Les catacombes regorgeaient d’étroits chemins semblables à un labyrinthe sournois. Pour un néophyte, les couloirs sombres et humides auraient été un funeste présage, avec peu d’espoir de ressortir à l’air libre, mais l’homme qui avançait dans ce dédale savait parfaitement où il se rendait.
Keneth accéléra le pas. Tout le monde devait être réuni à présent, mais il savait que la réunion ne pourrait pas commencer sans son compte rendu. Il imaginait sans peine les autres s’impatienter en l’attendant, s’exaspérant et jurant contre lui.
Quand il arriva enfin devant la porte, il prit le temps de reprendre son souffle pour calmer sa nervosité et de baisser un peu plus son capuchon sur son visage. Dans cette pièce, l’anonymat était son meilleur allié. Keneth entra et se figea involontairement devant la douzaine de regards qui s’étaient tournés vers lui. Malgré la pénombre qui régnait dans la pièce, il discernait sans mal les silhouettes rassemblées autour de la table, dont les bougies éclairaient les mêmes capes brunes et leurs capuchons qui masquaient les traits des hommes en dessous. Ainsi affublés, il ne pouvait faire que de minces suppositions sur les membres présents à la réunion.
— Tu en as mis du temps ! cracha soudain l’un d’eux.
— Tais-toi ! Le coupa aussitôt un autre homme. Nous avons perdu suffisamment de temps. Toi assieds-toi et raconte-nous.
Keneth tressaillit, mais obéit immédiatement à l’imposante voix et s’installa à la table qui occupait presque tout l’espace de la pièce. Il but une longue gorgée de la bière qu’on venait de poser devant lui et déglutit difficilement avant de réussir à trouver le courage de parler.
— Les nouvelles ne sont pas bonnes, lâcha-t-il.
L’atmosphère se fit plus lourde autour de lui.
— Comment s’est passée la mission ? Les rumeurs sont-elles vraies ? Le questionna l’un des capuchons bruns.
— La Princesse de Carreau est bien en vie.
— Que s’est-il passé ?
— Est-ce qu’elle est blessée au moins ? s’énerva un autre homme sans lui laisser le temps de répondre.
Mal à l’aise, Keneth se mit à boire une nouvelle gorgée de bière.
— Nous nous sommes fait avoir, poursuivit-il. Je ne sais pas qui nous a donné les informations que nous avions, mais elles étaient erronées. La princesse n’était pas là. Elle avait pris la route avec la Confrérie de la Lune quelques heures plus tôt. Je pense qu’il faudrait revoir nos sources et ceux à qui nous accordons notre confiance.
Keneth avait parlé d’une traite, sans même oser respirer. Voilà, c’était dit, il venait de jouer la seule carte qu’il avait en sa possession.
Comme s’il avait mis un coup de pied dans une fourmilière, tous les hommes de la pièce se mirent à parler en même temps, s’indignant et accusant à tout va dans un chaos sans nom. Leur organisation allait en prendre un coup, mais elle survivrait, et c’était l’occasion pour lui de s’y faire une place.
Un instant, l’attention de Keneth se porta sur un homme qui se tenait à l’écart des autres, au fond de la salle. Celui-ci était étrangement silencieux malgré le brouhaha ambiant et semblait l’observer. À bien y réfléchir, Keneth était presque certain de ne l’avoir jamais vu auparavant. Il se dégageait de lui une telle aura qu’il l’aurait forcément remarqué. L’inconnu l’hypnotisait tant qu’il n’arrivait pas à en détourner le regard. S’il avait été quelqu’un de plus important ou s’il possédait plus de courage, Keneth serait peut-être allé lui parler, mais ce n’était pas le cas. Au prix d’un ultime effort, il parvint enfin à baisser les yeux, totalement intimidé, et se contenta d’attendre que l’on s’adresse de nouveau à lui.
— Un peu de calme, mes frères ! clama un nouveau capuchon anonyme. Explique-nous. Il y a pourtant eu un blessé n’est-ce pas ?
— Oui, confirma Keneth. Une jeune fille a été prise pour la cible. Celle-ci se trouvait dans les appartements de la princesse et a survécu à l’assassin.
Il n’en fallut pas plus pour que les membres de l’organisation se remettent à parler tous en même temps, sans plus faire attention les uns aux autres. Keneth se recroquevilla sur lui-même comme si ce simple mouvement pouvait le protéger de l’avalanche de questions qui pleuvait sur lui.
— Dans ses appartements ? s’écria un homme.
— Comment ont-ils pu prévoir nos agissements ? Renchéris un second.
— Vous pensez qu’ils étaient au courant ? Impossible !
— Ils nous attendaient, c’est évident ! Cette fille n’était qu’un leurre destiné à nous piéger !
À peine une question lui parvenait qu’elle était aussitôt remplacée par une autre dans un mélange confus qui empêchait Keneth de réfléchir. La moitié de ce qu’il réussissait à entendre n’avait pas le moindre sens pour lui.
Ce n’est que quand les voix s’interrompirent brusquement qu’il remarqua que le vieil homme face à lui levait impérieusement sa main. Son regard autoritaire se promena sur chaque membre, comme pour vérifier que personne n’oserait s’opposer à lui ou ne lui ferait l’affront d’ajouter quoi que ce soit. Inconsciemment ou non, il inspirait à la fois un mélange de respect et de terreur, mais peut-être était-ce aussi parce qu’il était le seul à ne pas se soucier de dissimuler son visage, dont le capuchon pendait à peine sur son front.
— Keneth, quand est-il de notre homme ? demanda-t-il.
Keneth se figea comme si son corps entier s’était soudain changé en glace. Cet homme venait de révéler publiquement son identité. S’il n’avait eu que des doutes jusque là, il était à présent presque certain que ce vieillard était un haut gradé de l’Organisation. Était-ce pour le tester afin de prouver sa dévotion ? Pendant une très longue seconde, l’unique solution qui s’imposa à l’esprit de Keneth fut de disparaître de la circulation dès la réunion terminée, et peut-être même de simuler sa mort. C’était certainement la meilleure chose à faire, mais il rêvait de rejoindre l’Organisation depuis des années et il avait enfin une chance de pouvoir y parvenir. Il ne pouvait pas abandonner maintenant. Et puis, comment cet homme connaissait-il son nom ? Un haut gradé pouvait-il s’intéresser à lui, qui n’était rien ? Ça ne pouvait vouloir dire qu’une seule chose, il avait été repéré. L’Organisation avait dû voir en lui du potentiel. Il allait enfin être reconnu à sa juste valeur.
— Il a fait en sorte de ne pas survivre à l’explosion, comme convenu s’il n’avait aucun moyen de s’échapper, répondit-il enfin.
— Bien. Vous voyez mes amis, aucune raison de s’inquiéter davantage. Maintenant, ils n’ont plus rien qui leur permettrait de remonter jusqu’à nous.
— Vous plaisantez ! s’énerva l’un des capuchons bruns. Et qui les a mis au courant ?
Le vieil homme plia et déplia ses doigts devant lui, parfaitement calme, puis appuya tranquillement son menton contre ses phalanges. Il balaya la pièce du regard.
— Nous sommes tous là n’est-ce pas ?
Avant même que quiconque puisse lui répondre, le vieillard fit un signe de la main et une ombre fila dans la pièce. Il ne se passa qu’une fraction de seconde, mais au moment où celle-ci se figea à nouveau derrière lui, quatre hommes tombèrent à terre, la gorge tranchée.
— Bien. A priori, nous n’avons plus de raison de douter les uns des autres. Je vous présente quatre des cinq personnes dont je n’étais pas entièrement sûr de la loyauté. Quant à toi, Keneth…, siffla-t-il en le dévisageant d’un air étrange. Il faudrait être des plus stupides pour venir ici si tu nous avais trahis, n’est-ce pas ?
Keneth n’esquissa pas la moindre réaction. La voix du vieillard lui parvenait étouffée entre le bruit assourdissant des pulsations de son cœur. Ses yeux n’arrivaient pas à se détourner du sang qui dessinait des chemins sinueux sur la pierre humide des catacombes.
— Pour le reste, reprit le vieil homme sans plus se préoccuper de lui, je vous contacterai avant notre prochaine rencontre. Ne faites rien d’ici là, attendons que les choses se calment.
Keneth était toujours pétrifié quand les hommes anonymes sous leurs capes brunes quittèrent un à un la pièce. Des gouttes de sueur perlaient sur son front tremblant. Enfin, il se décida à jeter un furtif coup d’œil en arrière, vers les cadavres qui se vidaient de leur sang. Il ne l’avait pas vu bouger, mais lorsque l’ombre s’était immobilisée de nouveau il était presque certain d’avoir reconnu la silhouette d’une femme.
Un rire tendu s’éleva dans la pièce déserte et il sursauta quand il se rendit compte qu’il s’échappait de sa propre gorge. Il n’arrivait pas à y croire. S’il avait bien vu une femme, alors il y avait de grandes chances pour que le vieil homme fasse partie de l’un des dirigeants de l’Organisation, un initié. Et un homme aussi prestigieux venait de lui accorder sa confiance. Keneth était fou de joie, il n’aurait pu rêver pareil opportunité. Toutes ces années de travail pour attirer leur attention étaient enfin sur le point de payer.
Dans un coin de la pièce, un homme l’observait attentivement. L’inconnu, dont il avait pleinement ressenti l’aura un peu plus tôt, avait à présent totalement effacé sa présence. Persuadé qu’il était seul, Keneth ne le remarqua que lorsque celui-ci lui murmura avant de disparaître.
— Je sens que nous allons faire de grandes choses. Ensemble.
"il prit le temps de reprendre" => petite répétition de la racine "prendre"
"Un instant, l’attention de Keneth" => "un instant" alourdit le début de phrase sans vraiment avoir d'utilité
"Une jeune fille a été prise pour la cible. " => remplacer "prise" par "confondue" ?
"Celle-ci se trouvait dans les appartements" => "celle-ci" est peut-être plus adapté à un passage descriptif qu'à un dialogue quand bien même les personnages s'expriment dans un registre plutôt soutenu ou courant/-soutenu. "elle" pourrait suffire ?
" Keneth, quand est-il de notre homme ?" => "qu'en"
"sur son front tremblant" => en vrai... ce sont plutôt les lèvres, les paupières, le menton qui s'agitent mais le front tremble très rarement (c'est même assez technique de réussir à faire trembler un front si tu veux mon avis huhu)
Ne te gênes surtout pas pour pinailler, au contraire ! Surtout que j'ai tellement retravaillé ce passage que je ne devais plus voir grand chose à la fin xD
J'avoue que ce ne doit pas être évident en effet ! Il va falloir que je change ça, à moins qu'il ne s'agisse d'une caractéristique exceptionnelle de Keneth xD
Je trouve que c’est toutefois une bonne chose.
Comme ça ont peut voir ce qui ce passe à divers endroits et divers moments.
( Toujours de très bonne descriptions)
Ravie que mes descriptions te plaisent !
Cette fois ci, on a affaire à une organisation d'assassins. Je pensais que Keneth était celui qui avait blessé Tali, mais à priori non. Puis j'ai pensé que c'était un traître qui se faisait passer pour un des leur, et en fait non, visiblement. Enfin, peut-être qu'une certaine princesse parviendra à le faire changer d'avis quant à ses ambitions ?
Je note juste la répétition de "pièce" dans le troisième paragraphe à partir du début qui m'a fait un peu tiqué, mais à part ça ta plume est toujours aussi agréable à lire !
A bientôt !
Annyaëlle, Liam, Kaärna et Erkhän sont mes points de vues principaux et ceux que l'on suit tout au long de l'histoire. Les trois autres (dont Djoka et Keneth) sont ponctuels et assez rares.
D'ailleurs, je voulais te demander. Est-ce que cette alternance entre les personnages n'est pas trop dure à suivre ?
Il est possible qu'il croise sa route, mais quant à savoir si elle le fera changer d'avis...mystère !
Je prends note et je vais voir comment modifier ça ! Merci :)
A bientôt !!
Enfin, tout ça reste mon avis personnel et dans tous les cas je passe un bon moment en lisant chaque chapitre !
A bientôt !
Oui j'imagine que ça doit être un peu frustrant ! Moi-même je me souviens de certaines lectures où j'avais hâte de changer de chapitre pour retrouver un personnage en particulier ^^'
L'important c'est que tu passes un bon moment :) j'espère que ça continuera !!