Chapitre 13 : L'affaire de la petite-fille du Maire

Notes de l’auteur : Et c'est ce soir, en ouvrant ma disquette, que je me rends compte qu'il ne reste plus beaucoup de chapitre...5 au total. Celui-ci commence la Fin, par une enquête qui va durer 3 chapitres.
Bref j'espère que ça vous plaira. Bonne lecture et merci. :D

Chapitre Treize : L’affaire de la petite-fille du Maire

 

Gabrielle dormait. Pourtant, elle entendait distinctement cinq respirations non loin d’elle. Des respirations inquiétantes. Elle chercha Valentin avec sa main, mais il n’était pas dans le lit. Elle ne sentait pas très rassurée, surtout quand elle entendit quelques chuchotements. Soudain, quelqu’un se jeta sur elle et essaya de l’embrasser sur les deux joues. La jeune femme se redressa et poussa un cri déchirant. En prime, elle administra une gifle résonnante à son agresseur.

 

Valentin sortit de la salle de bain, paniqué, et alluma la lumière.

 

- Hey ! Gabrielle ! Qu’est-ce qui se passe ?!

 

Elle regarda autour d’elle et aperçut quatre flics proches de son lit, dont Berthier. Il y avait aussi Anthony, assis contre elle, qui se massait la joue. La gifle l’avait sonné.

 

- Argh…

- Putain Anthony ! s’énerva l’officier. Qu’est-ce que t’as foutu encore ?!

- Je voulais lui faire une surprise.

- On t’avait bien dit que c’était une mauvaise idée.

- Ça fait mal.

- Tu vois, je te l’avais dit, nargua Valentin, qui se souvenait de la première gifle que lui avait donné la jeune femme. Bien fait pour ta gueule. Fallait pas la réveiller comme ça !

 

Le cerveau de Gabrielle était en ébullition. Quand elle comprit que cinq de ses homologues masculins se trouvaient chez elle, à cette heure matinale, elle fronça les sourcils.

 

- Qu’est-ce que vous faites ici ?

- Calme-toi, ils sont venus me chercher. Je n’allais pas les faire attendre dehors !

- Hein ?

- Excuse-nous de t’avoir réveillée Gabrielle, fit Berthier, qui n’avait pas oublié ses règles de politesse. On a essayé de faire le moins de bruit possible, mais Anthony tenait absolument à te dire bonjour.

- On te regardait juste dormir.

- Mais on ne savait pas que tu…avec Valentin…raconte un flic, gêné.

- Ça ne sort pas de ces murs, c’est bien clair ? intervint le principal concerné.

- Oui, oui, s’empressèrent de répondre les autres.

 

La jeune femme se leva pour aller boire un verre d’eau. L’été pointait son nez, et il faisait lourd. Ils essayèrent de détacher leurs regards de Gabrielle, qui n’était vêtue que de sa nuisette en soie blanche. Même Anthony se surprit à penser qu’elle était plutôt séduisante.

 

- Mais comment vous avez su que j’étais ici ? demanda Valentin.

- C’est simple, on est allés chez toi, expliqua Berthier, mais tu n’y étais pas, donc j’ai pensé que tu serais ici.

- Ah ouais, pas bête.

- Et qu’est-ce qui se passe ? s’informa Gabrielle, redevenue inquiète.

- Oh rien, assura le gardien de la paix. Une sale affaire, rien de plus. Ce n’est pas toi qu’on est venu chercher, c’est Val’.

- Exact, approuva l’intéressé. Gabrielle, tu devrais te recoucher. Profite de ton jour de congé.

 

Elle s’exécuta, tel un pantin obéissant à des fils. Valentin déposa un baiser sur son front, éteignit la lumière et quitta le studio suivi de sa troupe.

 

 

 

 

Gabrielle avait bien profité de sa journée. Elle était passée voir Jessica, qui s’était d’ailleurs montrée bien étrange. En effet, la photographe traversait une période de déprime passagère, ce qui n’était guère courant. L’officier ne lui avait pas demandé la raison de cette dépression ; elle savait qu’elle lui en parlerait en temps voulu. Elle avait aussi rendu visite à Lucile, qui ne se portait pas mieux. Son petit-ami l’avait quittée. Les deux amies de Gabrielle avaient déteint sur cette dernière, dont le moral était redescendu en dessous de zéro.

 

Quand elle rentra chez elle, Valentin n’était toujours pas revenu. Elle ne savait pas s’il passerait la nuit au 36. Elle lui prépara tout de même son plat préféré. Par miracle, le jeune homme débarqua à l’heure du souper.

 

- Ah, tu es pile à l’heure ! Viens voir ce que je t’ai préparé, tu vas adorer ! s’exclama-t-elle en se ruant sur lui.

 

Il ne répondit pas, et elle se rendit compte qu’il était très fatigué. Il se laissa tomber sur le lit.

 

- C’était une grosse journée ? s’informa Gabrielle.

- J’aurais dû rester coucher ce matin.

- Oh…qu’est-ce qui se passe ?

- Affaire pourrie. Merdique.

- Mais encore ?

- La p’tite-fille du Maire a été enlevée… Personne ne sait où elle est, ni même si elle est encore vivante. Et on a ce con de mec qui nous presse pour la retrouver. Mais c’est un truc vachement bizarre.

- C’est sûrement pour une demande de rançon, commenta la jeune femme.

- Non.

- Non ?

- C’est ça le truc étrange. On n’a rien reçu. Pas une demande de rançon en vue. Rien à l’horizon.

- Ce n’est pas normal, Valentin. Si ce n’est pas pour une rançon, c’est pour quelle raison qu’elle a été kidnappée ?

- Si tu as une idée, fais-moi en part, parce que je n’en sais rien du tout.

- Vous êtes vraiment sûr qu’il n’y a pas de deman…

- Non ! s’énerva l’officier. Il n’y a que dalle ! Niente cacahuète !

- D’accord, pas la peine que tu t’enflammes ! Viens manger un peu, et après, on ira se coucher. Tu verras, ça te fera du bien.

- J’espère. Je repars au 36 demain, à la première heure, et selon les évènements, je ne rentrerai pas pour plusieurs jours.

 

 

 

 

 La direction de la Police judiciaire était bien embêtée. Martine Monteil tournait en rond dans son bureau. Le préfet de police tapotait nerveusement avec un stylo sur un dossier. Enfin, le chef de la Brigade Criminelle s’arrachait les cheveux.

 

- Vous êtes vraiment certain que vous ne pouvez pas réunir plus d’hommes sur cette sale affaire ? s’enquit le préfet.

- Non, impossible, répondit-il. J’ai quatre équipes. Une qui s’occupe spécialement du terrorisme, et je ne veux pas qu’elle s’écarte de ce domaine.  Il y a aussi des affaires qui sont aussi importantes et que je ne veux pas délaisser.

- Quoiqu’il en soit, il faut éviter que la presse se charge de résoudre cette histoire à sa façon !

- Je m’en chargerai, ne vous inquiétez pas. Vous n’avez pas une autre idée ? s’enquit Martine Monteil. On ne peut pas laisser cette affaire dans les mains d’une seule équipe. Il faut qu’on agisse rapidement.

- Il ne nous reste plus qu’une dernière solution. Réunir les groupes de Caumont et Levesque.

 

 

 

 

Le jour pointait son nez, et le bureau de Valentin était déjà bondé. Ses hommes et ceux de Gabrielle y étaient tous réunis. Les deux officiers essayaient tant bien que mal de parler, mais il y avait trop de bruit pour qu’ils puissent se faire entendre.

 

- Oh, fermez un peu vos gueules là ! hurla le jeune homme.

- Anthony, repose cette cafetière ! ordonna Gabrielle.

- Mais euh !

- Putain Antho’, fais gaffe ! pesta Berthier. T’as failli renverser du café bouillant sur moi !

- Mais qu’est-ce que vous avez tous contre moi en ce moment ? J’vais me plaindre à Sophie !

- Bon, quand vous aurez fini de bouffer les pains au chocolat, boire le café, et demander des nouvelles de la grand-mère, on pourrait peut-être commencer, non ? Ah, j’oubliais, il faut peut-être que certains aillent faire un tour aux toilettes ?

 

Tous les visages se tournèrent vers Valentin, et le silence retomba tout d’un coup.

 

- Bien, fit-il, satisfait. Alors, voici le programme de la matinée. On se rend directement sur les lieux de l’enlèvement. On fera une enquête de voisinage pendant que les scientifiques feront des prélèvements. Et ensuite…et bien, ensuite, on improvisera suivant les résultats, pigé ?

 

 

 

 

Le Maire de Paris habitait dans un gigantesque duplex, en plein cœur de la capitale. Au rez-de-chaussée, il y’avait un salon luxueux, une cuisine et une salle de bain. À l’étage, il y avait deux chambres, dont celle d’Océane, la petite fille kidnappée. Selon Valentin, elle avait disparu dans la soirée, aux alentours de 22 h 30. Une nounou était censée la surveiller.

 

- Alors, vous voyez Madame, y’a un truc que je ne pige pas. Vous me dites qu’elle regardait la télé au rez-de-chaussée. Et vous ? Que faisiez-vous, pour ne pas vous apercevoir que quelqu’un s’était introduit dans l’appartement ?

- J’étais à l’étage.

- Ça ne me dit pas ce que vous faisiez.

- Et bien…hésita la nurse, en se tordant les mains. J’ai reçu la visite d’un ami avec qui je suis assez intime. Disons que nous sommes montés à l’étage pour discuter.

 

Valentin arqua un sourcil, surpris.

 

- Vous plaisantez ? s’étouffa-t-il en réalisant. Vous faisiez une partie de jambes en l’air pendant que la petite se faisait enlever ?! Putain ! Chez le Maire en plus !

 

Pour toute réponse, elle rougit jusqu’à la racine des cheveux. Le jeune homme la délaissa pour aller trouver Gabrielle.

 

- Oh, vous ne savez pas quoi ? s’exclama-t-il en s’approchant d’elle.

- Du nouveau ?

- La nounou couchait avec un mec pendant l’enlèvement. Ils étaient à l’étage. Elle ne surveillait pas la petite.

- C’est pas vrai ?!

- Si ! Je te jure que, si plus tard, on a une nounou comme ça qui garde nos enfants, je lui colle deux baffes !

- Vous êtes hors-sujet.

 

Un technicien vint les interrompre. Toute la matinée, des hommes avaient cherché dans tout l’appartement quelques indices qui pourraient mettre la police sur la voie. En vain.

 

- On n’a pas grand chose, les lieux n’étaient pas très propres. Ils ont dû piétiner autour. On a dessiné un plan du salon, et on a pris aussi des photos, mais à part des petits trucs, on n’a rien de concret. Des cheveux, sûrement ceux de la petite fille. Des empreintes, sûrement les siennes aussi. On a prélevé tout ça pour que les scientifiques confirment nos hypothèses, mais il y a peu d’espoirs. Faut voir ce que ça donne du côté du voisinage.

- Merci ! Je sens qu’on part pour une longue histoire là…soupira Valentin. Berthier ! Viens ici ! Tu embarques la nounou, ainsi que son mec ! Tu les amènes au 36 pour un interrogatoire précis ! Ils ont peut-être entendu quelque chose. Et s’il le faut, tu les places en garde-à-vue.

- Ça marche.

 

Du côté d’Anthony, chargé de l’enquête de voisinage avec ses collègues, les résultats n’étaient pas meilleurs. Il était d’ailleurs de plus en plus énervé de ne rien trouver.

 

- Bonjour M’dame. Police, ne vous inquiétez pas. Dites-moi, ça vous arrive souvent de promener votre charmant toutou le soir ? Vers 22 h 30 ?

- Excusez-moi, jeune homme, je suis pressée.

- Ça ne prendra pas longtemps ! C’est vraiment très important ! Vous n’auriez rien remarqué d’étrange il y a deux jours, le soir ? La p’tite-fille du Maire s’est envolée. Vous n’auriez pas remarqué une voiture devant son bâtiment ? Ou vu quelqu’un ?

- Non, désolée.

- Ah…fit-il, déçu. Bon, merci quand même.

 

Le jeune gardien de la paix revint vers son groupe en secouant désespérant la tête.

 

- Que dalle ! On n’avance pas ! C’est bizarre pourtant ! En été, il fait jour plus tard et les gens restent forcément dans les rues ! Alors merde ! Pourquoi personne n’a rien vu ?!

 

Gabrielle avait demandé à ses hommes d’analyser le répondeur et la boîte aux lettres du Maire. Elle était persuadée que cet enlèvement avait pour but une rançon. Elle espérait recevoir une demande très vite. Hélas. Aucune lettre étrange. Aucun message soupçonneux. En somme, voilà deux jours qu’Océane avait été enlevée, et il n’y avait toujours aucune de réclamation d’argent pour la récupérer. Aucune trace. Aucune piste. Et le Maire les pressait de la retrouver.

 

- Alors, qu’est-ce que je disais ? ironisa Valentin en s’approchant d’elle. Tu comprends pourquoi ça me prend la tête ?

 

 

 

 

Gabrielle et Valentin s’étaient rendus, seuls, à l’Hôtel de Ville. C’était ici qu’ils pouvaient trouver le Maire de Paris. Arrivés à l’accueil, ils eurent bien du mal à pouvoir décrocher un entretien avec lui.

 

- Madame, je vous prierai de nous laisser passer !

- Je suis navrée de vous décevoir mais le Maire ne peut pas vous recevoir pour le moment.

- Je m’en tape ! s’énerva Valentin, en lui fourrant pour la trentième fois sa carte de police sous le nez. Vous savez lire ?! POLICE !

- Vous n’avez pas le droit de nous refuser de le voir, expliqua calmement Gabrielle. Il s’agit de sa petite-fille. Le Maire sait que nous nous occupons personnellement de cette affaire. Alors, laissez-nous lui parler s’il vous plaît.

 

Finalement, la secrétaire céda. Elle les conduisit jusqu’au bureau du Maire. Celui-ci avait le teint livide. Son visage était défait. Lorsqu’il vit les deux officiers, une lueur d’espoir naquit dans ses yeux.

 

- Alors ? Alors ? pressa-t-il. Vous avez du nouveau ? Vous l’avez retrouvée ?

 

Valentin et Gabrielle se lancèrent un coup d’œil, pour savoir lequel des deux prendrait la parole.

 

- Et bien, commença le jeune homme, on n’a trouvé rien du tout.

- Quoi ? Mais qu’est-ce que vous attendez ?! Ça fait déjà deux jours qu’on me l’a volée !

- Ce n’est pas un simple objet, fit remarquer Gabrielle. Elle ne vous a pas été volée, elle a été enlevée. Nuance.

- Et ce n’est pas aussi facile que vous le croyez, continua son collègue.

- Mais vous êtes la Brigade Criminelle !

- Et alors ?

- Nous nous occupons de crimes, d’incendies, d’affaires terroristes, et d’enlèvements lorsqu’il y’a rançon. Ce qui n’est pas le cas ici. Personnellement, je me demande pourquoi on nous met cette affaire sur le dos, parce que…

- Valentin, ça suffit. Monsieur le Maire, nous sommes venus vous voir pour vous demander une nouvelle fois si vous avez reçu quoique ce soit qui puisse ressembler à une demande de rançon.

- Je ne comprends pas. Ma petite fille, c’est vraiment tout ce que j’ai. Je suis sa seule famille. Et je n’ai rien reçu me demandant de faire un échange. Pourquoi elle ? Elle n’a rien fait du tout !

- Où étiez-vous le soir où elle a été enlevée ? demanda la jeune femme.

- Je vous l’ai déjà dit !

- Et bien, redites-le ! s’énerva Valentin.

- J’étais à une soirée organisée par le préfet. Ma petite-fille était gardée par une nounou et…plus tard, elle m’a appelée. Elle pleurait. Elle m’a dit qu’Océane avait disparu.

- Ça ne se serait pas arrivé si elle avait vraiment surveillé votre p’tite-fille…

- Val’ !

 

Fort heureusement, l’homme politique ne l’avait pas entendu.

 

- Vous avez déjà reçu des menaces ? demanda alors Gabrielle.

 

Le Maire réfléchit longtemps.

 

- Peut-être…je ne sais plus…hésita-t-il.

- Et récemment ? s’informa Valentin. Vous êtes Maire, vous devez en recevoir des tonnes !

- Récemment, je n’en ai pas vraiment reçu. Bien sûr, les élections approchent, et je suis beaucoup critiqué ces temps-ci, mais je pense avoir de bons espoirs pour réélu à nouveau.

- Non mais ça, on s’en fout, commenta l’officier. On n’est pas là pour parler politique.

- Je n’ai rien d’autre à vous dire. Mais je vous en prie, retrouvez-la !

 

Et à la plus grande stupéfaction du couple, le Maire éclata en sanglots. Il donnait l’impression d’avoir vieilli de dix ans.

 

- Nous ferons de notre mieux, rassura la jeune femme, prise de pitié.

- Elle n’est pas morte, hein ? Elle n’est pas morte ?

- On n’en sait rien.

- Moi, je ne suis rien sans elle ! Je ne suis plus rien ! C’est même pas la peine que je vive !

 

La conversation glissait sur un sujet épineux. Les deux flics étaient pris de compassion pour le Maire, mais ils étaient impuissants et juste bons à ratisser Paris au peigne fin pour retrouver Océane.

 

 

 

 

- Le Maire était vraiment dans un sale état ! s’exclama Valentin, ahuri.

- Le pauvre…je le plains, ça ne doit pas être facile.

 

Les deux officiers traversaient la place de la Mairie pour se rendre jusqu’à leur voiture. Juste avant de démarrer, ils entendirent les cris des passants. Gabrielle leva le nez sur le bâtiment et vit avec horreur quelqu’un qui se promenait sur le rebord du dernier étage. C’était le Maire.

 

- Oh ! laissa-t-elle échapper. Valentin ! Valentin ! Regarde ça ! Il va se suicider !

- Putain, mais il est con ou quoi ?!

 

Ils sortirent de leur voiture, et coururent jusqu’à la Mairie. Ils montèrent en hâte jusqu’au bureau qu’ils avaient quitté peu de temps à vent et y entrèrent sans frapper. La fenêtre était grande ouverte. Le jeune homme était monté à son tour sur le rebord du bâtiment, au grand dam de Gabrielle.

 

- Oh, qu’est-ce que vous me faites là ? s’énerva-t-il. Faites pas chier, merde !

 

Était-ce bien au Maire que Valentin s’adressait ? Oui.

 

 

 

 

- Je sens qu’elle est morte ! Je le sens ! Je le sais ! Vous ne voulez rien me dire !

- Arrêtez vos conneries ! Je vous confirmerai ça quand on aura retrouvé son corps !

 

Valentin et le Maire de Paris se disputaient sur les toits de l’Hôtel de Ville. En bas, les passants avaient le nez levé vers eux, inquiets.

 

- Je veux mourir !

- Plus tard, on n’a pas le temps !

- Mais Val’, fait quelque chose ! paniqua Gabrielle, penchée à la fenêtre, qui voyait le Maire regardait le vide avec envie.

- Tu ne vois pas que je suis déjà dans le feu de l’action là ? Bon, arrêtez vos conneries maintenant ! Revenez ici, tout de suite ! Allez ! On a encore besoin de vous !

- Non !

 

L’officier était très énervé. Le Maire lui faisait perdre du temps, et c’était justement de cela qu’il manquait pour retrouver Océane saine et sauve.

 

- Vous me faites chier ! Vous entendez ?! Vous me faites…chier ! hurla-t-il à pleins poumons.

- Valentin ! s’offusqua sa collègue, outrée.

- De toute façon, vous êtes un mauvais Maire ! Tout le monde vous déteste ! Vous avez osé augmenter les impôts alors que c’était déjà une somme catastrophique ! Hey, faut bien qu’on vive, nous aussi ! On n’est pas aussi friqué que vous !

- Taisez-vous ! ordonna l’homme politique, blanc comme un cachet d’aspirine.

- Non ! J’ai pas envie !

 

Valentin jouait gros, et il le savait. Pourtant, il avait une idée en tête : provoquer le Maire pour que celui-ci s’emporte et lui saute dessus. Étrange, mais primordial.

 

- Et vous savez quoi ? continua-t-il. J’aime pas du tout votre façon de diriger Paris ! C’est vraiment pas cool de couler du béton sur les espaces verts ! Et franchement, vous n’êtes vraiment pas doué pour améliorer la sécurité ! Vous vous y prenez super mal !

- C’est pas vrai !

- Et vous savez quoi encore ? Je suis certain que vous ne serez pas réélu parce que les gens, ils en ont marre de vous ! On nous fait des promesses, et on n’a toujours rien ! Nos impôts, ils passent dans la décoration de votre appartement ! C’est vraiment injuste !

- C’est pas vrai ! répéta le Maire, comme un enfant de cinq ans essayant de démentir une énorme bêtise.

- J’ai pas fini ! Enfin, vous êtes un gros con, égoïste et prétentieux, qui n’a d’yeux que pour le fric !

 

Ce fut sans doute la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Le Maire, pourtant âgé, oublia aussitôt le suicide qu’il avait prévu, et bondit sur Valentin. Les deux hommes passèrent par la fenêtre ouverte et roulèrent sur le sol. Gabrielle poussa un cri horrifié.

 

- Valentin, ça va ?! s’écria-t-elle en se précipitant sur lui.

- Je me suis pété le coccyx…gémit l’officier en se massant le postérieur.

 

Elle l’aida à se relever, et pendant qu’il se dépoussiérait, elle s’inquiéta sur le sort du Maire. Celui-ci allait assez bien, ce qui était rassurant. Il ne récolterait, comme Valentin, que de quelques petits hématomes. Il était toujours en colère contre l’officier et n’hésitait pas à lui lancer des regards de reproche.

 

- Excusez-moi, fit le jeune homme en fermant la fenêtre. Il y avait pas mal de choses que je pensais, mais ne vous inquiétez pas, je n’ai rien contre vous. Nous n’avons pas les mêmes idées politiques, et de toute façon, j’ai dit tout ça pour votre bien.

- En tout cas, continua Gabrielle, vous avez gagné Monsieur le Maire. Je suis obligée de vous placer sous la surveillance d’un gardien de la paix pour éviter à nouveau cela.

- Oh non…

- Oh si ! Il fallait garder la tête sur les épaules !

 

Valentin appela un de ses hommes, et ils attendirent son arrivée avant de partir.

 

- Bon, je compte sur toi, fit l’officier au flic. Tu ne le lâches pas d’une semelle, et si t’as un problème, tu m’appelles. Oh, et surtout ! Si la presse pointe son nez, envoie-les bouler ! Si c’est vraiment l’abondance, je t’enverrais plusieurs GPX, okay ?

- D’accord Val’, t’inquiètes pas ! Je gère !

 

 

 

Les deux officiers étaient retournés au quai des Orfèvres, pour faire le point sur l’affaire. La plupart de leurs hommes restaient avec eux dans le bureau de Valentin.

 

- On plane vraiment dans rien du tout, soupira un flic.

- Si ça continue à ce rythme-là, l’affaire sera bouclée sans être terminée.

- Le Maire s’y opposera, fit Gabrielle.

- Comme d’hab, il est là pour faire chier lui !

 

La jeune femme foudroya du regard Anthony.

 

- Il a absolument raison, approuva Valentin. Le Maire, avec tous les respects que je lui dois, fait chier. Je ne peux pas mentir, parce que c’est vrai. Il ne fait vraiment rien pour nous aider.

- Et le peu d’informations qu’on a, on se mélange avec…

- J’ai une idée ! s’exclama l’officier. Germain, passe-moi une feuille. Merci.

 

Il attrapa un stylo au vol, et écrivit sans s’expliquer aux autres.

 

Qui ?

Quoi ?

Où ?

Quand ?

Comment ?

Pourquoi ?

 

- C’est quoi ? s’informa Anthony, curieux.

- Un QQOQCP, répondit le jeune homme. Vous verrez, après ça, nous aurons les idées bien en place. Qui est concerné par cette affaire ?

- Une petite-fille, répondirent en cœur tous les flics.

- Vous êtes sûrs ? demanda Gabrielle, sourcils froncés.

- Ah je vous en prie ! râla Valentin. Pas le moment de mettre des doutes hein ! On n’est qu’au début là !

- Elle a raison, intervint Berthier. Ce ne serait pas le Maire qui serait visé derrière sa petite fille ?

 

Les flics se regardèrent tous, suspicieux.

 

- Très probable, dit alors la seule femme de groupe.

- Je note ! Bon, on continue. Que s’est-il passé au juste ?

- Enlèvement, répondit un chœur.

- Sans demande de rançon, ajouta fièrement Anthony.

-  ?

- Chez le Maire.

- Quand ?

- Avant-hier, le soir, aux alentours de 22 h 30. Le Maire était à une réception.

- Comment ?

- Euh…

- C’est une bonne question, commenta Berthier, mais je ne sais pas du tout. On n’a trouvé aucune trace de lutte sur les lieux de l’enlèvement. Il n’y a pas de témoignages. On sait seulement que ça s’est passé lors d’un moment d’inattention de la nounou.

- De l’inattention, tu parles, grogna Valentin. Le truc, c’est qu’elle se foutait de la gamine, voilà tout.

- Vous n’avez qu’à mettre que ça s’est passé dans son dos, proposa Gabrielle.

- Oui, c’est ce que je vais faire. Bon, ensuite, le grand point d’interrogation. Pourquoi ?

 

Silence.

 

- Parce que c’est la petite-fille du Maire, fit alors Anthony, qui a, d’une façon ou d’une autre, réponse à tout.

- C’est pas suffisant, expliqua Germain. Si j’étais à la place du kidnappeur, je n’enlèverai pas une petite-fille parce que c’est celle du Maire.

- Bah si.

- Pourquoi je le ferais alors ?

- Pour le fric.

- Pas de demande de rançon en vue, rappela Gabrielle.

- Ou alors, continua l’ex-élève, je l’aurais enlevée pour obtenir un truc. Par exemple, la baisse d’une taxe ou une autre revendication.

- Pas con, approuva Berthier, mais il y’a beaucoup de Parisiens qui ont des revendications et qui sont contre le Maire. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin.

- Ou un homme politique.

 

Il y’eut un nouveau silence. Un silence satisfait.

 

- C’est fort probable, dit alors Valentin. Il s’agit de quelqu’un qui connaît l’adresse de la résidence du Maire, quelqu’un qui savait qu’il serait occupé ce soir-là, et enfin, quelqu’un qui savait aussi qu’il embauchait une nounou et que celle-ci avait d’autres occupations pendant la garde d’Océane. C’est aussi quelqu’un de discret. Et en général, les hommes politiques sont bien placés pour savoir ça.

 

Pendant qu’il parlait, le commissaire divisionnaire s’était discrètement glissé dans la pièce pour écouter la fin de la conversation.

 

- Vous avez une hypothèse sur le kidnappeur ? demanda-t-il, curieux.

- Peut-être, répondit Gabrielle. On se tourne vers un homme politique, mais on ne sait pas vraiment pourquoi celui-ci aurait enlevé Océane.

- Oh tu sais, les politiciens n’ont jamais vraiment de mobiles. En général, c’est pour faire chier.

- Très bien, j’irai voir le Maire, décida le chef de la Brigade Criminelle. En attendant, rentrez chez vous.

- Hein ? s’étonna la jeune femme. Mais il n’est que 17 heures ! Vous ne voulez tout de même pas qu’on s’en aille maintenant ?!

- Bien sûr que si. Rentrez tous chez vous. Reposez-vous. Mais demain, à la première heure, je veux vous voir ici ! C’est la dernière fois que je vous accorde votre nuit tant qu’on n’a pas retrouvé cette petite-fille et son kidnappeur ! Alors, je vous conseille d’en profiter !

 

 

 

 

- Je ne comprends rien à cette histoire… Je n’arrête pas d’y penser, et ça me saoule !

- Moi aussi. Il y’a un truc qui nous manque pour accorder chaque élément.

 

Même au repos, Valentin et Gabrielle pensaient au travail. Ils avaient profité de leur fin d’après-midi pour aller piquer un plongeon dans une piscine municipale couverte, où la jeune femme se rendait souvent. Appuyés contre la paroi du bassin, ils ne pouvaient s’empêcher d’y réfléchir encore.

 

- Le pire, c’est que ça se passe au mauvais moment, tu vois, continua Valentin en éclaboussant doucement l’épaule de sa collègue. En plein pendant la période des élections. C’est un mauvais coup pour la campagne du Maire.

- Surtout pour sa tentative de suicide. Ça le fout mal.

 

À peine avait-elle terminé sa phrase, que Gabrielle avait plongé sous l’eau. Prisonnier dans ses pensées, le jeune homme l’avait tout juste remarquée car elle nageait très vite. Son enfance et son adolescence s’étaient résumées à de nombreuses leçons de natation. Cela avait aussi forgé son dos, maintenant musclé. Elle resta dix secondes sous l’eau, avant de ressortir brutalement. Au même moment, une idée avait germé dans l’esprit de Valentin. Ils se regardèrent avec de grands yeux ronds.

 

- Oh putain ! s’écrièrent-ils en même temps. Mais pourquoi on n’y a pas pensé plus tôt ?!

 

 

 

 

Ils n’avaient pas pris le temps de sécher leurs cheveux. Dès qu’ils furent dans la rue, ils s’empressèrent de passer un coup de fil à leur chef.

 

- Allô commissaire ? Ouais, c’est Val’ ! On vient de penser à un mobile super crédible ! Océane a été enlevée pour atteindre le Maire, nous sommes tous d’accord sur ce sujet. On croit que c’est pour le rendre plus vulnérable, et pourquoi pas, pour provoquer son suicide en touchant une personne proche (ici, en l’occurrence, Océane). Mais j’ai une question. Si le Maire était mort, que se serait-il passé, selon toi ?

- Les élections municipales auraient été avancées. Et le Maire ne serait plus en jeu.

- Tu penses, comme nous, qu’il y’a un lien avec le suicide, les élections, et Océane ?

- C’est même très probable, répondit le supérieur. Je suis allé interroger le Maire encore une fois. Et figure-toi qu’il m’a donné deux noms d’hommes politiques avec qui il ne s’entend pas du tout (ils se détestent, d’après lui), et qu’il juge capable de l’enlèvement de sa petite fille.

- C’est intéressant. Tu veux qu’on aille les voir ?

- Demain. Repose-toi Val’, c’est pas pressé.

- Comment ça, c’est pas pressé ? Le Maire…

- Le Maire nous fait chier. Voilà. Demain, tu iras, toi et Gabrielle, chez ces deux mecs. En plus, là, il est trop tard.

- Ah bah ça alors, c’est bien toi qui parle ?

 

 

 

 

Le couple rentra chez Valentin. La seule chose dont il ne s’attendait pas, c’était de découvrir Jessica assise en tailleur devant la porte de l’appartement. Elle ne portait pas de jupe, mais un jogging. Elle n’était pas maquillée. Elle semblait ailleurs.

 

- Ça fait longtemps que tu attends ? s’informa Gabrielle.

- Ça va, répondit mollement la photographe.

 

Elle réfléchit deux secondes, et se tourna vers Valentin.

 

- Ton voisin du dessus est venu me draguer.

- Hein ? Mais c’est presque un centenaire !

- J’ai failli le tuer.

- Allez Jessica, debout ! motiva Gabrielle en aidant sa meilleure amie à se relever.

 

Pendant qu’elle la soutenait, le jeune homme ouvrait la porte. Une fois à l’intérieur de l’appartement, la photographe se jeta immédiatement sur le canapé. Valentin lança un regard inquiet à sa compagne.

 

- T’es sûre que ça va Jessica ?

 

Pour toute réponse, celle-ci éclata en sanglot et Gabrielle paniqua aussitôt. Pendant plus d’une heure, elle chercha à comprendre ce qui arrivait à sa meilleure amie. En vain, celle-ci restait muette. Valentin avait tenté de se mettre en retrait pour les laisser seules.

 

- Non, c’est bon, avait dit la principale concernée. Il ne manquait plus que je te vire de chez toi !

 

Finalement, après les nombreuses tentatives de Gabrielle, la jeune femme avait révélé qu’elle se sentait comme un objet pour les hommes, et que ceux-ci ne cherchaient jamais à la connaître. C’était l’une des causes de sa déprime.

 

- Franchement, c’est la première fois que je te vois déprimer pour des hommes. Mais tu n’étais pas au courant ?

- De quoi ? demanda Jessica.

- Qu’ils étaient tous con !

 

Gabrielle réussit à lui arracher un sourire. Seul Valentin protesta.

 

- Hey ! Il existe des exceptions, non ?!

- Non.

- C’est vilain, ça. Ça se paiera, crois-moi.

 

Jessica ne put s’empêcher de rire. Grâce aux deux officiers, son moral remontait peu à peu, même s’il était toujours bas.

 

- Non mais Val’ est spécial, expliqua-t-elle. Il est con sans vraiment l’être.

- C’est mieux, mais j’attendais plutôt un « Voyons, qu’est-ce que tu dis Gabrielle ? Valentin n’est pas con, il est terriblement génial et c’est l’intelligence incarnée ».

- Ce que tu n’es pas vraiment, en réalité, continua sa compagne.

- Jalouse. Tu vois Jessica, ça, c’est de la jalousie. Regarde ta meilleure amie. Elle est jalouse de son chéri !

 

La photographe partit dans un fou rire qu’elle ne put contrôler et, très vite, les deux flics en firent autant.

 

- Merci, murmura-t-elle finalement.

 

Gabrielle avait pressé Valentin de cuisiner, et pendant ce temps-là, elle en avait profité pour discuter avec Jessica. Celle-ci ne voulait toujours pas se livrer entièrement. Après le souper, où le jeune homme essaya de détendre l’atmosphère, le couple lui proposa de passer la nuit chez eux. Elle accepta, d’autant plus qu’elle ne se sentait pas le courage de rentrer chez elle.

 

- Tu as de la chance, lui expliqua Valentin. Tu es la première à tester la chambre des enfants.

- La chambre d’ami, Val’, corrigea Gabrielle.

- Non, la chambre des enfants.

- Ce sera la chambre des enfants lorsqu’il y aura des enfants ! Ce qui n’est pas le cas actuellement ! Donc, c’est la chambre d’ami qui va servir de chambre à ma meilleure amie !

- Non, non, à la base, c’est la chambre des enfants ! C’était ce qu’avait prévu l’architecte !

- Qu’est-ce que vous en savez d’abord ? Il vous l’a dit peut-être ?

- Exact, l’architecte m’a confirmé que…

- Mais sois sérieux Valentin ! Tu n’as jamais rencontré cet homme de ta vie !

- Et alors ?! Je pense et dis ce que je veux, merde ! On est en démocratie, non ?

- Si c’est pour dire des âneries plus grosses que toi, tu peux la fermer, je ne t’en voudrai pas !

- Excusez-moi de vous déranger, interrompit doucement Jessica, mais est-ce que tu pourrais me prêter un pyjama s’il te plaît ? J’ai un peu sommeil…

- Bien sûr, approuva la jeune femme. Mais tu ne préfères pas une chemise de nuit ? Tu risques d’avoir chaud !

- Non, non, un pyjama, ça suffira.

 

Gabrielle l’observa deux secondes avec des yeux ronds, puis, finalement, alla lui chercher un pyjama pendant que Valentin préparait le lit.

 

- Voilà, tu verras, tu seras très bien. Tu vas faire un bon dodo, et tu verras que demain, tu iras mieux !

- Merci.

 

 Dix minutes plus tard, le couple la bordait comme si c’était une jeune enfant.

 

- Au fait, prévint Gabrielle, demain, on va partir au boulot très tôt. Alors, ne te fais pas de soucis si tu te retrouves toute seule. On te laisse le double des clés sur la table de la cuisine, et tu les glisseras dans la boîte aux lettres lorsque tu partiras, d’accord ?

- Ça marche.

 

Elle embrassa Jessica sur la tempe, qui esquissa un petit sourire réconforté. Valentin l’imita très vite.

 

- Bonne nuit. Dors bien surtout.

 

Enfouie sous les draps, la jeune femme s’endormit dès que les deux officiers eurent quitté la pièce sur la pointe des pieds.

 

 

 

 

- Je m’inquiète pour Jessica, dit Gabrielle, assise dans le lit, pendant que Valentin rangeait quelques vêtements dans l’armoire.

- Je te comprends. C’est la première fois que je la vois comme ça.

- J’espère que ça ne va pas durer.

- Ne te fais pas de soucis Pitchounette. Je suis certain que ça va lui passer. Elle avait l’air d’aller mieux tout à l’heure.

- Oh bien sûr que ça passera. Mais quand ? Le problème avec Jessica, c’est qu’elle a une capacité dépressive démoniaque. On ne sait pas quand ça commence, ni quand ça s’arrête. Et quand elle est dépressive, elle l’est à fond ! Tu as bien vu !

 

 

 

 

Quand Jessica se réveilla le lendemain matin, Valentin et Gabrielle étaient déjà partis au 36. Elle se sentait mieux. Elle avait dormi comme un loir, et cela lui avait fait beaucoup de bien. La photographe se rendit dans la cuisine et resta surprise. Le jeune homme lui avait laissé une délicate attention : une tasse, du café, du jus d’orange, du pain grillé, du miel et un pot de Nutella. Il avait vu juste, car elle mourrait de faim. Elle s’assit donc à la table et mangea.

 

Ensuite, elle voulut s’habiller et se dirigea vers la salle de bain. Gabrielle avait laissé sur le comptoir une serviette, un gant, du savon, et une brosse à dent neuve. Jessica fit un sourire à son reflet dans le miroir et, puisqu’elle en avait l’autorisation, décida de prendre une douche pour se détendre. Après quoi, elle retourna dans la chambre d’ami pour faire le lit et ranger la pièce. Elle trouva une feuille de papier et un stylo dans le salon de Valentin. Elle hésita un moment, puis saisit le stylo pour écrire un mot au couple. Dès qu’elle l’eut fini, elle quitta l’appartement et disparut, en laissant la feuille et les clés dans la boîte aux lettres.

 

 

 

 

Gabrielle, Val’,

 

J’espère que vous ne m’en voulez pas trop d’avoir débarqué précipitamment chez vous. Comme vous l’avez certainement compris, je ne me sens pas bien en ce moment… C’est dur à dire, c’est pour ça que je préfère l’écrire. J’ai démissionné. Je ne supportais plus mon ancien boulot. Trop de liberté. J’étais Jessica. J’en ai trouvé un autre. Dans un journal. Là, c’est plus pareil. J’ai un patron, j’ai des objectifs à tenir, je ne fais plus comme je veux, et je travaille avec des journalistes. C’est mieux pour moi. Faut que je me contrôle. Quand je me souviens de tous les hommes qui se sont succédés dans mon lit, j’ai envie de gerber. Je me dégoûte. C’est comme la drogue et le chocolat. À force d’en abuser, on se lasse, et après, on tombe malade. Je crois que c’est ce qui m’arrive. Je veux tout stopper. Je veux redevenir sérieuse. Je veux arrêter tous ces petits jeux débiles. L’amour, c’est du n’importe quoi, et le truc, c’est que ça n’existe plus. Je parle en général. Vous deux, vous faites une exception qui ne se démodera jamais. Vous êtes chanceux. Et y’en a peu dans votre situation.

 

Gabrielle, je te sens paniquer. Pas la peine ! C’est une déprime passagère, tu me connais. Mon moral remontera un jour ou l’autre, mais je ne redeviendrais pas comme avant. Promis. Je ferai plein d’efforts. Surtout, ne vous inquiétez pas pour moi. J’irai bien.

 

Gros bisous, je vous adore tous les deux.

 

Jessica.

 

PS : Val’, merci pour le Nutella. Tu ne m’en veux pas si je l’ai terminé ?

 

Extra Quatre : Sophie

 

 

N’importe quelle femme aurait paniqué si un homme s’introduisait en douce dans son lit. Mais pas Sophie. Elle n’avait pas peur. Il avait les clés de son appartement. Régulièrement, tard dans la nuit, il venait se glisser sous sa couette pour dormir avec elle. Dès fois, il ne venait pas du tout. Mais dans ces cas-là, elle ne se faisait pas de soucis. Elle était habituée à le voir rarement. Parfois, il venait chez elle à minuit et repartait à six heures du matin, sans qu’elle ne puisse le voir, ni lui parler. Elle comprenait pourquoi. Anthony avait une vie difficile qu’il essayait d’organiser tant bien que mal.

 

Cette nuit-là, il s’était glissé en silence contre elle. Elle dormait mais elle avait senti sa présence. Elle était comme ça Sophie. Elle savait le reconnaître entre mille. Le matin, elle se réveilla bien avant lui, mais attendit qu’il ouvre les yeux à son tour. Hélas, il était si mignon quand il dormait, et elle avait tellement envie de l’embrasser, qu’elle ne put résister à la tentation de lui dire bonjour.

 

- Bonjour toi, murmura Sophie en lui plantant un baiser au coin des lèvres.

- Hum…t’es vraiment pas sympa… T’as vu l’heure qu’il est ?

- Dix heures, mon cœur.

- C’est tôt ! grogna-t-il en se frottant les yeux. Je suis crevé !

- Tu as eu une grosse journée hier ?

- Très. Je suis désolé si je n’ai pas pu venir pendant une semaine, mais…

- C’est pas grave.

 

Anthony vivait encore chez ses parents. D’une certaine façon, il y était contraint, faute d’argent. Sophie lui avait souvent demandé s’il voulait vivre avec elle dans son appartement, mais il avait toujours refusé. C’était le père de la jeune femme qui payait le loyer, et le gardien de la paix ne voulait pas en profiter. Il voulait gagner le plus d’argent possible pour pouvoir aménager avec elle, dans leur propre nid. Et pour cela, il faisait souvent des heures supplémentaires.

 

- Raconte-moi ce que tu as fait cette semaine, fit Anthony en s’étirant.

- Oh, comme d’habitude. J’ai révisé.

- Bien comme il faut, j’espère.

- Oui Maman !

 

Comme tout bon petit copain qui se respectait, il faisait très attention à ce que Sophie travaille sérieusement. Il savait que ses études n’étaient pas faciles et il souhaitait qu’elle réussît du mieux qu’elle pouvait. Elle voulait devenir pharmacienne.

 

- Il y a aussi Maixent qui m’a appelée, continua-t-elle sur un ton neutre.

- Quoi ?! s’écria Anthony, en se relevant comme un ressort. T’es toujours en contact avec ce…ce…fils de…ce connard !

- Arrête un peu de l’insulter. On a juste discuté.

- Juste discuter, répéta le gardien de la paix, énervé.

- Ça va ! Ce n’est pas un crime !

- Si, c’en est un !

 

Maixent était sans doute la plus grosse menace qui tournait autour d’Anthony. C’était un ex à Sophie, qui avait toujours des vues sur elle. Ils étaient sortis ensemble au lycée. À cette époque, Anthony essayait de draguer la jeune femme, sans s’occuper de son petit-ami actuel. Séduite, elle l’avait préféré à Maixent, qu’elle avait fini par quitter. Il avait mal pris cette rupture, et depuis, il essayait de la reconquérir.

 

- Mais envoie-le bouler, merde ! Tu sors avec moi au cas où tu l’aurais déjà oublié !

- Je sais bien, mais c’est un véritable pot de colle ! Il commence même à venir me chercher à la sortie des cours !

- Quoi ?! s’étrangla Anthony. Ah non, mais je ne suis pas d’accord là ! Non, non, et non ! Il profite que je ne sois pas souvent là pour t’approcher ! Oh putain ! Valentin a raison ! Faut que je lui pète sa gueule !

- Tu ne ferais pas ça ?! s’exclama-t-elle, surprise.

- Bien sûr que si ! Tu te souviens bien quand je lui ai décalqué sa tronche au lycée !

- Oui, mais je ne veux pas que tu recommences…

- Faut pas qu’il me cherche alors !

 

Sophie attendit quelques secondes. Une fois Anthony revenu au calme, il l’enlaça tendrement.

 

- De toute façon, je fais confiance à mon Italienne préférée…

- Grazie il mio amore

 

 

 

 

 

- Révise !

- Non !

- Ah Sophie, fais pas chier ! Je ne veux pas que tu rates ton exam à cause de moi !

- Mais Anthony, je révise tout le temps ! Tu veux bien m’accorder le fait que je passe un peu de temps avec toi quand même !

- Non ! répliqua le jeune homme, buté.

 

Plus tard, dans l’aprés-midi, la jeune femme avait un peu étudié dans le salon, pendant que le gardien de la paix faisait la sieste sur ses genoux. Quand elle avait refermé son classeur d’un geste sec, le bruit l’avait réveillé, et elle avait vite compris qu’il aurait mieux valu le laisser encore dormir.

 

- Tu révises ! Un point, c’est t…

 

Sophie s’était empressée de l’embrasser pour le faire taire. Il changea vite d’opinion, et pensa finalement qu’elle avait assez travaillé comme cela. Il pouvait lui accorder une pause.

 

- Tu as une trop grande influence sur moi, remarqua-t-il en l’entraînant dans la chambre. Voilà où on en arrive maintenant !

- J’ai envie de toi, c’est tout. Ce n’est pas la mer à boire, répondit-t-elle franchement.

- Non, c’est juste une privation de révisions.

- T’es mal placé pour me faire la morale Anthony. Il me semble que tu t’accordais aussi ce genre de pause lorsque tu révisais pour ton examen.

- Oui mais moi, je voulais faire flic, et toi, pharmacienne. Il y a une légère différence, vois-tu.

 

Il la poussa jusqu’au lit, mais au dernier moment, elle eut un blocage.

 

- Quoi ? s’étonna-t-il.

 

Le regard velouté de Sophie se transforma vite en un regard sadique.

 

- Et mes révisions ? demanda-t-elle, taquine.

- Tu reprendras plus tard. Là, tu as une leçon plus urgente.

 

 

 

 

Cela leur avait manqué. Que ce soit à elle ou à lui. Ils avaient très apprécié, mais les bonnes choses ne durent pas éternellement. Anthony s’était tout de suite endormi. Sophie, elle, était restée assise dans le lit pour réviser tranquillement, collée à lui. Tout aurait été parfait, si le téléphone portable du gardien de la paix n’avait pas sonné.

 

- Oh non…fit-il d’une voix blanche en relevant la tête de l’oreiller. J’ai un mauvais pressentiment.

- Tu veux que je réponde ? proposa Sophie.

- Ouais, ce serait cool. Si c’est les flics, dis-leur que j’ai amené ma sœur à la fête foraine. Mais dans tous les cas, je ne suis pas là et j’ai oublié mon portable chez toi !

 

La jeune femme se jeta sur le téléphone qui ne s’arrêtait plus de sonner. C’était Berthier. Sophie connaissait bien son numéro, car c’était lui qui contactait toujours les flics, et Anthony était souvent réclamé.

 

- Allô ? fit-elle en décrochant, pendant que le gardien de la paix se rendormait sur ses deux oreilles.

- Sophie ? s’étouffa Corentin.

- Oui, c’est moi. Tu pensais trouver Anthony ?

- Ouais. Mais t’inquiète, je suis habitué à ce que tu répondes à sa place. À chaque fois, c’est la même chose ! Quand il faut le joindre pour bosser, c’est à toi qu’il dit de répondre ! Et c’est quoi l’excuse pour cette fois ? Rachel, encore ?

- Il est à la fête foraine avec elle, répondit la jeune femme avec un air malicieux. Et il a oublié son téléphone chez moi.

- Tiens, donc. Le contraire m’aurait étonné. Bon, sans déc’, Sophie, je t’aime bien, mais là… Sors-le du lit et donne-lui un coup de pied là où je pense. C’est super urgent. Il faut qu’il vienne bosser.

- Okay, compte sur moi. Je te l’envoie tout de suite.

 

Elle raccrocha, le sourire aux lèvres. Anthony avait entendu la fin de la conversation et la fusillait maintenant du regard.

 

- Salope.

 

Sophie éclata de rire.

 

- Après tout ce que je fais pour qu’on soit plus souvent ensemble, continua-t-il, c’est vraiment pas cool de ta part de m’envoyer bosser.

- Mais mon chéri, tu me fais bien rire ! Tu me forces à réviser, et c’est tout à fait normal que je te force à aller travailler !

- Je te revaudrai ça.

- J’espère.

 

Elle le poussa hors du lit, et il dut ramasser à contrecœur son uniforme qui traînait sur le sol.

 

- Non, sérieux, c’était vraiment pas cool.

- Va travailler.

- Je vais encore être privé de toi. Je n’en aurai pas beaucoup profité.

- Fallait pas me forcer à réviser. On aurait pu faire plus de choses toi et moi.

- Oh lala, c’est vraiment pas juste ! se lamenta-t-il en enfilant sa chemise. Faut croire qu’il y a quelqu’un là-haut qui ne m’aime pas pour me punir comme ça ! J’ai rien demandé moi ! En plus, j’ai pas du tout envie d’y aller ! Encore moins après ce qu’on…

- Anthony, file !

 

Le gardien de la paix termina de s’habiller, toujours en râlant.

 

- On verra qui fera la loi quand je serai commissaire.

- C’est pas pour demain, poussin.

- M’appelle pas « poussin » ! Bref…

 

Avant de partir, il jeta un regard qui se voulait menaçant à Sophie.

 

- Je reviendrai Soso. Et ma vengeance sera terrible ! Prépare-toi à bosser trois fois plus !

 

 

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Seja Administratrice
Posté le 13/08/2009
Je viens de réaliser une chose affreuse... C'est bientôt la fin... Ca va être terrible... Terrible... 
*sort un paquet de mouchoirs*
On plonge en plein dans l'action avec ce chapitre. Une nouvelle enquête et Gabrielle et Valentin de nouveau réunis. Gnéhéhé. Une longue enquête apparemment, chouette, chouette. Et un Maire dépressif de surcoit...
Enfin, c'est pas tout ça, mais ya aussi Jessica en pleine déprime. Pauvre... Et faut croire que le Nutella marche toujours dans ces cas-là XD
Donc, en fin de compte, je suis face à un terriblaffreux dilemme - continuer sur ma lancée et d'ici deux-trois jours j'aurai fini ( :'( ) ou... continuer sur ma lancée et finir d'ici deux-trois jours (double :'( ) 
La Ptite Clo
Posté le 13/08/2009
Moh Sej, c'est vrai, on arrive à la fin, mais y'a plein d'autres histoires à butiner sur PA, je suis sûre que tu trouveras ton bonheur. ^^ *gros Kâlin*
Ne te fais pas de soucis pour Jessica, elle s'en remettra bien plus vite que tu le penses. ^^ Bref, encore deux chapitres pour la suite de l'enquête, puis deux autres pour la fin. ;) Allez, Sej, you can do it !
Mouwaaaaaak
Sunny
Posté le 11/11/2007
J'adore la fin du petit mot de Jessica... ^^'
Pas mal l'extra :D
Reponse de l'auteur: Merci beaucoup ! XD Mouaaaaaks !
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