en bats l’œuf de son mariage ! Ça fait depuis bien longtemps que je ne le considère plus comme mon père, et je ne vois pas pourquoi je me taperais du chemin pour lui ! M’enfin, si ça t’ennuie pas de faire des allers-retours à Paris pour moi, tu fais comme tu veux !

 

Gabrielle pouffa silencieusement en se demandant comment il pouvait trouver des expressions telles que « face de courge ». Cela coïncidait tout de même avec le visage rond de Daniel.

 

- De toute façon, nous n’avions pas ton numéro de téléphone. J’étais donc obligé de venir ici.

- Encore heureux ! s’exclama Valentin. Mais comment t’as trouvé l’adresse de mon boulot ?

- Bah, j’ai demandé où se trouvait la Brigade Criminelle à des passants.

 

L’officier éclata littéralement de rire.

 

- Quel con…soupira-t-il.

- Et on m’a répondu que c’était aux Orfèvres. Alors, sur le moment, je n’ai pas bien compris, parce que je savais que tu n’étais pas un orfèvre tu vois. Les bijoux, ça ne t’a jamais intéressé. Mais finalement, j’ai trouvé. Tu sais, je suis aussi venu pour prendre de tes nouvelles.

- Non ?! J’hallucine ! Et bien, écoute, puisque pour une fois, tu te sens obligé de t’intéresser à moi, je te raconte en bref ma vie. Tout va bien. J’ai un super appart’, un super boulot comme tu peux voir (et un bureau avec vue sur la Seine, attention), et…euh…une femme.

- Une femme ? T’es marié ?!

- Ouais, bientôt. Et j’ai un gosse en route.

- Non ?

- Si.

 

Gabrielle, d’abord surprise, pardonna mentalement ces deux gros mensonges à Valentin. Elle se doutait bien qu’il voulait valoriser son image.

 

- Dis, Gab’, viens par ici.

 

Elle s’exécuta, et à peine fut-elle arriver à la hauteur de son bureau qu’il l’enlaça et appuya sa tête contre son flanc.

 

- C’est ma chérie, expliqua l’officier à son demi-frère.

- Ah…Félicitations. Et ta mère, Valentin, comment elle va ?

 

Ni lui, ni elle ne s’attendait à cette question, et le jeune homme resserra inconsciemment sa prise.

 

- Elle va très bien, raconta-t-il, amer. Là où elle est, de toute façon, il ne peut plus rien lui arriver.

 

Daniel sembla comprendre et porta la main à sa bouche, conscient de son manque de tact.

 

- Je suis vraiment désolé, Val’.

- Valentin, corrigea l’intéressé.

- Ta mère était vraiment quelqu’un de bien.

- Ce qui n’est pas vraiment le cas de tout le monde, tu vois. Bon, maintenant que tu as des nouvelles, tu peux te barrer. Tu feras mes hommages à ta mère, et mon doigt d’honneur à ton père.

- Mais je dois te rappeler que c’est aussi le tien, quand même ?!

- Pardon ? feignit l’officier. Qu’est-ce que t’as dit ? Mon père ? Ah non, je suis vraiment navré, le mien n’est plus de ce monde !

- Ce que tu peux être méchant parfois…

- Je t’emmerde.

 

Gabrielle pinça discrètement la peau du jeune homme. Il soupira.

 

- C’est tout ? demanda-t-il, exaspéré.

- C’est tout, répondit Daniel. Je pensais que tu aurais mûri et que tu aurais fait plaisir à Papa en venant à son mariage, mais je me suis trompé. Tu n’as pas changé.

- À la bonne heure !

- Permettez-moi de vous contredire, interrompit soudainement sa collègue. Je ne suis pas du tout d’accord avec vous. Je trouve que Valentin est vraiment quelqu’un de bien. Bon, c’est vrai qu’il a souvent des sautes d’humeur et un caractère bien spécial, mais…

- Comment ça un caractère bien spécial ? s’étouffa le concerné. Je suis tout simplement parfait !

 

Elle lui donna une tape sur le crâne pour le faire taire.

 

- Un peu prétentieux, c’est vrai aussi, mais il est vraiment très généreux. Il a quand même de grandes qualités. Et quand il n’est pas perturbé, il n’y a pas plus doux que lui.

 

Valentin toussota.

 

- Bon, c’est très gentil à toi, chérie, mais j’ai quand même une réputation à tenir. Y’a certains critères qui ne sortent pas de ce bureau, c’est clair ? Je te rappelle que je suis flic ! Et ce n’est pas avec un adjectif tel que « doux comme un agneau » que je vais gravir les échelons de la hiérarchie !

- Qu’est-ce que je vous disais ? ironisa Gabrielle au demi-frère. Un caractère vraiment spécial !

- Oh ça va…grogna l’intéressé.

- Bien, je ne vais pas te déranger plus longtemps. Je repars en Alsace, maintenant que j’ai fait passer le message.

- Je ne demandais pas mieux !

 

Valentin se leva, et raccompagna Daniel à la porte.

 

- Vous retrouverez le chemin ? s’inquiéta la jeune femme.

- Oui, oui.

- Ça va, il n’est pas aussi con que ça, n’est-ce pas ? se moqua l’officier.

 

Il ne lui répondit pas et il haussa les épaules. Et, comble du comble, un sourire apparut sur le visage de Valentin (mais Gabrielle ne sut dire si c’était un sourire moqueur). C’était l’un de ces sourires que se donnaient deux frères ou sœurs. Daniel le lui rendit aussitôt.

 

- Au plaisir de ne plus jamais te revoir, lança-t-il en tendant sa main.

- Moi de même, répondit son demi-frère en la serrant.

 

Dès qu’il fut parti, Gabrielle referma silencieusement la porte et le jeune homme s’agrippa à elle.

 

- Tu vois, il n’y avait vraiment pas de quoi paniquer. Ça s’est plutôt bien passé.

- Parce que tu étais là. Sinon, y’aurait déjà son cadavre en bas de la fenêtre !

- Tu ne vas pas aller au mariage de ton père alors ?

- Qui ça ?

- Val’ !

- Non, je n’y vais pas. Rien à foutre de son putain de mariage.

 

Sa collègue soupira. Il lui donna une petite tape amicale dans le dos, et sortit son téléphone portable de sa poche.

 

- Bon, j’appelle Berthier pour savoir où il en est, et après, je rentre chez moi. Vous venez aussi ?

- Je vais juste voir mon groupe une dernière fois, donner congé à deux ou trois d’entre eux, et je vous suis.

 

Le jeune homme, téléphone scotché à l’oreille, suivit Gabrielle jusqu’à son bureau. Ses hommes étaient réunis au grand complet. Au centre, il y’avait un interpellé, visiblement de mauvaise humeur. L’équipe de l’officier était douée. Elle avait remonté jusqu’au principal suspect grâce au bidon d’essence retrouvé dans l’escalier. Les flics avaient contacté tous les points de vente qui commercialisaient ce type de produit. Ils avaient récupéré la liste des dernières ventes, avec les noms des acheteurs. Entre temps, la police scientifique avait analysé les empreintes digitales retrouvées sur le même bidon. C’était comme cela qu’ils avaient trouvé cet homme, ce qui ne semblait pas lui plaire.

 

- Germain, Jérôme, rentrez chez vous, ordonna Gabrielle. Reposez-vous bien, prenez une douche, rasez-vous et profitez de votre famille. Par contre, je veux vous voir demain à 8 heures ici.

- Okay.

 

La jeune femme se retourna vers l’homme interpellé.

 

- Et alors Monsieur, pourquoi vous faites cette tête ? Vous pensiez peut-être que mes hommes n’arriveraient pas à mettre la main sur vous ? Et bien, quand vous sortirez de prison, pensez que les gants existent. Ça vous évitera de tomber dans votre propre piège. Enfin, je dis ça, mais je ne pense pas que vous tiendrez encore sur vos jambes lorsque vous sortirez de votre cellule…

 

Il sentait qu’elle le provoquait.

 

- Quand je sortirai de prison, je viendrai te tuer, toi, ton mec et tes enfants.

 

Les réactions ne tardèrent pas. Les hommes de l’officier le foudroyèrent du regard. Valentin se retenait pour ne pas sauter sur l’interpellé (de toute façon, il était toujours au téléphone). Elle, de son côté, avait envie de le gifler. En temps normal, la menace n’aurait pas atteint Gabrielle. Tout flic bossant au quai des Orfèvres ou dans un quelconque commissariat était habitué à ce genre de paroles. Mais là, c’était différent. Elle ne faisait pas trop de soucis pour Valentin. Elle savait très bien qu’il aimait la bagarre, et qu’en général, il se défendait plutôt bien. Cependant, elle avait le projet de fonder une famille avec lui. Et elle s’inquiétait déjà pour ses futurs enfants.

 

Puis, sans trop comprendre pourquoi, elle repensa à ce qu’avait dit tantôt l’officier à son demi-frère. Face de courge. Et elle éclata de rire, au plus grand étonnement de ses hommes et du suspect, qu’il croyait blesser.

 

- J’en doute, décréta-t-elle avec un grand sourire.

 

La jeune femme se remit à rire. Même les larmes lui venaient.

 

- Allez Valentin, on y va, s’exclama-t-elle joyeusement en le poussant hors du bureau. Monsieur, je vous souhaite un agréable séjour dans nos locaux. Je ne pense pas qu’on se revoie. Puissiez-vous bien vous reposer à la clinique !

 

Dans le couloir, il coupa la communication avec Berthier, et essaya de retourner dans le bureau du groupe de Caumont.

 

- Faut que je lui pète sa gueule !

- Ah non, Valentin !

- Ah si ! T’as entendu ? Il touche à un seul poil de mes gosses, je prends le bazooka, et c’en est fini de la lumière du jour pour lui !

- Il ne le fera pas.

- Et comment pouvez-vous en être aussi sûre ?

- Il ne sait rien de ma vie.

- Vous savez, c’est ce que je pensais aussi l’an dernier, et c’est comme ça que mon appart’ a cramé !

- Val’, je vous dis qu’il ne se passera rien. J’ai un bon pressentiment. L’intuition féminine ne se trompe jamais.

- Ah ouais ? Et comment tu sais ça ?

- Qui s’y frotte s’y pique. Le seul qui touche à nos enfants, je le tue de mes propres mains. Les hommes ressentent ce genre de menaces.

- Ça revient à ce que je disais.

- Exact.

- Ah, pourquoi tu me fais ta boulette là ?! T’abuse ! C’est pas ton genre !

- Ça va Val’ !

 

 

 

 

À peine rentrés chez Valentin, celui-ci l’avait bousculée jusqu’à la chambre, avec une idée bien précise derrière la tête.

 

- Allez ! Hop, hop, hop ! On doit rattraper le temps perdu ! En plus, t’as dit que t’étais d’accord ?

- D’accord pour quoi ?

- D’accord pour faire des bébés !

- Rappelle-moi quand j’ai dit ça.

- Tu ne l’as pas dit concrètement, mais tu as dit que tu ne veux pas qu’on touche à nos enfants. Donc, ça signifie que tu es d’accord pour en avoir.

- Bien essayé Valentin. Je suis, en effet, d’accord pour en avoir, mais plus tard. Pas tout de suite.

- Oh…

 

Il avait commencé à la déshabiller, mais à peine eut-il déboutonné sa chemise, qu’il tomba nez à nez avec un large pansement sous sa poitrine. Le jeune homme lui lança un regard incompréhensible.

 

- Je me le suis fait enlever hier soir, expliqua Gabrielle. Je voulais te faire la surprise. Val’ ? Ça ne va pas ?

 

Au lieu de répondre, Valentin se jeta dans ses bras. Il était trop ému pour dire quoique ce soit. Pourtant, après l’avoir remerciée dans un murmure, il retrouva toute son énergie.

 

- Bon ! Gabrielle ! Je suis trop content !

- Je vois ça, oui…

- Et comme, tu as décidé d’exaucer tous mes vœux, je vais t’en demander un autre.

- Laisse-moi deviner…un bébé ?

- Tu m’épates ! Tu sais qu’il faut minimum deux enfants par femme pour que la France puisse bien se développer ? Et tu n’as qu’une douzaine d’années pour faire minimum deux enfants. Tu vois où je veux en venir ?

- Oui. Et bien, écoute Valentin, tu n’as qu’à essayer si ça t’amuse. L’espoir fait vivre.

- Hein ?!

 

Il croyait avoir mal entendu.

 

- Essaie toujours. Mais je continue la pilule.

- Oh…donc, ça ne marchera pas ?

- Non.

- Merde…t’es vraiment sadique.

 

Valentin la fit rouler jusqu’à lui. Ils étaient si proches qu’il mordilla doucement la peau de son cou. Ils s’aimaient tant. Ça se voyait trop. C’était peut-être pour cela qu’on les avait séparés, qui sait ?

 

- Tu sais que je ne vais pas te laisser tranquille tant que tu ne m’en auras pas fait un…

- Je l’avais bien compris…

- Bon…pressa-t-il, taquin. On s’entraîne ?

 

 Extra Trois : On n’est pas sérieux quand on a dix-huit ans !

 

- Bonjour Madame Levesque ! Comment allez-vous aujourd’hui ?

- Très bien, merci.

 

Claire ? Virginie ? Natacha ? Julie ? Ou bien Isabelle ?

 

- Coralie ? tenta-t-elle, hésitante.

- Non, Chloé, reprit la jeune fille, mal à l’aise.

- Ah, excusez-moi.

 

Elle la détailla. Elle était brune, avec des yeux bleus. Des filles en chemise-culotte, la mère de Valentin en avait vu des tonnes défiler dans sa cuisine, le matin. Chloé n’était pas la première. Et encore moins la dernière.

 

- Ce chenapan dort encore ? demanda Marietta alors qu’elle passait le balai.

- Oui.

- Tu vas voir comment je vais le choper ce petit con ! Il a inondé la salle de bain hier soir quand il a pris sa douche ! Et vous pensez qu’il nettoierait ? Non, pas du tout !

- C’est les vacances, Marietta, fit la mère du jeune homme, avec un sourire. Vous pouvez bien lui accorder un peu de répit.

- Ah non ! Pas de répit pour Valentin ! C’est le diable en personne à qui vous avez donné naissance ! Heureusement qu’ils savent le mater à l’école !

- Ah ça, je vous l’accorde. De toute façon, l’école de Fos est réputée pour être très stricte.

- Moi, je ne trouve pas qu’il soit si diabolique que ça, expliqua naïvement Chloé. Gentil, attentionné, rusé, malin, mais pas diabolique.

- Apprends à le connaître ma petite alors, conseilla la femme de ménage. Sinon, il te perdra.

 

Au même instant, les trois femmes entendirent un bruit au fond du couloir.

 

- Aïe ! Putain de merde !

 

Valentin s’était cogné le pied contre la porte de sa chambre. Il arriva dans la cuisine, cheveux ébouriffés, en caleçon et avec une grimace, mais dès qu’il vit Marietta, il lui offrit son plus beau sourire.

 

- Bonjour ma petite Marietta d’amour, comment tu vas aujourd’hui ? Bien dormi ?

- Petit con ! Tu as laissé la télé allumée jusqu’à trois heures du matin !

- Moi ?

- Oui, toi ! Qui d’autre ? Le pape ?

- Oh allez, sois cool, Mamie.

- Et ne m’appelle pas Mamie ! Je ne suis pas ta mère moi !

 

Chloé et la véritable mère du jeune homme éclatèrent de rire, tandis qu’il prenait une expression malheureuse pour faire craquer Marietta.

 

- Et ne me fais pas ta tête de chiot ! Au fait, maintenant que j’y suis, tu iras nettoyer la piscine et ranger ta chambre, sinon je te descends avec ton flingue sans que tu comprennes ce qu’il t’arrive !

- Oui, sergent ! s’écria Valentin, en se mettant au garde-à-vous.

- Je préfère ça !

 

Il lui fit un second sourire, puis alla s’asseoir aux côtés de sa mère. Dès lors, il changea de comportement. Il lui embrassa tendrement le front, puis se lança dans un long interrogatoire.

 

- Tu as bien dormi ?

- Euh…ça va.

- Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? Tu ne t’es pas sentie bien ? Tu as fait un malaise ?

- Non, ce n’est pas ça, mais…

- Tu as vomi ?

 

Sa mère baissa la tête, gênée. Ses fins cheveux blonds lui tombaient lentement sur le visage.

 

- Et pourquoi tu m’as pas appelé ? demanda son fils doucement.

- Je ne voulais pas te réveiller.

- Bon, tu as pris rendez-vous chez le spécialiste ?

- Pas encore.

- Et tes médicaments ? Tu les as pris ?

 

Il s’arrêta lorsqu’il aperçut les pilules et comprimés posés à côté de son bol de lait. Il se leva et sortit un verre du placard, ainsi qu’une bouteille d’eau.

 

- Allez, il faut que tu les prennes Maman.

- Je sais.

 

Valentin l’embrassa à nouveau et lui murmura à l’oreille qu’il l’aimait. Chloé, qui regardait la scène, était émerveillée par la tendresse et l’amour qu’il portait à sa mère. Elle pensait qu’il était l’homme parfait. Pourtant, elle ne semblait pas s’être rendue compte qu’il l’avait totalement ignorée depuis son réveil. Une question lui trottait dans la tête ; il fallait qu’elle la pose à tout prix.

 

- C’est si difficile que ça la chimio ?

 

 

 

 

- C’est bon, fille remerciée ! s’exclama Valentin, en claquant la porte d’entrée.

 

Quand il revint dans la cuisine, Marietta soupirait et sa mère se tordait les mains, gênée.

 

- Tu ne crois pas que tu exagères ? demanda-t-elle finalement.

- Excuse-moi Maman, mais je n’ai pas très apprécié le « c’est si difficile que ça la chimio ? »… De toute façon, elle était conne. En plus, je déteste les gens qui manquent de tact.

- Dis-moi Val, s’enquit la ménagère, combien de filles as-tu congédié depuis le début des vacances ?

- Aucune idée. Et je m’en fiche pas mal.

- Et voilà, soupira la mère. Comment veux-tu que j’aie des petits-enfants avec un fils comme celui-là ?

- Hey ! Je suis le fils parfait ! N’essaie pas de changer de sujet ! Tu as pris tes médicaments ?

- Oui, mon chéri.

- Bien. Mais ce n’est pas avec tes « oui, mon chéri » que tu vas te dépatouiller de moi !

 

Le jeune homme s’approcha de la grande fenêtre de la cuisine et l’ouvrit en grand.

 

- Malheur ! Comme il fait chaud dehors ! Bon, je sens que je vais nettoyer cette foutue piscine ce matin, parce que sinon, je vais cuire comme une brochette sur un barbecue cet après-midi ! Hey, Maman ! Tu viens prendre le soleil ?

 

Au départ, elle refusa, mais il la força presque à sortir sur la terrasse. Il l’installa sur une chaise longue devant la piscine, sous un parasol. Il lui donna ses lunettes de soleil, un livre et une bouteille d’eau fraîche. Après quoi, il partit s’occuper de la piscine. Elle observa son fils à l’œuvre. Armé d’un filet, il marchait lentement autour de la piscine, en récupérant les feuilles flottantes sur l’eau. Il transpirait sous le soleil brûlant. Quand il eut fini sa tâche, elle le détaillait encore. Elle était fière de son fils. Si son père n’avait jamais voulu voir ses grandes qualités, elle, elle en était consciente. Elle le trouvait beau. Il l’avait toujours été. L’école de police avait achevé de faire de lui un homme. Il était bien bâti et plus réfléchi. Petit, il avait déjà fait preuve d’un grand sérieux et d’une maturité qu’elle n’avait jamais su expliquer.

 

 

 

 

Quand Valentin avait neuf ans, il voulait déjà être inspecteur de police. Il développait son esprit et son flair, et s’entraînait à poser des questions à la seule personne qu’il soupçonnait. Son père.

 

- Monsieur Papa, où étiez-vous hier, de 19 heures à sept heures du matin ?

- Va voir ailleurs si j’y suis.

- Ah ah, on essaie de changer de sujet ?! Mais figurez-vous, Monsieur Papa, que j’ai là des preuves étonnantes, et que…

- Ta gueule ! hurla son père, énervé par le jeu incessant de son fils. Va jouer ailleurs ! C’est clair ? Putain, mais qu’est-ce que j’ai fait pour avoir un fils comme ça !

- Des bisous à Maman, peut-être, souligna Valentin, coquin.

- Dans ta chambre ! Tout de suite !

 

Le petit garçon s’exécuta, mais avant de quitter la pièce, il se retourna vers son père et lui lança un regard meurtrier.

 

- Je le découvrirai un jour !

 

 

 

 

Après avoir lancé un dernier coup d’œil sur sa mère tranquillement allongée sur le transat, Valentin s’éclipsa pour enfiler son maillot de bain. Dès lors qu’il eut terminé, on sonna à la porte d’entrée.

 

- Ah ! s’exclama-t-il joyeusement en ouvrant la porte. Thierry ! Comment ça va, mec ?!

- Mais très bien et toi ?

- Super ! J’ai rompu avec Chloé !

- Trop cool ! Salut Marietta, ça boome ?!

- Ça boome très bien, fais bien attention où tu marches, j’ai fait le sol il y a cinq minutes !

 

La voix de Thierry se transforma en un charmant éclat de rire. Il était le meilleur ami de Valentin. Ils étaient comme frères. Thierry était un beau brun ténébreux très attachant. Ce n’était pas pour rien qu’ils se fréquentaient. Depuis toujours, ils avaient fait les quatre cent coups foireux. Ils aimaient les mêmes choses. Ils aimaient les mêmes filles. Quand ils sortaient, ils sortaient toujours ensemble. Quand ils draguaient, ils draguaient toujours ensemble.

 

- Tu viens piquer un plongeon ? proposa Valentin.

- Bah ouais, pourquoi je serais venu sinon ?

- Enfoiré.

 

Valentin et sa mère habitaient dans une grande villa sur une colline qui dominait Nice, héritage de ses grands-parents. Au loin, on voyait la Promenade des Anglais et la mer. La maison se trouvait dans la pinède, et ils possédaient un grand jardin où Marietta cultivait des fruits et légumes. La bonne à tout faire vivait avec eux. Il n’aurait pas pu en être autrement. Quand Valentin était à l’école à Fos-sur-Mer, c’était elle qui s’occupait de sa mère et de la maison. Il avait absolument confiance en elle.

 

- Bonjour Madame Levesque ! s’exclama Thierry, en débarquant en short de bain sur la terrasse. Comment allez-vous aujourd’hui ?

- Ça fait aller.

- Oh allez, faut se motiver !

 

Il donna une bise à la mère de Valentin et s’en alla pousser son meilleur ami dans l’eau. Elle appréciait énormément Thierry. Il était toujours d’une humeur réconfortante, et il n’y avait pas plus serviable que lui. C’était comme un fils adoptif pour elle. Elle regarda les deux jeunes hommes. Valentin coulait Thierry. Thierry remontait à la surface, et coulait Valentin à son tour. Leur petit jeu dura un quart d’heure. Après, ce fut le concours de celui qui faisait le plus beau plongeon, celui qui faisait le plus de longueurs, celui qui restait le plus longtemps en apnée sous l’eau… Arrivé à cette étape, la mère de Valentin s’affola et hurla à son fils de remonter à la surface.

 

- Oh M’man, t’inquiète pas, je remonte dès que je ne respire plus.

 

Cela ne la rassura pas du tout.

 

- Non, non, c’est trop dangereux, s’exclama-t-elle, bornée.

- Vous inquiétez pas M’dame Levesque, j’ai trouvé autre chose de beaucoup plus marrant ! Z’allez voir ça !

 

Thierry avait saisi discrètement une frite en mousse et s’était mis à frapper sans relâche le crâne de Valentin.

 

- Ah ! hurla le principal concerné, surpris. Tu vas voir ça, espèce de salaud !

 

Il avait à son tour attrapé un bateau gonflable et l’avait littéralement écrasé sur la tête de son meilleur ami. Après cela, ils se battirent à coup de cannes et de tuyaux d’arrosage. La variété était la spécialité de Valentin et Thierry. Ce n’était pas pour rien qu’ils étaient meilleurs amis.

 

 

 

 

Quand Valentin avait attrapé l’âge de onze ans, il savait déjà comment on faisait les bébés. L’idée de savoir ce que son père cachait ne lui était pas sortie une seule fois de l’esprit. Il avait même trouvé une solution pour le découvrir. Le suivre. Et cela, avec son fidèle Thierry, toujours prêt pour l’aventure.

 

- Bon, on y va ? pressa celui-ci en regardant la silhouette lointaine du père.

- Ouais, ouais, minute ! Il va prendre le bus ! J’ai trouvé des tickets dans son porte-monnaie. Il va aller au centre de Nice.

- Et tu crois que y’a ce qu’on cherche là-bas ?

- Élémentaire mon cher Watson ! avait dit Valentin, les yeux brillants de malice.

 

Et ils avaient donc suivi ce père. Jusqu’à un appartement. Celui de Solène Jurin.

 

 

 

 

- Bon, moi j’y vais Val’ ! Je meurs de faim !

- Tu ne veux pas grailler un bout ici ? On s’fait un barbec’ s’tu veux !

- Non, ça ira, merci ! Sinon, on se voit ce soir en boîte ? Je viens te chercher à 21 heures ?

- Ouais, ouais.

- N’oublie pas que y’a les deux sœurs de Rémi qui viennent aussi.

- T’inquiète, ce n’est pas le genre de choses que j’oublie !

 

Thierry s’en alla donc. Valentin, lui, rejoignit sa mère sur la terrasse.

 

- Hey M’man, tu veux pas te baigner ?

- Non, je crois que je vais rentrer à l’ombre, j’ai la tête qui tourne.

- Oh allez, viens au moins te tremper un peu les pieds. Tu verras, ça te rafraîchira.

 

Il l’entraîna sur le rebord de la piscine et l’aida à s’y asseoir. Les pieds dans l’eau, elle se laissa aller dans ses bras.

 

- Ton père a appelé hier, quand tu étais chez Thierry.

- Il a osé ? s’emporta le jeune homme. Et toi, t’as répondu ?!

 

 

 

 

C’était peut-être une collègue de travail. Ou une amie proche. Dans ce cas, pourquoi l’accompagnait-il, elle et son enfant, au parc ? Ils avaient l’air si proche quoiqu’il en soit. Il ébouriffait tendrement les cheveux du petit garçon, chose qu’il ne lui avait jamais faite, à lui.

 

- Tu en penses quoi ? demanda Thierry.

- Je ne sais pas. Il a l’air d’aimer le gosse en tout cas.

- T’as vu sa tête ? On dirait un intello ! Bon, qu’est-ce qu’on fait ?

- On rentre chez moi.

- Tu vas le dire à ta mère ?

- Non, pas tout de suite. Je vais attendre un petit peu.

 

C’est six mois plus tard, quand Valentin eut bien comprit que son père avait un second fils, qu’il voulut en parler à sa mère. Il ne voulait plus qu’il se moque d’elle de cette façon. Il savait que lorsqu’il lui annoncerait la nouvelle, elle serait grandement blessée.

 

- M’man…

- Oui ? s’enquit-elle, en levant la tête de son magazine.

- C’est qui Solène ?

- Désolée trésor, je ne connais personne qui s’appelle comme ça.

- Elle traîne avec Papa.

 

Elle pâlit. Son teint était blafard. Elle se rappela d’un vieux dicton célèbre : « La vérité sort de la bouche des enfants ».

 

- Y’a toujours un petit garçon avec eux.

 

Il avait pensé qu’elle serait forte, mais elle ne l’avait pas été. Elle s’était évanouie, et il avait totalement paniqué. Il avait accouru près d’elle pour lui donner des petites tapes sur les joues.

 

- M’man ! Hey Maman ! Ce n’est pas le moment là ! Oh ! Te laisse pas faire !

 

Plus tard, quand son père était rentré, elle s’était remise. Elle l’avait même attendu de pied ferme. Connaissant sa mère comme une personne très tendre et qui n’aimait pas les disputes, Valentin avait décidé de la soutenir.

 

- Oh, et bien alors ? s’étonna le père, en découvrant sa femme et son fils debout à l’attendre dans le salon.

- Je t’avais bien dit que je le découvrirai, rappela Valentin. Mais je ne voulais pas mentir plus longtemps à Maman…

- Ton fils m’a tout raconté, expliqua alors sa mère.

- De ?

- Ne fais pas l’innocent Papa.

- Valentin, va dans ta chambre !

- Non, je reste avec Maman !

- Dans ce cas, ferme ton clapet !

 

Valentin eut un reniflement dédaigneux.

 

- Alors, que t’as encore raconté ton fils ?

- Que tu en avais un autre.

- Quoi ?! Et tu le crois ?

- Il s’appelle Daniel, il est brun, il a tes yeux, il a l’air d’un intello et d’un fils à papa, expliqua le jeune adolescent. Tout ton portrait en fait.

- Oh toi…menaça le père.

- Fais tes valises, rends-moi les clés, et tire-toi.

- Attends, tu vas quand même pas…tenta-t-il en s’avançant vers sa femme.

 

Son fils se mit abruptement devant lui et le pointa du doigt.

 

- Tu l’approches plus et tu te casses ! Espèce de salaud !

 

C’était son premier gros mot. Le commencement d’une arrogance qui n’allait plus en finir avec son père. Celui-ci ne tarda pas à réagir, secoué par l’injure. Il l’avait giflé si fort que Valentin avait cru que sa mâchoire s’était démontée. Heureusement sa mère avait vite fait de s’interposer.

 

- Je t’interdis de toucher à mon fils ! Frappe le tien si ça te chante, mais tu ne toucheras jamais Valentin ! Je me suis bien fait comprendre ?! Maintenant, disparais ! Je ne veux plus te voir !

 

 

 

 

Valentin battait rageusement les pieds dans l’eau.

 

- Donc, il t’a appelé pourquoi, en fait ? Il ne t’a pas trop saoulé, j’espère !

- Oh, il m’a parlé de…ton éducation.

- Tiens donc !

- Il m’a dit qu’il n’appréciait pas trop que tu sois à l’école de police.

- Je l’emmerde. Il préférerait sûrement avocat ? Ou l’armée ? Encore mieux, comme ça, je me casse à l’étranger me faire tuer !

- Ne dis pas ça.

- Bref, et toi, tu lui as dit quoi ?

- Simplement que tu faisais ce que tu avais envie de faire, que j’étais très fière de toi, et je ne pensais avoir rien raté dans ton éducation, quoiqu’il en pense. Et après cela, je lui ai raccroché au nez.

- Tu as bien fait ! s’exclama le jeune homme, en éclatant de rire. N’empêche, il ne me reste plus qu’un an avant mon diplôme ! J’ai hâte !

- Je te comprends… Tu dois être impatient de partir de la maison pour travailler.

- Euh non, mais M’man, si je pars, je t’amène avec moi, tu sais ! Putain, mais c’est dans deux semaines la rentrée ?! Oh lala, je m’en étais même pas rendu compte ! Comme ça passe trop vite !

- Profite de tes derniers jours de vacances, mon chéri. Après, c’est fini pour de bon.

- Ah ça, c’est clair. Je vais faire des nuits blanches avec Thierry. Faut bien que je drague un peu avant de me faire séquestrer chez les flics.

- Tu ne seras jamais sérieux…soupira sa mère.

- Si, mais c’est pas ça le problème Maman ! Le truc, c’est que toutes les filles que je rencontre sont connes ! T’as bien vu ce matin Chloé ! Et sa question pas super intelligente…

- Elle ne pouvait pas savoir.

- Ouais bah quand même,  quand on a des questions comme ça, on ferme sa gueule !

 

 

 

 

Son père ne mit que très peu de temps pour faire ses valises. Il partit sur-le-champ de la villa, et très vite, il quitta Nice pour aller s’installer avec sa nouvelle famille en Alsace. Il réclamait de temps en temps la garde de Valentin pour les grandes vacances. Jusqu’à ses treize ans, l’adolescent et sa mère ne pouvaient refuser. La loi était du côté du père. Il fut donc forcé à s’y rendre, avec une telle mauvaise humeur, que son père ne voulut plus le prendre à nouveau ! Il avait été très arrogant avec Solène, voire même méchant et blessant. Et surtout, il avait fait vivre un enfer à son demi-frère. Et c’était avec le sourire aux lèvres qu’il rentrait à Nice, chez sa mère.

 

Celle-ci, durant son absence, avait appris qu’elle était gravement malade. Elle avait commencé la chimiothérapie. Se sentant dans un état d’extrême fatigue, elle avait embauché Marietta à temps complet. La femme à tout faire était vite devenue sa confidente.

 

- Dites-moi Marietta, je vous en supplie, dites-moi… Est-ce que je dois lui dire ? Est-ce que je dois lui dire ?

 

Elle tirait faiblement ses cheveux blonds. Ceux-ci se détachaient comme s’ils n’avaient jamais été plantés sur son crâne. Elle ne ressentait rien.

 

- Dîtes-moi, qu’est-ce que je dois faire ?

- Il vous en voudra si vous ne lui dîtes pas… Alors, parlez-lui. En douceur.

 

Valentin avait très mal accueilli la nouvelle. C’était compréhensible pour un enfant de 14 ans, en pleine crise d’adolescence. Sa haine envers son père redoubla. Il était persuadé qu’il était le seul responsable de la maladie de sa mère, qui allait l’amener jusqu’à la mort. Il avait pour seul soutien son meilleur ami de toujours, Thierry, fidèle à jamais. Plus tard, il s’était focalisé sur la police. Il voulait faire carrière dans ce domaine, et nulle part ailleurs. Son choix était fait. Et c’est à l’école de police de Fos qu’il entra. De suite, ses professeurs virent en lui des ressources à exploiter. Valentin était robuste. Il était le meilleur de sa promotion au tir. Il était doué. Vif. Intelligent. Rusé. Le flic parfait, en somme.

 

 

 

 

- Et il n’y a pas de jolies filles avec qui tu t’entends bien à l’école ?

- Ne serais-tu pas en train d’essayer de me caser avec l’un des thons avec qui je suis en cours ? ironisa Valentin.

- Des thons ?! s’esclaffa sa mère, en mouillant un peu ses mollets avec l’eau fraîche de la piscine.

- Exact. Tu devrais savoir Maman, que les femmes flics sont super moches. Des thons, je te jure ! Quand on les voit, on comprend vite pourquoi elles sont flics ! Elles ne peuvent pas faire autrement !

- C’est méchant ce que tu dis.

- Elles sont sympas, hein… Mais pas du tout séduisantes ! Les belles femmes ne sont pas flics. C’est sûr et certain. Faut vraiment le voir pour le croire ! Ah non, mais même pas en rêve, tu me verras sortir avec une nana flic ! Pire même, en épouser une !

 

Il allait continuer à parler, mais l’odeur du poisson cuit se fit ressentir. Marietta cuisinait du saumon. Le jeune homme se releva rapidement et aida sa mère à faire de même.

 

- Vite, grouille-toi, on va manger ! Je meurs de faim !

 

 

 

 

Deux semaines plus tard, Valentin était reparti à l’école de police. Il avait laissé sa mère et sa villa sous la responsabilité de Marietta, qui lui avait promis de bien s’en occuper. Il téléphonait tous les jours pour prendre des nouvelles d’elle. Il revenait pendant les vacances, seule période où il pouvait retrouver sa mère et son meilleur ami. À la fin de l’année, il décrocha son diplôme. Il fut muté à Marseille et dut s’y installer. Il vendit leur villa de Nice, et les adieux à Marietta furent déchirants. Le jeune homme trouva à Marseille deux appartements. Un pour sa mère, et un pour lui. Il ne voulait pas lui imposer son nouveau style de vie, et de son côté, elle ne voulait pas s’imposer dans sa vie privée. Cela ne changea rien au fait qu’il passait la voir pendant son temps libre et qu’il avait engagé une infirmière à domicile ainsi qu’une femme de ménage. Il continuait à voir Thierry, mais c’était devenu moins fréquent.

 

 

 

 

- C’est triste ce temps…soupira-t-elle en regardant par la fenêtre.

 

Le ciel était noir. Il pleuvait sans cesse. Il faisait plus frais. Pourtant, elle n’en attendait pas moins du climat de Paris. Voilà trois jours qu’ils étaient arrivés à la capitale, à cause du nouveau job de son fils. Deux nouveaux appartements. Une nouvelle femme de ménage. Une nouvelle infirmière. Un nouvel hôpital.

 

- Tu t’habitueras, assura Valentin. C’est sûr que ça ne vaut pas Nice ou Marseille, mais c’est juste une question d’habitude. Regarde, je suis logé à la même enseigne que toi !

- Tu fais quoi ce soir ?

- Je sors. Je vais me trouver une boîte de nuit bien fréquentée. Je ne peux pas rester comme ça. J’aimerais bien trouver des amis, répondit-il en songeant à Thierry.

 

 

 

 

- Maman, il m’est arrivé un truc de dingue ! Hallucinant !

 

Le lendemain, il était arrivé en catastrophe chez elle, et elle s’en était inquiétée aussitôt.

 

- Quoi donc ?

- J’ai couché avec une femme !

 

Elle arqua un sourcil, surprise. Elle ne comprenait pas comment cela pouvait être quelque chose d’hallucinant pour son fils.

 

- Elle était merveilleuse ! Si tu avais vu à quel point elle était belle ! Elle avait des yeux violets ! hurla Valentin, affolé.

- Est-ce que je peux espérer que tu te sois enfin stabilisé avec quelqu’un ?

- Et bien…à vrai dire…je suis parti assez discrètement de chez elle, ce matin…

- Non ?! Tu n’as pas osé ?

- C’est assez délicat comme situation, expliqua-t-il, gêné, mais j’ai appréhendé sa réaction au réveil, tu vois…hier soir, elle était saoule…

 

 

 

 

- Putain, Maman ! Tu ne vas pas le croire ! C’est hallucinant !

 

Lundi. Premier jour de boulot pour Valentin. Au Quai des Orfèvres. Elle pensait qu’il aurait été satisfait de sa première journée, mais il semblait paniqué.

 

- Tu sais, la nana avec qui j’ai couché, et qui m’a dit qu’elle était vétérinaire ?!

- Oui, celle que tu as laissée en plan. Tu l’as revue ? demanda-t-elle, avec une lueur d’espoir dans les yeux.

- Pour sûr que je l’ai revue ! Elle est au 36 ! Elle est flic ! C’est ma collègue ! On bosse ensemble !

- C’est génial !

- Pas vraiment…elle m’a giflé. Et je n’ai pas l’impression qu’elle m’apprécie énormément…

- Vu la façon dont tu t’es comporté, je la comprends absolument !

- Dis, tu es de mon côté ou du sien ?

- Du tien, bien entendu… Mais dis-moi, ce n’était pas toi qui disais que les belles femmes ne sont pas flics ?

 

 

 

 

- Maman ! Maman ! Maman ! Il m’est arrivé un truc…hallucinant !

- Encore ?

- Ouais ! Mon appart’ a cramé !

 

Sa mère ouvrit de grands yeux, stupéfaite.

 

- Quoi ? Mais comment tu vas faire ?

- Bah figure-toi que Gabrielle me loge chez elle…expliqua-t-il avec un sourire coquin.

- Oh, je vois…la fameuse Gabrielle…je suppose que tu es content de ta situation alors…

- Ouais… Oh, et est-ce que je t’ai déjà parlé de ses jambes ? Non ? Putain, tu les verrais, c’est hallucinant !

 

 

 

 

Elle se sentait très fatiguée. Elle savait qu’elle était au bout du chemin. Dans une impasse. Elle soupira et reposa les photos de son fils qu’elle regardait. Celui-ci fit justement son entrée dans la chambre d’hôpital, accompagné d’une Gabrielle très gênée. La mère de Valentin l’observa. Elle était exactement comme elle l’avait imaginée. Elle était absolument parfaite pour lui.

 

 

 

 

Bizarrement, elle avait chaud. Elle était en sueur, et pourtant, elle avait des frissons. Elle était fanée. Valentin était allongé à côté d’elle, perturbé.

 

- Qu’est-ce qu’il se passe encore ? murmura-t-elle.

- On s’est un peu embobiné avec Gabrielle. Elle ne veut pas d’enfants.

- Valentin, tu vas trop vite.

- Je sais très bien que je suis pressé, mais…

- Vous êtes encore jeunes, et mets-toi à sa place. Votre couple est tout récent.

- Mais…

 

Le jeune homme s’interrompit. Lucile, l’amie de Gabrielle, venait d’entrer dans la chambre, soucieuse.

 

- Madame Levesque, ça va comme vous voulez ?

 

Elle hocha la tête. Pur mensonge. Elle n’allait pas bien. Elle sentait son cœur lui jouer des tours. Elle pensait qu’il devait sauter des battements. Elle transpirait de plus en plus. Sa respiration était saccadée. Valentin le remarqua et s’en inquiéta aussitôt.

 

- Maman ?

 

Elle tourna son visage vers lui et l’expression de son visage le fit paniquer. Lucile s’approcha, elle aussi, de plus en plus tendue.

 

- Madame Levesque ?

 

Leurs voix s’éloignaient. Ses yeux se voilèrent. Valentin, effrayé, saisit le visage de sa mère entre ses deux mains, et l’embrassa plusieurs fois sur les joues.

 

- Maman ! Non, non, non…fais pas ça ! C’est pas le moment !

 

Alors que la lueur de ses prunelles s’éteignait, Lucile appelait de l’aide.

 

- Docteur ! Venez vite !

 

Une armée d’infirmières devancée par le médecin accourut dans la chambre. Mais c’était déjà trop tard. Valentin avait éclaté en sanglot. Lucile essayait de l’éloigner de sa mère, mais il s’accrochait désespérément au lit. Il connaissait déjà le verdict, mais voulait attendre que le docteur rende la nouvelle officielle.

 

- C’est fini pour elle…

 

Les genoux de Valentin se dérobèrent. Il tomba. Une partie de son cœur était mort en même temps que sa mère. Jamais il n’avait ressenti un tel vide. Elle était sa vie. Lui-même était mort. Son seul espoir…c’était Gabrielle.

 

 

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Seja Administratrice
Posté le 12/08/2009
Héhé, le suprême honneur du centième commentaire me revient apparemment XD
C'est un chapitre plutôt calme, c'est vrai, mais pas dénué d'intérêt, loin de là !  On plonge au contraire dans le quotidien du 36. Et, c'est la fin d'une époque... Gabrielle et Valentin ne partagent plus le même bureau... Snif...
Dommage... Mais Gabrielle se retrouve finalement à la tête d'une petite équipe avec laquelle elle s'entend bizarrement plutôt bien. C'est qu'elle a changé la petiote ^^ C'est vrai qu'elle a beaucoup évolué depuis qu'elle connait Valentin, dans le bon sens.
Le débarquement du frère de Valentin et l'extra de la fin permettent d'enfin comprendre ce qui s'est passé avec son père. La relation qu'il entretenait avec sa mère est des plus fusionnelles, je comprends mieux qu'il ait été aussi démoli à son décés. Aah et les passages de Valentin parlant de Gabrielle à sa mère sont savoureux ^^ 
La Ptite Clo
Posté le 12/08/2009
(Rah ça fait trois fois que je recommence ma réponse : quand c'est pas Fifi qui plante, c'est le PC... non, mais je te jure >_<)
Vite, dépêchons-nous avant que ça plante encore. XD Je disais donc :
Moooh Sej ! T_T Ma première centième reviews !
*inonde PA de ses larmes*
L'histoire du 36, c'est comme les commentaires : ça passe vite ! xD Si mes souvenirs sont bons -dur dur de déterrer tout ça, il y a trois ans entre le premier et avant-dernier chapitre. Beaucoup de choses évoluent, Gabrielle la première.
En tout cas, merci infiniment à toi, je le redirai jamais assez, de me lire et commenter. Ca me fait très très très plaisir, donc merci. ^^
Sunny
Posté le 04/11/2007
Un peu mou ?... Bouarf. Faut croire que j'apprécie les chapitres un peu mous alors ^^
Sinon, c'était vraiment bien... Valentinou ? Huhu ^^ une cause de divorce, tu m'étonnes, lol 
Reponse de l'auteur: X3 Merci ! Contente que ça t'ait plu ! (j'ai touché du bois ^__^) Ne surtout pas l'appeler Valentinou, sinon tu prends le risque d'être renié à jamais de sa vie ! ^^ Uhuh, bichouuux !
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