Chapitre 12 - La Tempête

Par Zig

Le pied à mi-chemin du vide, Armand contemplait le monde en bas. Il ressentait cette aspiration puissante du vertige, ce sentiment particulier qui vous donne envie de plonger, alors même que vous tremblez de tous vos membres. Il n'y avait pas le moindre nuage à l'horizon et, pourtant, la pluie les frappait comme des gifles. Le ciel couvert d'étoiles pleurait. Les pierres chantaient.

« J'ai trouvé un escalier, signala Féval. On devrait pouvoir descendre ».

Armand ne lui prêta aucune attention. Il savait déjà où aller.

« Éloigne-toi du bord, ordonna nerveusement Molly. A force de tanguer, tu vas finir par tomber ».

Les conseils et les directives s'accumulaient sans que le Fossoyeur ne s'y attarde. Ses mains se levaient déjà, menées par les fils qui dirigeaient son destin. Une voix vibrait en Armand, si profondément qu'elle réveillait ce qui dormait depuis toujours. Ce qui coulait dans ses veines glissa le long des doigts pour se ficher sous les ongles. La pluie s'accumula au creux des paumes, teintée d'une moire d'argent et, lorsqu'Armand pivota les poignets pour libérer le liquide, le monde entier se mit à trembler.

Un miaulement paniqué tenta de briser l'harmonie du moment. Une onde froide essaya de saisir le Fossoyeur par la taille. En vain. Plus puissant que jamais, Armand repoussa la présence qui s'écrasa contre un parapet. Immense et confiant, le jeune homme déplaça sa seconde jambe pour se dresser face au vide.

 

                                                                                                                              Viens.

 

Laisse.                                                                                                                                                                                                       Les.

 

Viens.

 

                                                                                                                      Je t'attends.

 

Inutile de lui répéter une troisième fois. Malgré les hurlements des intrus, Armand prit un peu d'élan avant de sauter. Désormais la pluie s'écartait sur son passage et, malgré la vitesse de sa chute, le vente ne l'importunait pas. L'espace d'un souffle, Armand se retrouva à l'horizontal, les yeux fixés sur le firmament percé de deux lunes symétriques, qui croissaient et décroissaient sans cesse, à une vitesse toujours plus folle. Le temps coulait et mourait avant lui. Les constellations formaient un sourire et deux yeux fermés, qui finirent par s'ouvrirent sur un regard d'une douceur d'éternité.

Armand atterrit doucement dans la chair moelleuse de sa créatrice. Il n'eut rien besoin de demander, il sut qu'elle l'aimait d'un amour de mère.

 

Tu as mis beaucoup de temps.

 

J'étais triste.

 

Armand ferma les yeux, et promis de ne voir plus qu'elle. Elle... et M. Pierre.

 

Gentil garçon.

 

Un souffle chaud dessina un baiser sur le front tranquille de l'égaré.

 

Ouvre-moi ton cœur.

 

Tout... tout pour elle. Sans la moindre hésitation, Armand plongea les mains dans sa poitrine. Les doigts s'enfoncèrent pour écarter les cotes et plonger jusqu'à trouver le muscle qu'il serra avant de l'arracher. Il ne sentit rien, pas la moindre douleur. Tout son corps avait oublié la peur et la souffrance. Il n'y avait plus que ces yeux plein des fibres du monde.

 

Comme il est beau.

 

Veiné d'or et d'argent. Accordé sur le rythme envoûtant de la terre et des eaux. Rempli de l'harmonie des vents.

 

Je n'avais encore jamais créé quelque chose d'aussi parfait.

 

Armand se sentit reconnaissant. Un sourire timide perça le visage qu'il sentait à peine, dilué dans l'immensité du ciel.

 

Range-le. Garde-le. C'est mon cadeau pour toi.

 

Le cœur retrouva sa place, poursuivant son cycle vital et redonnant des couleurs aux joues du Fossoyeur.

 

Gentil garçon...

 

Répéta la Créatrice.

 

Ne crois que moi.

Et toi.

Tu peux te réveiller. Je te guiderai.

 

« Je te mènerai à lui ».

Armand sursauta, se redressant pour dévisager une adolescente fantomatique. Les longs cheveux d'albâtre coulaient sur ses épaules, lourds de la pluie qui tombait plus fort.

Ils se trouvaient désormais sur le parvis de la cathédrale, juste devant des grilles rouillées et dangereuses. Les yeux sévère de la jeune fille fixaient Armand avec la sagesse des pierres et la dureté des ans.

« Lui ?

La personne que tu cherches, compléta l'inconnue. Je te mènerai à lui, mais tu dois te dépêcher.

M. Pierre ? Vous savez comment je peux le rejoindre ».

Elle ne répondit pas, ses pupilles se décalant simplement sur la gauche, aux aguets.

« J'ai perdu mes compagnons, signala le Fossoyeur dans une tentative d'attirer l'attention. Je dois les retrouver avant de...

— Tu n'as pas besoin d'eux ».

L'affirmation avait claqué si fort qu'elle résonnait encore sur les pavés. Plus le temps passait, plus l'adolescente paraissait tendue. Traquée.

« Tu dois te dépêcher avant qu'il n'arrive.

— Qui ? Avant que qui arrive ? »

Elle ouvrit la bouche puis la ferma. Sa main se leva vers Armand avant de se décaler vers la droite, pointant quelque chose derrière Armand.

« Trop tard. Cours. Ne te retourne pas ».

Pouvait-il résister à l’irrépressible envie de tourner la tête ? Non. Impossible. Et il regretta aussitôt son geste.

Derrière lui, une série d'arche disparaissait, engloutie par ce qui ressemblait à une immense bouche pleine de dents. Une bouche faite de vent, de pluie, de ténèbres et de ruines. Les restes démembrés des bâtiments s'aggloméraient, tournoyant au cœur d'un vide qui donnait le vertige. Sans plus attendre, Armand suivit le conseil de la fille en blanc et courut dans la direction opposée. Sans surprise – parce que plus rien ne pouvait surprendre Armand – l'adolescente avait disparu. D'un autre côté, vu ce qui leur fonçait dessus avec la délicatesse d'une Ghûl traquant un bébé, mieux valait ne pas traîner dans les parages.

Les bourrasques inhumaines envoyaient valser d'énormes blocs de pierre, qui s'écrasaient avec un bruit de fin du monde. Armand n'avait pas la moindre idée d'où il se rendait mais il y allait quand même. Les blessures reçues dans le Tableau des mannequins avaient disparu, lui permettant de courir de toutes ses forces. Plus agile qu'il ne le pensait, il sautait par dessus les rebords de trottoir, évitait de déraper sur les pavés et zigzaguait entre les morceaux de mur projetés sur la chaussée. Ses poumons hurlaient, exigeaient une pause, mais l'adrénaline continuait à propulser le Fossoyeur. Même si son cerveau restait focalisé sur la survie, il ne pouvait s'empêcher de constater que les monstres aimaient beaucoup trop lui coller aux basques. A croire que toutes les horreurs de ce monde le traquaient. Avaient-ils collé une affiche de recherche sur le mur des monstres chasseurs de prime ? Existait-il seulement un mur des monstres chasseurs de prime ? Existait-il seulement des monstres chasseurs de prime ?

Un souffle plus violent lui faucha les jambes et le fit chuter, coupant court à ses réflexions. Il termina sa course contre un mur, se rattrapant in-extremis. Un cul de sac. Cet idiot s'était piégé dans un cul de sac !

Les deux lunes brillaient plus fort au dessus de lui, parfaitement symétriques. Entre leurs deux silhouettes effilées, une masse grise s'amoncelait, bouillonnant comme du goudron. Une odeur putride étouffait la nuit, crachant de sombres menaces.

« C'est vraiment pas ma journée... »

Soupira le Fossoyeur, bien conscient d'avoir perdu le sens du temps. Étrangement, il ne ressentait aucune peur.

« Après les Ghûls et les mannequins, tu ressemblerais presque à un chaton ».

L'être s'arrêta et les vents décrurent. Soudain il gonfla plus fort, prit de l'ampleur, mais sans avancer.

« L'intimidation est une arme de faible. Ceux qui font peur n'ont pas d'effort à faire, tu sais ? »

Il l'avait vexé. Définitivement vexé. Ça se voyait à la manière dont les amas de de pierres s'agitaient. Le monstre poussa une plainte outrée avant d'arracher une rambarde à sa gauche.

« Oh tu peux t'énerver. Mais je t'assure que nettoyer une maison de Flétrissé, c'est plus impressionnant. »

La rambarde retomba comme un soufflé ; mais en plus bruyant, et en largement plus métallique.Une sorte de « flop flop » mou remplaça les hurlements de la tempête. A peine de quoi faire flotter un cerf-volant.

« C'est mieux. Je suis sûr que, dans le fond, tu ne sais pas pourquoi tu me poursuis et, par conséquent, je ne sais pas non plus pourquoi je fuis ».

Silence. Un silence gêné. Le genre de silence engendré par un enfant sortant d'une grosse bêtise.

« Regarde tous ces dégâts... c'était si joli ».

Le monstre pivota ce qui s'apparentait à sa tête. Les dents pointues tournèrent vers la gauche, accompagnant les trous des « yeux ».

Le paysage saignait. La ville présentait son corps déchiqueté, ses trottoirs ruinés, ses habitations éventrées. Même la cathédrale faisait grise mine, amputée d'une partie de son aile nord. Les ogives, brisées, gisaient piteusement au sol. Même l'immense porte de vieux bois ne gardait plus rien, sortie de ses gonds par le souffle de l'attaque.

La Tempête poussa un gémissement plaintif. Attristé par les conséquences de sa propre force.

« Ce n'est pas de ta faute, l'excusa Armand. Moi aussi je suis dépassé par ma colère, parfois. J'ai dit des choses que je regrette, souvent. Et quand ça finit par sortir... ma foi ce n'est pas joli. Mais tu n'as rien fait d'irréparable, n'est-ce pas ? »

Une tige de métal – fichée vers le haut de l'entité – s'agita de bas en haut. Le Fossoyeur prit ça pour un « oui ».

« C'est bien. Ce qui est important maintenant c'est de s'excuser. Et de réparer »

Et, à la grande surprise du monde entier – sauf d'Armand – l'agglomérat venteux se décala, porta ses vents apaisés vers des pierres au sol, et les remonta les une après les autres, avec application.

« Génial ! l'encouragea Armand. Tu ne semble pas doué en puzzle, mais ça fera l'affaire ».

Un souffle doux fit décoller la frange du Fossoyeur avant qu'elle ne retombe, lui bouchant la vue. D'un geste lent il repoussa les mèches puis posa les mains contre le mur. Il n'eut rien à faire : ni incantation, ni effort. La magie lui picota les doigts avant de courir au niveau des fissures, soudant ce qui avait été dissocié, rendant sa splendeur au bâti. Les cloches de la cathédrale se mirent à sonner, faisant vibrer l'air de leurs mélodieux remerciements.

« C'est mieux, non ? J'aime bien casser des choses, juste pour le plaisir de réparer. Ça donne une histoire. »

Il recula, juste à côté du monstre, qui faisait vibrer calmement l'atmosphère. Fier de son travail, Armand croisa les bras, adoptant une attitude d'artiste.

« On ne dirait pas que je maîtrise à peine la magie, tu ne trouves pas ? Je ne suis pas du genre prétentieux mais, pour quelqu'un qui apprend tout seul, c'est plutôt joli ».

Il ne fallait pas regarder dans le détail, certes, mais pour un premier sortilège de reconstruction... il ne se débrouillait pas si mal. La Tempête n'osa pas faire remarquer au Fossoyeur qu'il manquait des morceaux entiers du mur, et que ce dernier tenait en dépit du bon sens. Il venait de se faire un nouvel ami, et ne voulait pas le vexer.

« Tu sais quoi ? demanda Armand au cataclysme, tu es beaucoup plus sympa qu'un Regret. J'en ai un qui m'a traversé le corps, il y a quelque temps, et il ne s'est pas du tout excusé ».

Ce n'était pas poli, la Tempête le reconnut volontiers.

« Oui, hein ? Je pense que tu fais très peur – sans vouloir te vexer... »

Trop tard. C'était vexant.

« … mais quand on apprend à te connaître, tu as l'air d'une gentille brise. Si tu veux mon avis, tu trouverais mieux ta place si tu n'essayais pas de jeter des pavés sur les gens. Je n'ai pas l'habitude des convenances sociales, mais j'ai l'impression que ça marque négativement les esprits ».

Ça, les dents en pointe, les trous noirs à la place des yeux, le fait d'être composé de vents, de débris et de goudron chaud et... tout le reste. Mais la malheureuse entité n'y pouvait rien si son physique n'était pas avantageux.

« Tu n'as pas l'air de venir du coin, en plus. Ça me paraît rude de faire autant de bruit dans un endroit qu'on ne connaît pas bien. Tu es peut-être perdu, cela dit... Moi aussi je paniquais, au début, quand je me perdais dans le cimetière. Je pleurais et je cassais ce qu'il y avait autour de moi, juste pour me soulager. Puis M. Pierre me retrouvait, me grondait, et ça allait mieux. Même si je n'aimais pas être grondé. Je préfère quand les gens sont plus doux ».

Le monstre aussi, préférait. Se faire voler dans les plumes ça allait bien cinq minutes, mais se retrouver face à une personne gentille et pédagogue c'était tout de même mieux.

« Je suis d'accord avec toi. Mais M. Pierre ne sait pas comment expliquer les choses. Je crois qu'il a cette maladresse des gens seuls ».

L'agrégat assembla des feuilles, dessinant une forme en point d'interrogation.

M. Pierre ?

« C'est mon maître. Enfin... c'est censé l'être. Plus j'avance, plus je me demande si je ne suis pas mon propre maître. David et Molly avaient raison : je n'étais pas prêt. Tu crois que c'est pour ça qu'il est parti ? M. Pierre ? Pour me confronter à la réalité ? Ça lui ressemble bien, comme manière de faire. Ne rien dire, ne rien expliquer, mais jeter les gens dans l'eau pour leur apprendre à nager ».

Une métaphore qui n'en était pas vraiment une, puisque M. Pierre avait réellement utilisé cette technique pour lui apprendre à nager. Son Fossoyeur de maître se montrait rarement patient, sauf quand il s'agissait des plantes et de l'entretien des lacs.

« Tu sais quoi ? Moi je vais devoir continuer, je n'ai pas fini mon voyage, mais je te confie cet endroit. »

La Tempête trembla dans ses pierres et son tourbillon se troubla.

« Bien sûr que tu en seras capable ! C'est ta mission. Tu ne sais pas où aller, n'est-ce pas ? Et je suis presque certain que tu ne sais pas d'où tu viens non plus. Ne cherche plus, maintenant tu garderas ce Tableau ».

Armand fit une pause, leva la tête vers la cathédrale.

« Je sens que cet endroit est important, murmura-t-il avec sérieux. Il est différent des autres tableaux c'est comme si... comme si je devais passer ici avant de retrouver M. Pierre ».

Il se tourna vers l'être formé de vents, plus ferme.

« En attendant de revenir, je te demande de garder cet endroit. Tu vas réparer tes bêtises, te faire des amis et, quand je viendrai te voir, on pourra apprendre les bonnes manières ensemble. Ça te va ? »

La Tempête n'en demandait pas tant : un but dans la vie, un endroit où vivre, un lien avec quelqu'un... Jamais elle n'avait rêvé pareil avenir et ça lui semblait brillant et chaud. Sa barre de fer s'agita de haut en bas ou de bas en haut. Plusieurs fois. Avec émotion. S'il y avait eu de la pluie dans ses vents, elle aurait sans doute pleuré de joie.

« Super ! Tu veux bien m'aider encore un peu ? Je dois trouver le prochain passage. En marchant on te cherchera un nom... je ne peux tout de même pas continuer à t'appeler « le monstre », c'est désagréable ».

Ils se mirent en route, Armand se laissant guider par son instinct. Le Fossoyeur contourna le mur reconstitué, et trouva l'entrée d'une succession de ruelles étroites. Il faisait sombre et humide. Le lierre rampait à la verticale, dessinant un entrelacs végétal complexe, que le Tempête agitait en passant. Désormais en charge du lieu, l'entité prenait grand soin de ne rien abîmer. Lorsqu'elle décrochait – par inadvertance – un élément du décor, elle prenait alors une pause mortifiée, qui obligeait Armand à la rassurer.

En discutant – même si le Fossoyeur monologuait plus qu'autre chose – les deux marcheurs fixèrent le nom de la Tempête. Comme aucun des deux ne connaissait le genre exact de l'amas – ce qui importait peu, finalement – Armand opta pour un prénom mixte : Dominique. Il trouvait une certaine saveur dans la manière dont le nom claquait contre les dents, à la manière des rafales qui tapaient contre les bâtiments. Ça lui semblait être un beau nom, pour une tempête sauvage. Même si ladite tempête trouvait ça commun et vieillot, elle aimait déjà trop le Fossoyeur pour le contredire.

« Je suis venu avec des amis, exposa soudain Armand, mais ils ne me manquent pas. J'aimerais me sentir triste mais ce n'est pas le cas et je n'ai pas envie de les retrouver ».

Dominique lui demanda pourquoi, sans doute inquiet/e qu'Armand se lasse d'ellui aussi.

« Ils ne sont pas bons pour moi. Toutes les personnes que j'ai rencontrées jusqu'à présent m'ont fait du bien, toi compris. Ils m'ont appris à ne plus avoir peur, à croire en les autres et à m'ouvrir. Je sais que je suis ignorant, qu'il me manque des tonnes de choses pour comprendre le monde, mais tous les gens dans ces Tableaux m'ont expliqué, ont pris du temps pour échanger avec moi. On ne m'a jamais rabaissé, on ne m'a jamais dit que je n'étais pas prêt, ou que je ne savais pas. C'est tout ce que je demande, je crois. Je veux qu'ils restent ici pour le moment. Je veux trouver M. Pierre et le remercier pour tout ce qu'il fait, mais aussi lui dire ce que j'ai sur le cœur. Ce n'est pas juste ce qu'il me fait, et j'ai le droit de le penser ».

Les phrases s'entassaient, les idées se complexifiaient et Dominique peinait à suivre le cours des pensées. Un amas de vent manquait d'outils pour aider un jeune Fossoyeur à trouver sa voie, alors il le soutint simplement de toutes ses forces, et tendit les oreilles qu'il n'avait pas. C'était suffisant. Tout ce dont Armand avait besoin.

« Quand je le trouverai on mettra les choses à plat, puis on rentrera. J'irai chercher Féval et Molly, puis je réparerai les Tableaux et je viendrai te voir ».

La dernière partie plaisait particulièrement à Dominique.

« Il faudra que je pense à libérer les Ghûls aussi, se souvint-il en touchant le bocal. Mais pas pour le moment, j'ai encore besoin de calme ».

Tandis qu'ils avançaient, les bifurcations se raréfiaient, convergeant en un seul point précis. Désormais le Fossoyeur et sa Tempête ne suivaient plus qu'un chemin unique, se terminant sur un cul de sac.

Ou presque.

Derrière le lierre se trouvait une porte en ruine.Le soubassement effondré bloquait l'avant et le pauvre objet pendait à moitié, sorti de ses gonds par le temps et le manque d'entretien. Il se dégageait de l'huis des miasmes mélancolique, mélange de tristesse et d'abandon.

« C'est là. Merci de m'avoir accompagné ».

Armand leva la tête, offrant un sourire ingénu, plein de promesse.

« Tu te souviens de ce qu'on a dit ? Tu répares. Si tu veux partir tu peux, évidemment. J'espère juste qu'on se reverra un jour ».

Bien sûr qu'ils se reverraient. Dominique n'irait nulle part sans son Fossoyeur. Plus jamais.

« Si tu trouves mes amis, prends soin d'eux, ok ? Ils ont l'air brutaux et méchants mais ce n'est qu'une façade. Ne les laisse pas me suivre. Ce que je vais faire maintenant, je dois le faire tout seul ».

C'était plus dur que prévu. Plus angoissant.

Dominique laissa filer une bourrasque, qui poussa Armand vers l'avant, pour l'encourager.

Le Fossoyeur prit une grande inspiration, expira lentement et posa la main sur le bouton de porte. Une sensation atroce l'endormit, faisant tomber une pierre au fond de son estomac et serrant sa gorge.

« Je suis au bout du voyage. Je ne peux plus reculer, maintenant ».

Il tira la porte vers lui, et sauta dans l'ombre sous ses pas.

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