Le soleil était au rendez-vous. Ses rayons timides réchauffaient doucement la peau sous la brise marine. Il faisait encore frais en ce mois de juin, le printemps néo-arcadien touchant à peine à sa fin, mais quelques baigneurs téméraires bravaient les eaux froides de l'océan Atlantique. Rena n'était pas frileuse, bien au contraire, mais elle avait prétendu le contraire afin de garder ses vêtements par-dessus son maillot de bain. Elle avait déclaré que la météo n'était pas assez clémente pour qu'elle puisse se baigner ou même bronzer sur la plage, ses revendications soutenues par Lysandre et Castiel qui estimaient, eux aussi, que le temps était davantage à la promenade qu'au bronzage.
— Vous croyez vraiment que je suis venue ici pour faire des kilomètres à pied ? s'indigna Rosalya qui vivait cette annonce comme une véritable trahison.
— Et tu crois que moi, je suis venu pour rester assis le cul dans le sable toute la journée ? cingla Castiel, agacé par les caprices de la jeune femme.
— Personne ne t'a demandé de venir ! s’écria Rosalya en soufflant avec exaspération. C'est bon, ça me soûle ! Faites ce que vous voulez, je m'en vais !
— Rosa' ! interpella Lysandre. Rosa' ! Où est-ce que tu vas ?
— Laisse-la, elle reviendra quand elle se sera calmée. C'est pas la première fois qu'elle nous fait le coup.
Castiel avait raison. Rosalya s'emportait vite et piquait des colères impressionnantes, mais cela ne durait jamais très longtemps.
— On fait quoi du coup ? demanda le rouquin.
— On peut marcher jusqu'au phare, suggéra son ami. La vue à son sommet est vraiment magnifique. Qu'est-ce que tu en dis, Alice ?
— Ça me va.
***
Le ciel empli du cri des mouettes s'était légèrement voilé, mais le risque d'averse avait été écarté pour le moment. Ils marchaient tous les trois en direction du phare, tantôt en silence, tantôt en discutant de choses et d'autres.
— Ça vous dit qu'on prenne un selfie tous les trois ? proposa alors Castiel en sortant son téléphone. Ça fera un nouveau souvenir de plus à Alice.
Rena ignorait ce qu'était un « selfie », comme tant d'autres choses, mais elle avait maladroitement pris la pose entre Lysandre et Castiel, qui tenait son téléphone à bout de bras. Elle ne s'attendait pas à ce que l'appareil capture une image d'eux. C'était mieux qu'un portrait, c'était une copie instantanée de la réalité, figée dans le temps et l'espace. C’était donc cela les fameuses photographies dont lui avait parlé Nevra. Elle comprenait mieux son engouement pour ces ingénieux artefacts que même la magie la plus puissante ne pouvait imiter. La technologie terrienne était vraiment fascinante.
— Je te l'enverrai quand tu auras retrouvé la mémoire et ton smartphone, lui dit Castiel sur le ton de la plaisanterie. Tu la veux aussi, Lysandre ?
— Oui, envoie -là moi s'il te plaît.
— C'est fait.
— Merci.
Lysandre jeta un rapide coup d'œil à son téléphone pour vérifier qu'il avait bien reçu la photo. L'expression hagarde d'Alice le fit sourire. Elle n'avait vraiment pas l'air dans son élément, mais c'est ce qui la rendait si attachante. Ils reprirent leur chemin, le phare n'étant plus très loin.
— Je vous laisse monter tous les deux, déclara Castiel une fois au pied de la tour. J'en ai plein les pattes, je vais me poser au bar du coin. Je vous attends là-bas, prenez votre temps.
— D'accord. On se retrouve un peu plus tard alors.
L'escalier qui menait au sommet du phare comptait quelques centaines de marches, mais la vue panoramique qu'il offrait sur l'océan et la ville valait l'effort. Alice et Lysandre croisèrent un couple qui descendait, visiblement ravi de l'ascension. C'est légèrement essoufflés qu'ils arrivèrent à leur tour au sommet du phare. Les cheveux ébouriffés par le vent, ils prirent un bon bol d'air avant de s'accouder à la balustrade pour contempler l'horizon. Tout était toujours plus beau vu de haut.
Les gens au loin n'étaient plus que de minuscules fourmis et l'océan s'étendait à perte de vue, ses eaux profondes épousant parfaitement la couleur du ciel. Rena s'enivrait de cette sensation vertigineuse. Elle aurait voulu étendre ses bras et se laisser tomber dans le vide, mais la chute aurait été extrêmement douloureuse, à défaut d'être mortelle. Elle ferma les yeux. L’odeur de la mer et le bruit des mouettes lui rappelaient le QG d’Eel qui s’élevait majestueusement à flanc de falaise. Une grande esplanade au pied du grand beffroi qui permettait d’admirer l’étendue infinie de la mer d’Eel. Le port d’Eel s’étendait au pied des falaises, et, par temps clair, on pouvait apercevoir l’île pénitentiaire des Vouivres. La gardienne avait le mal du pays, mais l’idée qu’elle allait bientôt pouvoir rentrer chez elle l’avait ragaillardie.
— Ça te plaît ? demanda Lysandre, amusé par l'enthousiasme de la jeune femme.
— Oui, ça faisait longtemps que je ne m'étais pas sentie aussi bien.
— On a bien fait de venir ici alors, sourit-il.
Laissant Alice à sa contemplation, il s'était assis sur un banc pour griffonner quelques mots sur son carnet. Ses sentiments naissants avaient stimulé son inspiration. Il avait besoin de les coucher sur le papier et de leur donner corps à travers la musique. Alors qu'Alice fixait l'horizon, c'était elle que Lysandre dévorait des yeux. Elle était si belle avec ses cheveux blancs balayés par le vent, son sourire confiant, sa peau diaphane et ses yeux gris qui reflétaient la beauté du ciel voilé. Il voulait capturer son essence dans chacun de ses mots, dans chacune de ses notes.
— Qu'est-ce que tu écris ? demanda-t-elle en se pendant par-dessus son épaule.
— Rien, fit Lysandre en refermant brusquement son carnet. Tu veux qu'on redescende ? Castiel doit s'impatienter.
L'attitude du faelien avait piqué la curiosité de Rena, mais elle ne souhaitait pas se montrer inutilement intrusive.
— Encore cinq minutes. Je veux me souvenir de cet endroit.
— Tu veux que je te prenne en photo ?
Rena hocha la tête. Elle n'aurait probablement pas l'occasion de la regarder quand elle serait à Eldarya, la technologie terrienne ne fonctionnant pas là-bas, mais elle voulait tout de même immortaliser ce moment.
— Voilà, fit-il en lui montrant le résultat. Ça te va ou tu veux que j'en prenne une autre ?
— C'est parfait, merci.
— J'espère que tu retrouveras vite la mémoire, pour que je puisse te l'envoyer.
— J'y travaille, mais c'est encore assez confus. Parfois, je retrouve des sensations ou des impressions qui me semblent familières. Marcher sur la plage, profiter de l'air de la mer, j'ai le sentiment d'avoir déjà fait quelque chose comme ça, mais je ne sais plus où ni quand ni avec qui.
— Finalement, c'était une bonne idée de venir ici. On devrait sortir plus souvent et diversifier les activités pour stimuler ta mémoire.
Lysandre lui offrit un sourire encourageant qu'elle lui rendit timidement, malgré la culpabilité qui lui broyait le cœur. Plus le temps passait, plus elle répugnait à le manipuler de la sorte. Il fallait qu'elle le ramène à Eldarya avant d'en faire un cas de conscience.
***
— Alors ? C'était comment là-haut ? lança Castiel qui sirotait un expresso à la terrasse du café.
— Il y avait un peu de vent, mais c'était bien, répondit Rena.
— Rosalya n'est pas revenue ? voulut savoir Lysandre.
— Non, elle ne t'a pas envoyé de message ?
— Je n'ai pas regardé. Ah, si. Elle a dit qu'elle allait faire du shopping pour se calmer et qu'elle nous retrouverait plus tard.
— Demande-lui si elle veut déjeuner avec nous ou pas. Si on décide de manger sans elle, elle va encore nous péter une durite.
Alors que Lysandre tapait son message, Rena, assise à côté de Castiel, jetait des coups d'œil furtif autour d'elle. Elle se savait épiée par l'Alliance. Elle avait aperçu le tengu planer près du phare, mais il gardait ses distances et se contentait de la suivre de loin. Il devait avoir un ou plusieurs partenaires prêts à intervenir en cas de mouvement suspect de la part de la yôkai, mais ils se faisaient discrets. De ce fait, tout le monde lui paraissait suspect.
— Où sont les toilettes ?
— À l'intérieur, derrière le comptoir, lui indiqua Castiel. C'est écrit, tu devrais trouver sans trop de mal.
La gardienne poussa la porte du café, ses yeux balayant rapidement la salle remplie de clients ordinaires qui refaisaient le monde ou discutaient de la pluie et du beau temps autour d'une boisson chaude. Un homme, assis seul à une table, la salua d'un discret signe de main. Il avait pris une apparence plus humaine, sa queue et ses oreilles de renard avaient disparu, et une perruque noire recouvrait ses cheveux argentés, mais le sourire charmeur qu'il lui adressa ne laissait pas de doute quant à son identité.
— Que penses-tu de mon déguisement ? demanda-t-il lorsque la yôkai s'arrêta à sa hauteur.
— Kentin n'est pas avec toi ?
Kyô désigna la terrasse du menton.
— Il est parti saluer tes amis – qui sont aussi les siens, d'ailleurs. Il en avait marre de vous filer en douce, donc il a décidé de prendre les devants avant qu'on le reconnaisse. Ça avance la quête des souvenirs perdus ?
— On peut dire ça.
— Ce serait bien si ça pouvait te revenir rapidement, parce que c'est bien fastidieux de vous suivre nuit et jour.
— Armin m'a donné une semaine, je compte prendre mon temps.
— Tu n'es pas si gentille que ça, finalement, soupira le kitsune. À moins que tu aimes me voir souffrir ?
— Qui sait ? C'est peut-être l'un de mes passe-temps de faire souffrir les gens.
— Si c'est toi, je suis prêt à subir mille tourments, répliqua Kyô en dévoilant ses canines blanches.
Rena secoua la tête, dépitée par la lourdeur du kitsune. Même Nevra savait se montrer plus subtil que cela. Elle ne voulait pas s'attarder plus longtemps, elle s'empressa donc de prendre congé avant qu'il ne lui fasse de nouvelles propositions indécentes. Après un bref passage aux toilettes, l'envie étant aussi réelle que pressante, elle retourna sur la terrasse où on lui présenta Kentin, qu'elle fit mine de rencontrer pour la première fois. Il avait échangé quelques mots avec Castiel et Lysandre, puis il était parti rejoindre son « ami » qui l'attendait à l'intérieur.
— Ça faisait longtemps qu'on ne l'avait pas vu, commenta Castiel. C'est marrant de le croiser ici alors qu'on ne se voit quasi jamais quand on est en ville.
— Le monde est petit, répliqua Rena avec un sourire malicieux.
***
Midi approchait. Ils s'étaient donc rendus dans une brasserie où les avait rejoints Rosalya. La colère avait laissé place à une expression de ravissement et d'excitation lorsqu'elle leur annonça qu'elle venait de rencontrer la maison de ses rêves.
— Dès que je l'ai vue, j'ai su que c'était là que je voulais vivre ! Il y a pas mal de travaux à faire, mais elle est absolument parfaite !
— Elle est à vendre, au moins ? demanda Castiel qui savait que son amie mettait trop souvent la charrue avant les bœufs.
— Bien sûr qu'elle est à vendre ! Sinon je serais actuellement en train de pleurer, pas de m'extasier. Il faut que j'en parle à Leigh. Avec ses économies et les miennes, on devrait pouvoir obtenir un prêt sans trop de difficulté.
— Et t'en fais quoi du magasin de Leigh ? Limehouse, c'est pas la porte à côté non plus. Puis c'est un peu paumé comme coin. T'es sûre que tu vas trouver du boulot dans le coin ?
— Les gens ont toujours besoin d'un bon psy. Puis j'ai toujours préféré les petites villes aux grosses métropoles. On sera très bien ici. Je pourrais ouvrir un petit cabinet à mon compte avec vue sur la mer et Leigh pourrait faire de la vente en ligne.
— Je vois que tu as pensé à tout, sourit Lysandre, amusé par l'engouement de sa belle-sœur. Ce doit être une maison vraiment exceptionnelle. Il faudra que tu y réfléchisses avec Leigh, mais si le projet vous plaît à tous les deux, vous devriez vous lancer.
— C'est étonnant venant de toi qui est toujours si prudent, répliqua Rosalya en le dévisageant avec surprise.
— Ce n'est pas de moi qu'il s'agit. Puis parfois, il vaut mieux suivre son cœur si on ne veut pas le regretter plus tard. Cette maison ne restera pas en vente éternellement.
— Tu as absolument raison ! D'ailleurs, il faut absolument que vous la voyiez avant qu'on parte.
Chose dite, chose faite. Après le déjeuner, Rosalya les avait joyeusement guidés jusqu'à la future maison de ses rêves.
— C'est... fit Castiel en contemplant la bâtisse, l'air dubitatif.
— Je vous avais dit qu'il y avait beaucoup de travaux, faut juste se projeter un peu.
C'était un euphémisme. La maison était en ruine, une partie de sa toiture effondrée à la suite d'un incendie. On pouvait deviner un reste de peinture bleue sur les volets en bois, rongés par les embruns. Un vieux portail rouillé, qui ne tenait plus qu'à une charnière, grinçait sous la brise marine. Le jardin aussi avait triste mine, il étouffait sous les mauvaises herbes et le sable qui s'était accumulé dans la cour. L'endroit était tout bonnement sinistre.
— Tu es sûre de vouloir acheter cette maison ? demanda Lysandre en jetant un coup d'œil méfiant en direction de la maison. Je ne sais pas, je ne l'aime pas vraiment. Elle me fait froid dans le dos.
— Ouais, y a un truc pas net avec cette baraque, renchérit Castiel. Y a clairement un drame qui s'est déroulé là. Pas que je suis superstitieux ou quoi, mais bon, vivre dans la maison d'un macchabée, c'est pas le pied.
Rosalya se renfrogna légèrement.
— Justement... Ce n'est pas n'importe quelle maison. J'ai même envie de dire que c'est un signe du destin. J'ai trouvé ça sur la boîte aux lettres, c'est là que j'ai su que c'était cette maison et pas une autre que je voulais.
La jeune femme sortit une étiquette de sa poche. Le vieux papier jauni laissait deviner un nom à moitié effacé : Lillian et Aydan Remington.
— C'est le nom de tes parents, n'est-ce pas ? Ce devait être leur maison avant qu'ils... enfin, tu vois.
Lysandre ne dit rien. Il n'avait rien à dire. On lui avait appris que ses parents étaient décédés peu de temps après sa naissance, mais il ignorait tout des circonstances de leur mort et il ne se souvenait de rien. Son frère, plus âgé que lui de cinq ans, ne se souvenait de rien non plus. Jusqu'à aujourd'hui, il ignorait même qu'ils avaient vécu ici, dans cette maison, à Limehouse. Aussi loin que remontaient ses souvenirs, il avait toujours vécu avec ses grands-parents maternels, d’abord dans une petite ville rurale en périphérie de la ville, puis à la capitale lorsqu’ils avaient déménagé pour qu’il entre au collège. Tout ce qu'il possédait de ses parents, c'était une vieille photo de mariage. Ses grands-parents maternels n'en parlaient jamais et il n'avait jamais cherché à les questionner.
— Rosalya, c'est un peu... Je ne crois pas que Leigh serait enchanté à l'idée de vivre dans la maison de nos défunts parents.
— Tu ne comprends pas ! C'est votre héritage, c'est la dernière chose qu'il vous reste de vos parents.
— Rosalya ! s'emporta Lysandre en haussant le ton. Arrête, s'il te plaît.
Une colère froide sourdait en lui. Les mains tremblantes, il luttait pour ne pas la secouer comme un prunier et lui hurler dessus à pleins poumons. Puis, tout à coup, la tempête qui se déchaînait en lui s'apaisa. Il remarqua alors que Rena l'avait pris par le bras et avait glissé sa main dans la sienne. Il la serra nerveusement, comme un marin en perdition accroché à sa bouée de sauvetage.
— Rosalya, dit-elle alors d'une voix douce et posée en se tournant vers la jeune femme. Je comprends ton point de vue, mais mets-toi un peu à la place de Lysandre. Parfois, le passé est trop douloureux pour qu'on veuille y retourner. Parfois, je me dis que c'est peut-être pour ça que j'ai perdu la mémoire. Peut-être que ce n'est pas que je ne peux pas me souvenir, mais que je ne veux pas, parce que c'est trop douloureux. Et ça me fait peur. J'ai peur de ce que renferment mes souvenirs perdus.
Rosalya baissa les yeux, honteuse.
— Tu as raison, je n'ai pas assez réfléchi à la question. C'est juste que Leigh et Lysandre ont perdu leurs parents si jeunes, et cette maison est tout ce qu'il reste de leur enfance. La famille est la chose la plus importante à mes yeux, ça me semblait normal de vouloir récupérer la maison familiale, mais c'était égoïste de ma part de penser que Lysandre serait du même avis.
— À ta place, j'éviterais d'en parler à Leigh, avertit Lysandre plus froidement qu'il ne l'aurait voulu. Il le prendrait sûrement encore plus mal que moi et ça risquerait de virer à la dispute. Mieux vaut oublier cette maison si tu tiens à ton couple.
Rosalya pinça les lèvres. Les paroles de Lysandre lui avaient fait l'effet d'un coup de poignard dans le cœur, mais elle ne voulait pas retourner le couteau dans la plaie. Elle avait conscience de lui avoir fait du mal malgré ses bonnes intentions, et c'était ce qui lui faisait le plus de peine.
— On ferait mieux de rentrer, non ? suggéra Castiel, à deux doigts de craquer sous cette ambiance pesante.
C'est donc sur une fin quelque peu morose qu'ils avaient repris la route de la capitale. Castiel avait déposé une Rosalya un peu fanée devant chez elle, la jeune femme n'ayant pas décroché un mot de tout le trajet. Elle se contenta d'un au revoir de la main un peu mollasson et s'éloigna en traînant les pieds jusque chez elle.
Rena s'inquiétait surtout pour Lysandre. Elle l'avait senti perdre le contrôle de ses émotions, mais ce n'était pas une colère ordinaire. C'était une aura psycho-magique puissante et légèrement instable. La yôkai connaissait bien ce sentiment où perdre le contrôle de ses émotions rimait avec perdre le contrôle de ses pouvoirs. Les souvenirs d'enfance, surtout les plus douloureux, étaient un des déclencheurs les plus communs. Même s'il ne se souvenait pas de ses parents, il devait avoir été marqué par leur disparition.
La solitude d'un enfant qui avait grandi sans parents, le poids de la différence et de l'indifférence des gens qui l'entouraient, les regards souvent curieux, parfois empreints de pitié, et les questions déplacées que suscitait l'absence de ses parents, tout cela était remonté d'un seul coup. Il en avait résulté une perturbation de l'équilibre entre son corps magique et son corps spirituel et, l'espace d'un instant, Rena avait ressenti le pouvoir qui sommeillait en lui. Elle ne savait pas s'il s'agissait de sa nature d'Immortel qui s'éveillait ou si c'était son Stigmate, mais quelque chose avait changé. Au fond d’elle, la gardienne songeait que ce n’était peut-être pas un hasard qu’ils aient découvert cette maison qui avait tant bouleversé Lysandre. Plus que jamais, elle sentait que l’Oracle guidait chacun de ses pas.
***
Rena avait pris sa décision. Elle n'avait pas de raison de rester plus longtemps sur Terre, il était temps de rentrer à Eldarya. Après une longue hésitation, elle s'était décidée à rédiger une lettre à l'attention de Castiel et Rosalya. Révéler son identité et ses intentions était risqué, mais puisqu'elle allait leur enlever Lysandre sans pouvoir leur garantir qu'il reviendrait un jour, c'était le moins qu'elle puisse faire. Elle était restée aussi vague que possible, pour préserver Eldarya d'une éventuelle menace terrienne. Elle doutait qu'ils puissent trouver leur chemin jusqu'au monde des faeries, mais on n'était jamais trop prudent.
La gardienne s'était donc contentée d'expliquer qu'elle venait d'un autre monde, et qu'elle avait été envoyée par les siens pour trouver l'Élu, un être exceptionnel capable de sauver son monde de la destruction, et que cet être était Lysandre. Elle s'excusait de leur avoir menti et de les avoir manipulés, mais surtout, elle était navrée de les priver d'un ami qui leur était si cher. La lettre scellée, elle la déposa sur son bureau, près de ses vêtements terriens soigneusement pliés.
— Je crois que je suis sur le point de retrouver mes souvenirs, annonça-t-elle peu de temps après à Lysandre qui lisait dans le salon. C'est encore flou, mais je le sens, c'est comme si je l'avais sur le bout de la langue. Je pense que ça pourrait me revenir si je reconstitue les événements de cette soirée.
— C'est pour ça que tu as remis les vêtements que tu portais ce jour-là ? demanda-t-il avec étonnement.
Rena hocha la tête.
— Tout a commencé au parc, la réponse doit se trouver quelque part là-bas.
Ce n'était pas ses souvenirs qu'elle espérait trouver là-bas, mais un moyen de retourner à Eldarya.
— Castiel est sorti, tu ne veux pas attendre qu'il rentre pour qu'on y aille tous les trois ?
La gardienne secoua la tête.
— Le plus tôt serait le mieux, j'ai peur de perdre le fil de mes souvenirs si on ne bat pas le fer tant qu'il est chaud.
— D'accord. Donne-moi deux minutes, je vais me préparer. J'avais justement envie de prendre l'air. J'ai besoin d'inspiration pour mes nouvelles compositions.
— Tu vas sortir comme ça ? s'étonna Rena en le voyant revenir quelques minutes plus tard, une housse de guitare à l'épaule.
— Je te l'ai dit, je veux profiter de l'air frais pour composer quelques morceaux et je travaille mieux quand je suis entouré des sons de la nature. Puis ce n'est pas plus bizarre que de sortir avec un katana à la ceinture.
Il marquait un point. Contrairement aux armes qui contribuaient à enlaidir le monde, il était vrai que la musique adoucissait les mœurs et, en règle générale, les bardes vivaient bien plus longtemps que les soldats, mais l'Oracle n'avait sans doute pas désigné Lysandre pour qu'il sauve Eldarya grâce à ses talents de musicien. Il n'était même pas certain qu'il ait le temps de s'adonner à sa passion une fois là-bas.
— Tu veux qu'on emporte de quoi manger sur place ? proposa le jeune homme, loin de se douter que ce serait son dernier repas sur Terre.
Rena, qui peinait à garder le sourire, hocha faiblement la tête. Elle ne pouvait rien refuser à un condamné qui s'apprêtait à monter sur l'échafaud. Elle pouvait bien retarder l'heure du départ et lui accorder un dernier repas en terres humaines.
Bon bah, désolé pour Lysandre qui se fait manipuler. Il pense sûrement avoir trouvé l'âme sœur, bientôt disponible. Il appréhendent sûrement le moment où elle retrouvera la mémoire. En vérité, il va juste se faire isekai de force mdr.
C'est ce qu'on appelle le calme avant la tempête... =')
L'étau se resserre ! Bon, je pense que Rena ne va pas rentrer à Eldarya de sitôt, mais elle mène Lysandre comme un bateau ! Pas très compliqué, vu son gros crush ahah
C'est aussi sympa de le voir devenir plus sérieux, plus froid. Il est pas si niais que ça, finalement ! Et son pouvoir est bien là, donc ça aussi, j'ai envie de le découvrir....
La même que toi et Castiel, j'aime l'air de la mer et le paysage, mais j'aime pas le sable ni me baigner.
C'est vrai que Lysandre peut sembler un peu niais, il est surtout très rêveur et un peu à côté de ses pompes, donc pas sûr de lui et très "passif", après ça se comprend, sa vie est manipulée depuis son enfance, c'est limite une marionnette, il n'a aucune idée de qui il est, donc il sent vraiment mené en bateau par tout le monde, c'est le cas de le dire.