Chapitre 12 - La bougie (I)

Par Daichi

* Présent *

Joshua avait appris deux leçons auprès de son père. La première était de ne jamais le contrarier. La seconde, de ne jamais oublier sa place.

Alors que devant Hugues Lewis se tenaient bien justement deux jeunes importuns, dont la présence dans son bureau de maire avait tout l’air d’une intrusion, un rappel aux règles aurait semblé nécessaire. Si le soixantenaire assis sur sa chaise n’était pas principalement subjugué par tant d’audace.

« Je me suis permis de vous ramener votre fils en personne, dit Owlho devant le maire. Celui-ci semblait s’être perdu en plein désert, à mon grand regret ! Je m’attriste de voir que de si grands hommes peuvent finir dans de dangereux territoires. Le voilà en sécurité désor…

— Qui êtes-vous ? », le coupa très simplement la lourde voix du dirigeant, coudes posés sur son bureau. Sous ses deux grandes mains jointes se trouvait une barbe taillée accompagnée d’une élégante moustache, le tout joint à des cheveux gris plaqués en arrière. Le grand manteau noir qui couvrait ses épaules s’accordait à son imposante stature, sans perler son front de la moindre goutte de sueur. Restaient ses yeux, plissés par l’inconfortable situation à laquelle il faisait face. Le regard par ailleurs penaud de son fils le couvrait de ridicule.

« Un simple professeur de musique, au conservatoire impérial. Mon nom ne vous dira rien.

— Soit. Deuxième question : que fait un “simple professeur de musique” en compagnie de mon fils, dans mon bureau ?

— Il se trouve que, par un heureux concours de circonstances, notre aimé sénateur Swaren m’a fait l’honneur de faire partie de la sélection du Dawnbreaker. C’est là que j’ai trouvé votre fils. Nos autres administrés se trouvant fort occupés, et mes élèves se préparant pour la cérémonie de couronnement, je me suis porté volontaire pour vous l’ame…

— Troisième et dernière question. Que fait-il ici ? »

Cette question-ci, Owlho ne parut pas l’avoir préparée, au vu du temps qu’il mit à rebondir. S’était-il persuadé que son père l’attendait avec impatience ? Joshua trouvait le musicien de moins en moins convaincant, tout compte fait. Lui qui avait pourtant réussi à tenir tête à Swaren.

« Eh bien, reprit Owlho avec mesure, j’aurais pensé que l’échec de votre fils aîné vous aurait inquiété quant au sort du cadet. »

Jamais Joshua n’avait vu son père blêmir autant que lui. Cela le bouscula davantage que l’annonce du musicien, dont le sourire grandissait à vue d’œil. Il veut mourir, cet abruti ?

« Je vois, grogna Lewis en s’adossant contre son siège, déliant ses doigts. C’est donc vous, les hiboux…

— Ma réputation me précède ! s’exclama Owlho, flatté et rassuré. Bien que je préfère le terme de chouette. Je tiens à ce que ce petit secret reste entre nous. Et à la grande discrétion de votre fils, bien entendu. »

À la suite d’un clin d’œil adressé au cadet, il retira son frac couleur olive et le posa sur le bureau, avant de s’y installer lui-même, jambes croisées. Le maire se redressa, désireux de faire avaler à ce malotru une quantité non négligeable de charbons ardents, mais une force – la raison, peut-être ? – le retint. Joshua se sentait mal : un nœud dans son estomac se formait, peu à peu, alors que la scène se déroulait sous ses yeux. Celle de son père incapable de remettre à sa place un jeunot sorti de nulle part.

« J’imagine que vous souhaitez quelque chose en gage de votre silence, siffla le maire.

— Mon silence ? Mais il vous est entièrement accordé, Monsieur le Maire ! Il serait malavisé de ma part de vous le demander. Vos petits secrets seront bien gardés avec moi.

— Alors quoi ? Que voulez-vous, nom d’un chien ! » Lewis venait de frapper son bureau du poing, alors que son interlocuteur restait d’une immobilité bien sage. « Ne me faites pas regretter de vous accorder de mon temps.

— Farouches dans votre famille, n’est-il pas ? Eh bien, je ne souhaite rien de moins que vous adresser tout mon soutien. Je sais ce que cela procure comme désagréables sentiments, de voir notre autorité parentale contestée. Peut-être un jour vous demanderai-je conseil, en ce domaine – votre fils me paraît bien plus malléable. Mais pour le moment, je me dis qu’une petite part de mon aide ne vous serait pas de refus. »

Le maire et consul attendit patiemment – du moins autant qu’il le put – que le professeur finît. Ce dernier prit le temps de remettre en place le bouton de son veston acajou, puis de regarder les nombreuses horloges de fer qui décoraient la baie vitrée. Sur l’une des aiguilles se tenait un petit oiseau, tout de métal vêtu. Sautillant sur place, ses yeux de rapace nocturne fixaient la scène avec intérêt.

« La mission de votre fils a échoué, semble-t-il, reprit Owlho. La lanterne se trouve dans les mains d’une paysanne, qui est passée entre les mailles de la sélection. Voler une jeune fille lui a paru au-dessus de ses moyens.

— Répète pour voir ! s’emporta Joshua, qui approchait furieusement de lui.

— Silence ! lui intima le maire, d’une autorité incontestable, avant de revenir vers Owlho. Si la lanterne se trouve entre les mains d’une gamine et que vous savez où elle se trouve, je ne vois pas en quoi cela relève d’une mauvaise nouvelle.

— Le cube est vierge, Lord Lewis. »

Le silence prit sa place sur scène. Père comme fils se rongèrent les ongles, tous deux pour différentes raisons, laissant au musicien tout le loisir de poursuivre.

« Votre temps est compté, si je ne m’abuse ? Rien ne pourra venir rattraper cette grossière erreur familiale. Mais ! il se trouve que cette jeune fille a utilisé la lanterne. Certes vierge, mais entre les mains de sa détentrice légitime. En somme, elle seule connaît la combinaison permettant de débloquer la lumière-guide. »

D’une sagesse qui lui seyait fort mal, Lewis plongea sur son siège, le nez entre deux doigts. Pensif, il intima à Owlho de continuer.

« La situation nous honore, tous les trois ! » Il se leva, et se plaça derrière Joshua, qui eut la bonne idée de rester coi. Deux mains sur ses épaules, il l’avança jusqu’au bureau. « Je sais reconnaître un artiste quand j’en vois un, Lord Lewis. Tant qu’il est dans la fleur de l’âge, il est capable de merveilles. Le tout est de lui laisser l’opportunité de rouler sur les bons rails. »

Les regards d’Owlho et Joshua se croisèrent un instant, alors que le visage du premier surmontait l’épaule du second, tremblante de rage. Peu connaissaient l’attrait du garçon pour le dessin et l’architecture, et ce n’était pas chose qu’il aimait communiquer. À l’instar de son paternel.

« Et il se trouve que je sais parfaitement où le mèneront ces rails. Et où ils vous guideront.

— Et vous savez également jusqu’où vous irez en suivant ces ornières, le provoqua Lewis.

— Cela va sans dire ! J’apprécie donner de mon âme pour les grands dirigeants de notre Saint Empire, tant que cela me vaut de lui proposer ma propre formule. »

S’écartant du cadet, qui serrait les poings à s’en saigner la paume, Owlho tendit une main au maire. Hésitant quelques instants, ce dernier la serra, avec mépris mais résignation.

« Un plaisir de faire affaire avec vous ! se réjouit le professeur en attrapant sa veste. Ah, une dernière chose. Saluez l’Empereur de ma part. »

Hein ?!

Il partit d’un petit rire avant de quitter le bureau, laissant père et fils seuls. Avant que ce dernier ne pût dire un seul mot, se remettant de cette dernière annonce, il se trouva à terre, la lèvre en sang, près de son père qui vint lui frapper le ventre d’un solide coup de pied. Sans doute pour se calmer les nerfs. Le grand homme inspira un grand coup, alluma un cigare tandis que son fils se levait, et parcourut la pièce du regard.

« Père, balbutia Joshua, je…

— La ferme », rugit son paternel, qui continuait d’inspecter le bureau, plaçant quelque chose dans sa poche. Puis, il appuya sur quelques touches de sa machine à écrire, les lettres ainsi alignées ne formant rien d’intelligible, et de petites tourelles apparurent depuis le plafond. Elles tournèrent sur elles-mêmes un moment, quand enfin, d’un unique coup, elles firent tomber trois petites chouettes qui étaient subtilement cachées. Le ventre troué d’une balle, elles s’éteignirent paisiblement sur la moquette du bureau.

Une des tourelles visait avec insistance la baie vitrée, sans oser tirer. Sur l’une des aiguilles, le maire vit un homologue avien, qui s’envola d’une seule traite.

« Fait chier, grogna-t-il dans sa barbe. M’enfin, il ne peut plus rien écouter maintenant. »

Il s’assit sur une des grandes ottomanes qui décoraient la pièce, probablement fatigué du meuble administratif sur lequel le musicien l’avait nargué, et savoura silencieusement son cigare. Joshua sut se montrer patient, faute de pouvoir faire mieux. Quand son père l’alpagua enfin.

« Que faisais-tu réellement avec lui ?

— Swaren m’a capturé. Puis il a fait de même.

— Réduit à servir d’otage, tu me flattes, ironisa Lewis. Il n’attendait rien de toi ?

— Pas que je sache », marmonna Joshua en reniflant une goutte de sang. Hors de question de tacher le tapis !

« Tu n’en es pas certain, donc.

— Il n’a pas lâché un mot de tout le voyage. Pas même pendant que j’étais attaché dans son bureau, son nez plongé dans une pile de lettres.

— Une pile de lettres ? ricana le maire.

— Oui, qu’une élève lui donnait… Rien d’important ! Il voulait juste se servir de moi pour se servir de vous. »

Suite à cet élan de témérité, Joshua serra les dents, guettant les réactions de son géniteur, jambes croisées et lèvres pressées sur son cigare. Mais il se contenta de tirer dessus longuement, les yeux dans le vide, sans plus de réactions. Quand enfin il lâcha ces mots, derrière la brume grise qu’il exhalait :

« Possible. Mais rien ne me l’affirme. Je suis entouré d’une foule de rapaces… Ha ! Le mot est bien choisi. Que le plus mystique d’entre eux soit si jeune…

— Ah, si ! », le coupa soudainement Joshua. Geste qu’il se prit à regretter, voyant les lèvres du maire se cacher dans sa barbe, serrées qu’elles étaient. Avant qu’il ne pût réagir davantage, son fils enchaîna : « Ce prof, il a parlé de Swaren… Ou plutôt de l’Araignée. Qu’il “ne serait pas au courant”.

— Développe.

— Je n’en sais pas plus. Il lisait ses lettres, et a lâché ça, subitement.

— Il t’a dit ça à toi ? sourit-il, jaune.

— Non, à l’élève en question… Elle n’était pas très loquace non plus, probablement parce que j’étais là. »

Le soupir de fumée qu’il libéra sembla lui intimer de continuer, mais Joshua ne put que baisser les yeux, penaud d’ignorance. Son père lâcha vite l’affaire.

« Si d’aventure ce jeune homme te parle à nouveau, fais-le-moi savoir. Et pas de but en blanc, il me surveille… Non, nous surveille en permanence. Je dois savoir s’il me faut l’éliminer sans attendre ou le garder pour moi.

— Qu’a-t-il de si dangereux ? Tant mieux pour lui, s’il utilise des drones. Il n’est pas le seul.

— Il y a des choses que tu ignores probablement, pour ton bien. Et le mien, connaissant ta grande gueule. Ce gamin a la langue bien pendue, mais sait la ranger en circonstances. Swaren observe, et d’autres nobles ou sénateurs ont également leurs yeux et leurs oreilles. Maxwell, pour ne citer que le moins discret. Mais rien qui n’égale ce foutu musicien. Non seulement personne ne connaît son existence, mais surtout, personne ne se doute que ses chouettes guettent le moindre mètre carré de la ville. Personne ne se doute de rien… Et donc, personne ne les élimine, ses drones. Pire : il semble en avoir davantage, de mois en mois. Et tu me demandes ce qu’il pourrait avoir de dangereux ? »

Sa voix s’était muée en grognement, le long de sa tirade. Les doigts de Joshua commencèrent à trembler, sans qu’il ne puisse les arrêter. Il les cacha dans ses poches, feignant la nonchalance, hochant la tête. Sans mot dire.

« Néanmoins, il n’est pas le plus à craindre. Le fait que tu aies été capturé le prouve bien.

— Swaren ? Il vous est fidèle…

— Tant que cela lui apporte quelque chose ! Il a toujours dirigé cette cité. C’est la sienne, non la mienne. Bien que j’aie redressé la ville et limité la migration, il reste l’unique élément dont je ne parviens pas à obtenir le contrôle. De surface, il m’assure sa pleine obéissance, et me laisse influer le Sénat à ma guise. Mais s’il parvient à avoir ce qu’il souhaite… »

Joshua n’osa pas le forcer à finir sa phrase. Il crut voir, l’ombre d’un instant, une frayeur insondable dans les yeux de son géniteur. Il n’avait aperçu cela qu’une seule fois, lorsqu’un homme habillé d’un masque à bec d’oiseau s’était invité chez eux, douze ans auparavant. L’unique consul qui ne se manifestait jamais. Son nom lui était inconnu… Mais le râle qui lui servait de voix, lui, il ne pourrait l’oublier.

« Pourquoi me dire tout cela ? osa-t-il néanmoins, quand le silence se fit trop pesant.

— Car j’en ai assez que tu me serves à rien ! poussa le maire en éteignant son cigare sur l’ottomane neuve. Je compte bien tirer profit du petit lien qui pourrait t’unir à ce professeur. Si lui et Swaren sont effectivement en conflit, cela m’arrange.

— Je ne suis pas sûr qu’il me reparle un jour…

— Eh bien, nous verrons. Passons. Comment as-tu perdu la lanterne ? Un duel qui a mal tourné ? »

Joshua demeura interdit, face à ce brusque changement de sujet. Mais, principalement à la pensée du cube qu’il avait nonchalamment laissé par terre, peu avant de rejoindre le premier wagon. La honte trahissait son visage.

« Tu n’as pas fait ça…, s’apitoyait le maire.

— Le cube était vierge, je ne pouvais rien faire avec ! Comment aurais-je pu deviner que… »

De rage, son père se leva prestement, prêt à le remettre à terre.

« Je sais qui l’a ! s’écria subitement Joshua en tendant ses mains devant lui, ayant fait trois pas en arrière. Je sais qui a le cube, et je sais à quoi elle ressemble…

— Elle ? grogna le père en stoppant sa marche. C’est donc bien une paysanne qui t’a séduite ? Pas encore une autre conquête, j’espère.

— Non, juste une inconnue… C’était à elle, à la base. Comme la lanterne était inutilisable, je la lui ai rendue…

— Ça t’aurait tué de la conserver, “au cas où” ?! Misérable… »

De nouveau, le père frappa du poing sur le bureau, y écrasant son cigare.

« Ton frère n’aurait pas commis une erreur aussi stupide.

— Mon frère, encore lui… »

Le bruit du nez cassé de Joshua résonna dans la pièce, plus encore que l’impact de son crâne sur le bureau de bois sombre. Son père maintenait sa tête contre le meuble, le visage cramoisi. 

« Combien de fois t’ai-je répété de rester à ta place ! Ce petit ton arrogant ne te sied pas. Tu n’as de mérite que dans ton nom. Lewis. Lewis… » Il prit une grande inspiration, ricanant ce nom, tenant fermement la tête de son fils dans sa grande patte. « J’aurais dû te laisser le nom de ta mère, cela m’aurait affublé d’un moins grand déshonneur. »

D’une main, le père récupéra la partie intacte du cigare, prit le temps de l’allumer près de l’ampoule du bureau, avant de l’approcher de la joue de son fils. Un souvenir douloureux lui déforma le visage, qui perdait peu à peu toute assurance. Il tentait de reculer, mais la poigne de fer du colosse le lui interdisait.

« Et tu as un don pour me contrarier. Oh que oui, pour cela aussi tu as du mérite. Souhaites-tu peut-être continuer à en faire l’éloge, ou bien garder l’unique pupille qu’il te reste ? »

L’œil pourtant mécanique de Joshua devint plus humide que son voisin. D’un pur réflexe, il ferma ses paupières, attendant le contact brûlant de la braise sur son visage. Il n’en fut rien. Le cigare finit simplement jeté à la poubelle.

« Tu vas partir me ramener ce que tu as perdu. Non… Ce dont tu t’es volontairement débarrassé. Et assure-toi de revenir avec cette femme, et d’éliminer ceux avec qui elle pourrait être en contact. Tu as six heures devant toi. Ce n’est pas la peine de revenir au-delà. »

Il lâcha les cheveux de Joshua, qui se releva sans attendre, s’assurant une visible distance entre eux. Il tentait de remettre son nez en place, attendant la suite.

« À coup sûr, suivre ces foutus piafs te sera bien suffisant pour la retrouver.

— Une dernière chose, bredouilla Joshua, craignant une nouvelle attaque. Un homme… à Flicky Way… m’a demandé de vous transmettre un message. » Hugues patienta, observant Montnimbe, se tournant face à la baie vitrée. « Que “vous regretterez ce que vous avez fait.” Je ne sais pas de quoi il parlait, mais… »

Le consul fit tourner sa langue contre ses dents, dos à son fils, ruminant. Intéressant…

« Pars. »

Joshua ne demanda pas son reste : il tourna les talons et s’assura de quitter la pièce aussi vite que le lui permettait une marche dotée de l’étiquette. Hugues sortit du tiroir de son bureau un cube, décoré de multiples engrenages. Il les actionna dans un ordre précis, libérant une faible lumière en son sein. Il tenta ensuite d’autres combinaisons… sans succès. La relique restait vierge à son toucher, malgré les années séparées de son maître d’origine. Un maître aux mains royales, et en mémoire une combinaison.

“Ce que j’ai fait”… Très intéressant.

 La lanterne posée, main attrapant le contenu de sa poche, il se ralluma un cigare, observant Montnimbe depuis la baie vitrée. En demi-lune, arrondie en bas, et laissant les aiguilles de l’horloge de l’hôtel de ville indiquer l’heure à toute la noblesse.

Alors qu’il n’était pas encore minuit, les cloches se mirent à tonner, et l’énorme bâtiment de cuivre à vibrer. Depuis cette pièce fortement insonorisée, le seul étage qui séparait le maître des lieux de sa cloche dissidente ne suffit point à masquer la puissance des coups. Cette spectaculaire sonnerie se répercuta dans la cité entière, annonçant à tous qu’il était l’heure. Mais de quoi ? – personne n’y prêtait plus la moindre attention. Peut-être Swaren fulminait-il, dans ses quartiers, découvrant que sa proie s’était à nouveau échappée ?

« Ironique, marmonna le maire en observant la lanterne éteinte. De qui ces cloches sonnent-elles le glas ? »

Patientant jusqu’à la fin de ce concert infernal, Hugues captura du coin de l’œil la clé de serrain que le professeur lui avait donnée lors de leur poignée de main. Accompagnée d’une note. En petite écriture, elle disait très simplement ceci.

« Petit conseil parental : laissez votre petit chasser de lui-même. »

——

Alors que les murs de la chambre d’hôtel vibraient à s’en faire percer les tympans, Neila se réveilla dans un formidable sursaut. Elle ne sut dire s’il s’agissait des cloches de la ville ou celles qui sonnaient dans sa boîte crânienne qui lui faisaient le plus mal. Une chose était sûre : elle ne se souvenait plus de grand-chose. Du visage rassurant de Lyza, éventuellement. Et d’une chambre au lit moelleux. Enfin…

Elle soupira, et sentit tout l’alcool qui s’échappait de ses poumons. Si McQueen la voyait ainsi, elle aurait le droit à une sacrée correction. Au saloon, que McQueen avait racheté, elle n’avait le droit à l’alcool que depuis un an seulement. Son nouveau parent était certes strict, mais lui permettait quelques écarts à la bonne conduite de la vieille pie. Sortant de ses souvenirs, Neila s’assit avec difficulté sur le lit double, sur lequel elle se tenait seule.

Lyza doit probablement être sortie faire un tour.

Remettant sa lunette en place, elle jeta un rapide regard à la petite horloge sur le mur, qui indiquait que le soleil couchant commençait à épouser l’horizon. Bien entendu, d’ici, rien ne pouvait le montrer. Aucune fenêtre, et de l’extérieur, aucun contact avec le ciel. Une horloge mécanique suffisait, après tout. Lorsque l’on savait mesurer le temps, la course du soleil n’intéressait plus personne.

Je ne dirais pas non à admirer un beau coucher de soleil, pourtant.

Elle s’étira et se leva, avant de se masser le crâne, priant pour que le vacarme des cloches cessât enfin. Quand sa supplique fut entendue, on tapait à la porte de la chambre.

« J’arrive, geignit Neila en ouvrant, pensant retrouver le visage marbré de sa compagne.

— C’est pour la note, grogna un individu peu soigneux, tendant une petite assiette qui n’attendait qu’à être remplie de billets.

— Ah… Euh… Mon amie ne devrait pas tarder, et…

— Hm ? » L’individu ouvrit un petit calepin, et vérifia le numéro de la porte. « Non, vous avez réservé cette chambre pour vous seule. À seize heures vingt-huit, précisément. »

Neila se trouvait parfaitement médusée face à la situation. Elle ne savait comment répondre ni comment réagir, face à l’insistance du bonhomme et de la note affichée sur l’assiette. Cent-trente-cinq sterlings… Elle était sûre de ne pas en avoir plus de vingt ! Elle fouilla dans sa sacoche, mais n’y trouva ni portefeuille ni cube. Prise de panique, elle chercha dans ses poches, sous l’oreiller et la couverture, dans la commode, encore dans d’autres poches et même sous le lit. Alors que l’imposant tenancier vint lui secouer l’épaule.

« Bon, ça vient ? J’ai accepté que vous payiez après avoir occupé la chambre, c’est chose faite. Il se fait tard ! Je dois me coucher.

— C’est-à-dire que…

— Quoi, vous pouvez pas payer ?!

— Promis, je vous paierai ! Dès que possible, mais là… »

Deux minutes plus tard, elle se trouvait dans un conduit à ordures, à glisser au milieu des déchets sur de nombreux mètres. Se protégeant la tête à l’impact, elle finit dans une énorme déchetterie.

« Encore, grogna-t-elle en réprimant un haut-le-cœur. Je passe ma vie dans les déchets moi… Au moins, pas besoin de payer. Et j’ai pas cassé ma lunette, pour une fois. »

Sauf que cette fois-ci, elle se trouvait seule. Et dans le noir. Non pas un noir complet qui l’aurait pliée de terreur, mais une fine obscurité, d’où parvenait avec peine les lueurs du dessus. D’en dessous… Il n’y avait rien. Rien de visible, en tout cas. Les bruits des fours et l’odeur de soufre lui parvinrent sans mal, l’obligeant à une grimace. Un sentiment de malaise certain la rongea, mais elle se décida à quitter l’insalubre endroit qui lui servait de lieux de repos.

Où Lyza avait-elle bien pu partir ? Pourquoi réserver la chambre à son nom ? Lui avait-elle volé le cube ? Pourquoi ferait-elle une chose pareille ? Neila lui faisait confiance. Et puis, elle lui avait payé à manger, à boire, pourquoi lui voler quelques billets ? Cela n’avait aucun sens !

À moins qu’elle ait été enlevée ?

Non. Neila n’aurait pas été laissée seule dans la chambre, et un enlèvement en plein jour dans un hôtel n’était pas envisageable. Peu importait les pistes qu’explorait Neila, elle n’y trouvait aucune réponse. Seules deux choses étaient sûres : elle était sans argent, et seule.

Non ! se dit-elle avec violence, se frappant les joues. Se rappeler sa misérable condition ne la sortirait pas de ce mauvais pas. Il lui fallait trouver un moyen de quitter cet endroit lugubre – ce qui semblait être une ruelle de Solstille, si sa mémoire était bonne – et vite. Elle pourrait au moins se repérer et poser des questions. Bien que la nuit commençait à tomber. Et même pour une ville éternellement allumée comme Everlaw, la nuit signifiait un manque d’activité considérable.

Pendant sa marche, elle abandonna un nombre incalculable de ruelles et autres passes, menant vers de sombres antres malfamés. De là-bas venaient des gémissements, des râles ou des soupirs haletants. Certains sanglots se firent une place depuis une fenêtre, que la jeune femme contournait.

Après plusieurs minutes de voyage, quand l’ambiance sonore vint à se calmer, elle tenta d’ouvrir une porte. Puis une autre. Et une dizaine d’autres. Toutes verrouillées, et ne laissant passer aucune lumière. Elle se demandait ce qui pouvait bien vivre derrière ces murs si étroits, si lugubres, si peu avenants… Non sans se rassurer que sur son chemin, ne se trouvèrent nulle de ces ombres menaçantes. Juste un petit oiseau mécanique, semblable à une chouette, qui venait de lui frôler les cheveux.

« Halte-là ! », l’avertit une voix derrière elle. Elle sursauta et se tourna, face à une silhouette à chapeau. Du peu de lumière qui parvenait de la surface, elle devinait simplement un grand manteau et un fusil pointé en sa direction. Sans attendre, elle leva les mains au-dessus de la tête. Un brigand ? Un policier ?

« Ça ne va pas de tenter d’ouvrir les portes des gens, comme ça ?

— Je… je cherche juste un moyen de rentrer chez moi, je me suis perdue, improvisa Neila.

— Vous habitez dans le coin ?

— Non… Mais, je cherchais simplement de l’aide… »

L’homme ricana et alluma une petite lampe à huile, attachée à sa ceinture. Son visage apparu, de tout juste la quarantaine, si ce n’était moins. Sur le grand manteau beige de l’individu se tenait une étoile, qui illumina le visage de Neila.

« Vous êtes shérif !

— Non, commissaire. On n’a pas de shérif, à Everlaw. J’me disais bien que vous n’étiez pas d’ici. Vous êtes arrivée hier ? Avec le Dawnbreaker ? »

Neila opina vigoureusement du chef, rassurée de ne pas avoir à justifier sa situation. Elle garda néanmoins les mains au-dessus de la tête, priant pour qu’il n’en demandât pas plus à son sujet. Après tout, je ne suis pas légalement sortie des mines…

Cette pensée la glaça quelques instants. Elle n’avait jamais pu obtenir sa réponse… Pourquoi avait-elle été capturée avec Noah ? Cet homme savait-il des choses à ce sujet ? Elle espérait bien que non. La dernière chose dont elle avait besoin était de ravoir une pioche entre les mains…

Il s’approcha d’un air machinal et lui palpa les poches, les fesses et les cuisses à la recherche d’une arme. Il n’en trouva pas plus dans sa sacoche : Neila était parfaitement désarmée, ayant tout laissé chez le Doc. Le revolver était à Noah, après tout.

« Bon, bon. Ça fait longtemps que je n’avais pas vu quelqu’un de l’Est. Je vous excuse vos mauvaises manières… Mais vous allez tout de même devoir me suivre. Pour la forme, m’voyez. » Rangeant son fusil, il vérifia l’heure sur sa montre à gousset, lâchant un terrible soupir. « Il est tard… »

Il réfléchit un instant, laissant à Neila le temps de baisser lentement ses bras. Elle ne savait pas à quelle sauce elle allait être mangée, mais probablement d’une meilleure façon que si elle s’égarait en ces lieux sinistres.

« C’est un peu gênant, reprit-il. Il se fait tard, et ma fille m’attend à la maison. C’est son anniversaire, j’ai promis de ne pas la faire attendre…

— Vous avez une fille ? tenta Neila, cachant toute mauvaise intention.

— Oui, sourit l’inconnu. Elle fête ses huit ans, déjà. Mais vous me gênez, manifestement. Bon, dépêchez-vous de me suivre jusqu’au commissariat. J’attends de vous un mot d’excuse à son encontre ! »

Neila imita un rire penaud en réaction au sourire blagueur du commissaire et le suivi sans attendre, confortée par l’agréable lumière que dégageait sa lanterne. Elle s’inquiéta du sort qui allait lui être réservé auprès des forces de l’ordre… Quand il s’arrêta.

« Ah ! s’écria-t-il.

— Quoi ?! (Elle tourna vivement sur elle-même.) Des bandits ?

— Ha ha, non ! Désolé d’avoir crié. Je me disais juste que je pourrais vous garder en observation chez moi. Je ne raterai pas l’anniversaire de ma fille, et je pourrai vous relâcher demain matin.

— Chez… chez vous ?!… C’est osé, je l’avoue… Je pourrais être une criminelle, ou que sais-je…

— C’est vrai que… amener une présumée délinquante auprès de ma fille, dans ma propre maison… Non ! Excellente idée ! Elle aura de la compagnie pendant que je prépare le gâteau. Je l’ai oublié ! Ne traînons pas, ce n’est pas la porte à côté. »

Il fit vivement demi-tour et prit le chemin opposé, le pas pressé. Sans savoir dans quoi elle s’embarquait, la jeune femme suivit l’homme de loi pendant quasiment une heure. Passant par des recoins insoupçonnés, tels deux criminels, et grimpant sans répit jusqu’aux bas de Mercy, Neila se retrouvait à la fois perdue et épuisée. Que pouvait bien pousser un commissaire à amener une peut-être-bien-criminelle chez lui, auprès de sa fille ? C’était curieux. Imprudent. Mais Neila était tout bonnement pressée de quitter ces quartiers, et n’avait rien à se reprocher.

Ils s’arrêtèrent devant un paillasson, sur lequel était écrit « Bienvenue ! », au pas d’une porte qu’essayait d’ouvrir le commissaire. La serrure récalcitrante finit par céder, laissant place à une forme rose qui sauta à son cou.

« PAPA !! », hurla une voix claire, tandis qu’une petite fille en pyjama bonbon serrait le cou de l’adulte, qui tournait sur lui-même en rigolant.

« Joyeux anniversaire ma puce ! dit-il en la couvrant de baisers, provoquant un rire incontrôlé de la part de l’heureuse élue.

— Ta barbe pique !

— Je sais, je sais, je la raserai tout à l’heure. Et je te ferai encore plus de bisous !

— Oh non !

— Oh si ! » Tous deux firent sonner un second rire, laissant Neila dans son petit monde, tandis qu’elle regardait à droite et à gauche, cherchant sa place devant le palier de cette maison familiale. Quand la petite fille aux couettes remarqua qu’une femme se tenait immobile près de son père, elle eut un mouvement apeuré.

« Papa…

— Oh, n’aies pas peur Julie. C’est une invitée spéciale !

— Une… invitée… spé… ciale ?

— Oui, elle va préparer le gâteau avec moi !

— Ah bon ?? », s’exclamèrent les deux filles, d’un ton très différent toutes les deux. La fillette rentra à pas légers dans la demeure, suivi du père et d’une Neila démunie. Le père laissa son enfant un instant pour récupérer le courrier qui envahissait la boîte aux lettres. Parmi la foule de prospectus se trouvaient quelques enveloppes, dont les expéditeurs assuraient au destinataire une mine patibulaire.

« De mauvaises nouvelles ? tenta Neila, afin de ne pas rester trop longtemps seule avec l’enfant, et pour briser le silence qui s’installait.

— Oh… Oui, enfin, les impôts, comme d’habitude. Rien de très étonnant ! Ne perdons pas de temps, allons en cuisine. »

L’intérieur de la petite demeure était tout juste aussi grand que la chambre d’hôtel. Un canapé, une petite table devant, une station radio, et un petit bar qui laissait une ouverture vers la cuisine. Celle-ci ne comprenait qu’un petit four et une plaque de cuisson, ainsi qu’un placard et une machine en forme d’armoire. Près du canapé, deux portes, donnant probablement vers une salle de bain et une unique chambre. Tachant le mur du canapé, une horloge à coucou, penchée, et usée par le temps.

Depuis la cuisine, un tablier autour de la taille, Neila observait la petite fille qui dessinait un gâteau sur une feuille de brouillon. Avec ses trois crayons cassés, elle s’appliquait, la langue entre les lèvres, pour dessiner les huit bougies qui trônaient la pâtisserie. Bougies que l’adulte peinait à trouver, avec ses mains tremblantes, dans les indénombrables boîtes en fer blanc qui envahissaient le placard.

« Vous souhaitez un peu d’aide ? hasarda Neila, devant la panique manifeste du père.

— Hein ? Ah, non, ne vous en faites pas, bredouilla-t-il. Mettez bien trois œufs dans le saladier, pas plus ! »

S’exécutant, retirant les bouts de coquille qui s’invitèrent dans la mixture, elle se souvint des rares fois où elle tenta de cuisiner, avec Shelly. Cette dernière avait insisté pour faire un gâteau, en l’honneur de l’anniversaire de Madame Morganne. Neila s’était amusée à y mettre du poivre, en secret. Une blague qui lui valut d’être boudée par sa sœur une semaine durant.

C’est la seule blague que j’ai réussi à regretter, sourit Neila en touillant avec force l’épaisse pâte qui se formait. Du vrai ciment. Peut-être avait-elle mis trop de farine ?

« Ajoutez un peu de lait, bafouilla le commissaire. Oui, voilà, houlà pas trop vite ! Non… Bon, il y aura des grumeaux, mais ça ajoutera de la texture j’imagine.

— Et les bougies ?

— Il n’y en a que sept… (Il soupira longuement.) On va devoir faire avec ce qu’on a. »

Les mains du commissaire continuaient de trembler, essuyant son front perlé tandis qu’il soupirait. Il mettait décidément beaucoup d’énergies dans la confection de ce gâteau. Neila hasarda un coup d’œil en direction de la petite, qui écoutait la radio avec un gros casque sur les oreilles. Celui-ci était d’ailleurs en très mauvais état, rouillé et scotché pour tenir sur la menue tête de la fillette.

« J’ai récupéré ce casque dans une décharge. Par miracle, il marche encore. Ça l’empêche de nous écouter parler. Et puis, “la Dame de la Radio est rigolote !” – qu’elle me dit.

— Monsieur, dit timidement Neila en regardant le gâteau cuire dans le four, puis-je vous poser une question ?

— Non ! »

Grand silence.

« Ah ! Ah ! Je plaisante, rit avec grande gêne l’adulte, se frottant l’arrière du crâne. C’est le genre de blague qui fait rire ma fille… » Neila pouffa, admirant l’humanité de ce grand maladroit. « Et donc, votre question ?

— Je me demandais simplement pourquoi vous m’avez invitée. C’est une idée originale, mais c’est l’anniversaire de votre fille. On ne se connaît pas, j’étais une inconnue perdue dans une ruelle, et…

— C’est tout l’intérêt. » S’épongeant le front depuis l’évier, il sourit avec maladresse face à l’air interdit de Neila. « Chaque jour que passe cette petite à grandir, dans ce monde si effrayant, je prie pour qu’il ne lui arrive rien. Alors je veille au grain, dans les moindres recoins de ce quartier. Je prie tous les jours pour la retrouver, à la sortie de l’école. Je l’abandonne ici et retourne à mon travail du soir, implorant pour que la porte soit intacte à mon arrivée. Un grand courage à celui qui arrivera à l’ouvrir ! (Il reprit un rire gauche, avant de continuer.) Je vois la misère du monde, chaque jour qui passe. Et cet unique rayon de soleil, qu’un dieu s’il existe a pu m’offrir, sera le seul que je verrai jusqu’à la fin de mes jours. Je verse tout le sang nécessaire pour la protéger de cette violence. »

Il marqua un nouveau temps d’arrêt, récupérant une petite allumette oubliée entre deux carrelages du plan de travail.

« Ce n’est pas le jour de sa naissance que je souhaite verser du sang. Je célèbre l’arrivée de ce soleil, chaque année, priant de ne jamais avoir à enfermer de pauvres gens derrière des barreaux. Je loue ce ciel absent pour m’accorder cette paix, tout les trente nivôse. La bénédiction de ne pas avoir à priver des malheureux de lumière, moi qui ai la chance d’en profiter ce jour plus que tous les autres. »

Il fit tourner la petite allumette entre ses doigts, le visage traversé d’un sourire simple. Le sourire de celui qui accepte la joie qu’il ressent, en l’instant.

« Je veux croire en la bonté de l’humain, lorsqu’on lui tend la main. Juste, une fois. Une fois par an. Inviter une égarée à préparer le gâteau de ma petite Julie, c’est peut-être complètement fou ? Peut-être tenterez-vous de me voler cette nuit, ou de vous en prendre à nous. Nous serons le premier pluviôse. Et là, je serai prêt à tout pour la protéger. »

L’alarme du four les fit tous deux sursauter, laissant à Neila un court instant pour se sécher les yeux. Ils en sortirent le petit gâteau au yaourt, trop cuit sur le dessus. « Ce truc chauffe toujours autant ! », ricana le père, plaçant ses bougies. A ses yeux, aucune larme. Sinon une lumière, que lui prêtait chaque jour le sourire de sa petite fille. Et bientôt, celle des huit bougies allumées, sur ce simple et merveilleux gâteau.

« Papa, t’es bête ! s’esclaffa la petite en voyant l’allumette qui trônait parmi les sept bougies.

— Quoi ? C’est la meilleure de toutes les bougies ! assura Neila, sous l’étonnement du père. Souffle vite, elle va bientôt s’éteindre. »

La petite ferma les yeux un très court instant, formulant un vœu qu’elle oublierait une fois le gâteau en bouche, puis laissa les flammes s’échapper. Le père applaudit, suivi d’une Neila qui se voulait la plus souriante du monde. Julie n’avait plus peur d’elle : elle était la pâtissière à monocle !

Neila non plus, n’avait plus peur. Non pas du commissaire, lui ne lui avait pas inspiré de peur particulière. Ni de la solitude, celle-ci s’était vu être très courte. Non. Elle n’avait plus peur de regretter. Regretter d’avoir manqué un anniversaire, avec un père aimant, ou une mère. Aujourd’hui, elle avait eu la courte, très courte impression, de souffler ses bougies avec cette petite fille. Huit ans… Peut-être rattraperait-elle les huit restants un jour !

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