Il n’avait rien dit à Solenne de sa rencontre avec le vieil Antoine. Pas plus qu’il ne lui donnait de détails sur ses recherches d’emploi. Il persistait dans ses secrètes sorties, restant évasif sur ses entretiens d’embauche infructueux ou fictifs. Il la noyait sous ses baisers passionnés et elle ne demandait pas mieux. Elle en oubliait presque les enjeux qui se tramaient pour elle comme pour lui.
L’heure était aux grandes roucoulades.
Un jour, donc, Léo invita Solenne à manger dans un restaurant. Il espérait, par le truchement d’une ruse inavouable, l’impliquer dans ses projets. Il avouait faussement hésiter à proposer sa candidature dans l’établissement en question, aussi, voulait-il la mettre dans la complicité en la faisant participer tout en rondeurs par l’effet d’une invitation galante.
Jouant d’une fourchette sensuelle, savourant avec force gestes et mimiques suggestives, elle s’amusait à lui faire oublier ce pour quoi ils étaient là. Et ça marchait. Les cheveux roux de la jeune femme flamboyaient librement autour de son visage espiègle. Elle arborait un décolleté qui invitait à un plongeon vertigineux. Son fascinant pendentif en pierre de lune si bien placé faisait comme un phare lumineux de l’entrée d’un port ; attirant et irrésistible. Perdu entre ses œillades provocantes et la naissance de sa poitrine, elle annihilait en lui toute velléité de sérieux ou de sens pratique.
Ils terminèrent le repas avec un succulent dessert au chocolat que la jeune femme s’ingéniait à savourer avec des soupirs entendus. Léo lui répondait d’une jambe caressante sous la table et la dardait d’un regard pénétrant qui la faisait frissonner de désir. Elle léchait lentement sa dernière cuillère dégoulinante quand Léo héla un serveur et demanda la note. Pas de café, pas de pousse-café, ils étaient pressés de rentrer au château. Solenne avait réussi à pousser sa fougue jusque dans ses derniers retranchements.
Le soir était bien avancé lorsqu’ils sortirent du restaurant. Il faisait noir et froid en cette fin novembre plutôt sec. Un mince croissant de lune décorait le ciel au-dessus des pâles réverbères du parking. Léo entrainait Solenne par la main jusqu’à la moto, la faisant presque courir sur ses talons hauts. Il lui fourra son casque dans les bras et lui vola un ardent baiser.
- Toi, ça va être ta fête à la maison ! menaça-t-il, en enfilant son casque sur le crâne en vitesse.
- Chic ! s’amusa Solenne en enfilant le sien.
Il démarra son engin et l’enfourcha nerveusement. Il fit chanter le moteur comme pour mesurer le niveau son excitation. Le rire de la jeune femme ne s’entendit pas sous le vacarme et elle grimpa à l’arrière de la moto en troussant sa jupe. Elle se blottit derrière son dos et le serra de ses bras sans aucune retenue.
Quelqu’une demi-heure plus tard, Léo stoppa l’engin près du château et de la petite voiture rouge. Ils traversèrent le grand hall dans la pénombre pour filer droit à la cuisine. Solenne alluma les lumières de la hotte en se défaisant de son blouson et lui proposa de s’offrir un dernier verre ensemble.
Il n’y tenait plus. À peine s’était-il aussi défait du sien qu’il l’a fit reculer jusqu’au plan de travail et l’y bloqua avec son corps lui coupant toute possibilité de lui échapper. Une main glissée dans ses cheveux, sur sa nuque et l’autre insinuée à l’intérieur de son décolleté, la bouche gourmande prête à happer la sienne.
- Ne me fais pas languir plus longtemps, ma belle, ou je ne réponds plus de rien ! lui susurra-t-il d’une voix chaude et vibrante de désir.
Retenant encore un instant l’ours délicieux d’un doigt sur la bouche comme pour mieux goûter ce qu’il était désormais tout disposé à lui donner, elle lui répondit avec un aplomb qui le rendit encore plus impatient :
- Je crois que j’ai dû abuser du gingembre, ce soir…
Et, elle glissa une main jusqu’à sa ceinture puis une jambe caressante le long de son flan.
- … mais ce n’est pas pour me déplaire, ajouta-t-elle dans un souffle, offrant sa bouche comme un macaron croquant et fondant à la fois.
C’en était trop. Il s’empara de ses lèvres avec une ardeur redoublée et, de tout son poids, la bascula sur le plan de travail, poussant du même coup le sabot des couteaux, répandant le pot à ustensiles dans un grand bruit de métal et de plastique, indifférents au malheureux petit gâteau abandonné là qui s’aplatit inexorablement sous le couple impétueux. Léo, insatiable, parcoura de sa bouche affamée son menton, son cou, sa gorge, son épaule, puis un sein après avoir savamment déboutonné son chemisier et tiré sans vergogne sur le soutien-gorge, jouant avec les soupirs de Solenne qui ne demandait que ça. Elle déboucla la ceinture de son pantalon de ses doigts agiles et s’empara déjà des boutons de la braguette pour les faire sauter un à un. Elle pouvait sentir le doux duvet et le désir charnel à la naissance de son boxer. Lui, d’un savant pincement dans le dos dégrafa le soutien-gorge qui libéra ses seins tout entiers offerts à ses baisers et à son appétit féroce. Ses mains coururent sur ses flans, ses cuisses ceintes dans des bas, son ventre, remontèrent sa jupe jusqu’à la taille et s’empressèrent sur le slip qui glissa très vite jusqu’aux chevilles, offrant là les secrètes merveilles de sa partenaire. Cambrée sur le plan de travail, la tête en arrière, les cheveux répandus dans les couteaux épars, les jambes fermées sur les hanches de Léo lui intimant de poursuivre l’entreprise, elle soupirait les yeux fermés, le corps aux aguets sentant ses doigts entreprenants ainsi que sa langue agile à la faire frémir tout entière.
Solenne, perdue dans les méandres de son plaisir, goûtait à des saveurs enivrantes. Déjà, seules, les caresses expertes de Léo savaient la tendre au paroxysme. Elle libéra un soupir de jouissance, son corps parcouru de soubresauts annonçant à son partenaire qu’elle était entièrement disposée au dernier assaut. Ce qui ne tarda pas à arriver. Libérant ses muscles trop tendus pour accueillir en elle l’ardent et impérieux désir de son partenaire, elle l’enserra avec ses jambes croisées, lui prit la bouche et le visage à deux mains pour accentuer sa jouissance. Elle voulait le goûter jusqu’à la lie. Rien de lui ne lui sera refusé. Tout son corps l’accueillit dans une impérieuse gourmandise insatiable d’où il n’échapperait qu’en se donnant entièrement. La délicieuse prison de sa féminité lui soutira un râle de plaisir. Le souffle saccadé de Léo se perdait dans son excitation.
Solenne se redressa alors, plaquant son buste contre le sien, comme une invitation à se calmer. Elle guidait sa respiration dans une danse harmonieuse avec la sienne, cherchant à capter son regard pour y plonger ses prunelles dilatées de plaisir, glissant ses doigts dans ses cheveux bruns, comme dans un doux écheveau de cachemire. L’intensité de leur échange visuel fut soudain telle qu’une décharge d’énergie les lia l’un à l’autre dans une voluptueuse félicité. Elle était déjà aux confins du plaisir. Elle l’attira vers lui, lui dit silencieusement qu’elle était prête, lui promit un tremplin de merveilles, des étincelles au creux des reins. Ils avaient oublié toute retenue et donnaient libre court à leur créativité.
Elle se cambra, totalement offerte. Léo, qui ne cessait de la gourmander des yeux et des mains, n’y tint soudain plus et se répandit en elle dans un élan impétueux et une grimace irrépressible. C’en était fait de lui. Elle l’avait eu jusqu’au trognon. Et elle souriait. Un sourire béat qui faisait fondre la banquise et son ours avec. Il s’étendit sur elle, épuisé. Ils reprenaient chacun leur souffle l’un contre l’autre, toujours vautrés sur le plan de travail en désordre.
oOoOoOo
Un matin de décembre, Solenne se trouvait dans l’orangerie, occupée à vérifier l’arrosage et le chauffage des multiples plantes tropicales qui s’épanouissaient sous la verrière. Dans le calme végétal et les glou-glous des petites fontaines cachées sous les épais feuillages. Elle aimait se ressourcer ici. Prendre contact avec l’eau et les plantes. Elle avait fait aménager au centre, tout un espace de confort zen où on pouvait s’installer et s’y reposer dans le calme à l’abri des regards, sous la bienveillance végétale. Des transats de toile beige étaient disposés sur des caillebotis de bois exotique, des petites dessertes d’ébène massifs pour y poser livres et boissons. On parvenait à cet espace en empruntant des pas japonais de pierres blanches plongés dans un petit ruisseau d’eau courante qui faisait le tour de la serre, lieu de vie d’une communauté de poissons rouges. L’humidité et la chaleur régnaient en maître. C’était dans cette atmosphère moite qu’elle aimait se retrouver seule avec elle-même, goûter simplement au calme de l’endroit et se mettre en harmonie avec lui. Les plantes lui parlaient d’orientation. Elles l’aidaient à trouver son chemin dans ses contemplations créatives.
Aujourd’hui, elle se savait aimée et elle aimait en retour. Son bonheur pourrait être accompli, mais elle savait aussi, en s’engageant dans cette aventure amoureuse, qu’elle devrait faire face à de grandes épreuves. Elle avait donc besoin de beaucoup d’énergie. Elle avait besoin de se sentir forte. Elle avait besoin de se persuader qu’elle suivrait le bon chemin pour traverser les tempêtes à venir. Elle savait que son rôle aujourd’hui était tout autre que les cauchemardesques souffrances d’autrefois. Son divorce, toutes ces remises en questions, tous les deuils qu’elle avait dû endurer... Tout cela était bel et bien fini, heureusement. Elle s’était construite, grâce à ça. Cela l’avait rendue plus forte. Elle se sentait désormais capable d’affronter pire, ou si ce n’est différent. Différent, parce que cette fois, elle n’était pas seule. Parce que, cette fois, ils seront deux. Et ça, ça changeait tout !
Elle avait fait découvrir le château à Léo pièce par pièce. Cet endroit qui, tout compte fait, était le lieu de leur amour naissant, laissé en pose pendant des siècles. Elle lui avait expliqué la vie des sœurs Ursulines et leurs coutumes à travers les aménagements modernisés, la transformation de la chapelle et des cellules, le cloître paysager, les anciennes dépendances et les jardins... Elle avait tenté de lui expliquer les origines de leur métempsychose. Mais Léo n’entendait rien à ces manifestations de l’au-delà. Pour lui, ce n’était que des jolies théories pour les croyants. Pour elle, cela sonnait comme une évidence. Un conflit de ressentis les mettaient dos à dos. Mais leur amour était si profond qu’il se demandait par quel fin stratège l’idée d’un tel lien puisse être possible. Et Solenne avait su trouver des mots convaincants pour qu’il admit finalement la thèse de l’âme sœur et d’un lien ancestral entre eux. Ils s’en tinrent là sans revenir sur le sujet à aucun moment.
Pour l’heure, elle parlait donc à ses plantes. Elle leur murmurait quelques jolies flatteries pour obtenir d’elles ce regain d’énergie dont elle avait besoin. Elle caressait une feuille de caoutchouc, les petites charnues d’un grand ficus qui courbait son sommet contre le toit de verre, elle se penchait sur une orchidée rose pour respirer son parfum, comptait le nombre de boutons de fleurs d’une branche de magniolia, et, un peu plus loin, elle perdait son regard sur un bouddha de pierre poreuse couvert de mousse, dont une partie de la face était cachée par une grappe de vanille verte. Tout cela respirait d’une vie intense et ressentait la formidable puissance du végétal. Une vie qui poussait irrésistiblement, envers et contre tout, dans la boue, comme à travers le sable, s’adaptant à toutes les situations, les plantes lui donnaient des leçons de vie bien plus probantes que tous les discours du monde. Et elles donnaient sans compter. L’amour qu’elle trouvait dans sa serre se donnait sans distinction. La générosité de ses plantes lui était une source inépuisable de bienfaits.
Après s’être assurée que la circulation d’eau se faisait bien et que le chauffage de la serre était à bonne température, elle cueillit une orange et s’installa dans un transat pour la manger. Léo ne rentrerai pas avant ce soir et ils devaient fêter l’anniversaire de Maxime en famille. Elle prévoyait donc de se mettre aux fourneaux assez tôt dans l’après-midi pour peaufiner un buffet. Quarante ans, ça se fête ! Sacré frangin ! De plus, il avait invité des amis et des collègues de travail. Ils allaient investir la grande salle de réception pour l’occasion. On avait prévu de la musique et des danses. L’orange était juteuse et sucrée. Une de ces oranges si rares qu’on la déguste en fermant les yeux. Son acidité ténue se noyait dans la douceur de la pulpe... Quand elle eut terminé de manger le fruit, elle alla jeter les épluchures dans le bac à compost blotti dans un recoin de la serre. Puis, elle se rinça les doigts rapidement dans l’eau du petit ruisseau entre les pas japonais, enfila sa doudoune qu’elle avait laissée à l’entrée et sortit.
Dehors, le vieil Antoine l’attendait.
- Oh, non ! se désespéra Solenne tout en refermant son vêtement sur elle. Quelle autre funeste nouvelle venez-vous m’apporter, cette fois ?
À son petit air cynique qu’il arborait chaque fois, il ajoutait cette fois le reproche.
- Je vous trouve bien ingrate, ma chère ! lui retourna la voix grinçante du vieil homme. Ne vous ai-je pas rendu service, cet été, à vous défaire de cette jalousie qui s’accrochait à vous comme une tique ?
- Si, mais...
- ... mais vous me trouvez agaçant à vous rendre visite sans rendez-vous, je sais, la coupa-t-il un rien provoquant. Et vous savez aussi que je ne viens jamais pour rien alors ça vous met dans tous vos états...
- Vous m’ôtez les mots de la bouche ! grinça-t-elle.
Elle le dépassa et se dirigea vers l’entrée de la tour carrée. Elle ne voulait rien entendre de ce qu’il était venu lui dire. Soudain nerveuse, elle décidait de le planter là sans autre mot. Mais, il la retint par le bras.
- L’amour vous rend très belle, Solenne, lui dit-il sur un ton si grave et ténébreux qu’elle se figea sur place, lui laissant son bras emprisonné. Vraiment très belle... et aveugle, aussi.
Elle lui dardait de sombres yeux interrogateurs, les sourcils froncés, attendant la suite avec une inquiétude non dissimulée.
- Ce cher Léo vous ébloui, continua-t-il sur le même ton. Il est le soleil de vos nuits... de vos jours, aussi. Et c’est réciproque... Vous oubliez le cancer qui le ronge déjà. Vous croyez que le château n’a plus rien à vous dire..... Vous cherchez une nouvelle orientation sans même vraiment savoir quoi... Vous avez besoin d’une nouvelle force quelque part en vous...
Elle restait silencieuse. Elle n’aimait pas l’injonction qui sourdait derrière ses phrases énigmatiques.
- Solenne... grimaça-t-il comme si le prénom qu’il prononçait était une grande déception. Vous devez quitter ce prénom.
- Hein ?! émit la jeune femme avec incompréhension.
Il devait littéralement se moquer d’elle, ce n’était pas possible autrement.
- Trouvez autre chose pour me faire rigoler, parce que là, c’est loupé, lui envoya Solenne, peu amène.
- Marion, prononça le vieil homme sans trouble et sentencieux.
Ses petits yeux aux iris cerclés de blancs la dardait si intensément qu’elle s’inquiéta. Sa cataracte s’était accentuée depuis la dernière fois. Elle pouvait entendre résonner le prénom dans sa tête comme un écho dans une église. Là, face au vieil homme qui la fixait anormalement, elle ressentait le commandement venu de très loin. Il était canal pour un message qui lui était adressé venant directement d’en haut.
- Vous devez vous appeler Marion, insista-t-il d’une voix autoritaire. C’est ainsi. Il faudra vous y faire.
- Et si je ne veux pas ?
- C’est la clé de votre tâche, déclara-t-il.
- Quoi ?! ... Marion est la clé de ma tâche ?... grimaça-t-elle, sans comprendre. Mais pourquoi Marion ?
- Cette décision prend effet immédiatement, dit-il d’un ton qui ne laissait aucune place à la contradiction. Je vous souhaite bien le bon jour, chère Marion de Barjac !
Et il s’éloigna rapidement sans autre forme de politesse.
Sidérée, Solenne resta plantée là, à le regarder partir en clopinant.
Changer de prénom... L’injonction était si impérieuse qu’elle le prenait presque comme une menace de mort. Elle sentit soudain le froid de l’hiver lui tomber sur les épaules, une brise nordique lui glacer les veines. Elle réprima un frisson. Elle devait se mettre au chaud dans son foyer.
Dans sa cuisine, tout était calme. Diane, dans la salle à manger à côté, rassemblait de la vaisselle pour la fête du soir. La jeune femme se sentait perdue, comme si on avait modifié son programme intérieur. Que faisait-elle ici ? Pour quelle raison était-elle dans cet endroit ? C’était pourtant le sien, mais, si elle devait changer d’identité, changer de prénom, qui était-elle, alors ? Etait-elle toujours cuisinière ?...
Désarmée, elle eut une envie irrépressible de se blottir dans les bras de Léo. Elle voulait se sentir protégée. Mais, il n’était pas là. Elle s’approcha de la grande baie vitrée qui donnait sur l’avant du château, là où elle pouvait voir toutes les arrivées et le parking avec sa petite voiture rouge sagement rangée. Il n’y aurai pas de moto sur le chemin des peupliers avant la fin de l’après-midi. Une tristesse l’envahit. Elle aurait tant voulu épancher sur lui ses inquiétudes, là, tout de suite. Exprimer ce qu’elle avait sur le cœur... Mais cela faisait plusieurs semaines qu’ils partageaient de moins en moins de choses. Léo partait tôt chercher du travail. Il revenait souvent fatigué et s’endormait très vite. Ils profitaient à peine l’un de l’autre, la journée se terminait et le sommeil emportait tout.
Résignée, elle dût combler le vide laissé par l’absence comme elle put. Elle se mit donc aux préparatifs du repas de fête. Trouver le bon rythme de travail lui demanda un gros effort. Le nouvel événement lui avait coupé les jambes et fait perdre son entrain.
Changer de prénom n’était pas une mince affaire, surtout quand il était ordonné de si haut. Pour l’instant, elle avait beau faire appel à son ressenti, rien ne faisait écho à une telle sommation. Elle ne comprenait, ni n’estimait les divines raisons d’un nouveau prénom pour elle. Et s’y faire lui était pour l’instant au-dessus de ses forces.
Elle occupa les heures suivantes à procéder automatiquement. Dresser le buffet dans la grande salle de réception avec Diane. Mettre la dernière touche à la décoration avant que le premier invité n’arrive. Sortir la glace du congélateur et préparer le seau à champagne. Glisser quelques petits fours au chaud. Il était vingt heures lorsqu’elle monta se changer dans ses appartements. Elle n’avait pas le cœur à la fête. Elle prit une douche.
Sous le jet bien chaud, elle tentait de laver aussi le doute et les incertitudes qui l’envahissaient.
Marion...
Le prénom tournait dans son esprit comme une ritournelle entêtante.
- Marion... Marion de Barjac, se répétait-elle dans sa tête. Je m’appelle Marion... Marion la cuisinière... Marion la châtelaine... Marion la femme de Léo... Marion...
La tête noyée sous la cascade de la douche, elle ne fit soudain plus un geste. Une vision traversa son esprit qui la figea l’espace d’un instant.
- Cela voulait-il dire que... ?... Alors, c’est le meilleur moyen pour aider Léo ?... Non, mais sans blague, c’est énorme ce truc...
Elle s’ébroua et termina sa douche. Soudain revigorée, elle sortit de la cabine et s’essuya énergiquement. D’ailleurs, Léo avait intérêt de se pointer rapidement, car il n’était pas question de le laisser abandonné dans la nature ! Il avait besoin d’aide, ça oui. Encore fallait-il qu’il l’avoue. Pourtant, il s’éloignait. Il ne lui disait rien. Elle enfila une robe de soirée, se maquilla, se coiffa sans perdre un instant. Et l’impatience montant crescendo, elle saisit son téléphone portable pour le joindre.
Répondeur...
Vingt heures trente. Il devrait être en route... Il ne décrochait pas quand il était à moto... Il faisait noir dehors, par la fenêtre de sa chambre donnant sur l’allée des peupliers. Pas de phare. Ou plutôt si, mais des doubles. Ils annonçaient l’arrivée des premiers invités.
- Tatie, tu es prête ?
Justine, sa jeune nièce, avait surgi près d’elle sans prévenir en sautillant. Visiblement, elle était heureuse de participer aux festivités données en l’honneur de son père. Il faut dire que ce dernier avait été très accommodant et il avait invité plusieurs de ses camarades de classe. Même Clovis et Mathis, les plus jeunes, auraient des petits copains, les enfants des amis de leurs parents, pour que chacun puisse s’amuser.
- Oui, je suis prête, dit Marion sans enthousiasme. Tu veux bien finir de remonter ma fermeture-éclair dans le dos, s’il-te-plaît ?
L’adolescente ne se fit pas prier et s’exécuta.- Léo n’est pas encore revenu ? Comment ça se fait ? demanda Justine inquiète.
- Je n’en ai aucune idée, répondit la jeune femme le visage inquiet. Je suis tombée sur son répondeur.
Elle agitait nerveusement son portable qu’elle avait encore à la main.
- Il ne va pas tarder, ne t’inquiète pas, la rassura Justine en tournoyant autour d’elle. Comment tu trouves ma tenue ?
- Tu vas tous les faire craquer, j’en suis sûre, dit-elle en admirant sincèrement la jeunesse dynamique de sa nièce.
Marion lui tendit un bras que la jeune fille s’empressa d’enserrer avec le sien. Et, tout sourire, elles descendirent dans la grande salle de réception.
Les festivités battaient leur plein lorsque Léo pointa le bout de son casque dans le grand hall sans annoncer sa présence. Il affichait une mine pâle et épuisée. Une de ces mines de jour de cafard noir. Personne ne le vit arriver et il ne demandait pas mieux ; il n’était pas d’humeur à expliquer quoi que ce soit, encore moins à s’amuser. Ce fut donc directement qu’il grimpa les grands escaliers, pas assez vite à son goût, peinant à chaque marche, pour se réfugier dans leurs appartements. Une bonne douche, c’était ce qui lui convenait le mieux. Il se sentait au bout du rouleau. Une peur sourde qui lui durcissait le ventre de jour en jour. Et ce qu’on venait de lui annoncer aujourd’hui n’avait fait qu’amplifier le phénomène. C’était comme un piège, une cage qui l’enfermait de l’intérieur sans qu’il ne puisse s’en libérer. Il sentait ses mouvements se ralentir petit à petit et ses forces combatives l’abandonner.
Sous les douces lumières tamisées de la chambre au décor chaleureux, il laissa tomber son blouson et son casque sur la liseuse. Les yeux dans le vague, il défit ses chaussures en tirant sur les talons avec la pointe de ses pieds et se dirigea vers la salle de bain en déboutonnant sa chemise. Pâle, le regard éteint, l’espoir de cacher son lourd secret s’amenuisait de jour en jour et ce fut machinalement qu’il se doucha, ressassant mainte fois dans sa tête mille et une manières d’éviter l’inévitable. L’eau chaude l’avait à peine détendu. À peine séché, il se glissa dans les draps, se roula en boule et s’endormit.
Au matin, allongée près de lui, appuyée sur un coude et sa main qui soutenait sa tête, Solenne le regardait se réveiller. Elle avait à peine dormi. Il ouvrit des yeux collés de fatigue sous ses prunelles dures et inquiètes.
- Bonjour mon amour, dit-il d’une voix ensommeillée en se lovant contre elle. Comme c’est bon de te retrouver, tu sais...
Elle se raidit et recula aussitôt.
- Où étais-tu, hier soir ? demanda-t-elle brusquement. Tu te rappelais qu’il y avait l’anniversaire de mon frère ?
Elle n’était pas d’humeur pour le badinage et il dû trouver très vite de quoi l’apaiser.
- Un entretien prometteur, mentit-il. Ils ont voulu que fasse un essai en plein coup de feu. Tu sais comment sont les patrons ; ils veulent toujours vérifier la marchandise avant d’acheter... J’aurai dû te prévenir, je sais, mais ils ne m’en ont pas laissé le temps.
- Ça suffit, Léo, j’en ai assez de tes mensonges ! s’écria Marion. Soit, tu me dis immédiatement ce qui ne va pas, soit je t’abandonne à ton sort !
Il se réveilla tout à fait sous le ton très sérieux de sa compagne. Il s’allongea sur le dos, le regard levé au plafond. Cette fois, il ne pouvait plus reculer. Il venait de comprendre que sa mascarade ne prendrait plus.
- En fait, non, je ne cherche pas du travail... avoua-t-il.
Marion écoutait attentivement. La musique de sa voix, son intonation, la raideur de son corps et son regard fuyant légèrement à gauche, tout lui indiquait qu’il s’arrangeait encore avec la vérité.
- Je voudrais ... commença-t-il. ...en fait, la seule chose qui me motiverait vraiment, sincèrement, c’est de cuisiner avec toi... dans ta cuisine, enchaîna Léo en se tournant vers elle avec le secret espoir qu’elle dise «oui» sans poser de question.
- Et tu crois que ça va suffire pour me satisfaire ? gronda la jeune femme. Tu crois que je vais encore avaler tes salades longtemps ?
Elle se redressa, sortit du lit brusquement et saisit son peignoir pour l’enfiler nerveusement.
- Écoute, Léo, je veux bien te servir de prétexte, je veux bien aller te décrocher la lune, faire appel à toutes les forces de l’univers pour t’aimer, mais là, ce que tu me demandes est impossible. Quand tu seras revenu dans des dispositions plus honnêtes, tu reviendras me trouver. Sinon, ne compte pas sur moi.
Elle serra fort la ceinture de son peignoir sur sa taille, tourna les talons et claqua la porte de la chambre. Léo, se laissa s’enfoncer lourdement dans les oreillers, dépité.
Seule, quelque deux jours plus tard, elle s’était rendue dans la vieille chapelle abandonnée de tous, sauf d’elle. Cet endroit lui convenait lorsqu’elle devait se confronter à elle-même avec un objectif bien particulier. Elle allumait une bougie, puis un encens sur l’autel. Du chœur émanait une énergie spirituelle puissante qui l’aidait à se centrer sur elle-même. Léo n’était toujours pas décidé à lui avouer ce qui n’allait pas dans sa vie et elle persistait à ne rien lui céder tant qu’il ne jouerait pas franc jeu avec elle. Elle savait qu’il s’en voulait terriblement, mais sa fierté l’empêchait de faire simplement confiance et de s’en remettre à celle qu’il aimait. Face aux vitraux colorés représentant chacun le Christ, St-Joseph, Ste-Marie et Ste-Ursule, la patronne des sœurs Ursulines elle demanda l’aide des Plus Hauts. Léo était en danger, mais elle ne pouvait rien faire. Rien. Tant qu’il ne passerai pas outre son égo mal placé et sa fierté de mâle, leur couple serait mis à rude épreuve. Elle s’en remettait donc à la généreuse patience des êtres supérieurs et implorer secours et clairvoyance.
Il s’écoula de longues minutes dans le silence avant que Marion ne ressente les prémices d’une manifestation. Tout se déroulait à l’intérieur d’elle-même. Ce fut comme une douce énergie qui lui intimait de redresser sa colonne vertébrale et l’étirer vers le haut. Elle offrit son visage impassible à la lumière des vitraux qui s’était soudain intensifiée. Une lumière devenue alors blanche et aveuglante. Elle la sentait irradier dans tout son corps et lui procurait apaisement et paroles impérieuses.
- Eprouve joies et merveilles, Marion, disait une voix dans son esprit. Ce prénom t’a été donné pour que tu puisses accomplir ta tâche. Sois rassurée. N’aies pas peur des épreuves et de la colère. N’aies pas peur du chagrin et de la mort. Il te portera, tu seras forte et tu pourras donner de l’amour. Sois courageuse...
La voix se tut. La lumière des vitraux s’atténua. Marion ouvrit les yeux sur l’autel. La bougie allumée et l’encens brûlaient tranquillement. Tout était serein. Dans son cœur, elle se sentait apaisée. Elle savait que la voix de l’au-delà était simplement pure et bonne. Elle reprenait confiance. Elle acceptait son nouveau prénom et la charge qui l’incombait, en remerciant de ses mains jointes sur le cœur.
De retour dans sa cuisine, le soir, Marion se concentrait sur le dîner, alors que son frère, Maxime, entrait avec un bonsoir préoccupé.
- On a des hôtes, ce soir ? demanda-t-il en desserrant sa cravate spéciale rendez-vous.
- Un seul, répondit la jeune femme en lui tendant la joue pour qu’il y dépose un baiser. Un VRP de passage. Il était déjà venu l’année dernière à la même époque. C’est un négociant en vins.
- Ok. Qu’est-ce que tu fais de bon à manger, là ? s’enquit-il en sortant son dossier de son attaché-case.
- Lotte à l’américaine avec du riz.
- Ça me va.
Affairés, Maxime dans son dossier, Marion dans sa casserole à faire flamber le cognac, ils ne remarquèrent pas l’arrivée de Léo qui, comme à son habitude, se glissait jusqu’à l’étage sans faire de bruit.
- Dis, Solenne, tu n’es toujours pas décidée à fermer la crypte et la chapelle
- Non, ça ne risque pas, répondit-elle sans lever les yeux de sa préparation.
- C’est parce que... j’avais une équipe de maçons dispo juste avant Noël. On aurait pu en profiter..., tenta-t-il.
La jeune femme abandonna un moment sa casserole et se retourna face à son frère.
- Pour une bonne et simple raison, mon cher frère : pas plus tard que tout à l’heure, j’ai reçu un message...
- Un message ?
- Oui... un «message lumière» ...
Ces «messages»-là l’inquiétaient systématiquement. À ces mots, Maxime fronça les sourcils et fixa sa sœur, abandonnant soudain le dossier qu’il feuilletait. Que pouvait-elle encore avoir capté de ces êtres éthérés dont elle lui rebattait ses oreilles d’homme rationnel ? Toutes ces manifestations intangibles le mettaient mal à l’aise à chaque fois. Elles influaient bien souvent sur les décisions de sa sœur et lui intimait la méfiance car il n’avait aucune maîtrise sur la chose. Il l’écouta pourtant attentivement.
- Je dois changer de prénom, lâcha-t-elle.
Il ouvrit de grands yeux étonnés.
- Hein ?!! .... Dis donc, tu m’en as fait des bonnes, mais alors, celle-là !...
- Ne te moque pas, Maxime, s’il-te-plaît, c’est très sérieux.
- Et c’est quoi, ce prénom ? risqua-t-il d’un air moqueur. Ne me dis pas c’est Marie-Bertille, sinon...
- C’est Marion, enchaîna-t-elle pour couper court à toute raillerie supplémentaire.
Il resta un instant silencieux en l’observant sous toutes les coutures. Elle retourna surveiller sa casserole, nerveuse. Voilà, c’était dit.
- Alors, nous devons t’appeler Marion, c’est ça ? Mais pourquoi ?
- Je pourrais te dire que les voix des Plus Hauts sont impénétrables, mais tu vas encore me rétorquer qu’elles sont toutes plus farfelues les unes que les autres...
Maxime opina du menton.
- ... mais, leurs paroles ont toujours eu un effet positif au bout du compte, continua-t-elle. Alors, je compte bien appliquer celui-là aussi.
Il avait encore envie de se moquer de la situation mais il n’en fit rien. C’était inutile, il le savait.
- Et tu t’y es déjà faite, à ce prénom ? s’intrigua-t-il. C’était bien, Solenne, non ?
- Oui, c’était bien. Je ne le renie pas. Mais, tu sais qu’un prénom a une signification bien particulière pour chacun de nous. Et je sais que j’ai besoin d’une nouvelle énergie pour ce que j’ai à faire pour la suite de ma vie. Je n’ai pas beaucoup de précision, mais mon intuition me dit qu’il y a un rapport avec Léo.
- Avec Léo ?... fit Maxime sans comprendre.
- Oui. Je... je dois t’avouer une chose que je ne t’ai pas encore dite, se lança-t-elle un peu gênée. Je sais que c’est un peu prématuré, mais...
Elle ne lui avait en effet encore rien dit sur ce qu’elle savait de Léo. Depuis son arrivée au château, et même depuis leur rencontre sur le Syracuse, le cuisinier était le coup de foudre de Solenne, l’amour de sa vie. Maxime s’en était tenu là. La jeune femme ne s’était pas confiée à lui sur ses sentiments. Elle ne le faisait d’ailleurs que rarement car Maxime n’était pas souvent disposé à entendre des effusions, encore moins les sensations irrationnelles de sa sœur. Pourtant, là, à cet instant, il frisa un sourcil noir à l’annonce d’un aveu.
- Léo est malade. Je le sais, mais il ne sait pas que je le sais. J’attend qu’il me l’avoue.
- Malade ?!... s’inquiéta Maxime... Malade comment ?
- Cancer.
Elle laissa tomber le mot sur un ton aussi neutre que possible, mais il avait un écho particulièrement sinistre aux oreilles de Maxime. Ils connaissaient cela chacun, dans la famille ; leur mère en était morte. Et la nouvelle faisait renaître dans le cœur de l’homme les moments douloureux de la lourdeur des traitements et de la déchéance physique et morale. Il la regarda, désolé.
- Oh, non...
- Ne t’en fais pas, le rassura-t-elle. Je m’y prépare déjà.
Solenne avait beau être forte et expérimentée, cette épreuve de plus effrayait Maxime.
- Et Marion saura-t-elle faire front à ce qui est en train de vous arriver ? s’inquiéta-t-il.
- Je ferai tout pour, en tous cas.
- Je te le souhaite de tout cœur, petite sœur, fit-il sincèrement en s’approchant pour l’enlacer tendrement.
- Merci. N’en parle à personne, s’il-te-plaît, c’est encore un secret. Pour Marion, je me chargerai de le dire à chacun.
C’est ce qu’elle fit, au dîner du soir-même. La chose fut abordée de manière légère et amusante. La seule présence du VRP venu profiter de la table d’hôte obligeait Marion à mettre les formes sur son annonce qu’elle voulait soumettre sans tarder. Ainsi, elle put faire adopter la nouveauté à chacun sans s’appesantir sur l’aspect extrasensoriel mais en présentant la chose sous un angle ludique ; Solenne avait faire le tour de sa cuisine, désormais, mais Marion l’exploratrice avait plus d’un tour dans son sac. En fait, elle avait plus d’une recette dans sa réserve... Tous s’en amusèrent, mais Léo semblait ne pas apprécier. Il l’avait observée, silencieux, tout le long du repas avec des yeux vitreux et la mine douloureuse. Il luttait pour rester poli, mais il lui durait de donner son point de vue qui n’avait rien de diplomatique.
Quand l’invité fut parti, les enfants envoyés se coucher et la table en train de se débarrasser qu’il lâcha sa verve acide.
- Et tu trouves ça amusant !!?... grinça-t-il en la suivant du regard entre la cuisine et la salle-à-manger. Solenne, ça rime à quoi, franchement ? Tu peux me dire ce qui tourne rond dans cette maison ? On doit se farcir ton frère et son attaché-case, ses gosses surexcités, des invités à tout bout de champs et cet inconnu qui rôde autour du château un peu trop souvent à mon goût... et maintenant, voilà que tu as la lubie de changer de prénom...
- Ce n’est pas une lubie ! répliqua Marion en continuant de ranger la vaisselle. J’ai expliqué pourquoi, je ne vais pas revenir dessus.
- Je ne comprends pas. Avais-tu vraiment besoin de changer ? C’est quoi ? C’est qui, qui t’a inspiré ce changement ? C’est ce vieux grigou sournois qui rôde autour du château, je suis sûr !...
Marion se redressa soudain du lave-vaisselle.
- Tu as rencontré le vieil Antoine ? demanda-t-elle, surprise. Quand ça ?
Il ne releva pas le prénom du vieil homme qu’il apprenait à l’instant.
- C’est lui qui t’influence, hein, c’est ça ?! persista-t-il.
Léo sortait visiblement de sa réserve. La fatigue évidente qui lui tirait les traits prenait le pas sur sa raison et menaçait de lui faire perdre pied. Tout ce qu’elle avait pu lui raconter sur sa médiumnité se confondait dans son esprit. Il n’y croyait pas et il avait finalement pris tout ces phénomènes comme des menaces.
- Ou alors, c’est ton deuxième prénom secret que tes parents ont inscrit sur ton état-civil... soupçonnait-il désespérément.
- Léo, que se passe-t-il, à la fin ? s’inquiéta-t-elle. Vas-tu me dire ce qui te met dans cet état ?
Il se leva et la rejoignit à la cuisine.
- Si tu ne réponds pas à ma question concernant le vieux rôdeur, je ne vois pas pourquoi je devrais te faire confiance...
- Tu veux dire que c’est ça qui t’inquiète ? questionna-t-elle. Tu veux seulement savoir qui est ce vieil homme et s’il a un rapport avec moi ?
- Il n’est pas clair, ce type ! Il n’est pas fréquentable ! Je ne veux pas que tu le vois ! Si je le re-croise, je lui fous mon poing dans la gueule !
- Mais , ne t’énerve pas comme ça, mon ange ! Tu me fais peur.
Il s’était approché tout près, la dominant d’une tête et il tremblait. Son regard avait quelque chose de désespéré. L’étincelle qui brillait dans son œil s’était éteinte. Marion n’osa plus faire un geste ni prononcer une parole.
Il pâlit à vue d’œil.
- Je t’en prie, Solenne... supplia-t-il.
Sa voix se cassa d’un ton.
- ... ne m’abandonne pas...
Il voulu tendre une main vers elle.
- ... c’est pas le moment...
À peine avait-il soufflé le dernier mot dans un murmure à peine audible que ses jambes se dérobèrent sous lui et il s’écroula sur le sol comme un pantin désarticulé.
En revanche, je suis vraiment très triste pour Léo, je crois que je commence à m’y attacher, à cet ours mal léché… J’espère que le changement de prénom de Solenne ne sera pas vain !!!
Sinon, je devais aussi te dire que j’aime bien le rappel du passé de la maison (je crois t’avoir déjà parlé de mon attirance pour les vieilles bâtisses, les arbres, les jardins), notamment quand tu rappelles tous les travaux que Solenne et Maxime ont entrepris pour rendre la maison telle qu’elle est au moment de l’action, et tout ce qu’il reste à faire… Ça doit être l’évocation de la maison (et puis un petit ruisseau dans le fond de son jardin, ça doit vraiment être ressourçant et énergisant… j’aime beaucoup le bruit de l’eau en général !) !
Bref, j’aime toujours autant :) J’ai bien hâte de savoir ce qu’il advient de Léo, maintenant je suis inquiète :’(
Tu es comme moi, alors, à aimer les vieilles bâtisses et leur terrain alentour.
J'espère que tu apprécieras la suite, même si Léo ne va pas bien.
Biz Vef'
C'est un superbe chapître, étrange et angoissant, on sent la menace peser partout, seul subsiste l'espoir offert par le-vieil-antoine-qui-sait et ce nouveau prénom.
Faut pas lire ça quand on a pas trop le moral, et en ce moment c'est mon cas, tu sais pourquoi.
Que fait Léo ? Chimio ou radiothérapie, parce que tous les jours ça fait beaucoup pour une chimio et les symptômes seraient très différents. Ma question est stupide, mais je ne peux m'empêcher d'y penser.
Pour l'écriture, ce chapitre est vraiment bien écrit, (on voit quand tu écris avec ton coeur et tes tripes et quand tu "intellectualises" , ici, c'est vraiment le coeur et les tripes)
Bon, ben j'espère que la suite sera plus gaie...
Bizzz ma belle, à bientôt.
Tiens, tu es bien l'une des premières à ne pas avoir été trop perturbée par le changement de prénom. Tant mieux, parce que ce sera expliqué plus loin.
Bon, maintenant, c'est vrai qu'on s'avance vers un truc qui risque de te brasser pas mal. Et en même temps, j'y ai mis beaucoup d'espoir. Alors, tu lis comme tu le sens et quand tu veux. Je ne sais que trop bien ce que ça représente pour toi. Sache que tu n'es pas ma seule lectrice à être concernée par le sujet et que, jusqu'à maintenant, c'est bien passé. Y'a rien de forcé, hein. Ne t'oblige pas pour moi.
Léo, à ce moment-là, brouille les pistes. Il est donc difficile de savoir comment il gère son traitement et ce qu'il fait vraiment. Cette maladie le déboussole et il n'arrive pas, orgueil aidant, à partager ce qui lui arrive. Ce qui fait qu'il étale ses absences sans rien dire à personne, ne sachant pas lui-même comment gérer ses priorités : chercher un boulot ou se soigner. Il fait les deux en dépit du bon sens.
C'est vrai que j'ai écrit ce chapitre avec les tripes. Et pour cause : pour moi aussi, c'est un sujet sensible. Juste par curiosité, quels sont les chapitres qui pour toi, sont plutôt "intellectualisés" ? Missa curieuse ! En tous cas, ça me fait plaisir, ce que tu me dis.
Biz Vef'
Je restais bloqué de longs moment sur son décolletée avec sa pierre de lune, ça avait quelque chose de fascinant et dont elle se moquait souvent, bref, elle portait les cheveux rouge alors forcément…
Ho dit donc c’est chaud dans la cuisine, je ne suis pas la seule à faire des scènes super hot.
Je n’ai pas du tout envie de frapper c’est quoi ce commentaire de fin de note lol ?Je me doutais bien de quelque chose et j’y étais préparée. J’ai rien a dire à part que ton récit me passionne (ce qui est une bonne nouvelle je pense, sans être prétentieuse hein).
Bah tu sais, question scènes hots, je crois qu'on se tient la main, n'est-ce pas ! J'adore raconter ça, en plus. Si si, j'ai pas honte !
Bon bah, j'ai évité une rouste pour une fois. Non parce que c'est pas tout le monde qui comprend l'idée du changement de prénom. Si ça ne t'a pas dérangée, alors c'est tant mieux. Ce sera expliqué un peu plus dans la suite, toute façon. Je suis vraiment très heureuse de te voir passionnée par ta lecture.
A bientôt alors !
Bonbon ... qu'est-ce que c'est que ce changement de prénom. Je sais pas, mais le glissement entre les deux arrive assez vite, presque comme si de rien n'était et je trouve que ça a un côté effrayant. En changeant de prénom on se change de la tête aux pieds. J'imagine qu'on n'en ressort pas indemne et surtout quand c'est si rapide. Oui non, dans l'ensemble c'est "estomaquant". Et comme Léo, on a envie de fiche un gnon dans la tête d'Antoine, parce que même à ce stade de l'histoire on ne sait rien du tout de lui. On apprend à connaître Solenne et sa famille, Léo aussi (d'ailleurs, le Léo du château je l'ai trouvé très différent du Léo dans sa cuisine, la carapace a fondu comme neige au soleil ^^), mais lui? Non jamais.
En tout cas ce que j'espère, dans l'immédiat, c'est que Léo va rouvrir les yeux au chapitre suivant ... oO'
Léo est différent que quand il était cuisinier sur le Syracuse, c'est vrai. Et pour cause ; dans l'intervalle, il a fait la connaissance de Solenne ; ça a bouleversé sa vie et donc son comportement. Mais bon, pas tout au tout, quand même ; un ours reste un ours, même si parfois il est câlin. Et puis pour quelqu'un de terre à terre comme Léo, les révélations d'Antoine ont de quoi déstabiliser, tu ne crois pas ? Lui fiche un gnion dans sa tronche, c'est bien tout ce que ça lui inspire, en définitive.
Pour savoir le sort que j'ai réservé à Léo, je te recommande la chapitre suivant. Mais c'est à tes risques et périls...
Merci pour ta lecture assidue, Jam'.
Biz Vef'
À part ça l'état de Léo a de quoi serrer le coeur. C'est toujours aussi bien raconté, et on a vraiment l'impression de vivre dans ce château aux côtés de la famille Barjac ! ^^
La fameux changement de prénom !... Ouais, tu as été un peu comme moi. J'ai été perturbée quand l'évidence s'est présentée devant moi. Et maintenant, je parle de mon personnage avec l'un ou l'autre prénom en fonction des événements de sa vie et à quel moment ça se passe. J'aime ces deux prénoms et c'est vrai qu'ils résonnent différemment l'un et l'autre.
Je suis heureuse que tu aies apprécié ta lecture sur ce chapitre et d'avoir eu l'impression de vivre en famille. Certes, Léo ne va pas bien et il y a de quoi s'inquiéter.
Je file à ton commentaire suivant.
Le changement de prénom m'a étonnée et en même temps, c'est une idée vraiment originale, surtout la façon dont tu l'introduis dans l'histoire : pas tant par les dialogues que par la narration même. Solenne laisse soudain la place à Marion. Sauf une fois, où tu es revenue à Solenne : je n'ai pas compris si c'était intentionnel. Le plus singulier, dans tout ça, c'est que Marion c'est le prénom que j'avais prévu de donner à l'héroïne de ma future histoire ! J'adore ce prénom, et je suis curieuse de savoir s'il a une signification particulière dans ton récit : pourquoi Marion et pas un autre prénom ? L'expliqueras-tu ou cela restera-t-il un mystère ?
Par contre, le cancer de Léo me fout complètement les boules. Oki, j'y ai été préparée, puisque Solenne/Marion l'avait diagnostiqué, mais ça ne change rien au fait que ça fiche la trouille, que ça évoque plein de choses désagrables, que c'est l'antithèse même du plaisir du corps et de l'âme tel que tu l'évoques en début de chapitre, et... ben... que ça fait peur, tout simplement. Surtout quand on a connu la chose de près. Mais bon, même si ça me met mal à l'aise (indépendamment de ton histoire, vefree !), on ne peut pas passer sa vie à faire comme si ça n'existait pas et éviter tout ce qui pourrait l'évoquer. Donc même si j'ai un mauvais pressentiement par rapport au message-lumière qu'a reçu Solenne/Marion (certes, l'au-delà a une connotation plutôt douce et positive dans ton histoire, mais la mort, ça reste une épreuve douloureuse, une souffrance et un déchirement), j'ai la ferme intention de te lire jusqu'au bout, de fond en comble, quelle que soit l'issue.
(Si jamais je te prépare un bon Nesquik, une rémission totale de Léo serait-elle envisageable ?)
Un chapitre remuant, donc, et qui annonce des épreuves à venir pour Marion et Léo... Eh oui, comme tu vois, j'ai adopté le changement de prénom :D Ca fait étrange, mais je trouve l'idée tellement originale que ça me plaît ! J'ai hâte de voir ce que ça cache et la signification profonde que ça va prendre ! ^^
Comment pourrais-je résister au Nesquik de ma chère lectrice assidue et si pleine d'émotions ?!! Je vais donc réfléchir à ta proposition malhonnête, parce que c'est particulièrement tentant. Lol !
Je sais bien que je fais mal à ton ti cœur, Cricri. Toi, particulièrement. Mais je te promet que cette histoire ne finira pas de manière douloureuse. J'ai trop vécu ça de près aussi pour savoir ce que ça fait. L'avantage du roman, c'est qu'on peut modeler la chose avec tellement plus de facilité que dans la vraie vie... Alors, ne t'inquiète pas trop. Mais bon, je ne peux te promettre que ça va se passer tout seul, sinon, ce ne serait pas palpitant. Hein ?... tu ne crois pas ?... ahem !
Tu sais, Cricri, tu m'enlèves un poids énorme sur le cœur au sujet de Marion. Ce changement de prénom me filait les chocottes. Et à toi, particulièrement, assidue et lecturophage comme tu es, je craignais qu'un tel événement dans un écrit te fasse me maudire pour l'éternité. Et si en plus, Marion est un de tes prénoms préférés... J'ai déjà partiellement expliqué les raisons de ce changement dans ce chapitre. Pour autant, la chose est si étrange que je vais devoir insister sur la question et expliquer plus avant. Ça ne va pas être très facile, car c'est du domaine du symbole, en même temps qu'il a une relation directe avec le lien qui uni les deux amoureux.
Pourquoi, j'ai choisi Marion ? En tout premier lieu, pour son initiale, le M. Ensuite, parce que moi aussi, j'aime bien ce prénom, sa consonance et son lien avec Marie et son sens marial lié à la fois à la mère et à l'épouse... oui, c'est un peu ça...
Je te laisserai découvrir la suite, en espérant que tu y découvriras les implications de ce grand changement à la fois pour Marion et pour Léo.
Un dernier petit détail ; je reviens parfois à Solenne dans ce chapitre et parfois encore un peu dans le suivant, car, pour ses interlocuteurs, l'adoption du nouveau prénom est tout aussi difficile. Il y aura donc une période transitoire où ils vont tous fourcher sur son prénom et même dans le récit puisque parfois, la Marion non assumée reviendra à Solenne et inversement. Ce phénomène ne durera pas longtemps. C'est juste le temps de s'y faire pour tout le monde.
Merci beaucoup pour ton commentaire, Cricri. Je t'embrasse très fort et t'encourage à rester positive face à tes tourments.
Biz Vef'
Oui, j'ai osé faire ça. Changer le nom de mon héroïne principale. Ce n'est pas un caprice d'auteur en mal d'inspiration, non, non. Je ne sais pas si ça va te rassurer, mais il y a bien une intention stratégique pour l'intrigue. J'espère que ce sera compréhensible pour la plupart lorsque tu liras la suite. Certes, elle change de prénom, mais elle sera tout de même la cuisinière amoureuse que tu connais déjà, avec un enjeu supplémentaire lié notamment à ce qu'implique son changement.
En tous cas, j'espère tout de même ne pas t'avoir perdue en route. N'hésite pas à me dire plus tard, si c'est définitivement inconcevable ou si tu t'y habitues.
Là, je pars en vacances et je compte poster la suite à mon retour.
Merci beaucoup de m'avoir commentée. Ton avis, m'est vraiment important.
Biz Vef'