Alec lança d'un ton presque désinvolte, « Et après les cours, vous avez prévu quoi au fait ? »
Suzanne répondit, tout sourire,« On va boire un verre au Bunny's bar. Tu connais ? »
« Ça tombe bien, j'y vais avec Harry après l'entraînement. On pourrait se retrouver là-bas si ça vous dit ? »
« Parfait ! » dit Suzanne, visiblement ravie. Puis elle se tourna vers Lucas, « Tu viens aussi ? »
Lucas acquiesça d'un simple hochement de tête, observant Alec avec un mélange de perplexité et de suspicion. Ce dernier totalement absorbé par la présence d’Elena.
Quelques heures plus tard, alors qu’ils se trouvaient dans les vestiaires de la piscine, Alec s'efforçait de convaincre Harry d’aller ensemble dans un bar.
« J'arrive plus à te suivre Alec... Je croyais que tu voulais rester à l'appart pour réviser ? C'est pas toi qui disais que tu devais absolument te concentrer sur les études et moins faire la fête ? »
Alec haussa les épaules, tentant de paraître détendu. Il attrapa une serviette pour essuyer ses cheveux trempés. « Ouais, mais j'ai changé d'avis. Une petite soirée détente, ça fera de mal à personne, tu crois pas ? »
Lucas, qui observait la scène en silence depuis son casier, croisa les bras. « Mais, j'croyais que vous aviez déjà prévu d'aller au Bunny's Bar ? »
Alec lui adressa un sourire qui aurait pu sembler innocent... à quelqu'un qui ne le connaissait pas. « Disons que j'ai organisé ça sur le moment. Je suis un gars spontané, tu sais bien. »
Harry plissa les yeux, faussement soupçonneux. « Spontané, hein ? Bon, ok. Mais t'as intérêt à me payer une tournée pour m'avoir fait changer mes plans. J’avais prévu de boire un verre avec Jenny ce soir. »
« Jenny ? C’est pas la fille avec qui tu as eu un rapport à faire dernièrement ? » demanda Alec, « C’est de plus en plus souvent que vous passez du temps ensemble si je me trompe pas ? »
« C’est juste une fille avec qui j’aime bien parler. Va pas te faire de filmes. »
« Mouais, à d’autres... »
« T’as dis quelque chose ? »
Lucas proposa « pourquoi tu lui proposerais pas de nous rejoindre ? Il y aura Elena et Suzanne ce soir. »
Harry répondit un peu rapidement, « Non, je pense pas que ce soit son truc. »
Alec sourit sans pour autant ajouter quoi que ce soit. Il lui paraissait évident qu’Harry appréciait Jenny plus qu’il ne voulait bien le dire. Si ça avait été une simple copine, il aurait été ravi de la présenter à sa sœur. Jenny n’était donc pas n’importe qui. Peut-être avait-il besoin de temps toutefois pour s’en rendre compte.
Greg, qui avait écouté une partie de leur conversation ne pût s’empêcher d’intervenir, « Hey, le Bunny’s Bar vous dites ? Logan cherchait un nouveau bar branché où passer la soirée, peut être bien qu’on ira faire un tour là bas. Ça fait longtemps qu’on a pas pris un verre avec Suzanne et Elena. »
« Depuis quand tu fréquentes Suzanne et Elena ? » demanda Lucas, soudainement tendu.
« Hey, sois pas jaloux mec. C’est pas de ma faute si ces filles s’intéressent pas à toi. Et puis, je vois pas trop où est le problème, c’est des grandes filles, elles n’ont pas de comptes à vous rendre. » rétorqua Greg.
Le silence tomba brutalement dans le vestiaire. Harry fronça les sourcils mais, avant qu'il ne puisse ouvrir la bouche, Alec se releva pour faire face à Greg, le toisant de toute sa hauteur. D’une voix tranchante, il le menaça, « T'approches pas d'Elena, Greg. On se rappel très bien la façon dont t'as parlé d'elle la fois passée. Elle mérite mieux qu'un type comme toi. »
Greg arqua un sourcil, agacé « Quoi, Alec O'Donnell qui se prend pour un grand frère protecteur maintenant ? Tu veux m'apprendre comment traiter les filles, c'est ça ? Pourtant t'es plutôt du genre à te taper tout ce qui bouge habituellement... »
« Je ne leur vends pas du rêve, moi ! Et je ne leur manque jamais de respect ! », répliqua Alec d'un ton glacial. « Elena, c'est une femme qui mérite le respect. Elle mérite mieux qu’un type comme toi ! Alors, reste loin d'elle si tu veux pas avoir affaire à moi. »
Même Harry sembla surpris par la réaction d'Alec. Habituellement, ce dernier était celui qui restait calme. Il exécrait la violence, il n’y recourrait qu’en cas extrême, mais là, il semblait à deux doigts d’imploser. La propre colère d'Harry semblait s'être dissipée, comme si celle d’Alec avait porté la sienne. Il éprouva une légère satisfaction de voir ainsi Alec défendre bec et ongle Elena. Il croisa les bras, un sourire aux lèvres, curieux de voir où cela allait mener.
Greg esquissa un sourire narquois, nullement impressionné par Alec « Ce que fait Elena ça ne te regarde pas Alec. T’es pas son mec et quand bien même. Comme tu l’as fait remarqué à Lucas la fois passée, Elena est pas le genre de nana à s’accrocher. Le plaisir pour le plaisir c'est justement ce qui la fait kiffer alors j'pourrais... »
Alec ne lui laissa pas finir. En une fraction de seconde, il lui envoya un crochet du droit en plein visage. Greg tituba, surpris, une main portée à sa mâchoire endolorie.
« Fais attention à ce que tu dis, c’est la dernière fois que je te mets en garde », grogna Alec. « Si tu t'approches d'Elena, où que tu parles encore d’elle de cette façon, je te préviens, ça se passera beaucoup moins bien. »
Lucas, qui observait toute la scène avec intérêt, se plaça entre Greg et Alec « Si t'assumes vraiment ce que tu dis pourquoi tu le dirais pas directement à Elena ? Quelque chose me dit que t'auras pas le courage de lui dire en face. Soyons honnêtes, t'aurais trop peur qu'elle te foute la honte ! Elena est peut être pas le genre de nana à chercher une histoire sérieuse mais, c’est pas pour autant qu’elle en est réduite à coucher avec un tocard comme toi. »
Harry, qui avait également de la peine à contenir davantage sa colère le menaça à son tour, « Écoute, Greg, t'es qu'un gros con. Si je te vois encore parler d'elle comme ça ou tenter quoi que ce soit, je te refais le portrait, moi aussi. C'est clair ? »
Greg passa une main sur sa mâchoire, lançant un regard mauvais à Alec. Mais il ne répondit rien, conscient qu'il n'avait aucune chance face aux trois hommes face à lui. Il ramassa ses affaires et quitta le vestiaire en silence, le visage fermé.
Une fois Greg parti, Alec se tourna vers Lucas et Harry, « Ce type me rend vraiment malade »
« Moi aussi mais, on est obligé de faire avec, au moins jusqu’à la fin de saison. » soupira Lucas.
« À moins qu’il se casse une jambe » suggéra Harry.
« T’es pas sérieux ?! » s’inquiéta Lucas.
Harry garda un air énigmatique. Alec qui connaissait bien son ami comprit tout de suite qu’il s’agissait d’une blague pour détendre l’atmosphère bien que dans le fond, l’idée que Greg soit frappé par son mauvais Karma n’était pas si déplaisante que ça. « T’inquiète Lucas. Tu sais bien que Harry ne ferait jamais ça. »
Lucas souffla, soulagé. Il tenait trop à eux pour les laisser s’attirer des ennuis.
Alec reprit, « Bon, c’est pas que je veuille absolument vous presser, mais si on traîne trop, les filles vont croire qu'on leur a posé un lapin. »
Harry haussa un sourcil. « Je pige toujours pas pourquoi t'es si pressé ce soir. Y'a une autre fille qui t'a tapé dans l'œil, c'est ça ? T'as décidé de mettre un terme à ton délire d'abstinence pendant tes révisions ? »
Lucas malicieusement renchérit, « Ouais, Alec, raconte-nous tout. Qu'est-ce qui te motive autant, d'un coup ? »
Alec les ignora superbement, attrapant son sac de sport d'un geste nonchalant. « Putain, ce que vous pouvez être relous. J'ai juste super envie d'une bonne bière, c'est tout. »
Harry éclata de rire, secouant la tête. « Toi, Alec O'Donnell, motivé juste pour une bière ? T'essayes de nous faire avaler quoi, là ? »
Lucas esquissa un sourire, mais au fond, il savait que quelque chose avait changé chez Alec. Il n'était pas dupe. Pas cette fois.
***
Lorsque les trois garçons arrivèrent au Bunny's Bar, l'ambiance était électrique. Les rires, les éclats de voix et le cliquetis des verres s'entrechoquant formaient un fond sonore festif. Alec, habitué à cet univers bruyant, se fraya un chemin dans la foule, balayant la salle du regard. Il repéra rapidement Elena et Suzanne, attablées un peu plus loin avec deux gars qu'il ne connaissait pas.
Un éclat de rire familier retentit. Il s'agissait d'Elena, qui semblait captivé par le garçon face à elle. Un type grand, brun et souriant, qui à son regard paraissait clairement intéressé par Elena. Alec sentit une vague d'irritation monter en lui mais, il masqua habilement son trouble derrière un sourire détendu avant de se tourner vers ses amis, « Venez, on va dire bonjour aux filles », déclara-t-il d'un ton léger, tout en s'avançant déjà vers la table. Harry qui était ravi de pouvoir passer plus de temps avec sa sœur sauta sur l’occasion. Les récents événements lui avaient montré combien il était urgent qu’il passe davantage de temps avec Elena pour retrouver sa place auprès d’elle. « C’est moi qui paie la première tournée. Je vais nous chercher trois bières et je vous rejoins. Allez vous installer et gardez moi une place. » Lucas hocha la tête pour lui signifier qu’il l’avait bien entendu tandis qu’Alec, trop pressé partit devant.
Lucas s’amusait de voir Alec agir ainsi. Il adoptait une attitude désinvolte comme à son habitude mais, quelque chose toutefois avait changé. Son regard était toujours tourné vers Elena, et aucune fille ne semblait trouver grâce à ses yeux depuis des semaines. Ses pas rapides trahissaient une certaine hâte dont il n’avait pas l’habitude.
Arrivé à la table, Alec tira une chaise avec assurance et s'installa à côté d'Elena. Ses yeux croisèrent brièvement ceux de Ben, le brun charmeur. Il lui adressa un sourire de convenance avant de se retourner vers ses amies, comme si les autres mecs à la table n’existaient pas. « Salut les filles. Alors, de quoi ça parle ici ? Ça a l'air de bien vous faire marrer. »
Lucas s’amusa intérieurement de cette réaction possessive, qui au regard de la personnalité d’Alec était plus que suspecte.
Ben, répondit à leur place « On racontait des anecdotes de soirées. Genre des trucs honteux qu'on préférerait oublier. Une amie à moi m'en a raconté une bonne il n'y a pas longtemps. Une de ses potes est tombée sur un mec qui l’aurait appelé par le mauvais prénom alors qu'ils étaient en plein ébat. T’imagine ? C'est en entendant ton prénom que ça m'y a fait repensé parce qu'il l'a appelé Elena. »
Elena, bouche bée, resta figée un instant, tandis qu’Alec, sentit un malaise grandir en lui. Il le cacha derrière un masque impassible.
Suzanne leva les yeux au ciel. « Sérieusement ? Comment elle a dû mal le vivre... C'est la honte absolue. Ce type devait être complètement bourré ou c'était un sacré connard ! »
Ben, ajouta avec un sourire charmeur, « Peut-être, mais, si cette Elena est aussi charmante que toi, je crois pouvoir comprendre qu’elle lui ait mis la tête à l’envers. »
Elena, visiblement peu impressionnée, fronça les sourcils. « Ouais, enfin, c'est minable. On doit toujours respecter son partenaire, même si ça ne dure qu'une soirée. »
Alec força un rire, comme si cette situation ne le concernait pas du tout mais, ses paroles trahissaient la culpabilité qui lui tordait les tripes, « Sérieux, le gars devait être un sacré abruti. » Il se réjouit toutefois qu’Harry ne soit pas présent à ce moment-là. Il était parvenu à cacher ses sentiments à tous et il avait décidé de garder leur relation platonique. Toutefois, si Harry découvrait la vérité, tout risquait de s’écrouler et il ne voulait pas les perdre, ni lui, ni Elena.
« Moi, si un mec avait osé me faire ça, je l'aurais massacré sur place. Quel connard ! » s’écria Elena.
« Il l'aurait pas volé. » concéda Alec le regard fuyant.
Lucas, assis un peu en retrait, observait Alec avec un intérêt grandissant. Quelque chose dans son comportement clochait. Ce n'était pas le Alec O'Donnell qu'il connaissait, toujours sûr de lui et insouciant. Ce Alec-là semblait sur le fil, comme s'il essayait désespérément de cacher un malaise profond.
La soirée se poursuivait, Harry les avait rejoint et les verres s'enchaînaient. Ben continuait de tourner autour d'Elena, cherchant à attirer son attention, tandis que son acolyte Josh s'intéressait visiblement à Suzanne.
Lucas, ressentit un certain agacement en les regardant ainsi parler, une sensation de plus en plus fréquente lorsqu’il se trouvait aux côtés de Suzanne. Il la connaissait depuis des années mais, dernièrement, elle lui semblait différente. Après la soirée catastrophique en boîte de nuit, il s’était surpris à la trouver plus féminine, plus attirante. Et après qu’elle lui ait expliqué en détail la manière dont les deux types avaient essayé de profiter d’elles, il avait ressentie le besoin viscérale de la protéger elle. Un besoin qui il en avait conscience n’était pas fraternel, ni tout à fait amical. Il était troublé par ces sensations nouvelles mais, contrairement à Alec, il ne les fuyait pas. Il ne voulait pas se précipiter non plus. Lui et Suzanne était amis depuis les bacs à sable, leurs parents se connaissaient et si leur histoire ne fonctionnait pas, cela entraînerait des conséquences dont il se passerait bien. Alors pour le moment, il tenta de réprimer sa jalousie en se concentrant sur Alec et ce qu’il cachait.
Elena, dont le visage était devenu progressivement très pâle, finit par s’excuser, « J'vais rentrer. Je m’sens pas trop bien, j’crois que je ferais mieux d’aller me coucher. »
Suzanne lui jeta un regard inquiet. « T'as pas l'air bien du tout. T'es toute blanche... Et t'as même pas bu ta bière en entière »
Ben bondit sur l'occasion, « Laisse-moi te raccompagner. C'est pas prudent de rentrer seule si t'es pas bien. »
Avant qu'elle ne puisse répondre, Alec se redressa à son tour, son ton un brin trop vif. « Je m'en charge, on habite ensemble et de toute façon, je comptais rentrer moi aussi. »
Ben parut hésiter, Alec soutint son regard afin de couper court à toute opposition.
« C’est bon Ben, Alec va me raccompagner. »
« J'peux rentrer avec vous », proposa Harry, sincère.
Elena secoua doucement la tête, esquissant un sourire fatigué. « Non. La soirée commence à peine. Profite pour moi, Harry. »
Il ne semblait pas convaincu. Lucas, qui était resté silencieux jusqu’alors intervint « Tu vas pas m’abandonner moi aussi Harry ?! »
Ce dernier se tourna vers lui avant de porter son regard soucieux à nouveau sur Elena, « J’sais pas Lucas…. De toute façon, tu seras pas seul, il y a Suzanne ... »
Il fût coupé par Alec, « T’inquiètes, je ramène Elena et je t’envoie un texto pour te dire comment elle va. Ça sert à rien qu’on soit deux, reste avec Lucas. Il a pas mérité de se faire planté comme ça. »
« J’pourrais très bien la ramener et toi tu restes avec Lucas ? »
Alec cherchait les arguments pour convaincre Harry de laisser tomber, « J’ai déjà fait foiré tes plans ce soir alors je te dois bien ça. Profite je te dis, ça me dérange pas. »
Suzanne croisant le regard de Lucas renchérit « Je vois Alec tous les jours à la fac Harry, fais moi le plaisir de rester avec nous ce soir ! »
Harry souffla, résigné, « Très bien. Je te la confie mais, tu m’envoies un message dès que vous arrivez. »
Alec, essaya de contenir la joie qui l'animait, heureux de pouvoir enfin se retrouver seul avec Elena. Il posa une main légère dans son dos pour la guider vers la sortie. Ses doigts effleurèrent son pull, juste assez pour ressentir la chaleur inquiétante qui émanait d'elle.
***
Sur le chemin, l'air nocturne, froid et piquant, semblait la fragiliser davantage. Alec tourna la tête vers elle, l'inquiétude clairement lisible sur son visage. « Ça va ? T'as vraiment pas l'air bien. »
Elena hocha faiblement la tête, ses lèvres pâles se pressant l'une contre l'autre. « Je crois que je couve quelque chose. J'ai froid... »
Sans réfléchir, Alec ôta sa veste et la déposa sur ses épaules. Ses bras, désormais nus, frissonnèrent sous la fraîcheur mais, il n'en montra rien. « Tiens, mets ça. »
Elle le regarda avec gratitude mais, ses jambes tremblantes la trahirent. Alec n'hésita pas une seconde. « Viens là », dit-il en se penchant. « Monte sur mon dos. »
Elle protesta faiblement. Alec du insister pour la convaincre « Fais pas ta fière, chaton. T'es à deux doigts de faire une syncope. »
Elena finit par céder, posant son front brûlant contre son épaule. « Merci, Alec... Merci d'être là pour moi. »
Il esquissa un sourire, bien qu'elle ne puisse pas le voir. « Ouah, t'es vraiment mal pour dire des trucs comme ça. Tu veux pas en rajouter un peu, genre merci Alec, t'es mon héros ? »
Elena ne répondit pas, son souffle saccadé trahissant son état. Alec, désormais inquiet, accéléra le pas, déterminé à la ramener chez eux le plus vite possible. Le froid mordait sa peau, mais il s'en fichait. Ce qui comptait, c'était elle.
***
Quand ils arrivèrent à l'appartement, Alec fit descendre Elena et la guida directement vers sa chambre. Chaque pas semblait lui coûter un effort immense, et il sentit sa main s'agripper à son bras comme si elle risquait de s'écrouler à tout moment. Il ouvrit la porte de sa chambre, baignée dans une pénombre douce, et l'aida à s'asseoir sur le lit. Elle se laissa tomber en arrière, exténuée, ses cheveux éparpillés sur l'oreiller comme un halo brun.
« Tu veux un paracétamol ? Ça pourrait aider pour la fièvre », demanda Alec en se penchant pour retirer ses chaussures.
Elle hocha faiblement la tête, les yeux mi-clos. Il disparut dans la cuisine et revint avec un verre d'eau et le cachet. Elle le prit sans protester, avalant le tout d'un geste maladroit, puis s'enfonça un peu plus sous les draps qu'il avait tiré sur elle.
Alors qu'il faisait un pas en arrière, prêt à lui laisser le repos dont elle avait besoin. Elle l’arrêta d’une voix faible et peu peu paniquée, « Reste avec moi, Alec, s’il te plaît... »
Il se figea, surpris. Ses yeux cherchaient les siens, brillants et voilés par la fièvre. Elle semblait si vulnérable à cet instant qu'il ne trouva pas en lui la force de refuser. Il jeta un coup d'œil à sa tenue, un jean tendance et une petite chemise, cela lui donnait du charme mais, ce n’était guère pratique pour dormir. Il pointa son regard de nouveau vers Elena, qui n’avait pas relâché sa prise. Il fût frappé par le manque de force de celle-ci. Elle semblait tellement vulnérable. C’était à fois bizarre et touchant. « Ok... mais laisse-moi au moins me changer. Je reviens tout de suite. »
Elle acquiesça en silence, ses paupières se fermant déjà, épuisée. Alec quitta la pièce, échangeant son jean contre un bas de jogging confortable et un t-shirt propre. Il adressa un message rapide à Harry pour le rassurer. Ce dernier n’avait pas eu la patience d’attendre et lui avait déjà demandé s’ils étaient bien rentrés et ce qu’il en était par deux fois. Lorsqu'il revint, il s'attendait à la trouver endormie mais, elle était encore éveillée. Elle lutait pour attendre son retour, la respiration chaotique. Sans un mot, elle souleva un coin des draps pour l'inviter à la rejoindre. « J'ai tellement froid... viens, s'il te plaît », murmura-t-elle en claquant des dents.
Le cœur d'Alec se serra. Ignorant la gêne qui montait en lui, il s'installa à ses côtés, évitant soigneusement de croiser son regard. Il tira le drap sur eux deux, puis la prit doucement dans ses bras. Elle tremblait comme une feuille, et il posa instinctivement une main rassurante sur son dos pour la tirer vers lui. « J'suis une vraie bouillotte, tu vas voir, t'auras plus froid longtemps », plaisanta-t-il.
Elena, blottie contre lui, ne répondit pas. Son souffle devint plus régulier, et elle sombra rapidement dans le sommeil. Alec resta immobile, écoutant sa respiration s’apaiser, avant de fermer les yeux à son tour, ses bras tenant enlacé Elena.
***
Le cri d'Elena réveilla Alec en sursaut.
« JULIA ! Julia ! Non ! »
Il se redressa d'un bond, la regardant avec inquiétude. Elle se débattait dans son sommeil, des perles de sueur roulant sur son front. Alec posa une main sur son épaule, tentant de l'apaiser.
« Elena, réveille-toi. C'est juste un cauchemar. Je suis là. »
Elle continuait à se débattre, son corps agité par la fièvre. Dans son agitation, elle porta un coup à Alec. Elle n’avait absolument conscience et semblait enfermé dans des reviviscences douloureuses. Bientôt, les larmes prirent possession de ses yeux. Alec sentit son cœur se serrer face à la détresse d’Elena. Il se positionna derrière elle pour mieux entraver ses coups. Il bloqua ses bras pour la contenir physiquement et plaqua son visage contre le sien pour lui murmurer à l’oreille, « Chuuut, tout ira bien chaton. C’est Alec, tu es en sécurité. Je suis là et je te laisse pas. » Il embrassa ses tempes et la berça avec douceur et tendresse. Elle se détendit progressivement, puis enfouie son visage dans le cou d’Alec, « j’suis tellement désolée » laissa-t-elle échapper avant de retomber dans un sommeil profond. Il se demanda si c’était à lui qu’elle s’adressait ou à cette Julia dont il n’avait jamais entendu parlé. Une amie de New York très certainement, il se promit d’en parler à Harry à l’occasion. Il avait besoin d’en savoir plus pour veiller sur elle. Mais pour le moment, ce qui importait c’était qu’elle se repose. Il huma ses cheveux, elle dégageait une odeur florale enivrante, un mélange de jasmin et d’iris. Une odeur familière qu’Alec avait toujours aimé, celle d’Elena, même s’il venait seulement de le réaliser. Il continua à la bercer jusqu'à ce qu'elle retombe dans un sommeil profond. Lorsqu’il releva la tête, Harry se tenait là, dans l'encadrement de la porte. Les bras croisés, il le regardait avec une expression mêlée de confusion et de suspicion.
Alec rougit, se sentant pris sur le fait, bien qu’il n’avait rien fait de répréhensible. Il murmura à Elena, « Je reviens dans une minute », avant de se lever précautionneusement. Mais lorsqu'il tenta de s'éloigner, elle s'agrippa instinctivement à lui.
Il déglutit, tira légèrement le drap pour couvrir son absence, puis rejoignit Harry dans la cuisine.
« Qu'est-ce qu'il se passe, Alec ? », demanda Harry, l'air contrarié. « Qu'est ce que tu foutais dans le lit de ma sœur ? »
Alec leva les mains en signe de reddition. « Calme-toi, c'est pas ce que tu crois. Quand je l'ai ramenée, elle était vraiment mal. Je l'ai aidée à se coucher et je lui ai donné un paracétamol, mais elle m'a demandé de rester avec elle. J'te promets qu'il ne s'est rien passé. »
Harry haussa un sourcil, sceptique. Puis, après un long moment à le fixer les yeux dans les yeux afin de discerner la vérité, il hocha la tête. « Ok... J'te fais confiance. Après tout, c'est pas comme si c'était la première fois que je vous trouvais collés l'un à l'autre. D'ailleurs, j'trouve ça un peu bizarre parfois. »
Alec esquissa un sourire nerveux, mais le sérieux de Harry reprit rapidement le dessus. « En fait, c'est parce que j'ai entendu Elena crier que je suis venu. Ça lui arrive souvent ? »
Alec secoua la tête. « Pas à ma connaissance. Je sais qu’elle a beaucoup de mal à s’endormir mais je ne l’ai jamais entendu crier ainsi. J'imagine que c'est la fièvre. » Il hésita un moment avant de demander, « Elle a crié un nom... Julia. Tu sais qui c'est ? »
Harry se frotta le visage, l'air contrarié. « Julia, c'est une pote à elle, de New York. »
« C’est ce que je me disais. Tu sais quelque chose sur elle ? »
« Rien de particulier. Elle se sont rencontrées peu de temps après son arrivée là-bas. J’crois bien que c’était sa seule amie à l’époque mais, elle n'en a pas parlé plus depuis qu’elle est ici avec nous. Quand on était plus jeune, j’avoue que j’étais un peu jaloux d’elle. Elena avait finit par le ressentir et elle avait cessé de me parlé d’elle. Peut-être que mon père en sait plus. Je devrais lui demander. »
Alec se mordit la joue. Il se retrouvait dans la même situation qu’Elena quelques temps plus tôt. Elle avait fait ce qu’il aurait aimé qu’on fasse pour lui et aujourd’hui, il se devait de faire pareil, même si une petite voix au fond de lui lui soufflait que c’était une mauvaise idée. Il fit face à Harry et souffla avant de lui répondre, « Non, tu ne demanderas rien à ton père. » Harry le regarda, étonné. Alec poursuivit sans lui laisser le temps de répliquer, « Écoute, je sais que tu veux bien faire. Mais si on fouille dans ce qui ne nous regarde pas, elle va juste se refermer sur elle-même. Elle va nous échapper, Harry. Et je sais que c'est pas ce que tu veux. »
Harry poussa un long soupir, comme s'il essayait d'expulser sa frustration avec l'air qu'il relâchait. Puis, lentement, il s'affala sur le tabouret de la cuisine, laissant tomber son visage dans ses mains avant de les glisser dans ses cheveux en bataille. Il finit par relever les yeux vers Alec, un mélange de doute et de fatigue dans le regard. « Je sais que t'as raison, mec. Elle apprécierait pas qu’on fouille derrière son dos et peut-être même qu’elle nous claquerait la porte au nez. Mais... et si on passait à côté de quelque chose ? Si ça empirait sans qu'on le voie venir ? J’ai parfois l’impression de voir deux Elena, l’une super forte qui pourrait affronter n’importe quoi, et l’autre fragile, sur le point de se briser… J’ai tellement peur de la perdre à nouveau… » Sa voix se brisa légèrement sur les derniers mots, trahissant l'angoisse qu'il essayait tant bien que mal de contenir. « Parfois, les gens se disent qu'ils vont tenir, que c'est qu'une mauvaise passe, et puis... »
Alec s'assit à côté de lui, essayant de tempérer la tempête qui menaçait d’engloutir Harry. « Tu parles d'Alexis, c'est ça ? Tu culpabilises encore, hein ? »
Harry détourna les yeux, mais Alec remarqua que ses mâchoires se crispaient. Finalement, il hocha la tête, sa voix se teintant d'une tristesse qu'il peinait à masquer. « Ouais... » Il s'interrompit un instant, cherchant ses mots. « Si on l'avait pas laissé dans son coin, si on l'avait poussé à parler, peut-être qu'il serait encore parmi nous. Peut-être qu'on aurait pu... faire quelque chose. » Ses yeux brillaient, mais il refusa de laisser les larmes couler. Pas maintenant.
Alec se pinça les lèvres, pesant chacun des mots qu’il s’apprêtait à énoncer « Harry, on était des gamins. Des ados. Comment tu voulais qu'on devine qu'il... qu'il allait se suicider ? »
Mais Harry secoua la tête, ses poings se crispant sur le bord de la table. « Ça se voyait qu'il allait pas bien, Alec ! Si on avait ouvert les yeux, si on l'avait forcé à parler, peut-être qu'on aurait su ce qu'il avait en tête. »
« Et si ses parents s'étaient pas comportés comme des enfoirés en apprenant qu'il était gay ? Et si Xavier l'avait pas humilié devant tout le lycée ? Et si le contrôle de maths qu'il avait raté ce jour-là l'avait pas enfoncé encore plus ? Tu vois, y'a toujours des "si". Mais on peut pas changer le passé, Harry. Tout ce qu'on pouvait faire, on l'a fait. On l'a jamais rejeté, on l'a accueilli chez nous. Rappelle-toi quand on a collé une raclée à Xavier pour lui apprendre à fermer sa gueule. On l'a soutenu, Harry. Et puis c’est facile de voir des signes dans l’après-coup. Sur le moment on a fait ce qu’on a pu. »
Un sourire triste se dessina sur les lèvres de Harry, malgré lui. « C'est toi qui me dis de pas culpabiliser, là ? Franchement, Alec, c'est l'hôpital qui se fout de la charité. »
Alec lui rendit son sourire, un brin taquin. « Ta gueule, va. » Son ton se voulait complice, et Harry pouffa doucement, le rire brisant enfin la lourdeur de leur conversation. Mais le répit fut de courte durée.
« J'comprends ce que tu dis, Alec, et t'as raison. Mais j'y repense souvent, surtout quand je vois Elena souffrir et que je peux rien faire pour l'aider. J'me sens tellement impuissant et je déteste ça. Je crois que j’ai besoin de tout garder sous contrôle, c’est pour ça que je cherche toujours à tout comprendre, tout analyser. Ça m’aide en générale à mieux gérer le stress. »
« Le contrôle n’est qu’une illusion tabibu juha, tu n’as jamais eu le contrôle. »
« Quoi ?! Qu’est-ce que tu me chantes là, je comprends rien... »
« Instinct »
Devant le regard incrédule de Harry, Alec souffla. « Instinc, le film avec Anthony Hopkins. C’est Elena qui m’a forcé à le regardé un soir. Elle s’est endormie en deux minutes et moi… J’ai pas pu décrocher avant la fin. Tu devrais le voir, il te plairait. C’est l’histoire d’un psy qui trouve son maître. Tabibu juha ça veut dire… bref, je te laisse le regarder. »
« J’y penserais ».
Harry semblait toujours aussi soucieux, ce qui n’échappa pas à Alec. Il se pencha vers lui « T'es là, Harry. Et crois-moi, ça compte. Elena le sait. »
Harry secoua la tête, sa voix tremblant d'une émotion à peine contenue. « Mais si jamais elle faisait comme Alexis ? Alec, je te jure que je m'en remettrais pas. »
Alec prit une grande inspiration, pesant ses mots avant de répondre. « Elena est forte. »
Harry répliqua aussitôt, presque avec colère, « Parce que les gens qui se suicident, tu crois qu'ils sont faibles ? »
Alec hocha lentement la tête, acceptant la correction. « Non. C'est pas une question de courage ou de faiblesse, t'as raison. »
« Un de mes profs nous avait expliqué ça. » partagea Harry, « Il disait que les gens qui se suicident, c'est pas qu'ils veulent arrêter de vivre, c'est qu'ils veulent arrêter de souffrir. »
Alec sembla réfléchir à ces paroles, son regard se posant sur son ami, . « Et il a dit quoi d'autre, ton prof ? »
« Il parlait des signes. L'épuisement, l'instabilité émotionnelle, les troubles du sommeil, le repli sur soi... » Harry fixa son ami avec sérieux.
« Et tu trouves que ça ressemble à Elena ? » demanda Alec avec un grand sourire, comme s'il avait trouvé la faille dans les inquiétudes de son ami.
Harry hésita avant de secouer la tête. « À part qu'elle dort mal, non. Mais, il disait aussi qu'il fallait pas hésiter à poser la question, même si c'est dur. Parce que si quelqu'un y pense, en parler peut briser son isolement. »
Alec acquiesça lentement. « Alors pose-lui la question, Harry. Si tu veux être sûr, demande-lui directement. »
Un silence suivi, témoignage de leurs réflexions personnelles. Finalement, Harry se leva. Un peu maladroit, il déclara à Alec, « Merci, Alec. Sérieux, t'es comme un frère pour moi. Merci de veiller sur moi et Elena. »
Alec sourit, « Va falloir que je commence à facturer, mec. Avec supplément pour les heures de nuit. »
Harry éclata de rire, et ce moment de légèreté leur fit du bien. Mais leur tranquillité fut vite interrompue par un bruit venant du couloir. Ils se précipitèrent pour voir Elena, debout, tremblante, le teint livide. Alec et Harry l'attrapèrent juste à temps avant qu'elle ne s'écroule.
« Qu'est-ce que tu fais debout, Sparky ? » demanda Harry, son ton inquiet teinté d'une pointe d'agacement.
Elena leva des yeux fiévreux vers eux, sa voix faible « Je dois aller aux toilettes. J’peux me débrouiller toute seule. »
« Écoute, je t'emmène jusque-là et ensuite, tu te débrouilles, d'accord ? » proposa Harry, adoucissant son ton.
« Et moi, je vais chercher de l'eau, » ajouta Alec en s'éclipsant vers la cuisine.
Quand Elena revint dans sa chambre, Alec l'attendait avec un verre d'eau. Elle bu son verre sans un mot, puis s'allongea à nouveau, épuisée. Harry et Alec échangèrent un regard complice. Ils savaient qu'ils n'avaient pas toutes les réponses, mais ils étaient là les uns pour les autres, comme une famille.
***
Les jours s'étaient succédé, rythmés par le rétablissement lent mais prometteur d'Elena. Alec et Harry s'étaient relayés avec une dévotion discrète mais sans faille, veillant tour à tour sur elle. Alec, en particulier, avait passé de longues heures à surveiller la fièvre d'Elena, à lui apporter des boissons chaudes, des médicaments ou simplement à s'assurer qu'elle dormait paisiblement, souvent à l’insu d’Harry.
Ce matin-là, pourtant, Alec avait dû quitter l'appartement pour assister à un cours inrratable à la fac. À contre-cœur, il avait laissé Harry prendre la relève, jetant un dernier regard vers la chambre d'Elena avant de filer.
Après la fin du cours, il descendait les escaliers du bâtiment principal, ses écouteurs enfoncés dans les oreilles, quand une voix familière l'interpela derrière lui, « Alec ! Attends ! »
Il se retourna pour voir Lucas trottiner vers lui, les cheveux en bataille, une pochette de cours sous le bras. L'air un peu essoufflé, Lucas s'arrêta à sa hauteur, une lueur indéchiffrable dans le regard.
« Lucas ? » s'étonna Alec, retirant un écouteur. « Qu'est-ce que tu fais là ? T'aurais pu m'envoyer un message. »
Lucas haussa une épaule, l'air presque gêné. « Ouais, je sais. Mais comme j'étais déjà dans le coin... » Il brandit la pochette comme pour se justifier. « J'voulais prendre des nouvelles d'Elena et lui filer mes cours. Avec tout ce qu'elle a raté, elle doit être grave à la bourre. »
Alec hocha la tête, attrapant la pochette que Lucas lui tendait. « Merci, c'est sympa de penser à elle. » Il glissa la pochette dans son propre sac, tout en jetant un coup d'œil attentif à Lucas. « Elle devrait pouvoir revenir à la fac bientôt, je pense. Et tu sais, tu peux l'appeler directement si tu veux. Elle grogne parfois mais, ça lui fera plaisir. »
Lucas acquiesça sans trop répondre. Contrairement à ce que pensait Alec, Lucas ne repartit pas immédiatement. Il avait semble-t-il d’autres intention en l’alpaguant aujourd’hui, son attitude trahissait effectivement quelque chose de plus. Il ne semblait pas simplement là pour déposer des cours. Alec fronça légèrement les sourcils, intrigué. « T'as l'air d'avoir autre chose en tête. Qu'est-ce qu'il y a ? »
Lucas détourna brièvement le regard, avant de plonger ses mains dans ses poches, comme s'il cherchait ses mots. « En fait... J'voulais te parler. Genre, seul à seul. T'as un peu de temps ? Ça te dit qu'on aille boire un café ? »
Le ton de Lucas était légèrement tendu, ce qui ne lui ressemblait pas. Alec haussa un sourcil, hésitant. Puis, curieux, il répondit tout bas« Ok, allons-y, c’est pas comme si j’avais laissé Elena pour un cours ultra important... »
Lucas esquissa un sourire nerveux, mais ne répondit pas. Tandis qu'ils s'éloignaient du campus pour trouver un café tranquille, Alec ne put s'empêcher de se demander ce qui pouvait bien pousser son ami à vouloir une conversation aussi sérieuse.
Ils retrouvèrent rapidement où se poser. Lucas avait choisi une table dans un coin reculé, loin des oreilles indiscrètes. Alec, installé face à lui, faisait tournoyer machinalement une petite cuillère dans l’expresso qu’on venait de lui servir, jetant des regards interrogateurs. « Alors, de quoi tu voulais me parler ? »
Lucas sembla hésiter, triturant le rebord de sa tasse. « J'voulais savoir... ce que tu ressens pour Elena. »
Alec manqua de s'étouffer avec son café. Il posa sa tasse brusquement, les sourcils arqués. « Quoi ? »
Lucas, déterminé, continua « Tu m'as bien entendu. Qu'est-ce que tu ressens pour elle ? »
« Ce que je ressens ? » répéta Alec, tentant de gagner du temps. Il secoua la tête avec une expression empreinte de moquerie dans une tentative maladroite de duper Lucas. « C'est ma pote, c'est tout. Qu’est-ce qui te prend ? Traîner avec Suzanne te réussit pas, tu deviens mièvre. »
Son ton manquait de conviction, et Lucas s'en rendit compte. Il pencha la tête, un sourire malicieux aux lèvres. « Sérieux ? Alors explique-moi pourquoi t'as pas couché avec une seule fille depuis des semaines. »
Alec haussa les épaules, jouant l'indifférence. « J'ai juste eu d'autres priorités, j'me concentre sur mes cours. »
Lucas éclata de rire. « Arrête un peu ! T'es une machine, Alec. Tes cours, tu les maîtrises les yeux fermés. Et ton comportement, ces derniers temps, il est bizarre. Les regards que tu lui lances, le ton que t'emploies avec elle... Tu t’en rends pas compte mais, pour qui sait faire attention, c’est finalement assez flagrant. » Ce n’était pas une question mais, une constatation.
Alec s’en défendit, l'air buté. « Tu te fais des films. »
Lucas poursuivit son argumentaire sans prêter attention à ses objection qui au demeurant ne tenaient pas la route. « Alors, pourquoi t'étais jaloux de Ben au Bunny's Bar, hein ? Pourquoi t'as soudain décidé d'y aller quand t'as su qu'elle y serait ? Tu leur avais menti ce soir-là, toi et Harry n’aviez absolument pas prévu de vous y rendre. » Il marqua une pause pour observer la réaction d'Alec, puis reprit avec un sourire narquois. « Tu sais quoi, l'histoire que Ben a raconté, ça m'a rappelé celle dont m'a parlé Harry il n'y a pas si longtemps. C'était juste avant que tu disparaisses des radars quelques temps. Une histoire où tu serais sorti d'une chambre avec une belle marque rouge sur la joue... et une envie pressante de déguerpir à toute vitesse de l'appartement. J'suis sûr que c'était toi, et parce que j'te connais bien j'dirais que t'as essayé d'oublier Elena en couchant avec une fille qui devait vaguement lui ressembler. Et ton malaise quand Ben a raconté cette anecdote, c’était toi... j'me trompe? »
Alec vira au blanc. « Putain, Lucas, j'espère que t'as pas raconté ça à Harry. »
Lucas éclata de rire. « Non, t'inquiète, ça reste entre nous. Mais avoue que c'est fort : te planter de prénom, mec. Même pour toi, c'est pas glorieux. »
Alec soupira, passant une main dans ses cheveux. « Je sais... Je sais. Tu peux pas imaginer à quel point je m'en veux. J'ai été un vrai connard, et crois-moi, j'en suis pas fier. »
« Je te crois. Je sais que même si t’es du genre coureur, tu n’as jamais manqué de respect aux filles avec qui tu as couché. Enfin, jusque là. » Lucas lui adressa un sourire taquin qui rassura Alec. Ce dernier était soulagé de ne pas être jugé en dépit des apparences. Lucas se racla la gorge avant de revenir au sujet qui l’intéressait, « Quoi qu’il en soit, tout ce que j’en conclu c’est que tu as finis par craquer pour Elena finalement. »
Alec déglutit, mal à l’aise, « Je suis désolé, je sais que toi aussi tu apprécies beaucoup Elena... »
Lucas lui sourit, « T’inquiètes, j’ai finis par me rendre compte que tu avais raison. Je ne voyais pas Elena tel qu’elle était vraiment. J’ai aimé l’image que je me suis faite d’elle. Enfin, aimé est un bien grand mot. Plus j’y réfléchis et plus je pense que c’est une sorte de coup de foudre sans profondeur, peut-être cette foutue histoire de phéromone, qui sait. En tout cas, rien à voir avec ce que tu sembles éprouver pour elle. »
Alec resta silencieux. Il était incapable de nier les conclusions de Lucas. Effectivement, c’était plus qu’une simple attirance physique. Son séjour chez Noah lui avait permis de le comprendre.
« Tu comptes lui avouer ? » demanda Lucas, « Parce que franchement, je pense que t'as tes chances. Vous avez une relation particulière, tous les deux. Elle a juste besoin d'un déclic. »
Alec secoua la tête avec un sourire triste. « Non, ça n'arrivera jamais. Elena mérite mieux. Elle a besoin d'un mec bien, quelqu'un qui saura la comprendre et prendre soin d'elle. Pas... pas moi. »
Lucas fronça les sourcils. « Mec, je crois que tu viens de te décrire toi-même. »
Alec ricana sans joie. « T'es aveugle ou quoi ? J'ai trop de casseroles, Lucas. Je traîne des trucs... des trucs sombres. Avec moi, elle finirait par être malheureuse. »
Lucas le scruta longuement, son expression passant de l'inquiétude à la compassion. « Tu te sous-estimes, Alec. Sérieusement. »
Mais Alec ne sembla pas convaincu. Il vida son café d'une traite et posa la tasse avec un bruit sec. « Peu importe. Ça changera rien. Je compte pas lui parler de ça. Et j'aimerais que ça reste entre nous, ok ? »
Lucas voulut insister mais, Alec l'interrompit en se levant. « Et on va éviter de reparler de ça, toi et moi. J'ai promis de passer faire les courses avant de rentrer. »
Lucas comprit qu'il n'irait pas plus loin. Il se contenta d'un sourire conciliant. « Passe le bonjour à Elena et Harry, alors. »
Alec hocha la tête et se détourna, quittant le café avec sa démarche nonchalante, mais Lucas resta là, pensif.
Pour la première fois, il avait perçu une vulnérabilité chez Alec qu'il ne lui connaissait pas. Ce dernier avait changé au contact d'Elena, c'était évident. Et quelque part, cela lui donnait matière à réfléchir... Peut-être que lui aussi, il devrait prendre une décision. Une pensée fugace de Suzanne lui traversa l'esprit, et il sentit son cœur s'emballer.
« Faut croire que c'est contagieux, » murmura-t-il en se laissant retomber contre sa chaise.
J'aime le fait qu'on en sache un peu plus par rapport au passé, à cet Alexis qui a malheureusement pas eu une vie très super, j'ai failli en pleurer tellement c'est touchant.
ET PUIS Y'A ALEC QUI AVOUE ENFIN SES SENTIMENTS (enfin avouer c'est un grand mot mais oui...)
En tout cas j'adoreee
Et ouiiiii, Alec assume ce qu'il ressent même s'il ne veut pas le partager il ne se voile plus la face.
Merci
On creuse un peu plus le passé avec ce chapitre. Julia, Alexis... Des noms qui ressurgissent, associés à de vieux trauma. C'est bien distillé, à petites doses, ça ponctue fluidement l'histoire.
Je te remonte mes notes au fil de la lecture :
- "Alec avançait dans la file avec ses potes de promo, quelques filles à leurs côtés." -> Alec n'a-t-il aucune pote fille ? Il sépare beaucoup les potes des filles, je trouve. Il ne croit pas à l'amitié garçon-fille, n'est-ce pas (tu peux pas répondre Elena, il a des vues sur elle :p) ? J'avais pointé, une fois, qu'il avait une vision particulière de la femme. Je pense que c'est dans ces moments que ça ressort :)
- "Alec, pas comme toi et tes potes, alors si ça te dépasse, passe ton chemin." -> je trouve la pique un peu agressive pour une pointe d'humour. On peut aussi plaisanter d'un sujet sérieux après tout, ça n'empêche pas de s'y intéresser (oui, je suis un peu en désaccord avec Elena et Suzanne ici, et la dictature "on ne peut s'y intéresser quand étant ultra sérieux").
- "Cette réaction n’échappant pas à Lucas qui se montrait toujours très observateur." -> ceci dit il n'avait rien remarqué jusqu'à présent, alors qu'Alec et Elena sont quand même proches. Alors tu me diras peut-être qu'il le remarque à ce moment précis, mais je pense que du coup, il serait bien de mettre en amont plus tôt cette capacité d'observation de Lucas. Ici, c'est soudain.
- "L'histoire d'un mec qui aurait appelé une fille par le mauvais prénom alors qu'ils étaient en plein ébat. (...) il l'a appelé Elena." -> Ouch xD
- "Lucas, ressentit un pincement de jalousie en les regardant ainsi parler, une sensation de plus en plus fréquente lorsqu’il se trouvait aux côtés de Suzanne." -> j'aime l'idée, mais je me demande si la description ne pourrait pas être plus subtile. Que la jalousie soit suggérée par un état agité plutôt que tu le nommes d'entrée. Après, j'aime l'idée d'une romance Lucas / Suzanne. Mais peut-être que ça pourrait être un peu plus lent, même si Lucas l'assumera plus vite qu'Alec assume ses sentiments ?
- "Tu veux un Doliprane ?" -> question de culture : doliprane n'est pas une marque suffisamment connue aux States, et c'est très français d'appeler une chose par le nom d'une marque. Comme le frigo s'appelle en vrai un réfrigérateur, et que le sopalin est en réalité de l'essuie-tout, peut-être faudrait-il remplacer "doliprane" par "paracétamol"?
- Lucas est un chouette gars. C'est bien de voir qu'Alec rencontre du soutien, d'autant plus de sa part puisque lui-même avait un crush sur Elena, y'a pas si longtemps. En plus, ça donne un peu un effet "l'étau se resserre" parce que petit à petit, il y a des plus en plus de monde qui sait ce qu'Alec pense vraiment.
Je te dis à bientôt ! ^^
C'est toujours un plaisir de te lire, tes commentaires me font toujours réfléchir de façon pertinente! J'apprécie beaucoup ton aide, elle m'est précieuse, réellement.
- En effet, Alec a un peu de mal avec les relations amicales garçons/filles. Nous en saurons plus plus tard... Comme tu l'as remarqué, j'essaie d'instiller des éléments au fur et à mesure pour mieux appréhender leur passé, leurs difficultés relationnelles et les problématiques actuelles... J'ai hâte que tu lises la suite. Il y a des éléments qui me questionne bien entendu (peut être clichés...) et il me tarde de lire tes commentaires quand tu en auras le temps.
La pique de Suzanne est effectivement agressive, c'est un choix pour parler de la façon dont certaine thématiques peuvent prendre certaines personnes aux tripes. De plus Elena est du genre entière et un chouilla impulsive, je trouvais que ça collait au personnage ;) Mais dans le fond tu as raison, la colère n'est pas bonne conseillère, notamment dans la communication et peut déservire l'argumentaire. En même temps, à l'image de l'interview au journal TV dans don't look up, (je ne sais pas si tu l'as vu), il y a des sujets qui doivent alerter, qui ne sont pas risibles. C'est un parti pris certainement.
-Je devrais distiller des passages pour mettre plus en avant le côté observateur de Lucas, tu as raison. Merci de le souligner.
-De même pour la jalousie. Comme tu le souligne toutefois, Lucas peut manquer de confiance en lui mais il n'est pas fuyant vis à vis de ses éprouvés internes comme Alec, et il n'est pas en proie à des conflits intérieur comme lui. Il est donc évident qu'il ne fera pas le même chemin.
-Doliprane: bien vu! je n'y avais absolument pas pensé. Merci encore.
Effectivement, Lucas est un chouette gars. Il est soutenant vis à vis d'Alec malgré l'attirance qu'il avait pour Elena. Toutefois, les sentiments d'Alec et Lucas ne sont pas du tout de même nature et Lucas l'a compris. Il avait un "crush" pour Elena, une sorte de coup de foudre. Les ressentis sont forts, notamment physiques mais, il y a une part d'alchimie qui entraîne une forme d'idéalisation de la personne. Celle-ci n'est pas vu telle qu'elle est réellement et c'est ce qu'indique Elena me semble-t-il à un moment. Lucas a finis par le comprendre et percevoir de plus en plus de ressemblance entre elle et Alec. Il sait que ce n'est pas le genre de fille qui lui convient. Quant à Alec, ses sentiments sont beaucoup plus profonds. Elle parvient à voir au-delà de son masque, elle le comprend et ils partagent des choses que nul autre ne comprend. Elle le touche plus qu'il ne le voudrait et il lutte contre ses sentiments, par peur de s'attacher et parce qu'il pense ne pas être assez bien pour elle. Alec est un personnage lumineux à l'extérieur et sombre à l'intérieur... On en découvrira plus sur son histoire par la suite...
Merci encore pour tes retours toujours très riches et à bientôt
Disons que je pense que la colère peut être à double tranchant. Quelqu'un qui voudrait effectivement se moquer se servira de la colère de l'autre pour le décrédibiliser, c'est tellement facile l'argument "oui mais en face, ce sont des hystériques" (comme dans Don't Look Up), et d'un autre point de vue, si je m'intéresse à un sujet et que je fais une petite blagounette pour rejoindre une conversation (typiquement mon genre, j'ai du mal à être sérieuse quand je parle de sujets sérieux) et que la première réaction de l'autre c'est de m'engueuler, je suis pas sûre que j'aurais envie de m'intéresser à son propos. C'était plutôt cette position que je voulais appuyer, par rapport à l'agressivité des filles ici.
Et sinon, avec plaisir ! J'essaye de revenir rapidement lire le prochain ^^
J'ai également réfléchie à Lucas et Alec. Si je n'ai pas encore réécris certains passages antérieurs afin de mettre davantage en évidence le côté observateur de Lucas, j'ai ajouté des éléments à leur discussion afin de mieux appréhender leurs différences dans leur attirance pour Elena et pourquoi finalement Lucas a abandonné l'idée de sortir avec elle. Cela donne:
Alec vira au blanc. « Putain, Lucas, j'espère que t'as pas raconté ça à Harry. »
Lucas éclata de rire. « Non, t'inquiète, ça reste entre nous. Mais avoue que c'est fort : te planter de prénom, mec. Même pour toi, c'est pas glorieux. »
Alec soupira, passant une main dans ses cheveux. « Je sais... Je sais. Tu peux pas imaginer à quel point je m'en veux. J'ai été un vrai connard, et crois-moi, j'en suis pas fier. »
« Je te crois. Je sais que t’es même si t’es du genre coureur tu n’as jamais manqué de respect aux filles avec qui tu as couché. Enfin, jusque là. » Lucas lui adressa un sourire taquin qui rassura Alec. Ce dernier était soulagé de ne pas être jugé malgré la situation. Lucas se racla la gorge avant de revenir au sujet qui l’intéressait, « Quoi qu’il en soit, tout ce que j’en conclu c’est que tu as finis par craquer pour Elena finalement. »
Alec déglutit, mal à l’aise, « Je suis désolé, je sais que toi aussi tu apprécies beaucoup Elena... »
Lucas se mit à rire, « T’inquiètes, j’ai finis par me rendre compte que tu avais raison. Je ne voyais pas Elena tel qu’elle était vraiment. J’ai aimé l’image que je me suis faite d’elle. Enfin, aimé est un bien grand mot. Plus j’y réfléchis et plus je pense que c’est une sorte de coup de foudre sans profondeur, peut-être cette histoire de foutu phéromone, qui sait. En tout cas, rien à voir avec ce que tu sembles éprouver pour elle. »
Alec resta silencieux. Il était incapable de nier les conclusions de Lucas. Effectivement, c’était plus qu’une simple attirance physique. Son séjour chez Noah lui avait permis de le comprendre.
« Tu comptes lui avouer ? » demanda Lucas, « Parce que franchement, je pense que t'as tes chances. Vous avez une relation particulière, tous les deux. Elle a juste besoin d'un déclic. »
Alec secoua la tête avec un sourire triste. « Non, ça n'arrivera jamais. Elena mérite mieux. Elle a besoin d'un mec bien, quelqu'un qui saura la comprendre et prendre soin d'elle. Pas... pas moi. »...etc reprise de ce que j'avais initialement écris.